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Froment Pain et Pain d'épice
" Froment "
Voici ce que M. Aulagnier dit de cette plante, la plus commune et la meilleure qui existe :
" Le froment, dont l'origine se perd presque dans celle du monde, est la plus précieuse des plantes. Les Egyptiens mirent au rang des dieux Osiris pour leur avoir enseigné l'agriculture, qui a produit les mêmes résultats dans toutes les contrées de la terre. En Orient, c'est dans la Babylonie que le blé croissait naturellement, c'est aussi là qu'on croit devoir placer le berceau de la civilisation. Aujourd'hui peu de nations se nourrissent uniquement de fruits, eu égard au grand nombre de celles qui cultivent les céréales. Les dattes et les figues servent bien encore à la nourriture des Egyptiens, de Persans, mais c'est seulement chez les pauvres, car le froment forme l'aliment principal. Sa racine est composée de fibres déliées, sa tige s'élève à la hauteur de 4 ou 5 pieds et forme des tuyaux plus ou moins gros, garnis d'espace en espace de noeuds qui lui donnent de la force et qui soutiennent à leur extrémité des épis longs où naissent des fleurs composées d'étamines auxquelles succèdent des grains ovales, mous des deux bouts, convexes d'un côté, sillonnés de l'autre, de couleur jaune lorsqu'ils sont mûrs, remplis d'une matière blanche et farineuse composée de gluten et d'amidon et qui sert à faire le pain.
La France est très fertile en froment de toutes les espèces : la Beauce, la Brie, l'Ille-et-Vilaine, le Vexin en produisent surtout de très beaux sujets.
Les Anciens honoraient l'agriculture par des fêtes, mais aucune n'est comparable à celle qui, depuis un temps immémorial, se pratique en Chine tous les ans. L'empereur, entouré des princes et des grands de sa cour, ainsi que des laboureurs les plus recommandables, ouvre et laboure lui-même la terre et sème les cinq espèces de grains les plus nécessaires à la vie qui sont : le froment, le riz, les fèves et deux sortes de millet. Cette fête est célébrée chaque année à Pékin, au retour du printemps, ainsi que dans tout l'empire. Là, la profession de laboureur est plus honorable que celle de marchand. mephisto1061.skyrock.com
A. Dumas
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" Pain "
Dans la plupart des pays civilisés la nourriture de l'homme se compose en grande partie de pain que l'on prépare suivant les productions du pays, soit avec du froment, ou avec du seigle, du maïs, etc.
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Pour que la farine puisse fournir un pain convenable il faut qu'elle contienne une assez grande proportion de gluten et plus elle en contiendra, plus le pain sera supérieur. Lorsque la pâte de farine, convenablement préparée, est abandonnée à elle-même dans des circonstances convenables, il s'y développe une fermentation alcoolique qui donne lieu au dégagement d'une quantité de gaz acide carbonique. Le gluten qui fermente cette pâte, formant un réseau extensible, retient en grande partie le gaz carbonique qui soulève ainsi la masse et la rend légère et poreuse. Quand ensuite la cuisson la solidifie, cette pâte reste avec les mêmes caractères et fournit un bon pain. Le gluten réparti dans la farine s'imbibe d'eau et forme une espèce de membrane qui donne à la pâte du froment l'élasticité qui la caractérise, c'est elle également qui retient le gaz que produit la fermentation.
On dit communément que le pain, pour être bon à manger, doit avoir un jour, que la farine, pour faire la pâte, doit avoir un mois et que le grain doit avoir un an avant de le faire moudre. Mais pour tout le monde,le pain est généralement bon lorsqu'il est tendre et tout à fait refroidi. Il n'y a guère que le pain de millet qui soit bon chaud.
Quoique la panification systématique ne soit pas du ressort de la cuisine, nous croyons devoir donner quelques notions précises et succinctes sur la théorie du boulanger. On trouve partout du blé, de la levure et de la farine de froment, mais il y a des pays où le pain fabriqué par les nationaux n'est pas mangeable, et un de nos amis, M. Drouet sculpteur, qui a beaucoup voyagé dans quelques-uns de ces pays, nous disait qu'il avait été obligé pendant très longtemps de manger des pommes de terre, ce dernier étant détestable.
Lorsque la pâte est ainsi levée elle est en état d'être mise au four où, en cuisant, elle se dilate davantage par la raréfaction des gaz, et puis elle forme un pain léger, complètement différent de ces masses lourdes, compactes, visqueuses et indigestes que donnent la cuisson de la pâte qui n'est pas bien levée.
L'invention d'appliquer à la fermentation de la pâte, la levure de bière ou le résidu des vins de grains a procuré encore une nouvelle matière très propre à améliorer le pain. C'est l'écume qui se forme à la surface de ces liqueurs pendant la fermentation dont on use en guise de levain, cette écume introduite et délayée dans la pâte de farine la fait lever encore mieux et plus promptement que le levain ordinaire : elle se nomme levure de bière ou simplement levure et nous en avons parlé à son article. C'est par son moyen qu'on fait le pain plus délicat qui se nomme " pain mollet ". Il arrive souvent que le gros pain qui a été fait avec du levain de pâte a une saveur tirant sur l'aigre, ce qui est très désagréable. Cela peut tenir à ce que l'on a mis dans le pain une trop grande quantité de levain ou de ce que la fermentation du même levain était trop avancée. On ne remarque jamais cet inconvénient dans le pain fait avec la levure, ce qui vient apparemment de ce que la fermentation de la levure est moins avancée que celle du levain, ou qu'on met plus de sollicitude à la fabrication du pain mollet qu'à celui du pain de ménage.
Le pain bien levé et cuit à propos diffère donc absolument d'un pain mal fabriqué, non seulement parce qu'il est beaucoup moins compact et d'une saveur plus agréable, mais encore parce qu'il se trempe aisément et qu'il ne fait pas, quand on l'imbibe, une colle visqueuse, ce qui est d'un avantage infini pour la digestion.
Quant au sel que l'on ajoute à la pâte, il ne sert pas seulement à donner du goût au pain, mais il exerce encore une action en déterminant une plus grande absorption d'eau par la farine, et quelques autres sels offrent cette action à un plus haut degré, mais dans de très petites proportions seulement, au-delà de certaines limites, ces sels empêchent la pâte de lever aussi bien.
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Le levain et le sel offrent donc de grands avantages dans la panification. Ces deux ingrédients consomment tout ce qu'il y a d'impur, donnent à la farine une espèce de cuisson anticipée et à la masse une consistance plus ferme.
Le peuple français est, comme on le sait, celui qui consomme le plus de pain, et c'est sans doute pour cela qu'il y règne moins de maladies. Avantage que plus d'un médecin attribue à l'usage que nous avons de manger beaucoup de pain à nos repas.
Il n'en est pas de même chez les Anglais et les Allemands dont la principale nourriture est la viande ou les pommes de terre ; cela ne veut pas dire que ce régime alimentaire est constamment mauvais, mais il est souvent la cause de maladies putrides.
Un Parisien se trouvant un jour dans une ville d'Allemagne se trouva invité à dîner par un de ces amis
A six heures il était chez son ami. Il vit une table somptueusement servie pour une douzaine de personnes à peu près, mais ce qui le frappa le plus ce fut la petitesse des morceaux de pain qui se trouvaient sous chaque serviette.
Au bout d'un quart d'heure d'attente, ne voyant arriver aucun convive et sentant la faim le presser vivement, il se dit : " Ma foi, je suis chez un ami, je n'ai pas beaucoup à me gêner avec lui, je vais manger ce petit morceau de pain, cela me permettra d'attendre les convives qui ne peuvent tarder à arriver. "
Il prit donc un morceau de pain et le mangea.
Un autre quart d'heure se passa, il fit la même réflexion que la première fois, et mangea deux morceaux de pain, n'ayant rien d'autre à manger.
Enfin son ami et ses invités n'arrivant encore pas il finit par manger, toujours en attendant, tout le pain qui se trouvait sur la table, de sorte que lorsque les convives arrivèrent ils n'en trouvèrent plus, et le Parisien leur ayant raconté que c'était lui qui avait tout mangé, ils rirent beaucoup et lui demandèrent comment il avait pu faire pour en avaler autant. assiettesgourmandes.fr
Quant à eux ils s'en passèrent parfaitement, cela ne les gênant pas, et les douze morceaux de pain avalés par lui n'empêchèrent pas non plus notre compatriote de faire honneur au dîner de son ami.
L'arrivée tardive des convives fut expliquée alors ; on soupe en Allemagne à 8 heures, et le Parisien ayant l'habitude de dîner à 6, était venu à son heure habituelle sans s'inquiéter si c'était bien l'heure du repas.
**** Levain, Levure ****
Le levain est un morceau de pâte aigrie ou imbibée de quelque acide qui fait lever, enfler et fermenter l'autre pâte avec lequel on le mêle. Le pain ordinaire doit sa légèreté au levain.
La " levure " est l'écume que forme la bière lorsqu'elle commence à fermenter. On égoutte cette écume, on la presse, on la réduit en pâte, et elle se conserve très longtemps. On l'emploie très souvent dans la pâtisserie.
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" Pain d'Epice "
Depuis les temps les plus reculés, le meilleur pain d'épice s'est fabriqué à Reims. A la fin du XVè siècle, sous Louis XII, il jouissait d'une grande réputation, et celui qu'on fabrique à Paris n'était qu'au second rang.
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Vers la fin du règne de Louis XIV et au commencement du règne de Louis XV, il était d'usage de faire présent de croquets et de nonnettes de Reims. Il n'y a plus guère aujourd'hui que les enfants qui en consomment, mais il ne s'en fait pas moins un commerce considérable.
Nous avons entendu raconter, dit M. de Courchamps, que le dernier maréchal de Mouchy venant de perdre un de ses beaux-frères,
contre lequel il avait plaidé pendant de longues années, était solennellement assis dans le salon de son appartement au château de Versailles, où il écoutait des compliments de condoléances avec beaucoup de gravité.
Comme il était là depuis son retour de la messe du roi, et que le dîner approchait, le contrôleur du maréchal, car il avait accordé le titre de contrôleur à son maître d'hôtel, cet officier, disons-nous, osa prendre sur lui d'interrompre la cérémonie des compliments pour venir lui demander ses ordres.
- Hé ! mon Dieu, lui dit le maréchal avec un ton mêlé d'impatience et d'affliction, comment pouvez-vous et comment osez-vous me faire une question pareille ? Qu'est-ce que vous pourriez me présenter convenablement, sinon les deux plats d'ancienne étiquette ? Apprenez donc, monsieur, qu'un jour comme aujourd'hui, vous ne pouvez servir devant moi que des pigeons au gros sel et du pain d'épice. Comment se fait-il que mon contrôleur ne sache pas cela ?
On fait le pain d'épice avec la fleur de farine de seigle, de l'écume de sucre ou du miel jaune et des épiceries ; on fait cuire le tout, que l'on divise en pains de la forme que l'on veut. Il excite l'appétit, relève et soutient les forces digestives, mais on ne doit en manger que modérément. Les marins se trouvent bien d'en faire usage. tribugourmande.com
Son invention remonte à une date fort ancienne, il n'y a pas de doute qu'elle n'ait suivi celle immédiatement du pain. Encouragés par le succès de l'opération qui avait procuré le pain, les hommes essayèrent de combiner la farine des différents grains avec toutes les substances qui pouvaient en rendre la saveur plus agréable, telles que le beurre, les oeufs, le lait, le miel, afin de voir ce qu'il en résulterait. Ce furent sans doute ces expériences qui donnèrent naissance à toutes les pâtisseries dont se régalaient les Anciens, et dont nos pères, au temps des Croisades, rapportèrent les recettes d'Egypte et d'Asie ce qui a servi à former l'art du pâtissier et du confiseur.
Les Romains avaient leur pain d'épice ; c'était l'offrande que le pauvre offrait aux dieux immortels. Far cum melle. Les Grecs le mangeaient au dessert. Nos ancêtres l'estimaient fort et en faisaient même des présents. Dans les repas de cour, il figurait au premier rang. Agnès Sorel, la jolie maîtresse de Charles VII , appelée Dame de Beauté, à cause du château de Beauté qu'elle possédait sur les bords de la Marne, et qui était un cadeau de son royal amant, ne pouvait se lasser de cette friandise, et plusieurs auteurs du dernier siècle ont prétendu même qu'elle avait été empoisonnée avec du pain d'épice par le dauphin, depuis Louis XI qui ne l'aimait point parce que son père l'aimait trop ; mais c'est une conjecture qui ne repose que sur le caractère cruel et vindicatif de ce prince. Marguerite de Valois, soeur de François 1er en faisait aussi ses délices. Mais sous Henri II on s'en dégoûta tout à coup, parce que le bruit courut que les Italiens y mettaient du poison, et il ne revint en faveur qu'à la fin du règne de Louis XIV, comme nous l'avons dit plus haut
La farine de seigle rend ce pain un peu pesant, cependant quand il est bien confectionné et bien cuit, les aromates qu'on y emploie le rendent plus digestif. Le bon pain d'épice, fait avec du bon miel de choix, peu aromatisé, est laxatif, calme la soif et favorise l'expectoration. Pour qu'il puisse se garder sans se ramollir par l'humidité et s'altérer en vieillissant, il faut lui donner un degré de cuisson convenable et l'exposer de temps en temps à la chaleur du feu ou du soleil.
Alexandre Dumas