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lundi 9 avril 2012

Lettre à Madeleine 29 Apollinaire

            ( Apollinaire adresse deux longues lettres à Madeleine, les 1er et 2 octobre l'assure de son amour et la rassure " ... Sois ma femme, ma Poppée, ma Phèdre, sois la Madeleine savante et avertie  que j'adore... " Puis il ajoute "... Les permissions qui sont suspendues dans notre secteur depuis un mois n'ont pas repris... A propos du mot bobosse ou fantabosse ... il n'est pas nouveau et s'employait déjà en 70. Je viens de la trouver dans un roman de Richepin qui se passe en ce temps la Césarine... )

   Lettre à Madeleine

                                                                                                              Le 3 8bre 1915

            Je t'écris, mon amour, le 2 au soir. Pas de lettre de mon amour aujourd'hui. Je n'ai reçu que les épreuves du cri " A l' Italie " qui paraîtra en octobre dans La Voce de Florence. Je t'ai envoyé aujourd'hui le corps de l'encrier. Mais je ne sais pas encore s'il partira. Envoie-moi des lettres bien aimantes pr donner un aliment aux miennes même les jours où je n'en reçois pas. - Je suis tout désemparé quand je n'ai pas de tes lettres, mon amour.
            Nous sommes toujours dans l'attente d'un départ possible. On ne peut travailler à rien dans les intervalles du tir car les paquetages sont faits. voilà 2 jours que je n'ai pas de lettres de toi et il me semble bien qu'il y ait un siècle. D'ailleurs, on est si mal installé pour écrire que c'est tout juste si on arrive à écrire des lettres et en petit nombre. Au demeurant, il n'y a qu'à toi que je puisse écrire volontiers et de longues lettres. Le reste du temps on rôde aux alentours, pas bien loin, pr tâcher de trouver un journal que généralement on ne trouve pas comme aujourd'hui par exemple où l'on lit un vague roman trouvé par hasard.
            On trouve pas mal d'équipements boches, mais tout trop lourd pour être envoyé. C'est curieux cette interdiction et après tout inexplicable, mais comme on sait qu'il ne faut pas chercher à comprendre, ne cherchons pas à le faire.
            Dis, mon amour, as-tu repris tes cours. Oui sans doute maintenant. Je pense à ta petite tête brune, si jolie sous la merveilleuse forêt vierge de ton admirable chevelure. Je souhaite infiniment ta présence.
            Je pense à cette batterie boche qu'on a trouvée dans les lignes conquises et que j'ai vue pendant une excursion ; les pièces brisées, les servants massacrés et desséchés depuis le mois de mars où ils sont morts entre les lignes françaises et les leurs.
            Et je repense à tes douces lettres si rares maintenant, si rares si rares, mon amour.
            Écris-moi régulièrement. Il a fait beau tout le jour mais dès le soir le temps est glacial.
            Je prends tes lèvres mon amour très chéri, je les prends infiniment, je t'adore, je t'adore, ma chérie, je t'aime et te désire si profondément, si tu savais ! Je t'aime et je reprends tes lèvres, mon amour.

                                                                                                            Gui

    Fleur ... rose      
                                                              Lettre à Madeleine

                                                                                                                4 octobre 1915

            Mon amour très chéri, ma petite Madeleine adorée, trois lettres de toi aujourd'hui et trois lettres si aimantes qu'elles détruisent la tristesse - mais tristesse sans peine car je sais bien que tu m'aimes - de ta lettre du 24. Aussi je suis content, content, content. Oui tu as raison, ma Rose tu seras toujours mon lys. Tu sais bien qu'une rose comme toi sera toujours un lys. Plus tu seras ma rose plus pour tout l'univers tu seras le lys et plus tu paraîtras une rose au reste du monde plus tu seras mon lys unique et je garderai toujours pour ma femme l'amour que j'ai eu pour ma fiancée. J'aime toutes les Madeleine qui ne sont qu'une et je disais hier pencher pour la Rose mais ce n'est pas aux dépens du Lys car dès que la Rose veut bien être la Rose le Lys se dresse avec tous ses droits qui me sont aussi chers que ceux de la Rose. Je veux dire simplement que la Rose ne peut faire aucun tort au Lys, c'est pourquoi je ne voudrais pas que le Lys puisse jamais se croire supérieur à la Rose et si tu veux bien admettre ce charabia sincère d'amour tu es ma Roselys. Les 2 fleurs à la fois. Je suis bien content d'avoir devancé ton désir en souhaitant que tu fasses toujours les premiers pas. Il ne s'agit nullement, tu vois, de choquer ton adorable pudeur, mais je veux que de ton côté tu ne retiennes point les mouvements de ton corps vers moi, de façon à ce que ta pudeur ne s'efforce point à être un obstacle entre toi et moi. C'est ainsi que tu l'entends au reste.
            Tu peux te servir des coupe-papier comme tu voudras, ils sont à moi, voilà tout.
            La révélation qui t'a tant troublée me trouble aussi profondément de ce qu'elle t'est révélée. J'exulte de ta joie , ma chérie, et je te prends tout entière jusqu'au plus intime de ton être et je prends ta bouche : langue à langue passionnément. Ceci pour la lettre 25. - Maintenant pour la 1re lettre du 26. Je suis content que Lamur soit loin de la mer et vous soyez tous en sûreté. Mon ardente Madeleine tu m'aimes comme je veux être aimé. µJe prends tes lèvres jusqu'au sang que tu me donnes.
            La seconde lettre du 26 mon amour, je l'ai déjà lue 20 fois tant je l'aime. Je te prends rêveuse ou active, rieuse ou grave mon amour. Tout est beau en toi ma chérie, tout est harmonieux et comme j'aime qu'il y ait en toi encore plus de désir de la beauté. Oui le dédain de l'hypocrisie vient de ton sens admirable de la beauté. Vérité et amour c'est nous deux et cela ne fait qu'un dans leur synthèse : Beauté.
                                                                                            
                        
            Tu as continué ta lettre le 27. Je ne porte pas la bague semblable à la tienne parce qu'elle est trop grande. Mais garde-la moi si tu veux. Elle me gêne pour monter à cheval, remuer beaucoup les mains, etc. Que je suis content que tu aies enfin compris que nous aimons tout en nous, et tu as bien compris  le secret le divin secret et je souhaite le langage que tu te trouveras à notre secret. Ta compréhension des rites de l'amour me cause une allégresse pour ainsi dire religieuse, ô ma Rose, ô mon Lys. Tu as compris qu'à nous tout est permis et que nous aurions toutes les joies et sans nous laisser dominer par ces joies, mais ce qui te domptera, ce n'est pas ta volonté, c'est la mienne. - Ma bougie vient de se renverser sur la lettre pardonne mon amour qu'elle soit si sale mais je suis si mal installé !! Je renouvelle donc mes baisers sur tes hanches de perle, que j'aime et dont tu es fière, mon adorée et je suis heureux que ta pensée s'ingénie aux raffinements pour rendre notre amour plus grand que tout ce qui fut l'amour jusqu'ici. Tes sens s'éveillent adorablement on dirait d'Aphrodite se dégageant nue et belle de l'écume marine. Tu savais que tu me trouverais mon amour et tu me gardais pour toi sans aucun trouble et maintenant tu es ma proie, ma toison d'or oui ma chérie, je mets ma tête contre ton sein gauche, je tremble de volupté en y touchant, j'écoute ton coeur, je le baise et je baise aussi la divine coupe faite comme je voulais, car il les faut point trop lourds en effet ma chérie et les tiens sont la perfection. Que j'aime ton corps long et harmonieux, que je suis heureux que tu me comprennes et que tu m'aimes ainsi que tu le fais avec toutes tes fibres et suis si content que tu n'aies plus à être honteuse de ta beauté devant moi mon amour aux beaux yeux et ta chair je la pétris comme le boulanger pétris la pâte et cette comparaison a dû toujours s'imposer puisque aussi haut qu'on monte les pains ont toujours été pétris en formes sexuelles - le pain fendu sexe féminin, le pain long sexe viril. Je suis content de ta joie complète causée par ma lettre du 19 et te prie de ne plus quitter une joie qui nous est si favorable. La joie est tout dans la vie, la joie est le grand soldat victorieux, notre joie régnera sur tout si tu veux, ta joie voluptueuse est mon bonheur suprême. µje te prends toute profondément et je prends ta langue mon amour infiniment. Je me meurs dans ta bouche adorable.
            J'ai reçu le Mercure que je t'enverrai. Il n'y a pas ma vie anecdotique que j'ai envoyé trop tard.
            Je prends tes seins adorables ma chérie et tes hanches merveilleuses. µJe t'adore et te le répète infiniment bouche à bouche, langue à langue à n'en plus finir.


                                                                                                               Gui