samedi 26 novembre 2011

Jirô Taniguchi - Masayuki Kusumi - Le gourmet solitaire.


Le traducteur conseille : " faites yoyû " en lisant. De fait cette histoire pour solitaire amateur de dégustation silencieuse et aux papilles en alerte se lit au même rythme que certains romans de Duras, avec lenteur

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Jirô Taniguchi - Quartier lointain



400x564 - Quartier lointain 1.  Tome 1Voyage à l’envers. Rêve. Cauchemar. Réalité. Problème de résilience ? Peut-être. Et toujours les traits tout raides, tout droits, même plats du dessinateur. Troublant

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vendredi 25 novembre 2011

L'appartement de Kang Do-Young



AppartementA l'inverse de La bicyclette rouge dont je vous parle plus haut, L'appartement vous apporte stress, angoisse. Et pourtant, avare de texte, dessins simplifiés mais tout à fait expressifs nous enferment dans l'atmosphère des appartements des grands immeubles - barres de banlieue. Cette effroyable aventure aurait pu aussi bien être dépeinte dans le cadre de Paris, Londres, New-York ou autres mais c'est Séoul. Sanglant, angoissant, ajouter les problèmes de solitude, tout est bon dans cette manhwa aux couleurs gris, jaunes, rouges. " Ne me regardez pas dans les yeux " dit le héros, oui vraiment.

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La bicyclette rouge de Kim Dong - hwa.


 
En ces temps de stress, de course contre la montre plongez dans cette manhwa délicieuse. La campagne coréenne, est-ce réaliste peu importe l'auteur l'a vue ainsi, les dessins simples et doux, de jolies couleurs, et nous suivons la vie d'un couple de paysans éloignés de Séoul. Le facteur est là un lien précieux le amis sont des "potes " malgré leur âge. La culture du concombre, la jalousie drôlement amenée entre ces personnes âgées, et leur petite fille, adulte, venue en visite apporte la vie de la capitale. ( 3 volumes )

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AYA Conseillère culinaire, ISHIKAWA SABURÔ, scénario Aouchi Akio supervision Kobayakawa Yôsei


Cette jolie manga conte l'histoire tokyoïte de transmission du goût dans les familles de grands chefs, de repreneurs des restaurants. Aya, jolie calculatrice recherche les bons sentiments, les valeurs avec peut-être une arrière-pensée. Dessins propres aux mangas, mais les histoires assez fortes retiennent bien l'attention. Avec quelques recettes.

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mercredi 23 novembre 2011

Un loup à ma table Auguten Burrougs


Augusten Burroughs fils de la poétesse Margaret Robison se penche à nouveau sur son passé.

Un loup à ma tablePeu scolarisé, les crises de colère du père professeur de philosophie, obligeaient la mère à les éloigner de leur maison. Tout petit il essaie vainement d'attirer quelque marque de tendresse, repoussé violemment il se confectionne un papa à l'aide de vêtements bourrés de vêtements qui portent l'odeur paternelle.

L'adulte est à la recherche de chaque senteur, de goût, très sensible il détaille ses premiers pas de bébé, et revient à ce père assis à la table de la cuisine apparemment inactif, le regard fixé sur la télévision éteinte. Pourquoi ne répond-il pas à ses questions d'enfant ? Parce qu'il est occupé ne le voit-il pas.

Puis voici la réalité de l'homme souriant et affable hors du foyer, haineux, cruel avec le cochon d'inde, ses fils, sa femme. Atteint de psoriasis, sur le corps, les mains déformées, la bouche, les dents, pervers, psycopathe. La mère, fume, fume, tape à la machine des textes poétiques, se rend 4 fois par semaine chez son psychiatre à qui elle finira par confier Augusten. Habile, elle coud ses robes, dessine, peint.

Burrougs dépeint avec minutie les affres que vit le couple, joli enfant blond aux cheveux longs troublant.

Tout le livre est une interrogation, son père pourrait-il tuer, et lui possède-t-il les gênes qui le pousseraient à assassiner cet homme destructeur ? Il aime désespérément un homme qu'il voudrait tuer ou appeler papa sans crainte. Après Déboire et Courir avec les oiseaux cruel parcours d'un homme qui a malgré tout une réussite professionnelle.

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mardi 22 novembre 2011

Paradise Kiss ( 1er vol.) de Aï Yazawa


Voici une jolie manga pour jeunes teenagers peu attirés par certains sujets assez brutaux de cette collection. Dessins ravissants, des personnages troubles. Etudiants à l'université, d'autres déjà prêts à entrer dans le milieu de la mode. 

Les scènes se passent dans le quartier Shibuya mais pourquoi pas à Londres. Aï (Amour) mangaka très douée nous offre là une histoire simple ( 4 volumes suivent ) de gracieux dessins, une shöjo manga.

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dimanche 20 novembre 2011

Bienvenue dans le Marais de Hugues Barthe


Bande dessinée pour Adultes - Si vous avez aimé "le petit Lulu" vous retrouverez la même simplicité dans ce dernier opus: cases peu chargées, dessin simplissime, sujet et images ne sont donc pas indigestes. Les personnages, notamment Hugo admis aux Arts Déco qui quitte St Romain le Duc se rend à Paris où il est hébergé par son cousin Manu, vivent plaisamment leurs vies de garçons. Entraîné par son cousin, Hugo découvre le Marais, quartier chic devenu repaire des homosexuels. Loin d'afficher la même liberté que Manu pour entrer en contact avec l'un ou l'autre des garçons Hugo se défie puis se défoule. Découverte des bars, saunas et autres backrooms. Son goût pour l'homme à petit bedon étonne. L'inquiétante maladie est effleurée. Mais tous veulent retrouver la nature, et en définitive vivre entourés de poules, de dindons.

"Bienvenue n'est pas la 1è bande dessinée de Barthe sur le sujet. Son style et son dessin bien personnels, affirmés, cette BD est réussie.

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Une sacrée mamie


Saburo Ishikawa ( Japon manga ) 

L'autobiographie de Yoshichi Shimada a trouvé son public, le manga mis en dessin par Saburo Ishikawa renouvelle le livre et trouve un public sous le charme d'un petit garçon et de sa délicieuse grand'mère.

Une jubilation, pourtant : Tokunaga habite Hiroshima avec sa mère et son frère. Son père est mort des suites nucléaires qui ont touchées la ville. Le travail et les charges trop lourdes obligent la maman à se séparer de l'un des deux enfants. Ce sera le cadet. Direction Saga, la maison la plus petite et la plus pauvre du village. Voir les dessins. Pleurs, tristesse des premiers moments mais, les copains, le maître d'école les jeux, Tokunaga s'habitue vite à la philosophie souriante d'une sacrée mamie. Si les dieux ont leur place, il arrive que le garde-manger soit complètement vide. Surtout en hiver lorsque la rivière est gelée car le garde-manger se trouve être la rivière. Un peu en amont les marchands jettent à l'eau les légumes tâchés, cabossés, biscornus. Il y en a parfois en abondance. Et alors délices, radis au vinaigre ou jours exceptionnels du riz à l'oeuf. La poule refuse de pondre bon ce sera du riz à l'oeuf sans oeuf.
Vie rurale. Vie et moeurs du Japon et d'ailleurs. Les 10 volumes se lisent avec un grand plaisir, comme parfois lorsque les auteurs content une vie quotidienne vécue au plus près.

Pour tous dès sept ans et sans limite d'âge.

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Gainsbourg Hors Champ de Joann Sfar


(roman-conte dessiné France)
Ce grand et fort volume peut se feuilleter comme le story-board du film que l'auteur du Chat du Rabbin a réalisé. A chacun son rêve : l'époque, les chansons, les humeurs, les musiques de Gainsbourg. A partir des dessins, aquarelles, feutres, encre de chine, des conversations de Serge perplexe avec le rat, la Gueule qui le suit, le poursuit, son fantôme. Gainsbourg, Vie Héroïque, qui enfant alors que les rafles des années 40 décimaient la population juive prit l'étoile jaune " - Tu es pressé de la porter ton étoile ? - Ce n'est pas mon étoile, c'est la vôtre "
Le père est pianiste, l'argent manque souvent à la maison. Serge aime la  peinture mais c'est en musique, en chansons qu'il poursuivra une vie accompagnée de jolies femmes, de Bardot à Birkin, d'alcool et de cigarettes. Papa de Charlotte et de Lucien ( le vrai prénom de Serge ), il pleure, il aime.

Le texte, les dessins décrivent les hésitations, les reculs avant les prises de vue
et aussi l'admiration d'un créateur pour un autre et qui ont les mêmes affinités, origines, slaves, juives et un père musicien. Besoin d'amour ?

Sfar perdit sa mère très jeune, Gainsbourg fut le fils chargé des tendresses de ses parents. Gainsbourg citoyen tapageur réécrit la Marseillaise sur un rythmes reggaë. Alcool et cigarettes ont eu raison du foie du poinçonneur des lilas.

Un volume épais où chaque planche nous ramène à nos souvenirs.

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"La Ficelle" de Guy de Maupassant

Conte. 1è parution dans Gil Blas le 25 nov. 1883 puis dans le recueil  " Miss Harriet " en 1884.
Maupassant né en Seine Maritime élevé ainsi que son frère à Etretat par sa mère après la séparation de ses parents dépeint ici le monde rural qu'il connait.

     Sur toutes les routes autour de Goderville, les paysans et leurs femmes s'en venaient vers le bourg ; car c'était le jour de marché. Les mâles allaient, à pas tranquilles, tout le corps en avant à chaque mouvement de leurs longues jambes torses, déformées par les rudes travaux, par la pesée sur  la charrue qui fait en même temps monter l'épaule gauche et dévier la taille, par le fauchage des blés qui fait écarter les genoux pour prendre un aplomb solide, par toutes les besognes lentes et pénibles de la campagne. Leur blouse bleue, empesée, brillante, comme vernie, ornée au col et aux poignées  d'un petit dessin de fil blanc, gonflée autour de leur torse osseux, semblait un ballon prêt à s'envoler, d'où sortaient une tête, deux bras et deux pied.
    Les uns tiraient au bout d'une corde une vache, un veau. Et leurs femmes, derrière l'animal, lui fouettaient les reins d'une branche encore garnie de feuilles, pour hâter sa marche. Elles portaient au bras de larges paniers d'où sortaient des têtes de poulets par-ci, des têtes de canards par-là. Et elles marchaient d'un pas plus court et plus vif que leurs hommes, la taille sèche, droite et drapée dans un petit châle étriqué, épinglé sur leur poitrine plate, la tête enveloppée d'un linge blanc collé sur les cheveux et surmonté d'un bonnet.
    Puis, un char à bancs passait, au trot saccadé d'un bidet, secouant étrangement deux hommes assis côte à côte et une femme dans le fond du véhicule, dont elle tenait le bord pour atténuer les durs cahots.
    Sur la place de Goderville, c'était une foule, une cohue d'humains et de bêtes mélangés. Les cornes de boeufs, les hauts chapeaux à longs poils des paysans riches et les coiffes des paysannes émergeaient à la surface de l'assemblée. Et les voix criardes, aigues, glapissantes, formaient une clameur continue et sauvage que dominait parfois un grand éclat poussé par la robuste poitrine d'un campagnard en gaieté, ou le long meuglement d'une vache attachée au mur d'une maison.
    Tout cela sentait l'étable, le lait lait et le fumier, le foin et la sueur, dégageait cette saveur aigre, affreuse, humaine et bestiale, particulière aux gens des champs.

    Maître Hauchecorne, de Bréauté, venait d'arriver à Goderville, et il se dirigeait vers la place, quand il aperçut par terre un petit bout de ficelle. Maître Hauchecorne, économe en vrai normand, pensa que tout était bon à ramasser qui peut servir ; et il se baissa péniblement, car il souffrait de rhumatismes. Il prit, par terre, le morceau de corde mince, et il se disposait à le rouler avec soin, quand il remarqua, sur le seuil de sa porte, maître Malandain, le bourrelier, qui le regardait. Ils avaient eu des affaires ensemble au sujet d'un licol, autrefois, et ils étaient restaient fâchés, étant rancuniers tous deux. Maître Hauchecorne fut pris d 'une sorte de honte d'être vu ainsi, par son ennemi, cherchant dans la crotte un bout de ficelle. Il cacha brusquement sa trouvaille sous sa blouse, puis dans la poche de sa culotte ; puis il fit semblant de chercher encore par terre quelque chose qu'il ne trouvait point, et il s'en alla vers le marché, la tête en avant, courbé en deux par ses douleurs.
    Il se perdit aussitôt dans la foule criarde et lente, agitée par les interminables marchandages. Les paysans tâtaient les vaches, s'en allaient, revenaient, perplexes, toujours dans la crainte d'être mis dedans, n'osant jamais se décider, épiant l'oeil du vendeur, cherchant sans fin à découvrir la ruse de l'homme et le défaut de la bête.
    Les femmes, ayant posé à leurs pieds leurs grands paniers, en avaient tiré leurs volailles qui gisaient par terre, liées par les pattes, l'oeil effaré, la crête écarlate.
    Elles écoutaient les propositions, maintenaient leurs prix, l'air sec, le visage impassible, ou bien tout à coup, se décidant au rabais proposé, criaient au client qui s'éloignait lentement :
    - C'est dit, maît' Anthime. J'vous l'donne.
    Puis, peu à peu, la place se dépeupla, et l'Angélus sonnant midi, ceux qui demeuraient trop loin se répandirent dans les auberges.
    Chez Jourdain, la grande salle était pleine de mangeurs, comme la vaste cour était pleine de véhicules de toute race, charrettes, cabriolets, chars à bancs, tilburys, carrioles innommables, jaunes de crotte, déformées, rapiécées, levant au ciel, comme deux bras, leurs brancards, ou bien le nez par terre et le derrière en l'air.
    Tout contre les dîneurs attablés, l'immense cheminée, pleine de flamme claire, jetait une chaleur vive dans le dos de la rangée de droite. Trois broches tournaient, chargées de poulets, de pigeons et de gigots ; et une délectable odeur de viande rôtie et de jus ruisselant sur la peau rissolée, s'envolait de l'âtre, allumait les gaietés, mouillait les bouches.
    Toute l'aristocratie de la charue mangeait là, chez maît' Jourdain aubergiste et maquignon, un malin qui avait des écus.
    Les plats passaient, se vidaient comme les brocs de cidre jaune. Chacun racontait ses affaires, ses achats et ses ventes. On prenait des nouvelles des récoltes. Le temps était bon pour les verts, mais un peu mucre pour les blés.
    Tout à coup, le tambour roula, dans la cour, devant la maison. Tout le monde aussitôt fut debout, sauf quelques indifférents, et on courut à la porte, aux fenêtres, la bouche encore pleine et la serviette à la main.
    Après qu'il eut terminé son roulement, le crieur public lança d'une voix saccadée, scandant ses phrases à contretemps :
    - Il est fait assavoir aux habitants de Godervlle, et en général à toutes - les personnes présentes au marché qu'il a été perdu ce matin, sur la route de Beuzeville, entre - neuf heures et dix heures, un portefeuille en cuir noir, contenant cinq cents francs et des papiers d'affaires. On est prié de le rapporter - à la mairie incontinent, ou chez maître Fortuné Houlebrèque, de Mannerville. Il y aura vingt francs de récompense.
    Puis l'homme s'en alla. On entendit encore une fois au loin les battements sourds de l'instrument et la voix affaiblie du crieur.
    Alors on se mit à parler de cet évènement en énumérant les chances qu'avait maître Houlbrèque de retrouver ou de ne pas retrouver son portefeuille.
    Et le repas s'acheva.
    On finissait le café, quand le brigadier de gendarmerie parut sur le seuil.
    Il demanda
 - Maître Hauchecorne, de Bréauté, est-il ici ?
Maître Hauchecorne, assis à l'autre bout de la table, répondit :
- Me v'là.
    Et le brigadier reprit :
    - Maître Hauchecorne, voulez-vous avoir la complaisance de m'accompagner à la mairie. M. le maire voudrait vous parler.
    Le paysan surpris, inquiet, avala d'un coup son petit verre, se leva et, plus courbé encore que le matin, car les premiers pas après chaque repos étaient particulièrement difficiles, et il se mit en route en répétant :
    - Me v'là, me v'là.
 Et il suivit le brigadier.
    Le maire l'attendait, assis dans un fauteuil. C'était le notaire de l'endroit, homme gros, grave, à phrases pompeuses.   
    - Maître Hauchecorne, dit-il, on vous a vu ce matin ramasser, sur la route de Beuzeville, le portefeuille perdu par maître Houlbrèque, de Manneville.
    Le campagnard, interdit, regardait le maire, apeuré déjà par ce soupçon qui pesait sur lui, sans qu'il comprit pourquoi.
    - Mé, mé, j'ai ramassé çu portefeuille ?
    - Oui, vous-même.
    - Parole d'honneur, je n'en ai point eu connaissance.
    - On vous a vu.
    - On m'a vu, mé ? Qui ça qui m'a vu ?
    - M. Malandain, le bourrelier.
    Alors le vieux se rappela, comprit et, rougissant de colère :
    - Ah ! I m'a vu, çu manan ! Im'a vu ramasser c'te ficelle-là, tenez, m'sieur le maire.
    Et, fouillant au fonde de sa poche, il en retira le petit bout de corde.
    Mais le maire, incrédule, remuait la tête.
    - Vous ne me ferez pas accroire, maître Hauchecorne que M. Malandain, qui est un homme digne de foi, a pris ce fil pour un portefeuille.
    Le paysan, furieux, leva la main, cracha de côté pour attester son honneur, répétant :
    - C'est pourtant la vérité du bon Dieu, la sainte vérité, m'sieur le maire. Là, sur mon âme et mon salut, j'le répète.
    Le maire reprit :
    Après avoir ramassé l'objet, vous avez même encore chercher longtemps dans la boue, si quelque pièce de monnaie ne s'en était pas échappée.
    Le bonhomme suffoquait d'indignation et de peur.
    - Si on peut dire !... Si on peut dire... des menteries comme ça pour dénaturer un honnête homme ! Si on peut dire !...
    Il eut beau protester, on ne le crut pas.
    Il fut confronté avec M. Malandain, qui répéta et soutint son affirmation. Ils s'injurièrent une heure durant.
    On fouilla, sur sa demande, maître Hauchecorne. On ne trouva rien sur lui.
    Enfin, le maire, fort perplexe, le renvoya en le prévenant qu'il allait aviser le parquet et demander des ordres.

    La nouvelle s'était répandue. A sa sortie de la mairie, le vieux fut entouré, interrogé avec une curiosité sérieuse ou goguenarde, mais où n'entrait aucune indignation.
    Et il se mit à raconter l'histoire de la ficelle. On ne le crut pas. On riait.
    Il allait, arrêté par tous, arrêtant ses connaissances, recommençant sans fin son récit et ses protestations, montrant ses poches retournées, pour prouver qu'il n'avait rien.
    On lui disait :
    - Vieux malin, va !
    Et il se fâchait, s'exaspérant, enfiévré, désolé de n'être pas cru, ne sachant que faire, et contant toujours son histoire.
    La nuit vint. Il fallait partir. Il se mit en route avec trois voisins à qui il montra la place où il avait ramassé le bout de corde ; et tout le long du chemin il parla de son aventure.
    Le soir, il fit une tournée dans le village de Bréauté, afin de la dire à tout le monde. Il ne rencontra que des incrédules.
    Il en fut malade toute la nuit.
    Le lendemain, vers une heure de l'après-midi, Marius Paumelle, valet de ferme de maître Breton, cultivateur à Ymauville, rendait le portefeuille et son contenu à maître Houlbrèque, de Manneville.
    Cet homme prétendait avoir, en effet, trouvé l'objet sur la route ; mais, ne sachant pas lire, il l'avait rapporté à la maison et donné à son patron.
    La nouvelle se répandit aux environs. Maître Hauchecorne en fut informé. Il se mit aussitôt en tournée et commença à narrer son histoire complète du dénouement. Il triomphait.
    - C'qui m'faisait deuil, disait-il, c'est point tant la chose, comprenez-vous ; mais c'est la menterie. Y a rien qui vous nuit comme d'être en réprobation pour une menterie.
    Tout le jour il parlait de son aventure, il la contait sur les routes aux gens qui passaient, au cabaret aux gens qui buvaient, à la sortie de l'église le dimanche suivant. Il arrêtait des inconnus pour la leur dire. Maintenant, il était tranquille, et pourtant quelque chose le gênait sans qu'il sût au juste ce que c'était. On avait l'air de plaisanter en l'écoutant. On ne paraissait pas convaincu. Il lui semblait sentir des propos derrière son dos.

    Le mardi de l'autre semaine, il se rendit au marché de Goderville, uniquement poussé par le besoin de raconter son cas.
    Malandain, debout sur sa porte, se mit à rire en le voyant passer. Pourquoi ?
    Il aborda un fermier de Cliquetot, qui ne le laissa pas achever et, lui jetant une tape dans le creux de son ventre, lui cria par la figure ; " Gros malin, va ! " Puis il tourna les talons.
    Maître Hauchecorne demeura interdit et de plus en plus inquiet. Pourquoi l'avait-on appelé "gros malin" ?
    Quand il fut assis à table, dans l'auberge de Jourdain, il se remit à expliquer l'affaire.
    Un maquignon de Montivilliers lui cria :
    - Allons, allons, vieille pratique, je la connais ta ficelle !
    Hauchecorne balbutia :
    - Puisqu'on l'a retrouvé,çu portefeuille !
    Mais l'autre reprit :
    - Tais-té, mon pé, y en a un qui trouve et y en a un qui r'porte. Ni vu ni connu, je t'embrouille.
    Le paysan resta suffoqué. Il comprenait enfin. On l'accusait d'avoir fait reporter le portefeuille par un compère, par un complice.
    Il voulut protester. Toute la table se mit à rire.
    Il ne put achever son dîner et s'en alla, au milieu des moqueries.
    Il rentra chez lui, honteux et indigné, étranglé par la colère, par la confusion, d'autant plus atterré qu'il était capable, avec sa finauderie de Normand, de faire ce dont on l'accusait, et même de s'en vanter comme d'un bon tour. Son innocence lui apparaissait confusément comme impossible à prouver, sa malice étant connue. Et il se sentait frappé au coeur par l'injustice du soupçon.
    Alors il recommença à conter l'aventure, en allongeant chaque jour son récit, ajoutant chaque fois des raisons nouvelles, des protestations plus énergiques, des serments plus solennels qu'il imaginait, qu'il préparait dans ses heures de solitude, l'esprit uniquement occupé de l'histoire de la ficelle. On le croyait d'autant moins que sa défense était plus compliquée et son argumentation plus subtile.
    - Ca, c'est des raisons d'menteux, disait-on derrière son dos.
    Il le sentait, se rongeant les sangs, s'épuisait en efforts inutiles.
    Il dépérissait à vue d'oeil.
    Les plaisants maintenant lui faisaient conter " la Ficelle " pour s'amuser, comme on fait conter sa bataille au soldat qui a fait campagne. Son esprit, atteint à fond, s'affaiblissait.
    Vers la fin de décembre, il s'alita.
    Il mourut dans les premiers jours de janvier, et, dans le délire de l'agonie, il attestait son innocence, répétant :
    - Une 'tite ficelle... une 'tite ficelle... t'nez, là voilà, m'sieur le maire.

lundi 14 novembre 2011

William Faulkner de Michel Mohrt pour le texte et l'iconographie ( Album Pléiade Gallimard France )


Falkner William devenu *Faulkner* nait un 25 septembre 1897 aux Etats-Unis dans le Deep South qu'il dépeindra dans tous ses livres et où il vivra et mourra. Le Mississipi est le décor des Sartoris et autres Lumière d'août.

Aîné des trois frères, il passera à 20 ans pour le bon à rien de la famille. Poète il écrit des textes, accumule les petits jobs, déçu de ne mesurer que 1m68, "... il regrettera toute sa vie de n'être pas aussi grand que son aïeul... " le Colonel aux multiples activités et auteur d'un roman. L'homme au sourire rare, bouche close, lèvres serrées surmonte des déceptions amoureuses, mais rêve de piloter un avion. Lors de la 1ère guerre mondiale et par un subterfuge, éloigné de Jackson il racontera avoir été abattu avec son engin et blessé, stick à l'appui. Son mensonge fut si bien accepté qu'il lui fallut beaucoup d'énergie pour effacer cet épisode d'une biographie qui lui était consacrée.

Premiers textes parus dans la presse, premiers livres. Faulkner part à Hollywood, une prison, où il écrit des scénarios, des dialogues parfois repris pour des films moyens et mal rémunérés. Toujours imaginatif il invente le Yoknapatawpha au Sud et la Tallahatchie, copies collées des comtés de Lafayette d'Oxford, du Mississipi. Des cartes et les lieux où vivent les familles, nombreuses photos d'Oxford, de la cueillette du coton, des habitants des années 20-40. Puis le succès arrive, devant ses textes rassemblés il s'étonne de la plénitude de l'oeuvre accomplie.

En 1950 il reçoit le prix Nobel et se rend avec sa fille unique en Suède. Il voyage. Salué en France par Malraux, Sartre, Camus qui fit l'adaptation et mit en scène Requiem pour une nonne, Gaston Gallimard son éditeur. De passage à Oxford, (EU) il donne des conférences dans les Universités.

Ethylique depuis son jeune âge, victime de malaises il meurt d'une thrombose coronaire en juillet 1962, reconnu comme l'un des plus grands écrivains américains qui a dépeint la société qu'il connaissait le mieux, le sud profond, comme le fit Balzac qu'il avait lu, avec la Comédie humaine.

Plus de 300 photos dans ce passionnant ouvrage.
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dimanche 13 novembre 2011

La Confession John Grisham


(Roman Thriller USA) - Un lundi 5 novembre Keith Schroeder pasteur luthérien à Topéka Kansas reçoit à l'église St Mark la visite de Travis Boyette. La semaine sera rude pour l'ecclésiastique et sa famille. L'homme visiblement très affaibli souhaite se confesser du meurtre de Nicole jeune étudiante et pom-pom girl à Slone petite ville pas très éloignée de Dallas au Texas et perpétré neuf ans plus tôt.

Le corps jamais retrouvé n'empêcha pas les policiers, juges, procureur et autres membres d'un jury blanc de condamner à mort Donté Drumm membre de l'équipe de football de l'université. Son avocat très attaché à sa cause, sûr de son innocence tant l'enquête est incohérente, se bat farouchement pour ce cas désespéré. Le jeudi 8 novembre Donté Dumm sera exécuté à 18 heures précises à la prison de Huntsville.

L'avocat acceptera-t-il de rencontrer Boyette accompagné du pasteur qui, lui, serait en effraction, légère sans doute avec son ministère, 800 kilomètres séparent le Kansas du Texas. Il faut traverser l'Oklahoma, et Boyette est en liberté conditionnelle, condamné dans plusieurs états pour agressions sexuelles. A Slone " Il restait peu de travail juridique à faire... "

Travis parait profondément atteint, en phase terminale dit-il, d'une tumeur au cerveau qu'il décrit grosse comme un oeuf. Mais l'équipe de Robbie Flak sait que "... plus le dossier est vide, plus il faut brailler... " Le pasteur interroge Robbie l'avocat " Comment condamne-t-on un homme pour meurtre quand il n'y a pas de cadavre ? " L'auteur né et élevé dans le Mississipi décrit la société, des blancs, des noirs, des croyants des diverses églises, baptiste, luthérienne, de la rage de la jeune population. Des flash backs nous reportent aux différents stades de la procédure, aux discussions qui mènent à des accusations sans preuve pour se débarasser d'un procès encombrant.

Le Texas est toujours favorable à la peine de mort. La politique et la justice sont toujours étroitement liées. Le roman lent dans la 1ère partie ne se lâche plus à partir du moment où commencent les recherches du corps dans le Missouri. Livre pour tout public.

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Underground Julian Assange Suellette Dreyfus


(Australie Document) - En 1997 Swellette Dreyfus journaliste croise la route de Julian Assange à Melbourne. Ce dernier a 22 ans et déjà une vie derrière lui. Enfant de parents séparés, inscrits dans de multiples écoles, à 16 ans jeune mari d'une jeune fille également surdouée, père divorcé 5 ans plus tard, arrêté, inculpé, relâché avec mise à l'épreuve il raconte dans un livre écrit avec la journaliste et paru sans succès il y a une quinzaine d'années et réactualisé aujourd'hui la vie des trois premiers hackers, jeunes adolescents asociaux australiens, géniaux informaticiens de 14 à 19 ans.

Wikileaks va prendre naissance et le livre raconte " ... cette fascinante contre-culture du hacking... revendications identitaires, candeur anarchiste et maîtrise redoutable et redoutée des outils..."

Dans les années 80 les connexions téléphoniques étaient très longues et onéreuses, les jeunes gens réussirent à capter les lignes téléphoniques d'inconnus, puis ils entrèrent dans les comptes de la Nasa, de banques et tirèrent quelque argent à partir de cartes bleues piratées appartenant à des clients suffisamment riches pour ne pas être embarrassés, ils visitent des universités. Amitiés virtuelles internationales, du Texas au Canada à la Suisse, ils n'éprouvent qu'une immense curiosité drogués par leur facilité à entrer toujours plus avant dans des univers dangereux. Dotés de surnom Mandax (serait Julian Assange), Pad, Anthrax, Electron. Ce dernier arrêté "... le juge lui accorde la liberté sous caution. Consigné à la maison... accepter qu'il doit définitivement abandonner le hacking... il tombe dans la drogue." Prime Suspect rare utilisateur de drogues par manque de temps "... a eu son lot de problèmes... Danser sur de la musique techno lui fait du bien... la techno est un nihilisme musical... rapide, répétitive avec des rythmes informatiques... "

Si le ver nommé Wake est dépassé "... Ver d'attaque extrêmement sophistiqué, Stuxnet... est programmé pour surveiller, contrôler et reprogrammer des procédés industriels très particuliers... "

Certains hackers ont disparu, d'autres travaillent dans des services secrets civils, autres.

Le livre fascine le béotien et tous les accros aux petites machines électroniques ravageuses, devenues indispensables, indiscrètes. Passionnant.

Ma vie dans la CIA de Harry Mathews

(France roman traduit de l'anglais par l'auteur avec la complicité de Marie Chaix éd. P.O.L)

New Yorkais diplômé d'art musical à Harvard, Harry Mathews est en France membre de l'Oulipo, auteur de romans et de Perverbes ( Le Savoir des Rois ), on le crut riche, mais il avait travaillé sur deux films et hérité d'une jolie somme de son grand-père, puis il voyagea au Laos, puis un jour de retour à Paris installé rue de Varenne, séparé de son épouse Niki de Saint-Phalle, il apprend qu'à la suite d'un quiproquo il est admis même parmi ses amis qu'il est un espion de la CIA. 

" Vous êtes bien américain ?... " Il dément vigoureusement, ses interlocuteurs sourient. Alors il va jouer le jeu " ... un agent officieux doit fournir une couverture plausible." S'il revient fréquemment sur la vie politique mondiale des années 60 c'est en 1973, année de la guerre du Vietnam, du Watergate, de la mort d'Allende et de l'arrivée de Pinochet , qu'il crée son agence de voyages, qui lui permet d'organiser des circuits qui pense-t-il seront la marque de son esprit tortueux d'espion. La Sibérie. 

Rencontres de personnages mystérieux, d'une femme et de l'amour tantrique, qui lui fait monter les larmes aux yeux, Georges Pérec dont il a traduit un roman en anglais abandonne son scepticisme et l'accompagne dans son mensonge sans y participer, il monte son film et use des lieux telle la place Saint Sulpice . Mélange étrange de poésie et d'espions venus du froid. Vrai ou faux l'auteur voyage et de jolies descriptions de la faune et de la flore. Il possède une maison isolée au-dessus de Villars-de-Lans "Il n'y avait pas de jardin... un climat montagnard... des heures de travail... forcer les pissenlits... poursuivre l'ansérine... extraire les réseaux sournois de vesce de dessous les ancholies et les digitales... 

Mélancholie, les enfants sont partis " Ma maison est un mausolée ".  Marcheur à la cîme du Moucherotte, bien au-dessus de Grenoble à 2000m "... des fleurs tardives... mille-feuilles, casse-lunettes... " .

Toutefois des espions ? hommes malintentionnés le poursuivent il doit abandonner sa maison aux loirs habitués de son grenier qui jouent au ballon avec des noix, et part sur les routes en compagnie d'un berger, de ses 400 moutons, de Madeleine, le cheval, aide-soignant, dormant sous les étoiles. Transhumance et routes de Provence. 

Mais qui est vraiment Mathews Oulipien américain ? La question se pose encore à la dernière ligne de ce faux-vrai roman d'espionnage par un auteur de l'Ouvroir de littérature potentielle. Sourirs, souvenirs, plaisirs, agréable lecture.

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