lundi 10 décembre 2012

Lettres à Madeleine 56 Apollinaire



                                     Lettre à Madeleine

                                                                                                        17 janvier 1916

            Mon amour je reçois aujourd'hui tes lettres délicieuses du 9 et du 10. Tu as bien fait d'être aimable avec ta directrice. Tu es ma femme délicieuse. Je vais voir pr le mariage par procuration. Renseigne-toi dans quelle mesure les permissions sont supprimées pour l'Algérie. Je t'adore mon amour et tes lettres m'ont donné le cafard hier et aujourd'hui. Je chauffe tes mains, mon amour, je t'aime. Oui la mer a été terrible, parait-il, moi je ne m'en suis pas aperçu ne pensant qu'à Oran - j'étais à Oran - et je n'ai pas eu le mal de mer.
            Dis à Denise qu'elle est bien gentille.
            Sois pleine de courage, mon amour. Mon amour, mon amour, je t'adore. L'histoire de ta maman m'a bouleversé. Quel est ce monsieur... Mais après tout je m'en fiche nous nous adorons.
            J'ai parlé aujourd'hui au colonel pour les mitrailleuses, parce qu'on forme de nouvelles unités de mitrailleurs et comme je n'y suis pas compris quoique venant de l'artillerie... Il a été très gentil ; c'est d'ailleurs un bon chef, bon dans toutes les acceptions du terme et m'a dit qu'il y avait pensé mais voulait me familiariser un peu avec la vie du simple fantassin. Enfin, j'aimerais mieux que ça ne tardât pas trop.
            Je crois qu'après-demain rentrera mon comt de Cie et que je vais avoir pr un temps un peu plus de tranquillité.
            Je t'adore et prends ta bouche, mon amour.

                                                                                                               Gui

                                                                                                                18 janvier 1916

            Mon amour, les photos sont épatantes toutes, renvoie-m'en une série. Louise a travaillé merveilleusement. Je veux évidemment de tout mon souhait qu'elle te rephotographie ma charmante. Embrasse bien ta maman pour moi mon amour, ta maman est exquise.
            Je verrai toutes ces fêtes arabes après la guerre - Ce que tu penses - si tu es d'accord avec ta maman - sera bien fait. En tout cas ne quitte pas pour l'instant ta maman, et évite d'apprendre l'espagnol. Toutefois, il me semble que travailler doucement au latin-grec ne serait peut-être pas mal, mais tu sens ça mieux que moi et ta maman aussi. Mon amour, tupeux penser si je suis d'accord avec toi et si je préfère les baisers aux lettres !!! Tes baisers ma chère petite esclave chérie sont ma joie. J'adore ta grâce mon amour.Les petits sont bien gentils. Et Marthe se révèle donc comme une soeur aussi bonne qu'elle est spirituelle.
            Emile qui a des dispositions pour les langues devrait bien profiter de son entourage, pour apprendre sérieusement l'arabe et l'espagnol tels qu'on les parle, c'est une chose qui plus tard lui serait de la plus grande utilité. Et toi mon amour tu devrais parler un peu anglais avec une Anglaise par exemple. Il me semble que les antiques errements de l'Université française n'ont pas varié et qu'elle enseigne toujours de vagues balbutiements et de vagues syntaxes mais aucun langue vivante. C'est déplorable et il n'y a pas que cela de déplorable. Mon amour chéri, je prends ta langue, je t'adore je prends ta bouche.


                                                                                                          Gui


                                                                                                           19 janvier 1916

            Mon amour, je me demande si nous n'irons pas un de ces jours en Orient. Enfin pour le moment marches manoeuvres - Je n'ai pas de lettre de toi aujourd'hui mon amour. Je t'ai envoyé le paquet des livres, une cuvette en toile qui ne me sert pas ici - des bande molletières noires, il les faut bleues maintenant. Emile et Pierre pourront se les partager quelques lettres, etc. ( quelques tentatives de manuscrit qui peuvent resservir ).
            Je pense à ta grâce exquise mon amour adoré et je suis un peu triste d'être si loin de toi, mon amour.
            Aujourd'hui j'ai eu la visite d'un caporal du 81, chargé d'un barda terrible et monocle. C'était mon ami Gabriel Boissy, pauvre garçon, son monocle a fait sensation, ce doit être le seul caporal à monocle de l'armée française.
            Je l'ai trouvé bien vieilli.
Jeune homme au monocle - Claude Monet            Mon amour je t'adore. Je voudrais bien que ton souhait de trois mois fut vrai, ô mon amour.
            Je pense à ta grâce ma chérie au milieu des mauresques des espagnoles.
            Je pense à notre fin de jour à Mers el Kébir et je suis un peu triste.
            Amour je ne sais pas bien écrire aujourd'hui. Je suis las. Je commence à être impatient, je voudrais que l'hiver fût fini.
            Mon amour, je t'adore et je prends ta bouche passionnément, follement.





@ l'internaute - claude monet
                                                                                                             Ton Gui

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