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vendredi 12 décembre 2014

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui journal 38 Samuel Pepys ( Angleterre )




                                                                                             *** 1661 ***

            Depuis la fin de l'année dernière et le début de cette année J'habite une des maisons qui dépendent du bureau de la Marine, étant parmi les officiers du premier rang, et ce depuis près de six mois. Après bien des déboires avec les ouvriers, me voici presque installé. Dans ma maison habitent, outre moi-même, ma femme, Jane, William Hewer et Wayneman, le frère de ma servante.
            Je continue à être en bonne santé, dans une situation très confortable et florissante. Dieu en soit loué!
J'invite ma soeur Paulina à venir vivre chez moi. Pour ce qui est des affaires de l'Etat, le roi est installé et aimé de tous. Le du d'York a récemment épousé la fille du lord chancelier, ce qui déplaît à beaucoup. La reine est prête à retourner en France avec la princesse Henriette. Mort récente de la princesse d'Orange dont nous venons de prendre le deuil.
            Nous connûmes dernièrement la frayeur d'un grand complot suivi de nombreuses arrêstations, et cette frayeur n'est pas encore tout à fait dissipée. Le Parlement qui rendit tant de services au roi, commençant à se montrer factieux, a été dissous par le roi le 29 décembre dernier. On en choisira sans doute un autre bientôt.
            Je me pense maintenant riche de 300 livres net, en argent, tous mes biens payés, mes dettes acquittées. Donc plus rien à devoir.


                                                                                                                1er Janvier 1661

            Reçu ce matin la visite de Mr Moore. Il m'a apporté les derniers papiers à signer pour le mois écoulé et me dit, à mon grand plaisir, que les gratifications seront de 80 livres net pour moi, et d'environ 25 pour lui, obtenues pour des pardons, bien que je n'aie droit aucune gratification à ce titre.
            Viennent ensuite mon frère Thomas puis mon père, le Dr Thomas Pepys, mon oncle Fenner et ses deux fils ( le fils unique d'Anthony est mort ce matin, mais il m'a fait la civilité de venir et s'est montré assez enjoué ) pour le déjeuner. Je leur offre une bourriche d'huîtres, un plat de langue de boeuf, un autre d'anchois, des vins de toutes sortes et de la bière blonde de Northdown. Nous nous sommes bien divertis jusqu'à 11 heures environ, puis ils sont partis.                                                   recette.de
            A midi j'emmenai ma femme en voiture chez mon cousin Thomas Pepys ; nous y dînâmes avec mon père, le Dr Thomas, le cousin Strudwick, Scott et leurs femmes. J'y vis sa seconde femme pour la première fois, femme fort respectable. Mais le dîner qu'il nous offrit, piètre et médiocre pour un homme de son rang -en fait de nourriture rien que de très ordinaire. Le roi dîna aujourd'hui deux portes plus loin, chez un lord. Après le diner avec ma femme à Whitehall. Je l'envoyai chez Mrs Pearse ( où nous étions censés dîner aujourd'hui ) et je me rendis au Sceau Privé, d'où Mr Moore sortit tout l'argent qui lui revenait, ensuite chez Mr Pearse ( vu en chemin le duc d'York accompagnant sa femme, qui rendait visite à la reine, la première depuis la grande affaire. On dit que la reine la reçoit maintenant avec beaucoup de respect et d'affection ). Là, il calcula le montant des gratifications et moi je comptai l'argent. A cette occasion un sac de 100 livres dont j'avais fini le compte se répandit dans la pièce. Je crains fort d'avoir perdu de l'argent que nous avions compté.
            Cette affaire réglée, je quittai mes amis et me rendis chez milord, mais, comme il n'était pas rentré, je laissai l'argent en dépôt auprès de Mr Shipley, dis bonsoir à Mr Moore et retournai chez Mrs Pearse, où je soupai avec eux, ainsi que Mr Pearse, le commissaire de la Marine, sa femme et la mienne, d'une tête de veau grillée, mais si peu cuite que nous ne pûmes la manger, et d'une bonne poule. Mais c'est une telle souillon que je n'aime pas ce qu'elle prépare.
            Après le souper, je les mis en voiture et retournai chez milord, où je jouai au jeu de la bête jusqu'à minuit, avec John Goods et Ned Osgood. Puis dormis avec Mr Shipley.


                                                                                                               2 Janvier 1661

            Levé de bonne heure et, appelé chez milord, reçus de nombreuses recommandations pour ses affaires : écrire à mon oncle qu'il faudrait mettre sous clef les papiers de Mr Barnwell pour le cas où il viendrait à mourir, car on le croit très malade. Egalement s'entendre avec Mr W. Montagu pour verser les
4 000 livres par an promises par le roi à milord, et faire en sorte que Mr George Montagu fût choisi pour la circonscription de Huntington aux prochaines élections du Parlement, etc.
gretagarbure.com
            Après cela, nous nous  rendîmes à l'embarcadère de Whitehall. Il prit le bateau pour Lambeth et de là une voiture une voiture pour Portsmouth.
            Les bagages de la reine avaient été rassemblés dans la cour d'honneur de Whitehall, prêts à être expédiés, et sa Majesté prête à partir une heure après à Hampton Court ce soir, pour être à Portsmouth samedi prochain.
            Me rendis à mon bureau par le fleuve et y restai toute la matinée puis revins dîner à la maison. Je vis que ma soeur Pall était arrivée, mais je ne la laisse pas s'asseoir à ma table. Je fais cela d'emblée, afin qu'elle n'attende pas de moi cette faveur. Après dîner partis à Westminster en bateau, trouvai mon collègue Spicer qui dînait à la taverne de la Jambe avec les gens de l'Echiquier ( dont la plupart me sont inconnus ). Je restai boire avec eux puis chez Mr George Montagu pour l'affaire de l'élection. Il me donna une pièce d'or d'une livre. Ensuite chez milord. Je fis porter le coffre d'argenterie à l'Echiquier et mon collègue Spicer le mit au Trésor. Nous allâmes boir une chope de bière chez Will, puis nous nous quittâmes.
            Je fis le tour de la Grande Salle du Palais et achetai les discours prononcés par le roi et le chancelier à la dissolution du Parlement samedi dernier.
            Passéi chez milord où je pris l'argent que j'avais laissé hier soir, ainsi que les chandeliers d'argent. Retour en voiture, au passage les déposai chez l'échevin Backwell, car je n'en avais pas l'emploi, et emportai l'argent chez moi. Un homme se tenait debout près de notre porte alors que je rentrai avec l'argent, qui m'aperçut, ce qui m'inquiéta quelque peu.
            Montai dans mon cabinet de travail où j'écrivis des lettres et expédiai d'autres affaires.
            Je donnai aujourd'hui à sir William Battenet au capitaine Rider mon échine de boeuf pour le dîner de demain à Trinity House. Le duc d'Albermarle sera présent ainsi que tous les autres confrères, car c'est un grand jour où lecture sera donnée de la nouvelle charte que le roi leur a octroyée.


                                                                                                                    3 janvier

            Ce matin, de bonne heure, me suis rendu à l'Echiquier, où j'ai compté l'argent de milord et le mien qui s'y trouve, soit 970 livres selon mes calculs. Allé ensuite chez Will, où Spicer et moi dînons d'un jambon rôti. Après quoi au théâtre où l'on donnait L'arbre aux mendiants, fort bien joué. Je vis là, pour la première fois, des femmes sur scène. Puis chez mon père où j'apprends que ma mère est partie pour Brampton dans la voiture de Bird, le transporteur, sur les instances de mon oncle, ma tante étant maintenant dans un état désespéré. Retour chez moi.


                                                                                                                         4 janvier
                                                                                                                                       Ben Johson 
            Au bureau toute la matinée, ma femme et Pall étant parties chez mon père préparer le dîner pour Mr Honywood, car ma mère avait quitté Londres. Dîné à la maison en compagnie de Mr Moore, avec qui je m'étais rendu de bonne heure ce matin au bureau des Joyaux de Whitehall, afin de choisir une pièce de vermeil pour milord, en échange du cadeau qu'il fît au roi. C'est semble-t-il habituel à ce moment de l'année, et un comte donne au roi une bourse de vingt pièces d'or. Je choisis une chope en vermeil pesant 31 onces et demie. Comme il a droit à 30 onces, je payai 12 shillings l'excédent d'une once et demie. Mais ce qui me surprit en ce lieu, c'est le grand nombre de petites gratifications qui me furent réclamées par une foule de gens. C'est ainsi, semble-t-il, que les gens de cour acquièrent leur bien.  
            Après dîner, théâtre avec Mr Moore, "La belle dédaigneuse ", très bien jouée, première pièce qu'il ait jamais vue. De là partis boire une chope de bière avec lui aux Colonnes d'Hercule, puis nous nous quittâmes. J'allai voir mon père qui, en passant, me dit que William et Mary Joyce mènent ensemble une drôle de vie, ne font que se battre, etc., si bien que le père de Mary songe parfois à les faire divorcer. Rentré ensuite chez moi.


                                                                                                                           5 janvier 1661

            A la maison toute la matinée. Plusieurs vinrent me voir pour affaires, entre autres le grand Thomas Fuller, venu me demander une faveur pour un de ses amis qui aimerait partir pour la Jamaïque avec les deux navires qui s'y rendent, ce que je promis d'arranger.
            A Whitehall chez milady, que je trouvai en train de dîner. Je mangeai avec elle et restai parler tout l'après-midi. Me rendis après, à pied, dans la Grand-Salle de Westminster, puis chez Will, où je pris un verre avec Spicer. Retour ensuite chez moi en voiture, après un petit arrêt à l'enclos de Saint-Paul pour commander des reliures pour Les Fables d'Esope d'Ogilby et Les Offices de Cicéron. Retour chez moi.


                                                                                                                               6 Janvier
                                                                                                             Jour du Seigneur et fête des Rois
            Avec ma femme à l'église ce matin, puis rentré dîné chez moi d'un gigot bouilli, tout seul.
            Retour à l'église où, avant le sermon, on donna à chanter un long psaume qui dura une heure, pendant laquelle le sacristain fit la quête dans tous l'église pour recueillir la contribution annuelle.
            Chez moi après le sermon. J'allai dans mon cabinet où j'écrivis une lettre à expédier à Mr Coventry pour accompagner une pièce d'argenterie. J'en garde copie avec mes autres lettres.
            Après quoi souper, puis au lit après la prière.


                                                                                                                                7 janvier

            Ce matin j'appris au lit que les fanatiques avaient causé un grand émoi dans la Cité, qu'ils s'étaient soulevés et avaient tué six ou sept hommes, mais s'étaient tous enfuis. Le lord-maire et toute la Cité sont en armes, soit plus de 40 000 hommes. Au bureau et après cela parti dîner, mon frère me rejoignit et dîna avec moi. Après le repas, laissai 12 pence à mes domestiques pour qu'ils s'achètent un gâteau, car c'est aujourd'hui la fête des Rois, j'allai avec Tom et ma femme au théâtre. Nous y vîmes La femme silencieuse.
Première fois que je voyais cette pièce, au demeurant excellente. Entre autres réussites, Kynaston, le jeune garçon, tient avec talent trois rôles différents, apparaissant d'abord sous les traits d'une pauvresse en vêtements ordinaires pour plaire à Morose, puis parée des riches habits d'une femme du monde, ainsi vêtue c'était de loin la plus jolie femme de la salle, et pour finir en homme, là encore le plus bel homme de la salle. Après le théâtre, avec un flambeau jusque chez mon cousin Strudwick où étaient déjà mon père, le Dr Pepys, Scott et sa femme, ainsi qu'un certain Mr Ward et la sienne. Après un bon souper, on nous sert un excellent gâteau. La fève de la reine ayant été coupée il y eut deux reines, ma femme et Mrs Ward. Comme on avait perdu le roi, ils choisirent le docteur comme roi, aussi lui demandâmes-nou de commander du vin. Après quoi retour à la maison. En chemin, nous fûmes à plusieurs reprises soumis à des contrôles très sérieux, plus fréquents qu'aux pires moments, car on craint fort une nouvelle insurrection des fanatiques. Pour le moment, je n'ai pas entendu dire qu'on en air arrêté.
            Arrivés chez nous par un beau clair de lune à minuit passé. Une fois de retour, nous constatons que mes gens se sont bien divertis, et ma femme m'apprend plus tard qu'elle a entendu dire qu'ils ont invité le jeune Davis et d'autres voisins pour s'amuser, mais rien de mal.


                                                                                                                      8 janvier

            Ma femme et moi faisons aujourd'hui la grasse matinée et la passons agréablement à causer et à bavarder. Arrivée de Mr Warren, alors que j'étais levé. Nous nous mettons d'accord sur les cadeaux destinés à milord. Puis Will et moi allons à Wesminster où je dînai avec milady. Après le dîner j'emmenai lord Hinchingbrooke et Mr Sidney au théâtre et leur fis voir La veuve, pièce honnête, mais gâchée par les hésitations des actrices qui connaissaient mal leur rôle. Après cela, pris la voiture de milord, laquelle nous attendait. Retour chez milady qui me fit boire du vin de Florence et m'en donna deux bouteilles pour ma femme. Me rendis ensuite à pied chez mon cousin Strudwick où nous arrêtâmes le choix d'une collation et réglâmes d'autres détails en vue de notre réception de jeudi prochain. Ensuite chez Tom Pepys où j'achetai une douzaine d'assiettes, puis retour à la maison.
            On parle aujourd'hui d'une troupe de fanatiques qui aurait été vue de près de Barnett, mais je ne le crois pas.
            Cependant le lord-maire, sir Richard Brown, s'est comporté fort honorablement et a fait jeter à bas une de leurs chapelles à Londres.


                                                                                                                           9 janvier

            Réveillé ce matin vers 6 heures par des gens qui montaient et descendaient précipitamment l'escalier chez Mr Denis et parlaient d'un soulèvement armé des fanatiques dans la Cité. Je me lève donc et je sors. Dans la rue je trouve tout le monde en armes sur le pas de sa porte. Je m'en retourne alors ( sans grand courage pourtant, mais afin de ne pas donner l'impression d'en manquer ) et prends mon épée et mon pistolet, sans toutefois avoir la poudre pour le charger. Je sortis devant ma porte où je rencontrai Sir Richard Ford et partis avec lui au hasard des rues jusqu'à la Bourse, où je le quittai. Chemin faisant, des gens de la milice plein les rues et force histoires terrifiantes sur les méfaits de ces gredins. M'est avis qu'il y a ce matin près d'une douzaine de tués dans
les deux camps. Voyant la Cité dans cet état, les boutiques fermées,            maminicuisine.blogspot.com     l'agitation générale, je retournai chez moi et, comme c'était jour de bureau, restai en réunion jusqu'à midi. Retour chez moi où j'ai dîné en compagnie de mon père. Après le dîner, il voulut à tout prix que je me rende chez mon oncle Wight à qui je n'avais pas rendu visite depuis si longtemps que cela me gênait de le faire. Je le trouvai chez lui avec sa femme. Je vois bien qu'ils ont mal pris mon absence, mais tout cela c'est du passé et nous sommes bons amis. Je restai auprès de ma tante jusqu'à une heure tardive, mon oncle étant sorti pour ses affaires et ma tante ayant fort peur de rester seule. Retour chez moi, à mon luth jusque tard dans la soirée, puis au lit. Toute la nuit, garde vigilante dans la Cité, bien que, dit-on, les ennemis soient pour la plupart tués ou capturés.


                                                                                                                           10 janvier 1661

            Ce matin ma femme et Pall sont sorties de bonne heure. Je suis resté à la maison où vient me trouver Mr Hawley qui m'apporte mon salaire pour mon terme de service à la mer sous les ordres de Downing. Je lui en donnai la moitié et il eut l'élégance de laisser en cadeau à ma servante Jane les 5 shillings de petite monnaie. Nous sortîmes ensemble, nous arrêtant pour prendre des nouvelles de sir William Penn qui m'a l'air très malade, et au Cerceau, près du pont, bûmes deux pintes de vin à l'absinthe et de xéres. Il me dit qu'il a repris sa cour auprès de Mr Lane et qu'il doit bientôt entrer au service de l'évêque de Londres.
            Allé en bateau à Whitehall. Trouvé ma femme chez Mrs Hunt, je l'y laissai dîner et allai dîner avec milady, restant avec elle quelque temps.
            Après dîner, Will vient me dire qu'il a porté à Mr Coventry ma pièce d'argenterie. Il en est charmé, m'envoie une lettre très aimable en me retournant l'argenterie, ce qui me réjouit fort. Chez Mrs Hunt, où je trouve à dîner un Français de ses locataires. Juste au moment où j'arrivais il embrassait ma femme, ce qui me déplut, encore qu'il ne pût y avoir de mal à cela.
            En voiture chez mon oncle Wight avec ma femme. Les trouvant sortis nous rentrâmes à la maison. Après avoir mis quelques papiers en ordre et placé dans un album des lettres que j'ai envie de garder, j'allai voir avec ma femme sir William Penn que nous trouvons encore malade, mais il fait bien des façons. Nous restâmes longtemps à parler avec lui. Arrivent au bout de quelque temps Mr Davis et sa femme, très dépitée que ma femme ne soit encore jamais allée la voir, et nous nous mettons à parler. Mr Davis nous parle des interrogatoires serrés auxquels sont soumis les fanatiques qui sont pris. Voici, en bref, ce qu'il en est.
            " - Ces fanatiques qui ont commis tant de forfaits, à savoir mis en déroute toutes les milices qu'ils ont affrontées, fait fuir la garde du roi, tué une vingtaine d'hommes, forcé par deux fois les portes de la Cité, et tout cela en plein jour, alors que toute la Cité était en armes, n'étaient pas plus de 31, quand nous croyions qu'ils étaient au moins 500, tant il est vrai qu'on les a vus presque partout dans la Cité, qu'ils se sont trouvés deux ou trois jours près de Highgate et en plusieurs autres lieux. Chose inouïe que tant d'audace et de méfaits de la part de si peu d'hommes ! Ils se ralliaient au cri de " Par Christ-Roi et les têtes clouées aux portes ! " Il en est peu qui acceptent qu'on leur fasse quartier, sauf ceux qui ont été capturés de force et gardés vivant, car ils espèrent la venue et le règne du Christ en ce monde et ne doutent pas qu'après leur mort leur oeuvre ne soit malgré tout poursuivie.
            Le roi est venu aujourd'hui en ville.


                                                                                                                           11 janvier
 Molenaer                                                                                                              Jour de bureau
            Aujourd'hui des lettres de Portsmouth nous apprennent que la princesse Henriette est tombée malade de la rougeole à bord du " London " alors qu'elle avait déjà pris la mer avec la reine, si bien qu'elles durent retourner à Portsmouth. Echoué au retour à la suite d'une négligence du pilote, sur le banc de Horse Sand. La reine et elle restent à bord et n'ont pas l'intention de descendre à terre, aussi longtemps que la reine ne sera pas rassurée sur l'état de la jeune princesse. Cette nouvelle donne assurément à penser aux gens, que trois personnes soient, l'une après l'autre, affectées du même mal. Ce matin nous recevons également l'ordre de faire disposer des gardes dans tous les arsenaux du roi, aussi choisissons-nous les homme et leur affectation. Sir William Batten pour Chatham, le colonel Slingsby et moi pour Deptford et Woolwich. Portsmouth étant une garnison n'a besoin de personne.
            Dîné chez moi, mécontent que ma femme ne soigne pas davantage sa mise, maintenant qu'elle a deux servantes. Après dîner, Kate Sterpin, que nous n'avons pas vue depuis longtemps, et son mari viennent nous voir. Je restai un moment avec eux, puis allai au bureau en les laissant avec ma femme.
            Le soir, allai à pied à l'enclos de Saint-Paul commander des livres pour la semaine prochaine, puis au café où je rencontrai le capitaine Morris, marchand de meubles. Il m'aurait volontiers prêté un cheval pour que je lui tienne compagnie dans la garde de la Cité autour du lord-maire. On s'attend en effet à de nouvelles actions de ces gredins, mais je refusai, parce que je quitte Londres demain. Retour chez moi, et au lit.


                                                                                                                            12 janvier
                                                                                                                     Samedi
            En compagnie du colonel Slingsby et d'un de ses amis, le commandant Waters, sourd et plongé dans une mélancolie profonde due, selon le colonel à une déception amoureuse, ce qui rend sa compagnie peu amène, bien qu'il soit d'un bon naturel, allai jusqu'à Rotherhithe par le fleuve, puis à pied jusqu'à Deptford, nos domestiques suivant en bateau. Une fois rendus nous entreprîmes de désigner quatre capitaines pour le commandement des gardes et d'arrêter les emplacements et autres détails. Nous dînâmes au Globe, ayant notre estafette pour assurer le service. Je n'avais jamais jusqu'ici pris conscience de la grande autorité de ma charge, tous les capitaines de l'escadre nous abordent chapeau bas.
            Après m'être entretenu avec le colonel jusqu'à une heure très tardive, j'accompagnai chez lui Mr Davies, garde-magasin dont la femme est malade, je ne pus donc la voir, et fus logé par lui comme un prince, avec tant de respect et d'honneur que c'est à peine si je savais comment me comporter.


                                                                                                                             13 Janvier
                                                                                                                       jan miense molenaer
            Le matin nous nous rendîmes à l'église et prîmes place sur le banc qui nous est réservé. Sermon insipide d'un jeune homme qui n'avait encore jamais prêché. Le commissaire Pett vint avec sa femme et ses filles, l'aînée qui est la fille de sa femme est une très jolie brune. Puis au Globe pour dîner. Je suivis ensuite le commissaire Pett dans le logement qu'il occupe dans cette taverne durant la construction  du yacht du roi. Ce sera un très beau bateau, très supérieur au yacht hollandais. Nous allâmes ensuite, en voiture, avec sa famille à l'église de Greenwich. Bon sermon, belle église et force jolies femmes. Après le sermon, retour à Depton où nous nous attardâmes chez le commissaire et à la taverne du Globe. Je rentrai me coucher chez Mr Davies, mais, à peine au lit, une alerte nous remet debout. Le contrôleur nous rejoint à l'arsenal, aiinsi que les marins de tous les vaisseaux présents au port. Nous les armons, chacun reçoit une pique qu'il brandit avec un air aussi féroce que possible? Nous apprenons que finalement il ne s'agissait que de cinq ou six cavaliers qui, sans s'arrêter, auraient passé la garde postée en ville, aurait tiré sur eux, selon certains. Mais tout étant calme, nous ordonnons aux marins de remonter à bord et retournons tous au lit. Je m'attardai un moment avec Mr Davies dans son cabinet qui est rempli de bons livres et de quelques bons recueils de chansons.


                                                                                                                               14 janvier

            Les armes étant arrivées de la Tour ce matin nous les fîmes distribuer. Je visitai longuement l'arsenal, en long, en large avec le lieutenant Lambert et il me donna de nombreux éclaircissements sur ce qui s'y fait. Il
m'accompagna et dîna avec nous. Après dîner, Mrs Pett, son mari s'étant rendu ce matin à Chatham avec sir William Batten, nous prêta sa voiture jusqu'à Woolwich. Nous distribuâmes là aussi les armes et postâmes les gardes. Allés chez Mr Pett, le charpentier de la marine, et y soupâmes. Il nous traita fort bien. L'élégance des maisons appartenant à tous les officiers des arsenaux, est étonnante. Sa femme est une personne comme il faut, qui fut belle et a encore la main fort jolie.
            Après cela j'accompagnai Mr Ackworth chez lui. Il a une fort belle maison et une femme comme il faut et très jolie. Nous conversâmes tous trois dans ma chambre,. Eux partis je me mis au lit, lui aussi très beau, très confortable.


                                                                                                                        15 janvier
molenaer
            Ai parcouru l'arsenal en tous sens pendant toute la matinée et vu les matelots à l'exercice, qu'ils font déjà fort joliment.
            Puis dîner chez Mr Ackworth. Un certain capitaine Bethel, ami du contrôleur de la Marine, se joignit à nous. Bon dîner, très bien servi. Puis, prenant congé des officiers de l'arsenal, nous nous rendîmes à pied au bord de la mer et entrâmes en passant à la corderie où je jetai un oeil aux goudronneries et autres ateliers, m'intéressant de près aux diverses opérations qui entrent dans la fabrication des câbles.
            Après une coupe de vin chaud à la taverne du coin, nous prîmes le canot jusqu'à Blackwell pour visiter le bassin et la nouvelle darse qu'on vient de construire, ainsi qu'un beau vaisseau marchand tout neuf que l'on doit bientôt lancer et qui s'appellera, dit-on le " Royal Oak ".
            A pied jusqu'à Duke Shore, puis à la Tour et retour chez moi où je trouve ma femme et Pall sorties. Je me rendis chez sir William Penn où je trouvai Mr Coventry, ce qui me donna l'occasion de le remercier, il me fit de son côté force amabilités. Je m'attardai auprès de sir William Penn après le départ de Mr Coventry et eus avec lui une longue conversation. Je m'aperçus qu'il n'y a guère de sympathie entre les officiers de la Marine, mais je reste en rapport avec tous, autant que je peux. Sir William Penn est encore très malade, comme la dernière fois que je le vis. Retour chez moi où ma femme n'est toujours pas rentrée. Je montai mettre de l'ordre dans mes papiers. Très contrarié que ma femme ne soit toujours pas rentrée, car dix heures sonnent au moment où j'écris cette dernière ligne.
            J'apprends aujourd'hui que la princesse est remise. Le roi s'est rendu cet après-midi à Deptford voir le yacht que construit le commissaire Pett, et qui sera très beau, comme aussi celui que construit son frère à Woolwich.
            Sur ces entrefaites arrive mon petit valet qui me dit que sa maitresse couche cette nuit chez Mrs Hunt
très malade. Là-dessus un peu rassuré, je me mets au lit.


                                                                                            ( à suivre .... 16 janvier )

            J'allai......./