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mardi 11 décembre 2012

Lettres à Madeleine 57 Apollinaire


Guillaume Apollinaire - Cheval    Ipzo
                                               Lettre à Madeleine

                                                                                                              20 janvier 1916

            Mon amour je t'ai dit que le lieutnt Cnt de la Cie était rentré, mais comme il a de l'albuminie exempt   service et c'est moi qui continue. Aujourd'hui marche de Régnt. Notre bataillon marchait en tête et ma Cie en tête du bataillon. Tu vois ton Gui en tête de tout le régiment sur pied de guerre avec toutes les mitrailleuses etc. J'étais ému indiciblement à cheval naturellement un sale carcan vicieux qui avait peur de la musique des autos. Chaque fois qu'on a défilé devant le colonel, mon cheval faisait des bonds !... Enfin tout s'est bien passé. Demain manoeuvres de cadres c'est-à-dire stratégie, puis ensuite dans 2 jours on partira pour les grandes manoeuvres, c'est rigolo n'est-ce pas ?
            Aujourd'hui, amour, deux lettres de toi celles du 13 et du 14. J'ai pensé en effet à la mine du Cnt du Sidi-Brahim au départ d'Oran qu'il y avait quelque chose - il n'avait pas l'air rassuré.
            Je sens tes bras autour de mon cou, et je t'adore ma chérie.
            Tes histoires m'ont amusé et me sont précieuses.
            Mon chéri je t'adore. Melle Glotz est très bien.Ton amie a fait donc une grosse bêtise.
            Les petits sont très gentils.
            Il faut que j'aille me coucher, car demain matin expérience de quelque chose.
            Il faut que je file de très bonne heure.
            Je t'adore, je prends ta bouche


                                                                                                           Gui


                                                                                                      21 janvier 1916

            Mon amour. Je t'adore aujourd'hui la 7è Cie à laquelle j'avais été détaché m'a apporté un certain nombre de lettres de toi et 2 lettres si gentilles de ta maman, remercie-la et dis lui que je l'embrasse filialement.
            Nous partons demain pr un camp d'instruction faire des manoeuvres.
            Ce n'est pas folâtre et je n'ai pas une minute pour écrire.
            Je t'adore. Je suis fatigué par tout ce tintouin.
            Je deviens réellement abruti par tout ce travail.
            J'ai reçu aujourd'hui une lettre d'un ami réformé très longtemps et qui devenu zouave il n'y a pas longtemps est maintenant sur le front. Cela rend à peu près la vie du simple soldat.
            Je t'adore mon amour adoré. Tiens-moi au courant de tout ce que tu fais mon amour. Je n'ai pas eu de lettre de toi aujourd'hui ni hier. Je t'ai envoyé hier un autre paquet.
            Le béret depuis n'est plus réglementaire mais seulement le bonnet de police ( et le casque ). Aussi le paquet contient le béret, des livres que je n'ai pas eu le temps de lire, il y a aussi l'album de la campagne de Champagne. Je te l'expliquerai plus tard mais tu y verras Le-Mesnil-lès-Hurlus Perthes Tahure le Trou Bricot la Cote 193 la Tranchée d'York celle de Hambourg etc. etc. tous endroits dont je te parlerai plus tard.
            Je traîne un roman de la feuille littéraire en poche mais n'ai pas eu le temps de rien lire.
            Je prends follement ta bouche mon adorée. Je t'embrasse.


                                                                                                                Gui


                                                                                    Aux Armées 22 janvier 1916

            Je t'adore, mon amour chéri et à peine arrivé dans notre nouveau séjour, je t'écris. On a fait une longue étape.
            Il a pluvioté, on a marché pendant six heures.
            Au bout les hommes ont trouvé leurs baraquements en planches avec des paillasses sur des lits verts ( c'est bien le mot ), en effet ils sont en claies de petites branches vertes. Les officiers sont au gros village à côté. La maison où je suis est épatante et l'intérieur est exquis, excepté que ma chambre est ni plus ni moins que mal, toute petite et basse avec une paillasse pour l'ordonnance. Rien pour se laver ( mais on y remédie ) des pommes et poires dans un coin et un superbe édredon rouge. Ne crois pas que j'y serai mal. On a couché dans de plus mauvaises conditions. Il suffit que je trouve une cuvette une serviette et tout ira bien.
            On va se mettre à faire des manoeuvres puis ensuite en ligne. J'ai été encore commandant de Cie pr ce déplacement. Mais pr m'habituer j'ai fait la marche à pied ( très bien supporté la chose ) nous étions compagnie de queue.
            Jean-Marie est insupportable au repos.
            Il est parti en avant avec le campement qu'il a lâché en route et le colonel l'a surpris en train de déjeuner confortablement d'un poulet. Comme il était éméché le Ct de Bataillon m'a prescrit de lui donner 8 jours d'arrêt. Je ne crois pas que ça ira plus loin comme il s'agit d'un merveilleux soldat.
            Voilà amour, un peu de ma vie courante. Je t'adore, ma chérie, je pense à toi tout le temps, je pense à tes seins, à ta grâce, je t'adore.
            Écris-moi ce que tu fais au lycée, embrasse ta maman gentille et les petits, dis bonjour aussi à la photographe Louise.
            Je t'adore et prends follement ta bouche, ta bouche ta langue.
 

                                                                                                   Ton Gui

            Dis à Marthe qu'elle ne doit pas te tartiner quand je suis pas là pour l'en empêcher.


( note de l'éditeur : lettre codée : Madeleine a pu déchiffrer " Je suis à la ville-en-Tardenois " )


    * nature morte - vincent van gogh