jeudi 14 juin 2012

Les Chutes Emile Zola ( Mon Salon - Ecrits sur l'art France )

      


                                                           Les Chutes
                                                                                                                                                                       15 mai 1866


            Il y a en ce moment, une excellente comédie qui se joue, au Salon, en face des tableaux de Courbet. Ce que je trouve le plus curieux à étudier, même au point de vue de l'art, ce ne sont pas toujours les artistes, ce sont souvent les visiteurs qui par un seul mot, par un simple geste, avouent naïvement où nous en sommes en matière artistique. Il est bon parfois d'interroger la foule.
            Cette année, il est admis que les toiles de Courbet sont charmantes. On trouve son paysage exquis et son étude de femme très convenable. J'ai vu s'extasier des personnes qui, jusqu'ici, s'étaient montrées très dures pour le maître d'Ornans. Voilà qui m'a mis en défiance. J'aime à m'expliquer les choses, et je n'ai pas compris tout de suite ce brusque saut de l'opinion publique.
            Mais tout a été expliqué, lorsque j'ai regardé les toiles de plus près. Je l'ai dit, la grande ennemie, c'est la personnalité, l'impression étrange d'une nature individuelle. Un tableau est d'autant plus goûté qu'il est moins personnel. Courbet, cette année, a arrondi les angles trop rudes de son génie ; il a fait patte de velours, et voilà la foule charmée qui le trouve semblable à tout le monde et qui applaudit, satisfaite de voir enfin le maître à ses pieds. 
                         
                                            La femme au perroquet Courbet  
  
      
            Je ne le cache pas, j'éprouve une intime volupté à pénétrer les secrets ressorts d'une organisation quelconque. J'ai plus souci de la vie de l'art. Je m'amuse énormément à étudier les grands courant humains
qui traversent les foules et les jettent hors de leurs lits. Rien ne m'a paru plus curieux que ce fait d'un esprit puissant, admiré justement le jour où il a perdu quelque chose de sa puissance.
            J'admire Courbet, et je le prouverai tout à l'heure. Mais, je vous prie, reportez-vous à cette époque où il peignait la Baigneuseet le Convoi d'Ornans,et dîtes-moi si ces deux toiles magistrales ne sont pas autrement fortes que les deux délicieuses choses de cette année. Et pourtant, au temps de la Baigneuse et du Convoi d'Ornans, Courbet prêtait à rire, Courbet était lapidé par le public scandalisé. Aujourd'hui, personne ne rit, personne ne jette des pierres. Courbet a rentré ses serres d'aigle, il ne sait pas livré entier, et tout le monde bat des mains, tout le monde lui décerne des couronnes.
            Je n'ose formuler une règle qui s'impose forcément à moi : c'est que l'admiration de la foule est toujours en raison indirecte du génie individuel. Vous êtes d'autant plus admiré et compris, que vous êtes plus ordinaire.
            C'est là un aveu grave me fait la foule. J'ai le plus grand respect pour le public ; mais si je n'ai pas la prétention de le conduire, j'ai au moins le droit de l'étudierµ;
            Puisque je le vois aller aux tempérament affadis, aux esprits complaisants, je mets en doute ses jugements, et je songe que je n'ai pas eu un tort aussi grand qu'on veut bien le dire, en admirant un paria, un lépreux de l'art.
            Et comme je ne veux pas qu'on se méprenne sur les sentiments d'admiration profonde que j'éprouve pour Courbet, je dis ici ce que j'ai dit ailleurs, il y aura un an, lors de l'apparition de Proudhon.
            Mon Courbet à moi, est simplement une personnalité. Le peintre a commencé par imiter les Flamands et certains maîtres de la Renaissance ;  
                                                                         
                                                                                                                                                                                                                                                                    Postérité
mais sa nature se révoltait et il se sentait entraîné par toute sa chair, entendez-vous ? - vers le monde matériel qui l'entourait, les femmes grasses et les hommes puissants, les campagnes plantureuses et largement fécondes. Trapu et vigoureux, il avait l'âpre désir de serrer entre ses bras la nature vraie ; il voulait peindre en pleine viande et en plein terreau.
            La jeune génération, je parle des jeunes gens de vingt à vingt-cinq ans, ne connaît presque pas Courbet. Il m'a été donné de voir rue Hautefeuille, dans l'atelier du maître, pendant une de ses absences, certains de ses premiers tableaux. Je me suis étonné, et je n'ai pas trouvé le plus petit mot pour rire dans ces toiles graves et fortes dont on m'avait fait des monstres. Je m'attendais à des caricatures, à une fantaisie folle et grotesque, et j'étais devant une peinture serrée et large, d'un fini et d'une franchise extrêmes.
            Les types étaient vrais, sans être vulgaires ; les chairs, fermes et souples, vivaient puissamment ; les fonds s'emplissaient. d'air et donnaient aux figures une vigueur étonnante. La coloration, un peu sourde, a une harmonie presque douce, tandis que la justesse des tons et l'ampleur du métier établissent les plans et font que chaque détail a un relief étrange. En fermant les yeux, je revois ces toiles énergiques, d'une seule masse, bâties à chaux et à sable, réelles jusqu'à la vérité. Courbet appartient à la famille des faiseurs de chair
             
                               
            Certes, je ne puis être accusé de mesurer l'éloge au maître. Je l'aime dans sa puissance et sa personnalité.
            Il m'est permis de lui montrer la foule qui se groupe autour de ses toiles et de lui dire :
            " Prenez garde, voilà que vous passez dans l'admiration publique. Je sais bien qu'un jour votre apothéose viendra. Mais, à votre place, je me fâcherais de me voir accepté juste à l'heure où ma main aurait faibli, où je n'aurais pas fouillé au fond de moi pour me donner dans ma nature, sans ménagement ni concessions. "
            Je ne nie point que La Femme au perroquet ne soit une solide peinture, très travaillée et très nette ; je ne nie point que La Remise des chevreuils n'ait un grand charmes, beaucoup de vie ; mais il manque à ces toiles le je-ne-sais-quoi de puissant et de voulu qui est Courbet tout entier. Il y a douceur et sourire ; Courbet, pour l'écraser d'un mot , a fait du joli !
            On parle de la grande médaille. Si j'étais Courbet, je ne voudrais pas, pour La Femme au perroquet, d'une récompense suprême qu'on a refusée à La Curée et aux Casseurs de pierres.J'exigerais qu'il fût bien dit qu'on m'accepte dans mon génie et non dans mes gentillesses. Il y aurait pour moi je ne sais quelle pensée triste dans cette consécration donnée à deux de mes oeuvres que je ne reconnaîtrais pas comme les filles saines et fortes de mon esprit.
Jean-François Millet-Autoportrait.jpg                  
      
            Il y a encore deux autres artistes au Salon sur lesquels j'ai pleuré, MM. Millet et Théodore Rousseau. Tous deux ont été et seront encore, je me plais à le croire, des individualités pour lesquelles je me sens la plus vive admiration. Et je les retrouve ayant perdu la fermeté de leurs mains et l'excellence de leurs yeux.
            Je me souviens des premières peintures que j'ai vues de M. Millet. Les horizons s'étendaient larges et libres ; il y avait sur la toile comme un souffle de la terre. Une, deux figures au plus, puis quelques grandes lignes de terrain, et voilà qu'on avait la campagne ouverte devant soi, dans sa poésie vraie, dans sa poésie qui n'est faite que de réalité.
            Mais je parle en poète, et les peintres, je le sais n'aiment pas cela.
            S'il faut parler métier, j'ajouterai que la peinture de M. Millet était grasse et solide, que les différentes taches avaient une grande vigueur et une grande justesse. L'artiste procédait par morceaux simples, comme touts les peintres vraiment peintres.
            Cette année je me suis trouvé devant une peinture molle et indécise. On dirait que l'artiste a peint sur papier buvard et que l'huile s'est étendue. Les objets semblent s'écraser dans les fonds. C'est là une peinture à la cire qu'on a chauffée et dont les diverses couleurs se sont fondues les unes dans les autres.
            Je ne sens pas la réalité dans ce paysage. Nous sommes au bout d'un hameau, et, brusquement, l'horizon s'élargit. Un arbre se dresse seul dans cette immensité. On devine derrière cet arbre tout le ciel. Eh bien ! je le répète,la peinture manque de vigueur et de simplicité, les tons s'effacent et se mêlent, et, du coup, le ciel devient petit et l'arbre paraît collé aux nuages.
            Hélas ! l'histoire est la même pour M. Théodore Rousseau, peut-être même est-elle plus triste encore.
                                                                                                                                                                       
            En sortant du Salon, j'ai voulu retourner voir le paysage que l'artiste a au musée du Luxembourg. Vous rappelez-vous cet arbre puissamment tordu, se détachant en noir sur le rouge sombre d'un coucher de soleil ? Il y a des vaches dans l'herbe. L'oeuvre est profonde et tourmentée. Ce n'est peut-être pas là une nature bien vraie, mais ce sont des arbres, des vaches et des cieux interprétés par un esprit vigoureux qui nous a communiqué en un langage étrange les sensations poignantes que la campagne faisait naître en lui.
            Et je me suis demandé comment M. Théodore Rousseau pouvait en être arrivé au travail de patience dans lequel il se complaît aujourd'hui.Voyez ses paysages du Salon. Les feuilles et les cailloux sont comptés, les tableaux paraissent peints avec de petits bâtons qui auraient collé la couleur goutte à  goutte sur la toile. L'interprétation n'a  plus aucune largeur. Tout devient forcément petit. Le tempérament disparaît devant cette lente minutie ; l'oeil du peintre ne saisit pas l'horizon dans sa largeur, et la main ne peut rendre l'impression reçue et traduite par le tempérament. C'est pourquoi je ne sens rien de vivant dans cette peinture ; lorsque je demande à M. Théodore Rousseau de saisir en sa main, comme il l'a fait jadis, un morceau de la campagne, il s'amuse à émietter la campagne et à me la présenter en poussière.
            Tout son passé lui crie : Faites large, faites puissant, faites vivant.
                          
                                        
                                                            Le déjeuner sur l'herbe Manet

            Il me prend un scrupule. Le titre de cet article est bien dur. Je suis obligé de juger aujourd'hui, peut-être trop sévèrement, des artistes que j'aime et que j'admire. Un simple fait me servira d'excuse.
           Après la publication de mon article sur M. Manet, j'ai rencontré un de mes amis auquel je communiquai mon impression toute franche sur les toiles dont je viens de parler.
           " Ne dites jamais cela, s'est-il écrié, vous frappez sur vos frères ; il faut se constituer en bande, en coterie, et défendre quand même son parti. Vous levez le drapeau de la personnalité. Louez tous les gens personnels, dussiez-vous mentir. "
            C'est pourquoi je me suis hâté d'écrire ces lignes.


                                                                                             Zola

                                                                    ( paru dans l'Evènement le 15 mai 1866 )






 
           

Répandu sur le plancher Zisho Landau ( Poésie Yiddish )

 Répandu sur le plancher


                                                                   J'ai répandu sur le planche                
                                                                   Un peu d'alcool, et en silence
                                                                   J'ai allumé sur le plancher
                                                                   Ce peu d'alcool, et en silence
                                                                   L'alcool aisément a brûlé
                                                                   Aisément et calme a brûlé...

                                                                   Tel au mur le bruit d'un grillon
                                                                   En moi frappe et frappe un démon :
                                                                   " En glaçon te changeront
                                                                   Bientôt tes tremblantes mains. "
                                                                   Si je réchauffe ma main droite
                                                                   Gèle aussitôt ma main gauche,
                                                                   Si je réchauffe ma main gauche
                                                                   Gèle aussitôt ma main droite.

                                                                   Et le démon, tel un grillon,
                                                                   Frappe en silence, monotone,
                                                                   " Comme tu es froid et vieux
                                                                   Qui pourrait te réchauffer ?
                                                                   Et bientôt s'éteint le feu -
                                                                   Qui pourrait te réchauffer ?
                                                                   Tant qu'il en est temps encore
                                                                   Étends vers le feu ton corps. "

                                                                   Je m'étends, s'il en est temps,
                                                                   Vers le feu, sur le plancher.
                                                                   Je me chauffe et me réchauffe.
                                                                   Si je chauffe mon côté gauche
                                                                   Se glace mon côté droit.
                                                                   Si je chauffe mon côté droit
                                                                   Se glace mon côté gauche
                                                                   Et le démon, tel un grillon,
                                                                   frappe sans fin le silence.


                                                                                        Zisho Landau

                                            ( né en Pologne en 1889 mort à NewYork en 1937.
                                              poème extrait de l'Anthologie de la poésie
                                              yiddish - Le miroir d'un peuple )

Balenciaga Balenciaga Museoa ( France Espagne )

                      Catalogue d'exposition Balenciaga
                                                             Balenciaga


                     Né à Gétaria  au Pays Basque en 1895 Cristobal Balenciaga Eizaguirre deviendra le couturier le plus discret, mystique, au talent peu égalé selon ceux qui l'ont approché. Pour les 40 ans de sa disparition, après maintes tribulations le Musée Balenciaga ouvre ses portes au pays où il est né. Son père marin, sa mère couturière. De l'un il aura les journées sur le bateau royal, de l'autre son entrée dans le monde élégant de la couture grâce à l'une de ses cliente la marquise de Casa Torres, ses magazines de mode et sa bibliothèque. Le couturier sera très inspiré par l'histoire. Il apprend l'art du couturier et de son commerce. Il entre chez un tailleur de Saint Sébastien puis travaille pour les magasins du Louvre qui ouvrent toujours à Saint Sébastien où après un voyage à Paris il rencontre Chanel, elle dira plus tard : " Il était le plus grand ". En 1924 il décide d'ouvrir son 1er salon et  présente sa première collection avec succès, instaure des conditions d'achat strictes, poursuit son ascension, ouvre de nouveaux établissements. " Durant les défilés chaque mannequin marchait lentement dans un silence tel que toute l'attention se concentrait exclusivement sur... les étoffes et leur comportement durant la marche." La guerre civile espagnole pousse le couturier à s'installer à Paris en 1937. Il crée une société avec un ingénieur de Saint Sébastien. 1937 1è collection. Sa maison de couture consolidée il ouvre d'autres salons à Madrid, Barcelone, fidèle à ses origines. A Paris
" Les acheteurs et la presse se battent comme pour un match de football pour voir la collection du jeune espagnol... Manteau carré, manches coupées avec empiècement... " Années 50 " ... premier tailleur décintré
robe ballon, blouse de paysan, marinière. " Couturier indépendant il est également propriétaire de ses parfums. Raffiné exigeant Marlène Dietrich " Un essayage chez Balenciaga en vaut trois ailleurs. " Christian  Dior encore : " Avec les tissus nous faisons ce que nous pouvons, lui fait ce qu'il veut. " 1968 Dernière collection " Luxe et élégance n'ont plus leur place. Cristobal Balenciaga retourne en Espagne au pays des dentelles noires. Il meurt en 1972. Très bel album de 400 pages et quelques 500 photos. Au peintre Mirô il dit ; " Tu as de la chance car pour faire un chef-d'oeuvre tu le fais tout seul.. Moi il me faut 500 personnes. " Hubert de Givenchy parle du " miracle Balenciaga ". Un glossaire termine le volume.
                      






samedi 9 juin 2012

Anecdotes et Réflexions d'hièr



Alexandre Pouchkine par Piotre Kontchalovski

                                         Anecdotes et Réflexions
                                         ( extrait du Journal secret de Alexandre Sergueievitch Pouchkine
1836-1837. " ... dont la paternité reste controversée... " avertit l'éditeur dans une  note.)

            Pour la première fois de mon existence de sauvage, je m'endormais et me réveillais chaque jour avec la même femme... La différence entre une épouse et une maîtresse, c'est qu'avec une épouse on se couche sans désir. Voilà la raison pour laquelle le mariage est sacré. Le désir s'en trouve graduellement exclu et les
rapports deviennent simplement amicaux, indifférents même et souvent hostiles.Alors le corps nu n'est plus considéré comme péché parce qu'il n'est plus tentant.

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            Pour les hommes qui ne tâtent pas de la variété pendant le célibat, le désir s'en va lentement dans le
mariage. Par conséquent ils ne s'en aperçoivent pas, et quand ils s'en aperçoivent c'est trop tard, car ils sont déjà vieux... Après avoir goûté au fruit défendu, Adam et Eve apprirent la honte de leur nudité. La honte fut créée par le Diable, si bien détermina qu'ils avaient commis un péché en reconnaissant leur honte. Pour leur désobéissance Dieu les expulsa du Paradis mais leur laissa le plaisir en consolation... Mais le Diable ne se reposa pas et créa la société humaine, qu'il affligea d'une honte incommensurable... Le péché revit et dure,
grâce à la diversité de femmes qu'offre la société. L'être humain est l'oeuvre de Dieu , et la société humaine est l'oeuvre du Diable....

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            Je regarde les centaines de livres qui ornent mon bureau et me rends compte que, pour la plupart  je ne les ai pas touchés depuis la première fois où je les ai lus ou feuilletés. Mais il ne me vient même pas à l'esprit de m'en débarrasser - qu'adviendra-t-il si un jour j'ai envie d'ouvrir celui-ci ou celui-là ? J'ai dépensé mes derniers roubles tant pour l'acquisition de nouveaux livres que pour me payer des putains. Acheter des livres est un plaisir très différent de celui de la lecture : examiner minutieusement, renifler, feuilleter un nouveau livre est un bonheur en soi.
            La disponibilité des livres me donne confiance, je peux toujours en profiter si je choisis de le faire. Il en est de même avec les femmes - il m'en faut beaucoup et elles doivent s'ouvrir devant moi à la manière des livres. En vérité, pour moi, les livres et les femmes se ressemblent beaucoup... Je suis donc jaloux de mes livres et n'aime pas les prêter à qui que ce soit. Ma bibliothèque est mon harem.


                                                                                      Alexandre  Pouchkine
                                                                       '             ( 1799 - 1837 Moscou )          

Ma Bohème Arthur Rimbaud ( Poème )


                                                                                  
                                                                                                  Le Mendiant   Murillo



                                           Ma Bohème
                                          " Fantaisie "


                                          Je m'en allais, les mains dans mes poches crevées ;
                                          Mon paletot aussi devenu idéal ;
                                          J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal ;
                                          Oh ! là là ! que d'amours splendides j'ai rêvées !

                                          Mon unique culotte avait un large trou.
                                          - Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
                                          Des rimes. Mon auberge était à la Grande Ourse.
                                          - Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou.

                                          Et je les écoutais, assis au bord des routes,
                                          Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
                                          De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;

                                          Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
                                          Comme des lyres, je tirais les élastiques
                                          De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur !


                                                                                           Arthur Rimbaud

                                    

jeudi 7 juin 2012

Les Maîtres de l'Illustration de Modes David Downton ( Document Angleterre )

Les maîtres de l'illustration de modeLes Maîtres de l'Illustration de Mode


            Début du XXè sc jusqu'à l'avènement du tout photographique les dessinateurs exprimèrent la mode de Poiret à Schiaparelli. Dessins, peinture, leurs noms sont peu connus du grand public  Pourtant qui mieux que Leyendecker rendit plus vivante la matière, voir le cuir de la veste du " Pilote de la 1è guerre mondiale, couverture pour Collier's en 1917, car outre les modèles de couturiers ils exécutaient des portraits pour les revues. Venu de Florence Boldini installé à Paris travailla le vaporeux fut un des portraitistes les plus célébrés. Puis les costumes des Ballets Russes trouvèrent un écho auprès des illustrateurs venus de Prague, passés par NewYork. " La Gazette créée en 1912... contenait des éditoriaux, des illustrations et des publicités ainsi que des planches volantes de dessins de mode. " Modèles élégants. David Downton, illustrateur de mode a choisi 12 confrères parmi eux l'éternel  Drian et ses dessins gracieux, Antonio Lopez né à Porto Rico " novateur et provocateur " dit l'auteur. La double page parue en 1983 dans Vanity présente une flamboyante robe de Capucci. Travail sur le noir et blanc, beau volume à feuilleter par temps gris. A noter l'absence des femmes, certaines émergent cependant actuellement, dit Downton dans une interview en fin de volume, à Tony Glenville. Environ 200 dessins, et une bibliographie remplissent ce bel album.


           

mercredi 6 juin 2012

Une Vendetta Guy de Maupassant ( Nouvelle France )

Une Vendetta

            La veuve de Paolo Saverini habitait seule avec son fils une petite maison pauvre sur les remparts de Bonifacio. La ville, bâtie sur une avancée de la montagne, suspendue par places au-dessus de la mer, regarde, par-dessus le détroit hérissé d'écueils, la cote plus basse de la Sardaigne. A ses pieds, de l'autre coté, la contournant presque entièrement, une coupure de la falaise, qui ressemble à un gigantesque corridor, lui sert de port, amène jusqu'aux premières maisons, après un long circuit entre deux murailles abruptes, les petits bateaux pécheurs italiens ou sardes, et, chaque quinzaine, le vieux vapeur poussif qui fait le service d'Ajaccio.
            Sur la montagne blanche, le tas de maisons pose une tache plus blanche encore. Elles ont l'air de nids d'oiseaux sauvages, accrochées ainsi sur ce roc, dominant ce passage terrible où ne s'aventurent guère les navires. Le vent, sans repos, fatigue la mer, fatigue la cote nue, rongée par lui, à peine vêtue d'herbe ; il s'engouffre dans le détroit, dont il ravage les deux bords. Les traînées d'écume pale, accrochées aux pointes noires des innombrables rocs qui percent partout les vagues, ont l'air de lambeaux de toile flottant et palpitant à la surface de l'eau.
            La maison de la veuve Saverini, soudée au bord même de la falaise, ouvrait ses trois fenêtres sur cet horizon sauvage et désolé.
            Elle vivait là, seule, avec son fils Antoine et leur chienne " Sémillante ", grande bête maigre, aux poils longs et rudes, de la race des gardeurs de troupeaux . Elle servait au jeune homme pour chasser;
            Un soir, après une dispute, Antoine Saverini fut tué traîtreusement, d'un coup de couteau, par Nicolas Ravolati, qui, la nuit même, gagna la Sardaigne.
            Quand la vieille mère reçut le corps de son enfant, que des passants lui rapportèrent, elle ne pleura pas, mais elle demeura longtemps immobile à le regarder ; puis, étendant sa main ridée sur le cadavre, elle lui promit la vendetta. Elle ne voulut point qu'on restât avec elle, et elle s'enferma auprès du corps avec la chienne, qui hurlait. Elle hurlait, cette bête, d'une façon continue, debout au pied du lit, la tète tendue vers son maître, et la queue serrée enChien Corse !tre les pattes. Elle ne bougeait pas plus que la mère, qui, penchée maintenant sur le corps, l'oeil fixe, pleurait de grosses larmes muettes en le contemplant.
            Le jeune homme, sur le dos, vêtue de sa veste de gros drap trouée et déchirée à la poitrine, semblait dormir ; mais il avait du sang partout : sur la chemise arrachée pour les premiers soins ; sur son gilet, sur sa culotte, sur la face, sur les mains. Des caillots de sang s'étaient figés dans la barbe et dans les cheveux.
            La vieille mère se mit à lui parler. Au bruit de cette voix, la chienne se tut.
            " Va, va, tu seras vengé, mon petit, mon garçon, mon pauvre enfant. Dors, dors, tu seras vengé, entends-tu ? C'est la mère qui le promet ! Et elle tient toujours sa parole, la mère, tu le sais bien. "
            Et lentement elle se pencha sur lui, collant ses lèvres froides sur les lèvres mortes.
            Alors, Sémillante se remit à gémir. Elle poussait une longue plainte monotone, déchirante, horrible.
            Elles restèrent là, toutes les deux, la femme et la bête, jusqu'au matin.
            Antoine Saverini fut enterré le lendemain, et bientôt on ne parla plus de lui dans Bonifacio.

            Il n'avait laissé ni frère ni proches cousins. Aucun homme n'était là pour poursuivre la vendetta. Seule la mère y pensait, la vieille.
            De l'autre côté du détroit, elle voyait du matin au soir un point blanc sur la côte. C'est un petit village sarde, Longosardo, où se réfugient les bandits corses traqués de trop près. Ils peuplent presque seuls ce hameau, en face des côtes de leur patrie, et ils attendent là le moment de revenir, de retourner au maquis. C'est dans ce village, elle le savait, que s'était réfugié Nicolas Ravolati.
            Toute seules, tout le long du jour, assise à sa fenêtre, elle regardait là-bas en songeant à la vengeance. Comment ferait-elle sans personne, infirme, si près de la mort ? Mais elle avait promis , elle avait juré sur le cadavre. Elle ne pouvait oublier, elle ne pouvait attendre. Que ferait-elle ? Elle ne dormait plus la nuit, elle n'avait plus ni repos ni apaisement, elle cherchait, obstinée. La chienne, à ses pieds, sommeillait, et, parfois, levant la tête, hurlait au loin.µ Depuis que son maître n'était plus là, elle hurlait souvent ainsi, comme si elle l'eut appelé, comme si son âme de bête, inconsolable, eût aussi gardé le souvenir que rien n'efface.
            Or, une nuit, comme Sémillante se remettait à gémir, la mère, tout à coup, eut une idée, une idée de sauvage vindicatif et féroce. Elle la médita jusqu'au matin ; puis, levée dès les approches du jour, elle se rendit à l'église. Elle pria, prosternée sur le pavé, abattue devant Dieu, le suppliant de l'aider, de la soutenir, de donner à son pauvre corps usé la force qu'il lui fallait pour venger le fils.
            Puis elle rentra. Elle avait dans sa cour un ancien baril défoncé, qui recueillait l'eau des gouttières ; elle le renversa, le vida, l'assujettit contre le sol avec des pieux et des pierres ; puis elle enchaîna Sémillante à cette niche, et elle rentra.
            Elle marchait, maintenant, sans repos, dans sa chambre, l'oeil fixe toujours sur la côte de Sardaigne. Il était là-bas, l'assassin.
            La chienne, tout le jour, et toute la nuit hurla. La vieille, au matin, lui porta de l'eau dans une  jatte mais rien de plus : pas de soupe, pas de pain.                                                                                                         
                                                                                                                        Bonifacio Corse
            La journée encore s'écoula. Sémillante, exténuée, dormait. Le lendemain, elle avait les yeux luisants, le poil hérissé, et elle tirait éperdument sur sa chaîne.
            La vieille ne lui donna encore rien ) manger. La bête, devenue furieuse, aboyait d'une voix rauque. La nuit encore se passa.
            Alors, au jour levé, la mère Saverini alla chez le voisin, prier qu'on lui donnât deux bottes de pailla. Elle prit de vieilles hardes qu'avait portées autrefois son mari, et les bourra de fourrage, pour simuler un corps humain.
            Ayant piqué un bâton dans le sol, devant la niche de Sémillante, elle noua dessus ce mannequin, qui semblait ainsi se tenir debout. Puis elle figura la tête au moyen d'un paquet de vieux linge.
            La chienne surprise,regardait cet homme de paille, et se taisait, bien que dévorée de faim.
            Alors la vieille alla acheter chez le charcutier un long morceau de boudin noir. Rentrée chez elle, elle alluma un feu de bois dans sa cour, auprès de la niche, et fit griller son boudin. Sémillante, affolée, bondissait, écumait, les yeux fixés sur le gril, dont le fumet lui entrait au ventre.
            Puis la mère fit de cette bouillie fumante une cravate à l'homme de paille. Elle la lui ficela longtemps
autour du cou, comme pour la lui entrer dedans. Quand ce fut fini, elle déchaîna la chienne.
            D'un saut formidable, la bête atteignit la gorge du mannequin, et, les pattes sur les épaules, se mit à la déchirer. Elle retombait, un morceau de sa proie à la gueule, puis s'élançait de nouveau, enfonçait ses crocs dans les cordes, arrachait quelques parcelles de nourriture, retombait encore, et rebondissait, acharnée. Elle enlevait le visage par grands coups de dents, mettait en lambeaux le col entier.
            La vieille, immobile et muette, regardait, l'oeil allumé. Puis elle renchaîna sa bête, la fit encore jeûner deux jours, et recommença cet étrange exercice.
            Pendant trois mois, elle l'habitua à une sorte de lutte, à ce repas conquis à coups de crocs. Elle ne l'enchaînait plus maintenant, mais elle la lançait d'un geste sur le mannequin.
            Elle lui avait appris à le déchirer, à le dévorer, sans même qu'aucune nourriture fût cachée en sa gorge. Elle lui donnait ensuite, comme récompense, le boudin grillé pour elle.
            Dès qu'elle apercevait l'homme, Sémillante frémissait, puis tournait les yeux vers sa maîtresse, qui lui criait : " Va ! " d'une voix sifflante, en levant le doigt.
          Quand elle jugea le temps venu la mère                                          Côte sud ouest de la Sardaigne
                                                                                
Saverini alla se confesser et communia un dimanche matin, avec une ferveur extatique ; puis, ayant revêtu du habits de mâle, semblable à un vieux pauvre déguenillé, elle fit marché avec un pêcheur sarde, qui la conduisit, accompagnée de sa chienne, de l'autre côté du détroit.
            Elle avait, dans un sac de toile, un grand morceau de boudin. Sémillante jeûnait depuis deux jours. La vieille femme, à tout moment, lui faisait sentir la nourriture odorante, et l'excitaitµ.
            Elles entrèrent dans Longosardo. La Corse allait en boitillant. Elle se présenta chez un  boulanger et demanda la demeure de Nicolas Ravolati. Il avait repris son ancien métier, celui de menuisier. Il travaillait seul au fond de sa boutique.
            La vieille poussa la porte et l'appela :
            " Hé ! Nicolas ! "
            Il se tourna : alors, lâchant sa chienne, elle cria :
            " Va, va, dévore, dévore !"
            L'animal affolé, s'élança, saisit la gorge. L'homme étendit les bras, l'étreignit, roula par terre. Pendant quelques secondes, il se tordit, battant le sol de ses pieds ; puis il demeura immobile, pendant que Sémillante lui fouillait le cou, qu'elle arrachait par lambeaux.
           Deux voisins, assis sur leur porte, se rappelèrent parfaitement avoir vu sortir un vieux pauvre avec un chien noir efflanqué qui mangeait, tout en marchant, quelque chose de brun que lui donnait son maître.
           La vieille, le soir, était rentrée chez elle. Elle dormit bien, cette nuit-là.


                                                                                          Maupassant

                                          ( nouvelle parue dans le Gaulois le 14 octobre 1883
                                                     Contes du jour et de la nuit )
                                                                        


mardi 5 juin 2012

Lettre à Madeleine 38 Apollinaire



                                               Lettre à Madeleine

                                                                                                          20 octobre 1915

            Madelon très chérie, je t'adore mon amour. Ta lettre du 13 est merveilleuse. D'abord parlons paquets. J'ai reçu la bague que j'adore qui est à l'annulaire gauche et y reste. Je l'aime et je t'aime. J'ai les gants qui sont très bien pr aller à cheval ( ce sont des gants très chers et je voudrais avoir le courage de te gronder de les avoir acheter mais je n'ai pas le coeur de le faire µJe baise ta bouche follement. ) - Mon cheval va très bien maintenant - les cigares ( j'en ai déjà fumé trois exquis ) et ce matin les paquets de cigarettes délicieuses, tu es mon mignon très chéri de me gâter ainsi. Je reviens à la lettre. Tu m'as compris entièrement et d'une façon si profonde que personne au monde n'a compris mon esprit comme tu fais, nous sommes un admirablement. Quand donc caché-je mon amour, ma chérie ? Jamais ! Jamais !! Je t'adore, tu m'aimes exquisément. Tu es ma joie et tu me désires physiquement... moi aussi. Il y a un grand nombre de postures pour l'amour, ma chérie, la plus commune est celle que tu désires présentement et que je désire aussi illa sub ille super dit le latin.
            µLe latin dans ses mots brave l'honnêteté ( le français aussi ) elle en-dessous lui au-dessus. Mais on intervertira aussi les rôles nous deux et varierons à l'infini, quand tu es Phèdre tu me désires sans doute à la façon dont Parsiphaé connut je crois le taureau et c'est ce que tu as, je pense exprimé en m'offrant tes hanches belles et blanches. Tes désirs s'accordent donc avec la nature de l'étreinte. Je suis heureux de pouvoir imaginer les floraisons noires comme l'Erèbe qui veloutent ton corps poli et j'adore qu'elle soient  bouclées. Mais je n'eusse pas voulu que tu eusses le corps lisse aux endroits où il ne faut point !!... Tu m'as parlé merveilleusement de l'Hérésiarque , tu m'as bien compris et combien j'aime le réel.. Je le rêve et je le crée, vrai et pur, simple et sain.J'étais certain que tu avais compris mais, je me demandais pourquoi tu ne voulais pas encore me le dire ; moi aussi je n'aime pas le malsain.
                              
            C'est très curieux que tu n'aimes Colette Willy, moi non plus, mais Willy lui-même est un écrivain de talent qui a gâché sa vie et son talent voilà la vérité, mais beaucoup de talent. Louÿs voluptueux parnassien, écrivain factice, talent étroit mais véritable, dommage que si factice, petite oeuvre de pastiche sans portée sans vérité dont l'expression la plus pure et la plus gracieuse comme la plus voluptueuse est dans les Chansons dBilitis gageure réussie. La volupté il la chante il ne la sent pas, puisqu'il s'agit principalement d'amour entre femmes et qu'il est homme. Oeuvre seulement de curiosité un peu malsaine - pas beaucoup cependant car il a le sens de l'hellénisme - elle a une apparente forme de simplicité mais au fond c'est malsain. La vie l'a montré. Car il n'a pas su garder sa femme qui vient d'épouser Gilbert Voisin. Idem pr Willy. Sa femme Colette après avoir traîné dans toutes ses amours de femme ses amours lesbiennes, a fini par épouser un des co-rédacteurs en chef du Matin dont le nom m'échappe et il la trompe avec son ancienne maîtresse ( à lui mais qui l'a aussi été à elle ) horrible femme d'ailleurs qui le trompe avec de petits acteurs grotesques. En général on s'extasie sur le naturel de Colette en ses écrits. J'y vois beaucoup d'affectation, peu de naturel et un simple talent de pensionnaire, une sensibilité de surface. C'est tout et peu intéressant à mon gré. Elle a en outre un terrible accent berrichon qui me déplaît extrêmement. Mais je ne te parle pas de tous ces personnages sans grand intérêt que parce que tu m'en as parlé. Ils ne nous intéressent pas. Tu as raison de ne pas aimer les choses détraquées, moi non plus et tu l'as bien senti en moi.
            Zola est un colosse du roman, il est difficile de juger en deux mots un tel homme et surtout  de le juger en mal. Mais nous en parlerons à loisir. Toutefois, j'avoue que je n'ai  aucun plaisir à lire Zola que j'estime toutefois.                       

                                                                  
            µJe t'aime ma rose brune comme tu es, tu es ma première impression - ( et j'y songe pr la première fois en cet instant ). Quand j'étais enfant de 5 à 10 ans 3 ou 4 fois j'ai eu la vision le matin d'une fille brune qui ouvrait les rideaux de mon lit ( il y avait des rideaux aux lits à cette époque ) et qui me regardait avec douceur un instant puis refermait doucement les rideaux. C'était toi, non comme je t'ai vue et sans doute imparfaitement vue en chemin de fer, mais comme tu es sur la photo d'il y a 2 ans. En outre enfant je me disais que je n'aimerais qu'une brune et j'ai bien été étonné à 20 ans de me trouver du goût pour une blonde, mais mon goût d'enfant, mon goût le plus pur, se réalise aujourd'hui, puisque pour la première fois j'aime, et j'aime une vraie brune, comme me l'annonçaient mes souhaits d'enfant. Les toisons blondes, au demeurant, n'ont pas l'attrait des fourrures bouclées dont tu parles et qui doivent donner plus de liliale clarté à ta blancheur naturelle, ô ma belle Madeleine au ventre blanc aux hanches belles et blanches.
            J'aime beaucoup " La Serviette des Poètes " comme toi et pour cette pensée je vais te faire en aluminium  boche, 2 ronds de serviette, j'y mettrai 2 monnaies boches en ornement. Un rond pour toi un rond pour moi. Tu es poète aussi et nos serviettes seront serviettes des poètes.
            Il est arrivé une chose exquise. Il y a quelques jours on a descendu un avion boche tombé entre les lignes. Je l'ai vu tomber, hier j'ai eu l'occasion d'aller aux tranchées des fantassins et l'on m'a donné un morceau de tendeur en aluminium de cet avion boche, j'y ai pris deux bagues sans les fondre par conséquent, je n'ai eu qu'à les limer, les mettre à la mesure les graver ( il me reste à finir la gravure ) et je les polirai. Ce sont deux alliances vraiment tombées du ciel.
            Je t'envoie aujourd'hui 2 bagues pr Marthe et Anne et 1 pour toi faite avec un bouton boche, c'est plus amusant je crois, maintenant qu'on dit que tout le monde fabrique des bagues à l'arrière, au moins celle-là aura bien l'air de venir du front d'où elle vient. Je t'enverrai les alliances dès que la gravure sera finie. Je joindrai aux alliances une petite chaîne d'or que j'ai portée au bras depuis le 7 janvier. Elle vient d'une chaîne de cou que j'avais brisée, j'ai maintenant au cou une chaîne d'argent. J'avais fait faire avec les débris de la chaîne d'or  3 bracelets ( j'en portais un comme c'était la mode en Angleterre, mode qui m'avait pli ). J'ai perdu le 1er bracelet il y a 2 ans; je ne sais plus où, le second à Nîmes au manège en sautant à cheval, je l'ai cherché dans la sciure mais en vain ; j'ai mis alors la 3è et elle s'est brisée il y a 2 jours indiquant sans doute que toute chaîne passée qu'elle aurait pu symboliser n'existe plus et je ne peux pas mieux faire que te l'envoyer, puisque ce bracelet ne s'est pas perdu comme les autres il est pour toi puisqu'il n'est pas pour moi et je t'enchaîne. Je te l'envoie, car il t'ira mieux qu'à moi et j'aime beaucoup ces bracelets très fins.
                   
Mais après tout n'y vois aucun symbole, même s'il se brisait à ton bras. Il s'est brisé au mien parce qu'il a accroché pas mal de choses et qu'il est bien frêle pour résister à tous les efforts qu'exige la vie des camps. Ce n'est qu'une petite chaîne que j'envoie à mon esclave pour la parer et lui dire mon amour. Mais la vraie chaîne ne peut se briser. Elle est éternelle. Je suis heureux que tu aimes la simplicité de mon style, elle est tienne aussi et si tu savais combien j'admire tes lettres ton style et ta petite caboche que j'adore qui est si pondérée si sûre, va, si tu savais cela tu ne dirais pas que je suis plus beau que toi, car c'est toi que je préfère à moi, mais moi je suis le maître voilà et j'ai bien droit de décider que tu es plus belle. Tu as raison d'avoir compris qu'il n'y a rien que je fisse pour t'aimer , enlèvement viol. Je t'aime tellement, tu es si belle ma rose mon lys, ne dis pas que le lys est victime de la rose, il ne tient qu'à toi que le lys subsiste de concert avec la rose, ne veux-tu pas ma roselys, moi j'aime la rose comme le lys et le lys comme la rose. Tout est sain aux sains, dis-tu, et la rose saine peut être la santé du lys. Va mon amour ne doute pas, notre amour sera une pureté passionnée, justement parce qu'il sera plein de réalité dans sa mysticité et que peut craindre la pureté des lys ? Il est la seule floraison qui s'allie bien à la rose mystique dont tu parles si joliment et qui est ton être intime, tout palpitant d'amour et de désir. Ne souffre jamais ma lionne, je t'adore. Et ce que tu dis de ce que doivent être nos lettres est exactement ce que j'en pense. Tu as raison ,e nous affaiblissons pas et tu répondras ainsi à mon souhait, ô Madeleine au corps beau et vigoureux.Je prends le don exquis , mon amour, de ta bouche, de ta langue, de tes hanches et de ton ventre adorable de vierge. Oui, dis-moi tous ces bouleversements, parle-moi de tes troubles. Je baise mon amour, ton être intime où se localise ce que tu nommes ton trouble et je t'adore pr le merveilleux effort que tu fais., ô ma chérie, pour te donner à ton mari de si loin. Nous arriverons à réaliser le toucher à distance que j'en ne serais pas étonné. tu peux tracer la silhouette au sein d'après l'ombre qu'il projette sur le mur. Mais quelle idée exquise tu as eue tu es délicieusement inventive, mon amour !
            Je ne serai jamais plus triste puisque tu m'aimes, mon amour. - Fais des objets que je t'envoie l'usage que tu veux, utilise-les comme tu veux, mais c'est je crois peu de chose pr une vitrine ; enfin ils ne se perdent point, c'est l'essentiel ; mais nous ne pouvons pas envoyer grand-chose comme armes. Pr les encriers j'ai risqué - Les chargeurs aussi ne doivent pas partir d'ici. Alors pour avoir un fusil ou des douilles d'obus qui feraient de merveilleux vases c'est impossible. Dis-moi vite si tu vas bien - Je ne veux pas que tu attrapes mal. Couvre-toi ne va pas à la pluie sans parapluie, Madeleine chérie. µmais mon amour que dis-tu de te pardonner. Tu n'as été qu'exquise avec moi, et je t'adore, je t'adore de plus en plus car tu es adorable de nature et ton caractère s'harmonise si bien avec  le mien que pensant à nous deux il me semble ouïr chanter le choeur des anges qui sont la subtilité du ciel bleu comme ton coeur. Je prends ta bouche et te donne ma langue.


                                                                                                             Gui








samedi 2 juin 2012

Impasse de la Providence Shmuel T. Meyer



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                                     Impasse de la Providence

                           Critique, caustique. Anecdotique, descriptions rapides mais pointilleuses, l'auteur nous retient, nous accapare. Nouvelliste n'est pas le titre le plus accrocheur pour un écrivain. Mais Shmuel T. Meyer vit entre Jérusalem et Genève, et les sujets des textes exposent les points critiques des hommes dans un pays ou un autre. Qui ne reconnaîtra Céline meurtrière à Genève. Certains textes s'adressent à
JChessex. Il y a aussi l'Afghan, qui est-il réellement, un passeur ? Le quotidien à Jérusalem " La visite de
 Ronit Elkabetz ",  " ... Je suis devenu une célébrité locale en louant mon miznone, mon troquet, pour un
film qui a fait le tour du monde... Ils viennent de partout. J'ai eu droit à un article dans le supplément du shabbat de Maariv.... " Et Tsila " ... n'aimait pas les tâches de vieillesse qui dessinaient sur sa main une carte du sous-continent indien... " Ne pas manquer " Le prix inique du livre " " Le livre, le poids bombé du poids des mots... " Sautes d'humeur, 28 nouvelles répondent à l'esprit de l'heure, picorées au hasard. Technique, dans " Voler la femme seule  " " ... sa découverte de l'art en général et de la photographie en particulier... Son premier cliché que l'on peut voir aujourd'hui dans une galerie de SoHo... il venait de découvrir la fonction photo de son téléphone cellulaire à deux millions de pixel... " Fablets contemporains ".

jeudi 31 mai 2012

Coco Guy de Maupassant ( Nouvelle in Contes du jour et de la nuit )



                                                                      Coco

            Dans tout le pays environnant on appelait la ferme de Lucas " La Métairie ". On n'aurait su dire pourquoi. Les paysans, sans doute, attachaient à ce mot de " métairie " une idée de richesse et de grandeur, car cette ferme était assurément la plus vaste, la plus opulente et la plus ordonnée de la contrée.
            La cour, immense, entourée de cinq rangs d'arbres magnifiques pour abriter contre le vent violent de la plaine les pommiers trapus et délicats, enfermait de longs bâtiments couverts en tuiles pour conserver les fourrages et les grains, de belles étables bâties en silex, des écuries pour trente chevaux, et une maison d'habitation en brique rouge, qui ressemblait à un petit château.
            Les fumiers étaient bien tenus; les chiens de garde habitaient en des niches, un peuple de volailles circulait dans l'herbe haute.
            Chaque midi, quinze personnes, maîtres, valets et servantes, prenaient place autour de la longue table de cuisine où fumait la soupe dans un grand vase de faïence à fleurs bleues.
             Les bêtes, chevaux, vaches, porcs et moutons étaient grasses, soignées et propres ; et maître Lucas, un grand homme qui prenait du ventre, faisait sa ronde trois fois par jour, veillant sur tout et pensant à tout.
              On conservait, par charité, dans le fond de l'écurie, un très vieux cheval blanc que la maîtresse voulait nourrir jusqu'à sa mort naturelle, parce qu'elle l'avait élevé, gardé toujours, et qu'il lui rappelait des souvenirs.
            Un goujat de quinze ans, nommé Isidore Duval, et appelé plus simplement Zidore, prenait soin de cet invalide, lui donnait, pendant l'hiver, sa mesure d'avoine et son fourrage, et devait aller quatre fois par jour, en été, déplacé dans la côte où on l'attachait, afin qu'il eut en abondance de l'herbe fraîche.
            L'animal, presque perclus, levait avec peine ses jambes lourdes, grosses des genoux et enflées au-dessus des sabots. Ses poils, qu'on n'étrillait plus jamais, avaient l'air de cheveux blancs, et des cils très longs donnaient à ses yeux un air triste.
            Quand Zidore le menait à l'herbe, il lui fallait tirer sur la corde, tant la bête allait lentement ; et le gars, courbé, haletant, jurait contre elle, s'exaspérant d'avoir à soigner cette vieille rosse.
            Les gens de la ferme, voyant cette colère du goujat contre Coco, s'en amusaient, parlaient sans cesse du cheval à Zidore, pour exaspérer le gamin. Ses camarades le plaisantaient. *on l'appelait dans le village Coco-Zidore.
            Le gars rageait, sentant naître en lui le désir de se venger du cheval. C'était un maigre enfant haut sur jambes, très sale, coiffé de cheveux roux, épais, durs et hérissés. Il semblait stupide, parlait en bégayant, avec une peine infinie, comme si les idées n'eussent pu se former dans son âme épaisse de brute.
            Depuis longtemps déjà, il s'étonnait qu'on gardât Coco, s'indignant de voir perdre du bien pour cette bête inutile. Du moment qu'elle ne travaillait plus, il lui semblait injuste de la nourrir, il lui semblait révoltant de gaspiller de l'avoine, de l'avoine qui coûtait si cher, pour ce bidet paralysé. Et souvent même, malgré les ordres de maître Lµucas, il économisait sur la nourriture du cheval, ne lui versant qu'une demi-mesure, ménageant sa litière et son foin. Et une haine grandissait en son esprit confus d'enfant, une haine de paysan rapace, de paysan sournois, féroce, brutal et lâche.

                                                                      

            Lorsque revint l'été, il lui fallut aller remuer la bête dans sa côte. C'était loin. Le goujat, plus furieux chaque matin, partait de son pas lourd à travers les blés. Les hommes qui travaillaient dans les terres lui criaient, par plaisanterie :
            " Hé, Zidore, tu f''ras mes compliments à Coco. "
            Il ne répondait point ; mais il cassait, en passant, une baguette dans une haie et, dès qu'il avait déplacé l'attache du vieux cheval, il le laissait se remettre à brouter ; puis, approchant traîtreusement, il lui cinglait les jarrets. L'animal essayait de fuir, de ruer, d'échapper aux coups, et il tournait au bout de sa corde comme s'il eut été enfermé dans une piste. Et le gars le frappait avec rage, courant derrière acharné, les dents serrés par la colère.
            Puis il s'en allait lentement, sans se retourner, tandis que le cheval le regardait partir de son oeil de vieux, les côtes saillantes, essoufflé, d'avoir trotté. Et il ne rebaissait vers l'herbe sa tête osseuse et blanche qu'après avoir vu disparaître au loin la blouse bleue du jeune paysan.
            Comme les nuits étaient chaudes, on laissait maintenant Coco coucher dehors, là-bas, au bord de la ravine, derrière le bois. Zidore seul allait le voir.
            L'enfant s'amusait encore à lui jeter des pierres. Il s'asseyait à dix pas de lui, sur un talus, et il restait là une demi-heure, lançant de temps en temps un caillou tranchant au bidet, qui demeurait debout, enchaîné devant son ennemi, et le regardant sans cesse, sans oser paître avant qu'il fût reparti.
            Mais toujours cette pensée restait plantée dans l'esprit du goujat : " Pourquoi nourrir ce cheval qui ne faisait plus rien ? " il lui semblait que cette misérable rosse volait le manger des autres, volait l'avoir des hommes, le bien du bon Dieu, le volait même aussi, lui, Zidore, qui travaillait.
            Alors, peu à peu, chaque jour, le gars diminua la bande de pâturage qu'il lui donnait en avançant le piquet de bois où était fixée la corde.
            La bête jeûnait, maigrissait, dépérissait. Trop faible pour casser son attache, elle tendait la tête vers la grande herbe verte et luisante, si proche, et dont l'odeur lui venait sans qu'elle y pût toucher.
            Mais, un matin, Zidore eut une idée : c'était de ne plus remuer Coco. Il en avait assez d'aller si loin pour cette carcasse.
            Il vint cependant , pour savourer sa vengeance. La bête inquiète le regardait. Il ne la battit pas ce jour-là. Il tournait autour, les mains dans les poches. Même il fit mine de la changer de place, mais il renfonça le piquet juste dans le même trou, et il s'en alla, enchanté de son invention.
            Le cheval, le voyant partir, hennit pour le rappeler ; mais le goujat se mit à courir, le laissant seul, tout seul, dans son vallon, bien attaché, et sans un brin d'herbe à portée de la mâchoire.
            Affamé, il essaya d'atteindre la grasse verdure qu'il touchait du bout de ses naseaux. Il se mit sur les genoux, tendant le cou, allongeant ses grandes lèvres baveuses; Ce fut en vain. Tout le jour, elle s'épuisa la vieille bête, en efforts inutiles, en efforts terribles. La faim la dévorait, rendue plus affreuse par la vue de toute la verte nourriture qui s'étendait par l'horizon.
            Le goujat ne revint point ce jour-là. Il vagabonda dans les bois pour chercher des nids.
            Il reparut le lendemain. Coco, exténué, s'était couché. Il se leva en apercevant l'enfant, attendant enfin, d'être changé de place.
            Mais le petit paysan ne toucha même pas au maillet jeté dans l'herbe. Il s'approcha, regarda l'animal, lui lança dans le nez une motte de terre qui s'écrasa sur le poil blanc, et il repartit en sifflant.
            Le cheval resta debout tant qu'il put l'apercevoir encore ; puis, sentant bien que ses tentatives pour atteindre l'herbe voisine seraient inutiles, il s'étendit de nouveau sur le flanc et ferma les yeux.
            Le lendemain, Zidore ne vint pas.
            Quand il approcha, le jour suivant,de Coco toujours étendu, il s'aperçut qu'il était mort.
            Alors il demeura debout, le regardant, content de son oeuvre, étonné en même temps que ce fût déjà fini. Il le toucha du pied, leva une de ses jambes, puis la laissa retomber, s'assit dessus, et resta là, les yeux fixés dans l'herbe et sans penser à rien.
            Il revint à la ferme, mais il ne dit pas l'accident, car il voulait vagabonder encore aux heures où, d'ordinaire, il allait changer de place le cheval.
            Il alla le voir le lendemain. Des corbeaux s'envolèrent à son approche. Des mouches innombrables se promenaient sur le cadavre et bourdonnaient à l'entour.
            En rentrant il annonça la chose. La bête était si vieille que personne ne s'étonna. Le maître dit à deux valets :
            " Prenez vos pelles, vous f'rez un trou là oùsqu'il est. "
            Et les hommes enfouirent le cheval juste à la place où il était mort de faim.
            Et l'herbe poussa drue, verdoyante, vigoureuse, nourrie par le pauvre corps.


                                                                                                       Maupassant

                                                             ( nouvelle parue dans le Gaulois en 1884 )


mercredi 30 mai 2012

Anecdotes et réflexions d'hier



Tableau orphelin au musée de Jérusalem  ( seconde guerre mondiale )
         ( l'xpress )   


                                   Choses vues - 1848
                                                                    Sans date

            M. de Rothstchild se connaît peu en peinture, mais il a un cuisinier qui s'y entend. Ce cuisinier protège les artistes, il riche, l'anse du panier chez Rothstchild est une grosse métairie. Le cuisinier aime les tableaux et paie généreusement les peintres. C'est lui, en particulier qui a soutenu Diaz et l'a empêché de tomber dans la misère et dans le désespoir. Il a eu foi dans un talent peu compris, étrange, original, puissant et beau mais bizarre. Il a été jusqu'à lui avancer sur des toiles à peine ébauchées dix ou vingt mille francs. Les cuisiniers au XIXè siècle font ce que faisaient les princes au XVIè, et les princes font ce que faisaient les cuisiniers.

                                                                     °°°°°°°

            On m'a dit ; " Fermez cette porte ! Vous voyez bien que n'importe qui ou n'importe quoi peut entrer : un coup de vent, une femme... "
            Je me suis recueilli un instant. " N'importe qui ou n'importe quoi ? " ai-je pensé. Alors je me suis tourné vers celui qui me donnait ce conseil et j'ai dit ; " - Ne fermez pas cette porte. " Et j'ai ajouté : " - Entrez ! "

                                                                      °°°°°°°

            " - Quand nous commençons un tableau, me disait l'autre jour M. Granet, nous sommes riches ; l'inspiration rayonne en nous ; nous croyons avoir cent mille francs à dépenser. Hélas ! le tableau fini, il se trouve souvent que nous n'avons dépenser qu'un petit écu. "

                                                                       °°°°°°°

            On disait au siècle dernier :
            Homme de bien. Homme de génie. Homme de coeur. Homme d'esprit. Homme de goût. Homme de Dieu.Homme d'église. Homme de cour.Homme de loi. Homme d'épée. Homme de robe.Homme de lettres. Homme d'Etat. Homme de guerre. Homme de mer. Homme du monde. Homme de qualité. Homme de plaisir. Homme de peine. Homme du peuple. Homme de peu. Homme de rien.
            A toutes  ces locutions reçues, notre siècle a ajouté celle-ci : Homme d'argent.


                                                                                                     Victor Hugo

Anecdotes et réflexions d'hier



   Tableau orphelin du musée de Jérusalem
        ( l'express )

                                                                 Choses vues - 1848

            On m'a dit : " - Fermez cette porte ! vous voyez bien que n'importe qui ou n'importe quoi peut entrer : un coup de vent, une femme... "
            Je me suis recueilli un instant. " N'importe qui ou n'importe quoi ? " ai-je pensé. Alors je me suis tourné vers celui qui me donnait ce conseil et j'ai dit : " - Ne fermez pas cette porte. " Et j'ai ajouté : " -Entrez ! "

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            M. de Rothschild se connaît peu en peinture, mais il a un cuisinier qui s'y entend. Ce cuisinier protège les artistes, il est riche, l'anse du panier chez Rothschild est une grosse métairie. Le cuisinier aime les tableaux et paie généreusement les peintres. C'est lui, en particulier, qui a soutenu Diaz et l'a empêché de tomber dans la misère et dans le désespoir. Il a eu foi dans ce talent peu compris, étrange, original, puissant et beau, mais bizarre. Il a été jusqu'à lui avancer sur des toiles à peine ébauchées dix ou vingt mille francs. Les cuisiniers au XIXè siècle font ce que faisaient les princes au XVIè, et les princes font ce que faisaient les cuisiniers.

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            " - Quand nous commençons un tableau, me disait l'autre jour M. Granet, nous sommes riches ; l'inspiration rayonne en nous ; nous croyons avoir cent mille francs à dépenser. Hélas ! le tableau fini, il se trouve souvent que nous n'avons dépensé qu'un petit écu. - "

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            On disait au siècle dernier :
            Homme de bien. Homme de génie. Homme de coeur. Homme d'esprit. Homme de goût. Homme de Dieu. Homme d'église. Homme de cour. Homme de loi. Homme d'épée. Homme de robe. Homme de lettres. homme d'Etat. Homme de guerre. Homme de mer. Homme du monde. Homme de qualité. Homme de plaisir. Homme de peine. Homme du peuple. Homme de peu. Homme de rien.
             A toutes ces locutions reçues, notre siècle a ajouté celle-ci : Homme d'argent.


                                                                                                  Victor Hugo