jeudi 31 mai 2012

Coco Guy de Maupassant ( Nouvelle in Contes du jour et de la nuit )



                                                                      Coco

            Dans tout le pays environnant on appelait la ferme de Lucas " La Métairie ". On n'aurait su dire pourquoi. Les paysans, sans doute, attachaient à ce mot de " métairie " une idée de richesse et de grandeur, car cette ferme était assurément la plus vaste, la plus opulente et la plus ordonnée de la contrée.
            La cour, immense, entourée de cinq rangs d'arbres magnifiques pour abriter contre le vent violent de la plaine les pommiers trapus et délicats, enfermait de longs bâtiments couverts en tuiles pour conserver les fourrages et les grains, de belles étables bâties en silex, des écuries pour trente chevaux, et une maison d'habitation en brique rouge, qui ressemblait à un petit château.
            Les fumiers étaient bien tenus; les chiens de garde habitaient en des niches, un peuple de volailles circulait dans l'herbe haute.
            Chaque midi, quinze personnes, maîtres, valets et servantes, prenaient place autour de la longue table de cuisine où fumait la soupe dans un grand vase de faïence à fleurs bleues.
             Les bêtes, chevaux, vaches, porcs et moutons étaient grasses, soignées et propres ; et maître Lucas, un grand homme qui prenait du ventre, faisait sa ronde trois fois par jour, veillant sur tout et pensant à tout.
              On conservait, par charité, dans le fond de l'écurie, un très vieux cheval blanc que la maîtresse voulait nourrir jusqu'à sa mort naturelle, parce qu'elle l'avait élevé, gardé toujours, et qu'il lui rappelait des souvenirs.
            Un goujat de quinze ans, nommé Isidore Duval, et appelé plus simplement Zidore, prenait soin de cet invalide, lui donnait, pendant l'hiver, sa mesure d'avoine et son fourrage, et devait aller quatre fois par jour, en été, déplacé dans la côte où on l'attachait, afin qu'il eut en abondance de l'herbe fraîche.
            L'animal, presque perclus, levait avec peine ses jambes lourdes, grosses des genoux et enflées au-dessus des sabots. Ses poils, qu'on n'étrillait plus jamais, avaient l'air de cheveux blancs, et des cils très longs donnaient à ses yeux un air triste.
            Quand Zidore le menait à l'herbe, il lui fallait tirer sur la corde, tant la bête allait lentement ; et le gars, courbé, haletant, jurait contre elle, s'exaspérant d'avoir à soigner cette vieille rosse.
            Les gens de la ferme, voyant cette colère du goujat contre Coco, s'en amusaient, parlaient sans cesse du cheval à Zidore, pour exaspérer le gamin. Ses camarades le plaisantaient. *on l'appelait dans le village Coco-Zidore.
            Le gars rageait, sentant naître en lui le désir de se venger du cheval. C'était un maigre enfant haut sur jambes, très sale, coiffé de cheveux roux, épais, durs et hérissés. Il semblait stupide, parlait en bégayant, avec une peine infinie, comme si les idées n'eussent pu se former dans son âme épaisse de brute.
            Depuis longtemps déjà, il s'étonnait qu'on gardât Coco, s'indignant de voir perdre du bien pour cette bête inutile. Du moment qu'elle ne travaillait plus, il lui semblait injuste de la nourrir, il lui semblait révoltant de gaspiller de l'avoine, de l'avoine qui coûtait si cher, pour ce bidet paralysé. Et souvent même, malgré les ordres de maître Lµucas, il économisait sur la nourriture du cheval, ne lui versant qu'une demi-mesure, ménageant sa litière et son foin. Et une haine grandissait en son esprit confus d'enfant, une haine de paysan rapace, de paysan sournois, féroce, brutal et lâche.

                                                                      

            Lorsque revint l'été, il lui fallut aller remuer la bête dans sa côte. C'était loin. Le goujat, plus furieux chaque matin, partait de son pas lourd à travers les blés. Les hommes qui travaillaient dans les terres lui criaient, par plaisanterie :
            " Hé, Zidore, tu f''ras mes compliments à Coco. "
            Il ne répondait point ; mais il cassait, en passant, une baguette dans une haie et, dès qu'il avait déplacé l'attache du vieux cheval, il le laissait se remettre à brouter ; puis, approchant traîtreusement, il lui cinglait les jarrets. L'animal essayait de fuir, de ruer, d'échapper aux coups, et il tournait au bout de sa corde comme s'il eut été enfermé dans une piste. Et le gars le frappait avec rage, courant derrière acharné, les dents serrés par la colère.
            Puis il s'en allait lentement, sans se retourner, tandis que le cheval le regardait partir de son oeil de vieux, les côtes saillantes, essoufflé, d'avoir trotté. Et il ne rebaissait vers l'herbe sa tête osseuse et blanche qu'après avoir vu disparaître au loin la blouse bleue du jeune paysan.
            Comme les nuits étaient chaudes, on laissait maintenant Coco coucher dehors, là-bas, au bord de la ravine, derrière le bois. Zidore seul allait le voir.
            L'enfant s'amusait encore à lui jeter des pierres. Il s'asseyait à dix pas de lui, sur un talus, et il restait là une demi-heure, lançant de temps en temps un caillou tranchant au bidet, qui demeurait debout, enchaîné devant son ennemi, et le regardant sans cesse, sans oser paître avant qu'il fût reparti.
            Mais toujours cette pensée restait plantée dans l'esprit du goujat : " Pourquoi nourrir ce cheval qui ne faisait plus rien ? " il lui semblait que cette misérable rosse volait le manger des autres, volait l'avoir des hommes, le bien du bon Dieu, le volait même aussi, lui, Zidore, qui travaillait.
            Alors, peu à peu, chaque jour, le gars diminua la bande de pâturage qu'il lui donnait en avançant le piquet de bois où était fixée la corde.
            La bête jeûnait, maigrissait, dépérissait. Trop faible pour casser son attache, elle tendait la tête vers la grande herbe verte et luisante, si proche, et dont l'odeur lui venait sans qu'elle y pût toucher.
            Mais, un matin, Zidore eut une idée : c'était de ne plus remuer Coco. Il en avait assez d'aller si loin pour cette carcasse.
            Il vint cependant , pour savourer sa vengeance. La bête inquiète le regardait. Il ne la battit pas ce jour-là. Il tournait autour, les mains dans les poches. Même il fit mine de la changer de place, mais il renfonça le piquet juste dans le même trou, et il s'en alla, enchanté de son invention.
            Le cheval, le voyant partir, hennit pour le rappeler ; mais le goujat se mit à courir, le laissant seul, tout seul, dans son vallon, bien attaché, et sans un brin d'herbe à portée de la mâchoire.
            Affamé, il essaya d'atteindre la grasse verdure qu'il touchait du bout de ses naseaux. Il se mit sur les genoux, tendant le cou, allongeant ses grandes lèvres baveuses; Ce fut en vain. Tout le jour, elle s'épuisa la vieille bête, en efforts inutiles, en efforts terribles. La faim la dévorait, rendue plus affreuse par la vue de toute la verte nourriture qui s'étendait par l'horizon.
            Le goujat ne revint point ce jour-là. Il vagabonda dans les bois pour chercher des nids.
            Il reparut le lendemain. Coco, exténué, s'était couché. Il se leva en apercevant l'enfant, attendant enfin, d'être changé de place.
            Mais le petit paysan ne toucha même pas au maillet jeté dans l'herbe. Il s'approcha, regarda l'animal, lui lança dans le nez une motte de terre qui s'écrasa sur le poil blanc, et il repartit en sifflant.
            Le cheval resta debout tant qu'il put l'apercevoir encore ; puis, sentant bien que ses tentatives pour atteindre l'herbe voisine seraient inutiles, il s'étendit de nouveau sur le flanc et ferma les yeux.
            Le lendemain, Zidore ne vint pas.
            Quand il approcha, le jour suivant,de Coco toujours étendu, il s'aperçut qu'il était mort.
            Alors il demeura debout, le regardant, content de son oeuvre, étonné en même temps que ce fût déjà fini. Il le toucha du pied, leva une de ses jambes, puis la laissa retomber, s'assit dessus, et resta là, les yeux fixés dans l'herbe et sans penser à rien.
            Il revint à la ferme, mais il ne dit pas l'accident, car il voulait vagabonder encore aux heures où, d'ordinaire, il allait changer de place le cheval.
            Il alla le voir le lendemain. Des corbeaux s'envolèrent à son approche. Des mouches innombrables se promenaient sur le cadavre et bourdonnaient à l'entour.
            En rentrant il annonça la chose. La bête était si vieille que personne ne s'étonna. Le maître dit à deux valets :
            " Prenez vos pelles, vous f'rez un trou là oùsqu'il est. "
            Et les hommes enfouirent le cheval juste à la place où il était mort de faim.
            Et l'herbe poussa drue, verdoyante, vigoureuse, nourrie par le pauvre corps.


                                                                                                       Maupassant

                                                             ( nouvelle parue dans le Gaulois en 1884 )


mercredi 30 mai 2012

Anecdotes et réflexions d'hier



Tableau orphelin au musée de Jérusalem  ( seconde guerre mondiale )
         ( l'xpress )   


                                   Choses vues - 1848
                                                                    Sans date

            M. de Rothstchild se connaît peu en peinture, mais il a un cuisinier qui s'y entend. Ce cuisinier protège les artistes, il riche, l'anse du panier chez Rothstchild est une grosse métairie. Le cuisinier aime les tableaux et paie généreusement les peintres. C'est lui, en particulier qui a soutenu Diaz et l'a empêché de tomber dans la misère et dans le désespoir. Il a eu foi dans un talent peu compris, étrange, original, puissant et beau mais bizarre. Il a été jusqu'à lui avancer sur des toiles à peine ébauchées dix ou vingt mille francs. Les cuisiniers au XIXè siècle font ce que faisaient les princes au XVIè, et les princes font ce que faisaient les cuisiniers.

                                                                     °°°°°°°

            On m'a dit ; " Fermez cette porte ! Vous voyez bien que n'importe qui ou n'importe quoi peut entrer : un coup de vent, une femme... "
            Je me suis recueilli un instant. " N'importe qui ou n'importe quoi ? " ai-je pensé. Alors je me suis tourné vers celui qui me donnait ce conseil et j'ai dit ; " - Ne fermez pas cette porte. " Et j'ai ajouté : " - Entrez ! "

                                                                      °°°°°°°

            " - Quand nous commençons un tableau, me disait l'autre jour M. Granet, nous sommes riches ; l'inspiration rayonne en nous ; nous croyons avoir cent mille francs à dépenser. Hélas ! le tableau fini, il se trouve souvent que nous n'avons dépenser qu'un petit écu. "

                                                                       °°°°°°°

            On disait au siècle dernier :
            Homme de bien. Homme de génie. Homme de coeur. Homme d'esprit. Homme de goût. Homme de Dieu.Homme d'église. Homme de cour.Homme de loi. Homme d'épée. Homme de robe.Homme de lettres. Homme d'Etat. Homme de guerre. Homme de mer. Homme du monde. Homme de qualité. Homme de plaisir. Homme de peine. Homme du peuple. Homme de peu. Homme de rien.
            A toutes  ces locutions reçues, notre siècle a ajouté celle-ci : Homme d'argent.


                                                                                                     Victor Hugo

Anecdotes et réflexions d'hier



   Tableau orphelin du musée de Jérusalem
        ( l'express )

                                                                 Choses vues - 1848

            On m'a dit : " - Fermez cette porte ! vous voyez bien que n'importe qui ou n'importe quoi peut entrer : un coup de vent, une femme... "
            Je me suis recueilli un instant. " N'importe qui ou n'importe quoi ? " ai-je pensé. Alors je me suis tourné vers celui qui me donnait ce conseil et j'ai dit : " - Ne fermez pas cette porte. " Et j'ai ajouté : " -Entrez ! "

                                                                    °°°°°°°

            M. de Rothschild se connaît peu en peinture, mais il a un cuisinier qui s'y entend. Ce cuisinier protège les artistes, il est riche, l'anse du panier chez Rothschild est une grosse métairie. Le cuisinier aime les tableaux et paie généreusement les peintres. C'est lui, en particulier, qui a soutenu Diaz et l'a empêché de tomber dans la misère et dans le désespoir. Il a eu foi dans ce talent peu compris, étrange, original, puissant et beau, mais bizarre. Il a été jusqu'à lui avancer sur des toiles à peine ébauchées dix ou vingt mille francs. Les cuisiniers au XIXè siècle font ce que faisaient les princes au XVIè, et les princes font ce que faisaient les cuisiniers.

                                                                      °°°°°°°°

            " - Quand nous commençons un tableau, me disait l'autre jour M. Granet, nous sommes riches ; l'inspiration rayonne en nous ; nous croyons avoir cent mille francs à dépenser. Hélas ! le tableau fini, il se trouve souvent que nous n'avons dépensé qu'un petit écu. - "

                                                                        °°°°°°°°

            On disait au siècle dernier :
            Homme de bien. Homme de génie. Homme de coeur. Homme d'esprit. Homme de goût. Homme de Dieu. Homme d'église. Homme de cour. Homme de loi. Homme d'épée. Homme de robe. Homme de lettres. homme d'Etat. Homme de guerre. Homme de mer. Homme du monde. Homme de qualité. Homme de plaisir. Homme de peine. Homme du peuple. Homme de peu. Homme de rien.
             A toutes ces locutions reçues, notre siècle a ajouté celle-ci : Homme d'argent.


                                                                                                  Victor Hugo

                                                                 





                                                                                   

mardi 29 mai 2012

Anecdotes et réflexions d'hier




                                       Mon Salon
                                         Écrits sur l'art

            Émile Zola assista aux débuts de l'impressionnisme et suivit l'installation du mouvement. Il écrivit des billets parus dans différents journaux puis publiés dans " Mon Salon ". Critique d'art ami de Cézanne il connaît les peintres et leurs ateliers. L'article qui suit parut en 1866 dans l'Evénement.

                                      Un suicide

            Vous avez bien voulu, mon cher monsieur Villemessant, me charger de parler de nos artistes aux lecteurs de l'Evénement, à propos du Salon de cette année. C'est là une lourde tâche dont je me suis cependant chargé avec joie. Je ferai sans doute beaucoup de mécontents, étant bien décidé à dire de grosses et terribles vérités, mais j'éprouverai une volupté intime à décharger mon coeur de toutes les colères amassées..
            Vous m'avez dit : " Vous êtes chez vous. " Je parlerai donc sans me gêner , en véritable maître. Je compte, avant l'ouverture du Salon, dans quelques jours, vous envoyer ma profession de foi et une étude rapide sur le moment artistique.
             Aujourd'hui je me suis imposé une triste mission. J'ai pensé que j'avais charge de parler ici d'un peintre qui s'est fait sauter la cervelle, il y a quelques jours, et dont aucun de mes confrères ne s'occupera sans doute.
             Le bruit courait qu'un artiste venait de se tuer, à la suite du refus de ses toiles par le jury. J'ai voulu voir l'atelier où le malheureux s'était suicidé ; je suis parvenu à connaître la rue et le numéro, et je sors à peine de la pièce sinistre dont le parquet a encore de larges taches rougeâtres.
            Ne pensez-vous pas qu'il est bon de faire pénétrer le public dans cette pièce ? J'ai comme un plaisir amer à me dire que dès le début de ma besogne, je me heurte contre une tombe. Je songe à ceux qui auront les applaudissements de la foule, à ceux dont les oeuvres seront largement étalées en pleine lumière, et je vois en même temps ce pauvre homme , dans son atelier désert, écrivant des adieux et passant une nuit entière à se préparer à la mort.
            Je ne fais pas de la sensiblerie, je vous assure. J'ai frappé à cette porte avec une émotion profonde, et ma voix tremblait lorsque j'ai interrogé une femme qui m'a ouvert et qui a été, je crois, la bonne du suicidé
            L'atelier est petit, assez richement orné. A droite, en entrant, est un buffet en chêne, largement taillé. Dans les coins se trouvent d'autres meubles, également en chêne, sortes de bahuts à panneaux et à tiroirs. Les scellés, une ficelle fixée par deux cachets rouges, ferment chacun de ces meubles. On voit que la mort a passé brusquement par là. 
            A droite s'allonge le lit, un lit bas et écrasé, une espèce de divan très étroit. C'est là...On l'a trouvé, la tête pendante et broyée, semblant dormir.
            Le pistolet n'était pas tombé de sa main.
            Je ne le connaissais pas même de nom. J'ignorais s'il avait du talent, et je l'ignore encore. Je n'oserais juger cet homme qui s'en est allé las de la lutte. J'ai bien vu quatre ou cinq de ses toiles pendues au mur, mais je ne les ai pas vues avec des yeux de juge. Au Salon, je serais sévère, violent peut-être ; ici, je ne puis être que sympathique et ému.
            L'artiste était de race allemande, et ses tableaux se sentent de son origine. Ce sont des compositions dans le genre de . Charles Comte, des scènes historiques prises en plein Moyen Âge. Sur un chevalet, j'ai aperçu une toile blanche où se trouve une composition entièrement au crayon. C'est là, sans doute, la dernière oeuvre. Le peintre s'est tué devant ce tableau inachevé.
            Certes, je n'affirme pas que le refus du jury ait seul décidé de la mort de ce malheureux. Il est difficile de descendre dans une âme humaine à cette heure suprême du suicide. Les amertumes s'amassent lentement ; puis il en vient une qui achève de tuer.
            On m'a dit cependant que l'artiste était d'un caractère doux et qu'on ne lui connaissait aucun chagrin. Il avait quelque fortune, il pouvait travailler sans inquiétude.
            Vraiment, je ne voudrais pas avoir condamné cet homme. Si j'étais peintre et que j'aie eu l'honneur de mettre mes confrères hors du Salon, j'aurais le cauchemar cette nuit. Je rêverais du suicidé, je me dirais que j'ai sans doute contribué à sa mort, et en tout cas, je serais plein de cette pensée terrible que mon indulgence aurait sans doute empêché ce sinistre dénouement, même si l'artiste avait eu quelques chagrins cachés.
            Vous désirez certainement que je tire une morale de tout ceci. Je ne vous donnerai pas cette morale aujourd'hui, car ce serait faire double emploi avec les articles que je prépare pour l'Evénement
            J'ai simplement écrit cette lettre afin de mettre un fait sous les yeux des lecteurs. Je grossis comme je puis le dossier de mes griefs contre le jury qui a fonctionné cette année.
            Allez, j'ai un rude procès à lui faire.

                                                                                                          " Claude "

            Nous avons arrêté, M. de Villemessant et moi, que je ferai ici le Salon, sous un pseudonyme. Signant déjà un article presque quotidien je souhaitais que ma signature ne se trouvât pas deux fois dans le journal.
            Je suis obligé d'ôter mon masque avant même de me l'être bien attaché, il y a beaucoup d'ânes à la foire qui se nomment Martin et il y a également, paraît-il, beaucoup de Claude par le monde s'occupant de critique d'art. Les véritables Claude ont eu peur d'être compromis, à propos de mon article Un suicide ; et ils écrivent tous pour informer nos lecteurs que ce ne sont pas eux qui ont l'audacieuse pensée d'intenter un procès au jury devant l'opinion publique.
            Qu'ils se rassurent, il a été décidé que j'avouerais hautement que le Claude révolutionnaire n'est autre que moi.
            Voilà toute la tribu des Claude tranquillisée.

                                                                                                         Émile Zola

                                                
                        
           

lundi 28 mai 2012

Anecdotes et Réflexions d'hier

        Eglise Sainte-Marie SCHAERBEEK photo
           Église Ste Marie - Schaerbeek
                                                 Fusées La Belgique déshabillée
                                                 Architecture - Églises
                                                  ( extraits de ces textes provocants - parution posthume )

            Éloge du style du 17è siècle, style méconnu et dont il y a en Belgique des échantillons magnifiques - Renaissance en Belgique - Transition - Style jésuite - Style du 17è scl. - Style Rubens.

            La réaction de V. Hugo en faveur du gothique nuit beaucoup à notre intelligence de l'architecture. Nous nous y sommes trop attardés - Philosophie de l'histoire de l'architecture, selon moi. Analogies avec les coraux, les madrépores, la formation des continents, et finalement avec les modes de création dans la vie universelle - Jamais de lacunes - État permanent de transition - On peut dire que le Rococo est la dernière floraison du gothique.
                                      
                                             Rococo style Stone and brick house Mexico

            Richesse générale des églises.Un peu boutique de curiosités - un peu camelote... - Mon goût pour les placages, les mélanges. C'est de l'histoire.
         Statues coloriées. Confessionnaux très décorés - Au Béguinage, à Malines, à Anvers, à Namur, etc... Les Chaires de Vérité, très variées. La vraie sculpture flamande est en bois et éclate surtout dans les Eglises. Sculpture son sculpturale, non monumentale, sculpture joujou, ( bijou ) sculpture de patience. Du reste cet art est mort comme les autres, même à Malines.                                                    
                          

             Revenons un peu aux Jésuites  et au style Jésuitique. Style de génie. Caractère ambigu et complexe de ce style. Coquet et terrible. Grandes ouvertures, grande lumière. Mélange de figures, de styles, d'ornements et de symboles. J'ai vu des pattes de tigre servant d'enroulement.
 
              - ( Bruxelles )  Un pot et un cavalier sur un toit sont les preuves les plus voyantes du goût le plus extravagant en architecture. Un cheval sur un toit ! un pot de fleurs sur un fronton.
               Cela se rapporte à ce que j'appelle le style joujou.

               Clochers moscovites. Sur un clocher byzantin, une cloche ou plutôt une sonnette de salle à manger - ce qui me donne envie de la détacher pour sonner mes domestiques - des géants.
        
                                                    

           Les belles maisons de la Grand Place rappellent ces curieux meubles appelés Cabinets. Style joujou.
           Du reste les beaux meubles sont toujours de petits monuments.


                                                                                            Charles Baudelaire
           

vendredi 25 mai 2012

Le Désir d'être inutile Souvenirs et Réflexions Hugo Pratt ( Biographie Entretiens avec Dominique Petitfaux )


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                                                Le Désir d'Etre Inutile

                                              Souvenirs et Réflexions

                                                          Entretiens

           C'est une histoire d'homme. L'homme aux sept portes, aux sept vies. Pour s'exprimer enfant il dessinait. Né dans une baraque entre Ravenne et Rimini, une ascendance tant catholique que juive ( du côté de sa mère ), famille nombreuse, beaucoup de femmes, familles amies. Ils habitent Venise son premier souvenir "... la neige à Venise. Elle créait une grande intimité dans la maison." Cependant sa vie ne sera qu'une suite de voyages. Le père envoyé en Ethiopie, la mère et les enfants reviennent à Venise en 1942.  Hugo Pratt :" J'ai mené en Ethiopie une vie assez folle mais cela s'explique par la guerre. " Il est difficile de rendre compte des rapports de l'auteur des Corto avec la vie réelle. Ses amours nombreuses mais il écrit " J'ai été élevé dans un gynécée mes tantes étaient belles... " Et il souligne un ouvrage de Caldéron - La vie est un songe - A seize ans il porte l'uniforme. Fin de la guerre à Venise. Avec ses amis il recherche les disques de jazz américains interdits pendant la guerre par Mussolini. "...Pour les jeunes Italiens de cette époque l'Amérique était la grande tentation ... Ces années d'après-guerre ont été pleines d'aventures curieuses... " Séjour en Argentine. Nouvelles compagnes. " J'ai fréquenté de gens curieux... " De 1962 à 1967 il a travaille pour des revues de bande dessinées italiennes "... je n'ai jamais été vraiment pauvre, ni d'ailleurs vraiment riche... " Riche l'album, d'entretiens et de réflexions, de photographies et de portraits à l'encre, d'aquarelles. Voyages au Brésil "...pays qui a beaucoup compté pour moi... avec une prêtresse de macumba, j'ai même eu en 1965 une fille... " Enfants adoptés, enfants " génétiques ( 6 ) ". Il eut la même année trois enfants de trois femmes différentes. Homme très  curieux il s'intéressa de près tant au vaudou qu'à la franc-maçonnerie, voir Corto Maltèse. "De ma famille, j'ai hérité de cultures religieuses pas de croyances."
Hugo Pratt terminera ses jours à Lausanne. " Qu'est-ce qui a guidé votre vie ? - La curiosité intellectuelle. Je suis curieux de tout, y compris de demain... j'ai trouvé mon île au trésor. Je l'ai trouvé dans mon monde intérieur..." Livre précieux.         
                              

mercredi 23 mai 2012

Lettres à Madeleine 37 Apollinaire

.                                                                                                                 
Seins de Venus
                       Seins de Vénus
                          recette elle-à-table
                                               Lettre à Madeleine

                                                                                                                   19 octobre 1915

            Mon amour, Lettres du 11, 12 et 13. Tu es un amour - Je t'écris avec enveloppe à intérieur violet que je n'aime pas. J'en ai deux ou trois sous la main je les use et je t"adore d'écrire dans enveloppe à intérieur vert que j'aime - On m'a annoncé ton paquet pr demain matin - Ta photo est exquise, elle me plaît infiniment. En effet on voit peu, mais j'ai vu tes seins sous la transparence de la blouse, tes seins exquis; les vrais seins de la Vénus de Praxitèle et tes bras et ton cou adorable. La prochaine fois fais-toi aussi photographier de profil. Félicite les petits sur leur photographie - Je te parlerai demain des chers présents de ma µMadeleine. Oui écris tous les jours et ne te fais pas de souci. Du moment que tu fais bien tu n'as point de souci à te faire ne t'énerve point ma toute chérie, mes lettres ne sont pas tristes puisque je t'aime et que tu m'aimes. Oui je te prends mon amour. Oui tu comprends maintenant les lettres qu'il faut, mais pas tristes mon amour, sois au-dessus de la réalité, de l'absence, sois royale ma chère esclave. Non, je ne crois pas qu'il faille mettre à réalisation ton projet d'aller à Beauvais. Reste avec les tiens en m'attendant. Après on verra nous en reparlerons. Je n'ai jamais douté de ta passion. Comme ton corps était doux et brûlant pour moi cette nuit dont tu parles... Mais, non l'étreinte n'est pas cruelle comme tu crois, elle ne l'est qu'une fois et pas chez toutes les femmes. Je sais que tu m'aimes et tu sais que je t'aime. Je ne suis pas mal disposé et mes tristesses sont rares puisque tu m'aimes. Aussi n'en parle pas. Sois joyeuse mon amour, sois ma Phèdre passionnée avec ses bonds et sois joyeuse sois une bacchante secrète jusqu'à mon retour. Après tu pourras être aussi variée que possible et que tu voudras - je t'adore - c'est charmant que nous pensions bague ensemble.Pour le Pentaméron fais-le si tu le trouves et si ça t'amuse et si ça vaut la peine, car après tout je n'en sais rienµ. La traduction que j'ai vue ne doit pas être difficile car elle était faite pr la jeunesse.
            C'est merveilleux que nous ayons eu l'intuition l'un de l'autre à l'abord et l'intuition de notre amour.
            Tu es mon amour pour la copie des vers, tu es tout plein gentille.
            Je vois que tu as bien compris où je suis.
            Mon amour ma chérie. Il est extraordinaire qu'on fasse des difficultés pr envoyer du tabac d'Algérie à un soldat. Ça me semble injuste et tracassier. J'ai en effet des dents bonnes et blanches, mais mal rangées, dans le haut j'en ai une qui rentre. Le gros tabac d'ici les salit mais je prends soin de ma bouche et l'entretiens en la brossant tous les soirs quand c'est possible. Je me sers d'un très bon dentifrice. J'avais une dent plombée en bas, elle s'est déplombée mais elle ne me fait pas encore mal. Comme elle est jolie la petite scène où tu expliques Montaigne après quoi tu t'étends à mes pieds en petite esclave noire - noire mais belle - dit le Cantique des Cantiques. - Oui tu es ma couleuvre voluptueuse. Je t'aime quand  tu m'aimes en panthère. J'aime aussi cette caresse de nos langues quand tu es tendre. Et je t'aime aussi coquette et précieuse. Je t'aime aussi poétesse. J'attends avec recueillement le Poème de ton corps - en réalité - et aussi celui que tu m'enverras par lettre, ma Vénus. Je t'aime aussi quand tu es fougueuse et que tu sens ma domination sans pitié pour ta chair de Houri. Je t'aime aussi orgueilleuse, impériale, superbe. Ma lionne.
Je t'aime. Tu m'as dit des choses exquises. Et je t'étreins dans ta nudité qui est à moi. Pardonne-moi ma
                                                                                                              
                     
lettre du 5 si elle t'a fait de la peine. Je ne veux jamais te faire de peine. Combien de fois me faudra-t-il te le redire, ô mon amour. Mais non tu ne me rends pas malheureux, mais au contraire très heureux, puisque tu m'apprends et que je t'apprends. Vois comme on commence à se connaître. Souris, ma chérie, à travers tes larmes d'amour. Surtout ne fais pas la bêtise de quitter Oran, que tu m'as promis de ne pas quitter, du moins sans les tiens. Ne m'affole pas par des imaginations inimaginables. Où viendras-tu, là où je suis c'est kif-kif nulle part, il n'y a pas de villages, rien pas même d'eau. Alors... Mais si tu me parles très bien maintenant tu es ma vierge chérie et ma bacchante secrète, je t'adore de baiser tout mon corps, comme tu dis si merveilleusement ô ma très gentille Madeleine. Je t'envoie des lettres du graveur Laboureur et de Jean de Gourmont ( sur la mort de son frère ). Ça t'amusera, pour celle de Laboureur, tu me feras l'honneur et le plaisir, mon amour de ne pas être jalouse des noms de femmes qui y sont mentionnés, car ils ne peuvent donner lieu à aucune jalousie et tu goûteras l'histoire de Glycérine et Vaseline chanteuses lyriques attachées à une division anglaise. Tu goûteras aussi l'art t de Jean de Gourmont d'être au Ministère de la Guerre, près de chez lui à Paris et les mentions imprimées sur les enveloppes officielles de l'armée anglaise. Et toi, ma chérie, comment peux-tu me dire de redevenir ton amour passionné moi qui ne pense plus que par toi qui es devenu mon canon ( rien de l'artillerie ) toi qui es ma règle, toute la beauté et toute la joie. Moi calme et te jugeant froidement, mon amour ! Non, je ne suis pas ainsi. Je t'adore, je t'aime, je suis fou de toi, nous sommes heureux l'un par l'autre. Et tu l'as dit, il ne faut plus que nous ayons de la peine. Tu es mon grand amour, ma toute chérie, ma très belle adorée. Tu ne peux imaginer combien j'aime cette photo d'aujourd'hui qui me révèle toute ta grâce et toute ta souplesse . Les autres photos ne le faisaient point. Je l'ai regardée à la loupe, ton visage se devine seulement, mais tes seins on dirait que je les vois ils sont véritablement adorables. Tu es plus belle que les Vénus du Titien, l'Antique seul a tant de pure beauté et de grâce individuelle. Dieu, que tu es finement gracieuse, ma gazelle adorée. Tes bras sont d'une pureté inimaginable. D'ailleurs pour avoir la vision de tes seins il a fallu toute la perspicacité de mon amour passionné et fervent car en réalité on ne les voit pas mais je les ai pour ainsi dire vus mais comme par éclairs. On devine mieux au demeurant la beauté de tes hanches et ici aussi il faut la perspicacité de l'amour mais tout de même l'étoffe de ta jupe s'incurve gracieusement à la forme de ta hanche. Que voit-on par la fenêtre à laquelle tu es adossée, mon amour ?
            Tu n'imagines pas combien tu me parais belle, sur cette photo, ça dépasse tout ce que j'avais imaginé, je crois que tu embellis tous les jours, ton cou est une merveille et tes épaules sont d'une richesse qui est mon trésor. Et tu es si délicieusement souple. Je te donne la caresse la plus close jusqu'au spasme de nos âmes et le délire de nos bouches, mon amour. J'aime ton regard où languissent des morts et des résurrections et ta jupe sombre si sobre éveille des idées d'obscurité torrides et touffues. Je t'aime je t'aime. Je t'imagine le matin à ton réveil le buste hors de l'écrin du lit, tes cheveux noirs se déroulant comme les vagues de la mer quand souffle la tempête, je vois ta chemise montante, bombée sur la plénitude de tes seins. Puis je te vois televant brusquement, ta chemise se retrousse jusqu'au milieu des cuisses, tes jambes sont sveltes et très grasses au-dessus du genou et je t'aime infiniment, je suis là attentif à ta beauté de Cypris qyu te dénude et je prends ta bouche.


                                                                                                                            Gui






































































Seins de Venus

mardi 22 mai 2012

L'Impétueux Catherine Nay ( Document France )


            
                                            L'Impétueux
                                        Tourments, tourmentes , crises et tempêtes.
            
            Le 6 mai 2007 Nicolas Sarkozy ( Nicolas Sarközy de Nagy Bocsa ) est élu Président de la République et il confie à l'auteur " A toi je peux le dire, c'était le jour le plus triste de ma vie... " Cécilia son épouse demande le divorce. Les tourmentes et les tourments du nouveau Chef de l'Etat sont éclairés par la journaliste qui retient l'attention du lecteur dès les premières pages. " C'était un homme brisé... " disent les ministres qui l'accompagnent au cours des très nombreux voyages qu'il entreprend. A son entourage " Je ne ferai qu'un quinquennat... " Avocat il envisage l'avenir éloigné de la politique qu'il juge l'enveloppe d'un milieu cruel. Ainsi débute cette présidence. Son Premier Ministre François Fillon à ses côtés, ses fidèles Brice Hortefeux, Guéant, Guaino l'une de ses plumes, d'autres moins proches Borloo, vont s'attaquer aux nombreux sujets litigieux qui couvent. Enlèvement des infirmières, action de Cécilia qui réussit avec ses partenaires à les ramener en France. Puis arrive 2008, et Carla présentée par Séguéla. L'histoire est bien connue. Sarkozy a besoin de vivre en couple et s'il trouve la stabilité sur le plan privé il baisse dans les sondages. Réforme des retraites. Attitude, langage impopulaires. Pourtant il étonne par sa pugnacité à convaincre ses partenaires européens, toujours prêt à l'action, retenant d'un regard ses discours, qu'il termine trop souvent d'une phrase malheureuse. " Dans les Premiers temps Nicolas ne se prenait pas pour le Président, reconnaît Frank Louvrier qui ajoute - Mitterrand surjouait la majesté, lui l'a sous-jouée. - " Très documenté,  les cinq années de la présidence détaillées au peigne fin, livre dense, l'auteur n'omet pas les états d'âme, les colères, les erreurs. " Quand je m'analyse je me désole, quand je me compare je me console. " Ainsi le Président Sarkozy avance vers des élections, une campagne cruelle. Pourtant il a oeuvré pour l'euro, pour ramener la paix en Georgie. La chute de Kadhafi, les soulèvements des pays méditerranéens, Angéla Merkel omniprésente tant l'Europe est inscrite dans le quinquennat qui fut rude. 670 pages d'histoire 2007 - 2012, vite lues, tsunami, crise économique, plan social, délocalisation. Action gouvernementale... Le roman d'un Président et de ses cinq années de pouvoir. 
























                                        
                                    

             

lundi 21 mai 2012

Les Effarés Rimbaud ( Poème France )


               Media Noche
                                                                    Les Effarés


                                                  Noirs dans la neige et dans la brume,
                                                  Au grand soupirail qui s'allume,
                                                       Leurs culs en ronds,

                                                  A genoux, cinq petits, - misère ! -
                                                  Regardent le boulanger faire
                                                       Le bon pain blond.

                                                  Ils voient le fort bras blanc qui tourne
                                                  La pâte grise et qui l'enfourne
                                                       Dans un trou clair.

                                                  Ils écoutent le bon pain cuire.
                                                  Le Boulanger au gras sourire
                                                       Grogne un viel air.

                                                  Ils sont blottis, pas un ne bouge,
                                                  Au souffle du soupirail rouge
                                                       Chaud comme un sein.

                                                  Quand pour quelque médianoche,
                                                  Façonné comme une brioche
                                                        On sort le pain,

                                                  Quand, sous les poutres enfumées,
                                                  Chantent les croûtes parfumées
                                                        Et les grillons,

                                                  Que ce trou chaud souffle la vie,
                                                  Ils ont leur âme si ravie
                                                        Sous leurs haillons.

                                                  Ils se ressentent si bien vivre,
                                                  Les pauvres Jésus pleins de givre,
                                                        Qu'ils sont là tous,

                                                  Collant leurs petits museaux roses
                                                  Au treillage, grognant des choses
                                                         Entre les trous.

                                                  Tout bêtes, faisant leurs prières
                                                  Et repliés vers ces lumières
                                                         Du ciel ouvert.

                                                  Si fort, qu'ils crèvent leur culotte
                                                  Et que leur chemise tremblotte
                                                         Au vent d'hiver.


                                                                                                    Arthur Rimbaud
                                                                                                    ( 1870 )

samedi 19 mai 2012

Tour Eiffel Peretz Markish ( Poème Yiddish )

        
             

            Peretz Markish né en Ukraine le 7 décembre 1895 est mort le 12 août 1952 exécuté à
            Moscou lors des " répressions staliniennes qui traquaient et exécutaient l'intelligentsia 
            juive  de 1948 à 1952.


                                             Tour Eiffel

                                                            I

            Et toi ? Tu n'es donc à personne ? A la terre pas plus qu'au ciel ?
            Qui donc pourrait donc te consoler de ta rêveuse solitude ?
            Vers toi roulent tant de rumeurs, airs fredonnés, chants rituels.
            Vers ta nostalgique unité qui s'accomplit dans l'altitude.

            Les messagers de l'ouragan vont te demander leur chemin.
            La paix, mousse de brume, croît sur ta rêverie sans mesure.
            Ah je voudrais me pendre à toi comme les ailes d'un moulin.
            Ô toi l'athlète solitaire ô Tour qui méprise l'injure.

            Pour t'accueillir soudain dis-moi qui donc surgira du nuage ?
            La Seine porte sa couronne, un soleil rouge au crépuscule.
            Mais où a disparu ta tête, ô ma rêveuse Tour Eiffel ?

            Par millions ruissellent vers toi les pas, des routes et ruelles.
            Les rues ignorent le chemin des déserts que le soleil brûle.
            Console-toi dans l'altitude ô solitaire, avec l'orage.

                                                           II

            Je suis à présent dans ta tête, ô Tour Eiffel, esprit obscur
            Sur quatre épaules, un hibou quatre fois aveugle et bossu
            Ô monde aux quatre points bossus, qui peut atteindre ta mesure
            Des commencements et des fins défaire l'infini tissu ?

            Ainsi de nuit emmitouflée, habillée de brumes épaisses,
            Ainsi dans la peau de mouton du nuage, automnal manteau,
            De nuit en jour, de jour en nuit, toi qui te zèbres de tristesse
            Ô solitaire et prisonnière, ensorcelée par Méphisto.

            A tes pieds la ville s'étend comme une toile d'araignée,
            L'on voit des moucherons captifs qui s'y débattent sans espoir
            Une fois ? Trois fois ? dites-moi qui rogne ou bien qui est rogné ?

            Et te voilà, mon ascendante, en ta solitaire mémoire
            Ô solitaire ensorcelée par quelque Méphisto du ciel
            A présent je suis dans ta tête, esprit obscur ô Tour Eiffel.


                                                                                                           Paris 1923
                                                                                                       ( Jours de semaine  extrait )
                                                                                                       in Anthologie de la poésie Yiddish
                                                  

Anecdotes et Réflexions d'hier

                        


                                                       Choses vues

                                                                                                     Mai 1849

                                                        Nous avons ensemble

                                                La République rouge et le choléra bleu.

            Le jour où l'Assemblée constituante flétrit M. Léon Faucher d'un blâme pour abus du télégraphe. Faucher sortit de la séance furieux. Dans le vestiaire, il gesticulait au milieu d'un groupe de représentants ! " C'est indigne ! disait-il. Barrot m'a lâché. Pure jalousie. Quel vote abominable ! Tous moins cinq! Et dire que je tiens les départements dans ma main et que, si je voulais, dans les élections, le feu serait aux quatre coins de la France!"
            Un pompier béant par la porte entrebâillée, assistait à la scène : Je me suis tourné vers lui et je lui ai dit : " Mon ami, jetez un seau d'eau sur ce ministre. "


                                                                     °°°°°°°°°°

                                                               Aux communistes

                             Votre troupeau coasse encor mieux qu'il ne vole
                             Vous faites trop de bruit, vous ferez peu de mal.
                             Vous auriez pu jadis sauver la capitale,
                             Mais vous ne pourrez pas perdre le capital.

                                                                                                             Vendredi 18 mai 1849

            Je suis nommé le dixième à Paris avec 117 069 voix, juste 100 voix de moins que M. Hippolyte Passy qui est le neuvième et qui a 117 169. Il y a dix socialistes. L'armée a voté rouge. Comme j'entrais
à l'Assemblée, mon voisin M. l'évêque de Langres est venu à moi, m'a pris la main et m'a félicité, puis il a
dit : " Je vous félicite, oui, car il y aura du danger à braver et du courage à déployer, mais la situation est
grave. La prochaine assemblée sera un champ de bataille. A celle-ci, on était venu pour construire ; à la prochaine on viendra - des deux côtés - pour détruire. "
            Voici en outre une observation de vieille femme : l'Assemblée a été nommée un treize et proclamée
un vendredi.

                                                                    °°°°°°°°°°

                                                                                                        24 Mai 1849

            Je viens de lire dans les journaux espagnols le récit du combat d'un tigre et d'un taureau. Le tigre a
été vaincu. Cela me donne espoir pour la société.


                                                                                                           Hugo