dimanche 31 mars 2019

Anecdotes et Réflexions d'hier pourip aujourd'hui 94 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )




                                                                                                                                    27 mai 1663

            Vers 3 heures du matin m'éveillai l'esprit tourmenté et je profitai de ce qu'il me fallait uriner pour réveiller ma femme. Après être resté couché jusqu'à 4 heures passées je fis mine de me lever, alors que je voulais seulement voir ce qu'elle ferait. Et au moment où je sortais du lit, elle me retint et me demanda ce que j'avais.
            Après forces paroles affectueuses, et aussi quelques reproches, je commençai à l'accuser d'un manque de réserve dans l'affaire d'hier, mais elle me rendit aussitôt la pareille, car elle savait fort bien que j'étais repris par ma vieille maladie, la jalousie. Ce que je niai, mais en vain.
            Après une conversation d'environ une heure, tantôt véhémente, tantôt affectueuse, j'ai de fort bonnes raisons de penser qu'elle l'a traité avec une très grande familiarité, plus grande qu'il n'était convenable, mais sans penser à mal. Et donc, au bout d'un moment, je la caressai et nous nous quittâmes apparemment bons amis, quoiqu'elle pleurât et fût fort mécontente.
            Je me levai et me rendis par le fleuve dans le quartier du Temple, puis accompagnai le commissaire Pett à St James où nous passâmes une heure avec Mr Coventry à parler du récent rapport du commissaire sur la forêt de Sherwood. Puis avec Pett chez milord Ashley, le chancelier de l'Echiquier, régler diverses affaires............. Pas d'autres nouvelles du roi de France, dont on ne sait s'il est mort ou vivant.                                                                                         coucoucircus.org
            A la Grand-Salle je rencontrai mon cousin Roger Pepys. Nous nous promenâmes un bon moment et entre autres choses, il me confie un secret dont il n'a encore soufflé mot à nul autre : sa soeur ayant décidé de ne plus tenir sa maison d'Impington, il juge bon de la remarier, et il désire qu'avec l'aide de mon oncle Wight, ou d'autres personnes, je lui cherche une veuve entre 30 et 40 ans, sans enfant et fortunée, et à qui il constituera un douaire en rapport avec la fortune qu'elle lui apportera. Une femme sérieuse et aux ambitions modestes, ce sont ses propres termes.
            Je m'enquis de sa fortune, ce qu'il affirme n'avoir confié à personne, qu'elle s'élève à un peu moins de 800 livres par an, 780 exactement, dont 200 livres lui viennent de sa dernière femme, somme qu'il est disposé à consacrer à un douaire pour sa prochaine épouse, mais il est résolu à laisser intégralement le reste, des propriétés dans le comté de Cambridge, à son fils aîné. Je m'engageai à faire ce que je pourrai pour lui, et je tiendrai parole.
            Il m'apprend que le roi a demandé aux membres du Parlement de voter avant la St Jean, car il part à la campagne. Ils ont donc entamé l'étude de quatre projets de loi à expédier. Le premier, dit-il, est une loi d'une sévérité diabolique comme les conventicules, et qui dépasse tant les bornes de la modération qu'il craint qu'elle ne ruine tout. Il me dit que c'est pour lui la cause du plus grand chagrin du monde que d'être investi de cette charge de membre du Parlement, parce que, dit-il, rien de ce qui se fait, à ce qu'il voit, n'a sa source dans une quelconque vérité ou sincérité,
            Puis, par le fleuve, à Chelsea, et lus durant tout le trajet un petit livre que j'ai acheté, sur l'amélioration du commerce, un joli ouvrage qui contient bien des choses utiles. A pied jusqu'au petit Chelsea chez milord Sandwich où dînai fort joyeusement en compagnie et musique. Ils jouèrent une belle fantaisie. De nouveau milord ne jure plus que par cette sorte de musique et dit ne plus pouvoir souffrir un air joyeux, ce qui est un étrange revirement d'humeur, car cela faisait deux ou trois ans qu'il avait abandonné les fantaisies et ne jouait que des airs de ménétrier. Puis promenade dans le grand jardin jusqu'à la salle des Banques où nous utilisâmes son télescope pour grossir le paysage, avec un fort bel effet.
            Ensuite, partie de quilles, gagnai 1shilling.                                      kalli.lulu-en-furie.be
            Aujourd'hui il y avait un grand afflux de gens vers les dunes de Banstead, en raison d'une grande course de chevaux et d'une course à pied, et je suis fort chagrin de n'avoir pu m'y rendre.
            Retour à la maison, comme à l'aller, jusqu'au Pont de Londres. Je trouve ma femme de méchante humeur. Elle me dit devant Miss Ashwell que Pembleton est venu et qu'elle a refusé de le laisser entrer en mon absence, ce qui me fit honte. Je préfère, toutefois, qu'il en soit ainsi plutôt que le contraire.
            A mon bureau mettre des choses en ordre, et bientôt arrive Pembleton, ce dont ma femme me fait informer pour que je rentre à la maison. Je lui fis dire que je désirais qu'elle allât danser et que j'arriverais tout de suite.
            J'étais fort indécis et ne savais si je devais me montrer à Pembleton et si ma conduite lui révélerait ma jalousie.
            Je finis par décider de rentrer et emmenai avec moi Tom Hayter avec qui je passai un bon moment dans mon cabinet de travail....... lui rappelai qu'en cette période chacun devrait être préparé à se justifier sur toutes les choses dont il peut être soupçonné...... Lui donnai congé et montai. Nous dansâmes des danses campagnardes et des pas de branle, ma femme et moi et ma femme lui régla son mois, elle aussi. Nous sommes donc quittes.
            Après avoir dansé nous l'invitâmes à souper en bas, avec nous, ce fut fort gai. J'affectai une belle humeur et me montrai avec lui aussi civile que je pus, pour éviter qu'il pût rien dire contre moi. Mais je vois, ce qui me gêne fort, qu'il sait tout, et ma chère femme me fait l'affront de vouloir tout répéter à tout le monde. Ce qui me rend fort mécontent, et si elle me provoque trop, je lui en montrerai. Après le souper et son départ, au lit.


                                                                                                               28 mai

            Lever ce matin et ma femme, je ne sais pour quelle raison, refuse d'aller à Chelsea aujourd'hui, car c'est jour de fête ( l'Ascension ), et j'ai du loisir. C'est quasiment le premier jour
où nous ne travaillons pas depuis notre arrivée dans ce bureau. Nous donnâmes à Miss Ashwell la permission de sortir seule.
            J'allai visiter pour affaires plusieurs endroits. Je me rendis entre autres chez le Dr Edwards pour faire les comptes des purgatifs que ma femme a pris depuis un an ou deux, 4 livres. Puis me rendis à la Bourse où j'apprends que l'on a reçu hier des lettres de France disant que le roi allait se remettre, ce qui me réjouit.
            Au café de la venelle de la Bourse j'achetai un petit livre, Conseil aux constructeurs, écrit par sir Balthazar Gerbier, dédié à tous les hommes de haute condition d'Angleterre ou presque, de sorte que les épîtres sont plus longues que le livre. Ni les unes, ni l'autre, ne valent un pet et j'ai honte de l'avoir acheté.
            A la maison où trouvai Creed qui dîna avec nous. Nous rendîmes ensuite en barque au Théâtre royal, mais il y avait tant de monde que l'on nous refusa des places. Donc au Théâtre du Duc où vîmes jouer Hamlet, ce qui nous conforta dans notre opinion que l'on ne peut assez admirer Betterton.
            Nous eûmes la surprise de voir entrer sur scène Miss Gosnell, la servante de ma femme, mais elle ne parla, dansa, ni ne chanta, à mon grand regret. Elle ne dépare cependant pas la scène, bien au contraire.
            Retour à la maison en barque. Après avoir parcouru de long en large six ou sept fois les allées du Temple à débattre s'il valait mieux rentrer par les rues ou par le fleuve. Par les rues à la maison, puis par le fleuve à la taverne de la Demi-Étape où nous soupâmes de provisions que nous avions apportées, puis rentrâmes à pied à la maison............. et peu après, au lit. Creed a dormi avec moi, dans la chambre rouge, jusqu'au matin.


                                                                                                                    29 mai 1663
laboiteverte.fr
            Ce jour où l'on commémore le couronnement du roi est véritablement un jour de fête. Nous avons fait la grasse matinée, il pleuvait très fort. Pluie et grêle presque toute la matinée. Au bout d'un moment Creed et moi sortîmes et nous arrêtâmes dans plusieurs églises. Il est bien étrange, et par là de deviner les mauvaises dispositions de la Cité en ce moment envers la religion en général, comme envers le roi car, dans certains cas, il y avait à peine dix personnes, et seulement des pauvres. Puis dans un café où entendîmes dans une conversation que le roi de France va sûrement se rétablir.
            A la maison pour dîner puis par le fleuve au Théâtre Royal, mais on n'y jouait pas aujourd'hui, puis au Théâtre du Duc où vîmes La Demoiselle dédaignée; Miss Gosnell jouait Pyramène, un rôle important et s'en acquitta fort bien. Je pense qu'elle ira en s'améliorant et qu'elle deviendra une bonne actrice.
            La pièce n'est pas vraiment excellente, mais elle est bien jouée et, en général, les acteurs sont ici meilleurs que dans l'autre théâtre.
            Ensuite à la taverne du Coq. Après avoir bu j'envoyai les autres avec Creed voir la Princesse allemande à la prison de Gatehouse à Westminster. J'allai chez mon frère, et de là chez mon oncle Fenner pour voir ma tante James, depuis longtemps en ville et repart demain sans que je l'ai vue, mais je ne trouvai personne au logis, ce dont je fus content. Retour donc chez mon frère pour lui parler, puis à la maison. Sur mon chemin je parcourus deux fois Fleet Alley, en montant et en descendant, pour voir deux jolies catins qui se tenaient sur le pas de leur porte. Et, que Dieu me pardonne ! j'eus bien du mal à me retenir de les suivre chez elles, tant ma nature me porte au mal dès que je recommence, comme ces deux derniers jours, à me divertir.
            Puis à la maison et au bureau pour rédiger le journal de ces deux derniers jours. Retour à la maison pour souper, et Creed et moi au lit où devisâmes agréablement. J'avais cependant l'esprit tourmenté d'avoir si mal employé mon temps ces sept ou huit derniers jours, mais il me faut imputer cela à l'inquiétude dans laquelle j'étais ces temps à cause de ma femme, et aussi ces deux derniers  jours je suis allé au théâtre, mais j'ai payé l'amende que je devais, en argent et en réduisant le nombre de fois où je peux aller voir des pièces à la Cour. Je dois maintenant me souvenir que j'ai épuisé toutes les possibilités que j'avais d'aller voir des pièces à la Cour jusqu'à la fin de ce mois et que je ne pourrai reprendre le compte qu'en juin.


                                                                                                                    30 mai

            Levés de bonne heure et avec Creed en barque à Fleet Street. Comme mon frère n'était pas encore prêt nous allâmes à pied jusqu'à la nouvelle Bourse où prîmes notre boisson du matin, du petit-lait, la première fois que j'en prends cette année. Je remarque que les hommes de loi s'arrêtent tous ici sur le chemin du palais, et je suis convaincu que c'est une très bonne boisson.
            Au logis de mon frère je trouve ma tante James, une bonne âme, humble, bien intentionnée, pieuse et pauvre, qui n'a d'autre mot à la bouche que Dieu tout puissant, et ce avec une innocence qui me plut fort. Il y avait aussi là un drôle qui mit autant de temps pour dire les grâces que s'il eût récité une prière. Je suis convaincu que c'est un fourbe, et pourtant, à la demande de mon frère, je lui donnai une couronne, car il est dans un grand dénuement et, à ce qu'il paraît, pasteur chez les fanatiques et cousin de ma pauvre tante. Ses prières, m'affirma-t-elle, m'avaient fait un bien particulier parmi celles de nombreuses bonnes âmes qui, à la demande de mon père, avaient prié pour moi lors de mon opération de la pierre, et que Dieu avait entendues. Ce dont, pour lui faire plaisir, je convins, bien qu'étant d'un avis contraire. Dieu me pardonne ! Je lui avais apporté une couple de homards et du vin. Et, comme elle quittait Londres aujourd'hui et ne désirait pas venir chez moi, je lui fis mes adieux et rentrai à la maison. Après dîner tout l'après-midi jusqu'au soir à mon bureau à rattraper le temps perdu dernièrement en négligeant mon travail.........
            Puis à la maison. Me lavai les pieds après le souper et, au lit.


                                                                                                                31 mai 1663
   melodymistura.com                                                                                              Jour du Seigneur
            Grasse matinée à causer avec ma femme. Je vois clairement que son antipathie, qui commence chez elle, à l'égard de Miss Ashwell vient de ce qu'elle est jalouse de moi et d'elle parce que je la néglige. Ce qui est vrai, en effet, et je suis à blâmer, mais à l'avenir je prendrai soin de remédier à cela.
            Puis lever et à l'office où je crois avoir aperçu Mr Pembleton mais, quelle qu'en pût être la raison je ne remarquai point qu'il levât les yeux sur ma femme, ni qu'elle le regardât beaucoup. Et pourtant, malgré tous mes efforts, sa présence ne laissait pas de me tourmenter, ce qui est une inexcusable folie, maintenant que ses visites dans ma maison tiennent au passé, de même que, je l'espère, toute probabilité qu'elle ait l'occasion de le fréquenter à nouveau.
            A la maison pour dîner, et après montai lire une partie de la nouvelle pièce Cinq heures d'aventures. J'ai beau l'avoir vue deux fois je ne l'ai pas encore suffisamment admirée ni comprise, car elle a la meilleur intrigue qui se puisse jamais imaginer, et c'est une pièce d'une grande vigueur du début jusqu'à la fin.
            Derechef à l'office après dîner, ma femme que ses menstrues font souffrir n'y alla point, et   comme c'était l'Ecossais qui prêchait, je dormis durant presque tout le sermon.
            On baptise aujourd'hui à la campagne le petit-fils de sir William Batten, et sir John Mennes et sir William Penn y sont allés. Je m'étonne et suis fort contrarié de ne point avoir été invité par le père. Je sais cependant que son père et sa mère sont peu en cause, et à cet égard je préfère qu'il en soit ainsi.
            Au retour de l'office fis mes comptes du mois et il m'apparaît que ma fortune s'élève à 726 livres net, Dieu en soit loué ! Pourtant, j'aurais pu être plus riche de presque 20 livres, eussé-je évité certaines dépenses, telles que leçons de danse et autres choses pour ma femme,et pièces de théâtre et autres choses ne servant qu'à détourner mes pensées de l'affaire du maître à danser, laquelle, grâces soient rendues au Seigneur ! est désormais terminée, et je retrouve ma tranquillité d'esprit et me remets à mon travail trop négligé ces deux dernières semaines
            Ce mois-ci, la plus grande nouvelle est l'agitation et l'excitation auxquelles est en proie le Parlement qui procède, au grand déplaisir de la Cour, à une enquête sur le revenu de l'Etat, et sa répugnance à accorder le moindre argent au roi. Son enquête sur la vente des offices donne du tourment à bien des gens, et particulièrement à milord le chancelier qui est la cible principale, et Mr Coventry, ce dont je suis bien fâché.
            Il s'avère que le roi de France que l'on donnait pour mortellement empoisonné a eu, la rougeole, et est rétabli ou le sera certainement sous peu.
            Je vois que l'estime que l'on me porte et mon crédit grandissent au bureau, et j'espère qu'en m'attelant de nouveau à mon travail je les conforterai et épargnerai de l'argent, ce que Dieu veuille bien m'accorder !
            Puis souper, prières et, au lit.
            La maisonnée tout entière ayant dormi plus longtemps ce matin qu'il n'est convenable, ajouté au fait que Will avait négligé de brosser mon manteau, comme il l'aurait dû, avant que je ne fusse prêt à partir à l'office, et qu'il ne le fit que lorsque je le lui commandai, je me mis fort en colère et, le voyant prendre l'affaire à la légère et faire mine de se moquer que le manteau fût brossé ou non, je lui donnai un soufflet, et si nous n'avions été dimanche, je l'aurais corrigé davantage. C'est la seconde fois que je le frappe.


                                                             à suivre........

                                                                                                                      1er juin 1663

            Recommencé à me lever............
         
            
         
         

           


samedi 30 mars 2019

Le Cupide et l'Envieux Jean Bodel ( Nouvelle France )

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                artkarel.


                                            Le Cupide et l'Envieux

            Seigneurs, après avoir raconté des récits de pure imagination, je veux maintenant m'appliquer à rapporter des histoires véridiques, car celui dont le métier est de raconter des fables n'est pas un conteur digne de s'adresser à une noble assistance s'il est incapable de relater des choses vraies ou au moins vraisemblables. Celui qui est expert en l'art de conter se doit, entre deux récits d'imagination, de rapporter des histoires vécues.
            C'est la vérité pure, vivaient jadis, il y a bien une centaine d'années, deux compagnons qui menaient une fort mauvaise vie, car l'un était si envieux que personne ne l'était plus que lui, et l'autre était si cupide que rien ne pouvait le combler. Ce dernier était sans doute le pire des deux, car la cupidité est de telle nature qu'elle avilit maintes personnes. Elle fait prêter à usure et tricher sur les mesures par désir d'en avoir plus. L'envie est aussi exécrable, car elle aiguillonne tout le monde.
            Notre envieux et notre cupide chevauchaient un jour de compagnie lorsqu'ils rencontrèrent, je crois, Saint Martin dans une campagne. Il ne lui fallut que peu de temps passé en leur compagnie pour s'apercevoir des mauvais penchants enracinés au fond de leur coeur. Ils arrivèrent bientôt à une chapelle d'où partaient deux chemins très fréquentés. Saint Martin s'adressa alors aux deux compagnons qui se comportaient de manière si détestable.
            - Seigneurs, leur dit-il, à cette chapelle je poursuivrai mon chemin en prenant sur la droite, mais vous retirerez bénéfice de m'avoir rencontré. Je suis Saint Martin le " prudhomme ". Que l'un ou l'autre me demande un don, il aura immédiatement ce qu'il désire et celui qui n'aura pas parlé en aura sur-le-champ deux fois autant.
            Alors le cupide pense qu'il laissera parler son compagnon et qu'il en aura deux fois plus que lui. Il convoite ardemment un double gain.
            - Demande, fait-il, cher compagnon. Tu obtiendras à coup sûr tout ce qu'il te viendra à l'esprit de demander. N'hésite pas à demander largement. Si tu sais te débrouiller pour faire un bon souhait, tu seras riche toute ta vie !                                                                           projectgutenberg.com
Résultat de recherche d'images pour "cupide et envieux peinture dessins"            Celui qui avait le coeur plein d'envie n'avait pas l'intention de demander ce qu'il aurait voulu, car il serait mort d'envie et de rage si l'autre en avait eu plus que lui. Aussi restèrent-ils tous les deux un bon moment sans prononcer une parole.
            - Qu'attends-tu ? Qu'il ne t'en arrive malheur ? dit celui qui était plein de cupidité. J'en aurai le double de toi et personne ne m'en empêchera. Demande vite, ou je te battrai comme jamais âne ne le fut au Pont !                                       
            - Sire, répondit l'envieux, sachez-le, je vais demander un don avant que vous ne me fassiez mal. Si je demandais de l'argent ou quelque bien, vous en voudriez bien avoir deux fois plus. Mais si je peux, vous n'en aurez aucun bénéfice ! Saint-Martin, dit-il, je vous demande de perdre un oeil et que mon compagnon en perde deux : ainsi, il sera doublement puni !
            Le cupide eut les yeux crevés sur-le-champ.
            Saint Martin tint parfaitement sa promesse : sur quatre yeux ils en perdirent trois, ils n'en retirèrent pas autre chose. Saint Martin rendit l'un borgne et l'autre aveugle. Par la faute de leurs souhaits, tous les deux y perdirent.
            Maudit soit celui qui s'en afflige, car ces deux hommes étaient de mauvaises gens.


                                                                                        Jean Bodel

                       in Fabliaux du Moyen-Âge              ( 1165 - 1209/1210 ) 
            

vendredi 29 mars 2019

Histoire de Rire Tchekhov ( nouvelle Russie )


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                                      Histoire de Rire

            Midi, par une belle journée d'hiver... Il gèle à pierre fendre et les bouclettes de Nadienka, qui marche pendue à mon bras, se couvrent de givre argenté sur ses tempes, tandis qu'un fin duvet ourle sa lèvre supérieure. Nous sommes sur une haute colline. De nos pieds jusqu'au bas elle descend en pente douce, le soleil se reflète comme dans un miroir.
            - Faisons un tour, Nadiejda Petrovna ! dis-je implorant. Une seule petite fois  ! Je vous assure que nous en sortirons sains et saufs.
            Mais Nadienka a peur. Tout l'espace qui s'étend entre ses petits caoutchoucs et le pied de la colline de glace lui semble un ravin terrifiant, d'une profondeur incommensurable. Elle détaille, elle a le souffle coupé dès qu'elle regarde en bas ou que je lui propose simplement de monter sur la luge.
            Qu'en sera-t-il si elle se risque à s'envoler vers l'abîme ? Elle mourra, elle perdra la raison.
            - Je vous en supplie ! dis-je. Il ne faut pas avoir peur ! Comprenez donc que c'est de la pusillanimité, de la poltronnerie !
            Nadienka finit par céder et je vois à son visage que, de fait, elle craint pour sa vie. Je l'installe, pâle et tremblante, sur la luge, l'enlace d'un bras et me précipite avec elle dans l'abîme.
            La luge vole à la vitesse d'une balle de revolver. Nous fendons l'air qui frappe nos visages, hurle, siffle aux oreilles, nous lacère, nous pince douloureusement, hargneux et veut nous arracher la tête. La force du vent est telle qu'on a le souffle coupé. On dirait que le diable en personne nous tient entre ses griffes et, dans un hurlement nous emporte en enfer. Tout, alentour, se fond en une longue bande qui se déroule à toute allure... Encore un instant, me semble-t-il et c'en sera fini de nous !
            - Je vous aime, Nadia ! dis-je à mi-voix.
            La luge, à présent, ralentit sa course, le hurlement du vent, le crissement des patins de traîneau ne sont plus aussi forts, on commence à mieux respirer, et nous voici enfin en bas.
            Nadienka est plus morte que vive. Elle est livide et a le souffle court... Je l'aide à se relever.
            - Pour rien au monde je ne le referais, dit-elle, fixant sur moi de grands yeux pleins de terreur. Pour rien au monde ! J'ai failli mourir !                                                           art.co.uk
            Peu après elle reprend ses esprits et me scrute, l'air interrogateur. Est-ce bien moi qui ai prononcé ces quatre mots ou a-t-elle cru les entendre dans le bruit du tourbillon ? Pour ma part, debout à ses côtés, je fume tranquillement et détaille mon gant avec la plus grande attention.
            Elle me prend le bras et nous entamons une longue promenade aux abords de la colline. Le mystère, manifestement ne la laisse pas en repos. Ces mots ont-ils été, oui ou non, prononcés ? Oui ou non ? Oui ou non ?
            C'est une question d'amour-propre, d'honneur, de vie, de bonheur, une question très importante, la plus importante au monde. Nadienka me regarde droit dans les yeux, l'air impatienté, triste, inquisiteur. Elle répond à côté quand je lui parle, se demande si je vais ouvrir la bouche. Oh, tout ce qui se joue sur son joli minois, tout ce qui se joue  !
            Je vois bien qu'elle lutte contre elle-même, elle va dire quelque chose, poser une question, mais elle ne trouve plus les mots, elle est embarrassée, elle a peur, la joie l'en empêche...
            - Vous savez quoi ? dit-elle sans me regarder ?
            - Non ?
           - Si on refaisait... une descente.
          Nous reprenons l'escalier jusqu'au sommet de la colline. De nouveau j'installe Nadienka, pâle et tremblante, sur la luge, de nouveau nous volons vers le terrifiant abîme, de nouveau le vent hurle et crissent les patins du traîneau, de nouveau, à l'instant le plus tumultueux et le plus bruyant de la course, je dis à mi-voix :
            - Je vous aime, Nadienka !
            Quand la luge s'arrête, Nadienka embrasse du regard la colline que nous venons de dévaler puis, elle scrute longuement mon visage, écoute attentivement ma voix indifférente et neutre, et toute, toute sa silhouette menue, même son manchon, son capuchon, semblent exprimer un embarras extrême. On lit sur son visage :
            " Que se passe-t-il ? Qui a prononcé ces mots ? Est-ce lui ou ai-je seulement cru les entendre?
            Cette incertitude l'inquiète, met sa patience à rude épreuve. La pauvre enfant ne répond pas à mes questions, elle se renfrogne, elle va fondre en larmes.
            - Ne devrions-nous pas rentrer ? lui dis-je.
           - C'est que je... j'aime ces descentes en luge, répond-elle, rougissante. Ne pourrions-nous recommencer encore une fois ?
            Elle " aime " ces descentes en luge. Cependant, en remontant, elle est aussi pâle que les fois précédentes, elle tremble, suffoque presque de peur.
            Nous repartons pour la troisième fois et je vois avec quelle intensité elle scrute mon visage et suit le mouvement de mes lèvres. Mais j'applique un mouchoir sur ma bouche, je tousse et, arrivé à mi-parcours, j'ai malgré tout, le temps de dire :
            - Je vous aime, Nadia !
            Le mystère reste entier ! Nadienka est muette, plongée dans ses pensées... Je la raccompagne chez elle, elle s'efforce de marcher lentement, ralentit le pas, attendant toujours que je lui dise les fameux mots. Je vois combien son coeur souffre, quel effort elle fait sur elle-même pour ne pas s'écrier :
            " Il n'est pas possible que ce soit le vent ! D'ailleurs, je ne veux pas que ce soit lui ! "
            Le lendemain matin je reçois un billet :
            " Si vous allez faire de la luge aujourd'hui, passez me prendre, N. "
            A compter de ce jour nous nous rendons quotidiennement, Nadia et moi, sur la colline et, tandis que nous volons vers l'abîme, je ne manque pas de répéter à mi-voix :
           - Je vous aime, Nadia !
           Nadienka est bientôt accoutumée à cette phrase, comme elle pourrait l'être au vin et à la morphine. Elle ne peut plus s'en passer. Certes, elle a toujours aussi peur de dévaler la colline, mais à présent la crainte et le danger confèrent un charme particulier à ces mots d'amour qui demeurent un mystère et font languir son coeur.
            Pour elle, il y a toujours deux suspects, le vent et moi.
            Lequel des deux lui déclare-t-il sa flamme ? Elle l'ignore, cependant il semble désormais que cela l'indiffère : n'importe le flacon, pourvu qu'elle ait l'ivresse !    *                    leparisien.fr
            Un jour, à midi, je me rends seul à la colline. Me mêlant à la foule, j'aperçois Nadienka. Elle s'approche, me cherche des yeux... Puis elle grimpe timidement l'escalier... Elle a peur de descendre seule, oh, qu'elle a peur ! Elle est blanche comme neige, elle tremble, on croirait qu'elle marche au supplice, mais elle y va sans un regard en arrière, résolue.
            Elle a, visiblement, décidé d'essayer. Entendra-t-elle ces stupéfiantes et douces paroles, si je ne suis pas là ?
            Je la vois blême, bouche bée de terreur, s'installer sur la luge, elle ferme les yeux et, disant définitivement adieu à la  terre, elle s'élance...
            " Z- Z-Z-Z... " Les patins crissent. Les entend-elle ces mots ? Je l'ignore... Je la vois seulement descendre de la luge, épuisée, chancelante. Et il est clair, à son visage, qu'elle-même ne saurait dire si elle a ou non entendu quelque chose. Sa peur, tandis qu'elle dévalait la pente, l'a privée de toute faculté d'entendre, de percevoir des sons, de comprendre...
            Mais voici le mois de mars printanier. Le soleil serait plus caressant. Notre colline de glace s'assombrit, elle perd son éclat et finit par fondre. Nous cessons nos parties de luge.
            La pauvre Nadienka n'a plus d'endroit où entendre les fameuses paroles, de même qu'il n'est plus personne pour les lui murmurer : le vent s'est tu, quant à moi, je m'apprête à gagner Saint-Pétersbourg, pour longtemps, peut-être pour toujours.
            A quelques jours, deux ou trois de mon départ, au crépuscule, je suis assis dans mon jardin, séparé de la cour de Nadienka que par une haute palissade hérissée de pointes...
            Il fait encore assez froid, la neige demeure sous le fumier, les arbres n'ont pas encore repris vie, cela sent pourtant le printemps et les freux s'installent à grand bruit pour la nuit.
            Je m'approche de la palissade et observe longuement par une fente. Je vois Nadienka sortir sur le petit perron et lever un regard triste, languissant vers le ciel... Le vent printanier fouette son visage pâle et mélancolique... Il lui rappelle celui qui nous hurlait aux oreilles sur la colline lorsqu'elle entendait les quatre mots magiques. Et son visage se fait triste, si triste, une larme roule sur sa joue... La pauvre enfant tend les deux bras, comme pour implorer le vent de lui apporter les paroles une fois encore.
            Alors, au premier souffle je dis à mi-voix :
**         - Je vous aime, Nadia !
            Mon Dieu, il faut la voir ! Elle pousse un cri, son visage s'épanouit en un sourire, elle tend les bras au vent, joyeuse, heureuse, si belle !
            Quant à moi je vais faire mes malles...
            C'était il y a bien longtemps. Aujourd'hui, Nadienka est mariée, on l'a mariée ou elle-même l'a voulu, peu importe, au secrétaire de la chambre de tutelle de la noblesse, et elle a trois enfants. Elle n'a pourtant pas oublié nos parties de luge d'autrefois, elle n'a pas oublié le vent qui portait jusqu'à ses oreilles les fameux mots :
            " Je vous aime, Nadienka ! "
            Pour elle, c'est désormais le plus heureux, le plus touchant, le plus beau souvenir de la vie...
            Pour ma part, ayant pris de l'âge, je ne parviens plus à comprendre pourquoi je prononçais ces mots, pourquoi je plaisantais ainsi...


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                                                              Anton Tchekhov
                                        

samedi 23 mars 2019

Incidents Daniil Hames extraits 3 Fin ( Nouvelles Russie )


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                                            I N C I D E N T S

                                              Perte sur perte

            Andreï Andreïevitch Miassov venait d'acheter une mèche de lampe au bazar et la ramenait chez lui.
            En chemin Andreï Andreïevitch perdit la mèche, puis il entra dans une épicerie pour acheter 150 grammes de saucisson de Poltava. Ensuite il acheta une bouteille de kéfir au magasin de la coopérative laitière, et il but une petite chope de kvas au kiosque. Enfin, il fit la queue pour acheter un journal. Cette queue étant assez longue, Andreï Andreïevitch dut patienter une bonne vingtaine de minutes, mais les journaux se terminèrent juste devant son nez.
            Andreï Andreïevitch piétina un moment sur place avant de se décider à rentrer. Mais en chemin il perdit sa bouteille de kéfir et il fit un crochet à la boulangerie pour s'acheter un pain français. Là, il perdit le saucisson.
            Alors qu'il rentrait enfin chez lui, Andreï Andreïevitch trébucha et tomba, en perdant le pain français et en brisant son pince-nez.
            Une fois regagné son bercail, Andreï Andreïevitch enrageait tellement qu'il voulut tout de suite se mettre au lit, mais il chercha longtemps le sommeil. Et quand il se fut endormi, il rêva qu'il avait perdu sa brosse et qu'il devait se laver les dents avec une espèce de chandelier.


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      leconcombre.com                                                      Ce qui se vend de nos jours


            Koratyguine était allé chez Tikakeïev, mais celui-ci était absent.                    
            Tikakeïev se trouvait dans un magasin, il achetait du sucre, de la viande et des concombres.
            Koratyguine, après avoir piétiné devant la porte de Tikakeïev, s'apprêtait à lui laisser un mot lorsqu'il le vit qui regagnait ses pénates, un gros sac en toile cirée entre les bras.
            Koratyguine lui cria de loin :
            - Ça fait bien une heure que je vous attends !
            - C'est faux, répliqua Tykakeïev, je suis sorti de chez moi il y a à peine vingt-cinq minutes.
            - Ça, je n'en sais rien, dit Koratyguine, mais c'est un fait que je suis là depuis une heure, au moins.                                                                                 
            - Ne mentez pas, fit Tikakeïev. C'est une honte de mentir à votre âge.
            - Cher monsieur, dit Koratyguine, je vous prie de mieux choisir vos expressions.
             - J'estime, dit Tikakeïev, aussitôt interrompu par Koratyguine.
            - Si vous estimez..., dit Koratyguine
            Mais ce fut son tour d'être interrompu par Tikakeïev :
            - Tu ne t'es pas regardé !
            Ces mots eurent le don de faire enrager Koratyguine qui, pressant une narine avec son doigt, envoya de l'autre un jet de morve sur Tikakeïev
            Tikakeïev plongea alors une main dans son sac pour s'emparer du plus gros concombre, qu'il abattit dare-dare sur le crâne de Koratyguine.
            Koratyguine porta ses deux mains à la tête, puis tomba raide mort.
            Voyez quel gros concombre on vend de nos jours !

            ( 19 août 1936 )                 


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                                                                  Le sommeil espiègle
                                                                                                                                                                                                                                                                                          kweeper.com

            Markov a retiré ses bottes et, avec un gros soupir, s'allongea sur le sofa.
            Il a affreusement sommeil mais, à peine a-t-il fermé les yeux, l'envie de dormir s'envole en une seconde.
            Markov a ouvert les yeux et tend le bras pour prendre un livre. Mais le sommeil lui tombe alors dessus et Markov, avant même d'avoir atteint son livre, s'allonge de nouveau et ferme les yeux pour dormir. Mais à peine ses yeux se sont-ils fermés, que le sommeil s'envole, et Markov a la tête si claire qu'il pourrait résoudre mentalement des équations à deux inconnues...
            Markov se tourmenta longtemps dans son lit en se demandant : dormir ou rester éveillé ?
            A la fin, n'en pouvant plus, maudissant sa chambre et lui-même, Markov enfila son manteau, son chapeau, saisit sa canne et sortit faire un tour.
            La fraîcheur de la brise le calma. Markov se sentait de bonne humeur et il eut bientôt envie de regagner sa chambre.
            Là, une fois rentré, il sentit dans tout son corps comme une fatigue agréable et voulut dormir. Mais à peine s'était-il allongé sur le sofa, les yeux fermés, que le sommeil se volatilisa en un clin d'oeil.
            Markov, pâle de rage, bondit hors du sofa et, sans mettre manteau ni chapeau, fila en direction des jardins de Tauride.

             (  1936 - 1938 )
         
                                                                             Hames














                                                    

mardi 19 mars 2019

Lettres à Colette Sido ( Document France )

Lettres a colette Lettres à Coletteidosujet

            Adèle Eugénie Sidonie Landoy, épouse d'un premier mari qui la rend très malheureuse, mère de quatre enfants, Achille, médecin époux de Jane, père de deux petites filles, Juliette mère d'Yvonne et souffre-douleur d'un mari médecin Roché, ils vivent éloignés de Sido clairvoyante et triste de la situation de sa fille. Et veuve elle épouse le capitaine Colette et naîtront Léo pas très vaillant assez proche de Colette, tous deux habitent Paris. Active, très vive, intelligente, tout l'intéresse, les gens, la nature, les animaux, la culture, elle lit, séances de cinéma, et nous sommes en 1910, les journaux sont lus dans le détail. Elle et Achille vivent à Châtillon-sur-Loing non loin de Saint-Sauveur où Colette l'auteur a passé son enfance. Et cette maison sera l'objet de nombreux conseils. Dans ses lettres adressées à sa fille, Sido est le personnage, ou la personne comme dit l'auteur de la préface, de très nombreux romans à commencer par les Claudine. Ces Claudine sont tout au long des lettres un sujet brûlant car, comme on le sait aujourd'hui Colette est l'auteur que Willy - Gauthier-Villars, épousé parce que sans dot et pour d'autres raisons, a publié sous son nom la frustrant de revenus et de reconnaissance. Le procès, le divorce, les mesquineries et les bassesses racontées sous la plume alerte de cette fascinante septuagénaire, féministe, est un plaisir de lecture. De 1903 à 1912 Sidonie écrit presque quotidiennement à celle qui écrit, comédienne joue sur scène, assez dénudée, quitte Willy pour vivre avec Missy, et alors que Sidonie nous quitte, épuisée, le coeur soutenu par la digitaline, soignée sans répit par son " cher grand ", Achille, Colette vit une nouvelle histoire d'amour turbulente avec Henry de Jouvenel directeur du " Matin " où elle écrit entre autres. Sidonie se plaint :
            " 3-04-07 - Minet chéri................. Toi mon trésor tu n'as pas d'enfant et c'est une souffrance en moins parce que tu n'as pas le souci de leur avenir.......... Achille est très occupé parce qu'il a en ce moment des malades très malades.......... Au revoir bijou chéri, je t'embrasse comme je t'aime. " 
            Achille consulte, accouche et parcourt les routes en voiture De Dion, fréquemment accompagné de Sidonie qui pense que les automobiles sont des objets dangereux et ruineux.
            " Minet chéri.............. j'ai eu grand plaisir à lire L'homme qui assassina de Claude Farrère......
.......... Au revoir mon toutou chéri............ "
            " 27-08-07 - Ô Minet chéri !...... J'air reçu aussi les herbes marines, c'est très bon avec le bouilli et le boeuf rôti...........  Au revoir mon toutou chéri. J'ai lu ton article de La Vie Parisienne.Il m'a plu et à Achille aussi. Fais-en beaucoup comme cela mon Minet et on t'en redemandera.......... "
            En 1910 Sidonie raconte les très importantes inondations qui recouvrent champs et villages et qui ont fait date.
            Sidonie, femme ruinée, femme au foyer occupée avec la lingère à réparer draps et vêtements, cuisine la galette, gourmande de chocolats et de thés parisiens qu'elle réclame à Colette. Mais l'attitude de celle-ci lors de la mort de sa mère a offusqué Achille qui aurait brûlé toutes ses lettres.
            



            

dimanche 17 mars 2019

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 93 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

         
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                                                                                                                         16 mai 1663

            Levé de bonne heure inquiet et hanté par mes soupçons.
            Je mériterais d'être battu pour cela, si ma femme ne me fait pas ce que je crains d'être, d'autant plus que Dieu sait que je ne trouve pas dans mon propre coeur tant de droiture, et qu'à la moindre tentation je pourrais lui être infidèle et, par conséquent, ne devrais pas attendre d'elle plus de vertu. Mais que Dieu pardonne mon péché et ma folie !
            A mon bureau réunion toute la matinée, à midi dîner à la maison. Après retour de Pembleton. Comme j'étais de mauvaise humeur je refusai de le voir, prétextant du travail. Mais Seigneur ! avec quelle jalousie j'arpentai mon cabinet de travail, l'oreille tendue pour entendre s'ils dansaient et ce qu'ils faisaient. Nonobstant le fait, confirmé par la suite, et que je croyais vrai alors, que Miss Ashwell était avec eux. Puis un peu à mon bureau et, toujours sous l'empire de ma jalousie, je rentrai à la maison et, non que j'y prisse le moindre plaisir, mais pour cette seule raison, je montai les rejoindre pour m'exercer. Je finis d'apprendre La Duchesse et je pense qu'avec un peu d'effort je devrais très bien la danser. Puis il partit.
            Ensuite, le capitaine Cocke vint me parler de l'apparente discourtoisie dont j'aurais fait preuve à son égard lors de l'affaire de son chanvre, je l'emmenai au bureau où nous devisâmes longuement et je crois qu'il fut satisfait.
            Puis écrivis des lettres, entre autres, jusqu'à une heure avancée de la soirée, puis à la maison, souper et, au lit, l'esprit un plus en paix, car j'ai résolu d'empêcher autant que faire se peut qu'il arrive quoi que ce soit à l'avenir, puisqu'il ne sert à rien de me tourmenter pour ce qui s'est déjà passé, et dont ma propre folie avait fourni l'occasion.


                                                                                                                    17 mai
                                                                                               Jour du Seigneur
            Lever et à mon cabinet de travail toute la matinée à préparer mes grandes lettres à mon père, où je lui présente la description complète de l'état de notre domaine. Ma femme et Miss Ashwell à l'office, et après dîner elles y retournèrent et je passai tout l'après-midi à terminer le travail du matin
que j'achevai vers le soir, et devisai avec ma femme jusqu'après le souper, ensuite au lit, après une autre petite querelle. J'étais tourmenté par un accès de ma jalousie habituelle à l'endroit de son maître à danser, mais je suis bien sot de m'être emporté. Puis au lit alors qu'il faisait encore jour. J'ai un très gros rhume et je doute que je pourrai parler demain à notre réunion avec le Duc, tant je suis déjà enroué.


                                                                                                                                                   18 mai
wahooart.com
Portrait Of An Unidentified Young Lady de Thomas Hudson (1701-1779, United Kingdom) | Reproductions D'art Sur Toile | WahooArt.com            Lever et après avoir pris congé de sir William Batten, parti aujourd'hui pour Portsmouth - Dieu sait qu'il n'y fera pas grand-chose - pour visiter l'arsenal, retour à la maison où passai la matinée à danser. A midi, après dîner............ en fiacre à Westminster et laissai me femme chez Mrs Clarke et moi à St James. Comme le Duc a descendu le fleuve aujourd'hui avec le roi, je me rendis aux appartements de lord Sandwich où je me promenai un moment avec Mr Howe et, alors que je traversais le jardin en direction de Whitehall, le Dr Clarke et Creed me hélèrent depuis l'autre côté du jeu de boules, je les rejoignis, restai un peu avec eux et montai chez Mrs Clarke qui était en train de s'habiller pour sortir avec ma femme. Mais Seigneur ! sa plus belle pièce et les choses qui l'entourent étaient dans un si piètre état, en dépit de toutes les apparences qu'elle se donne et de toutes les manières qu'elle fait, que je vois bien qu'elle est exactement comme Mrs Pearse, contrairement à ce que je croyais, au point que cela me dégoûte et me désole de voir cela.
            Je sortis et pendant une heure Creed et moi nous promenâmes jusqu'à Whitehall puis nous entrâmes dans le parc et vîmes la reine et les dames d'honneur traverser le palais pour entrer dans le parc. Vraiment, la beauté de Mrs Stuart surpasse celle de toutes les autres, et l'on dit à présent qu'elle est une maîtresse attitrée du roi, comme l'est milady Castlemaine. Ce qui est bien regrettable.
            Pris ensuite un fiacre et passai chez Mrs Clarke pour l'emmener avec ma femme, Miss Ashwell et un Français, qui chante bien. De là à la maison nous aussi et causâmes longuement du pauvre ameublement de Mrs Clarke et de tout le bruit qu'elle fait dans le monde, et qui n'est que façade. Et je suis plus satisfait de ma propre maison et de ma façon de vivre que je ne l'ai jamais été, en voyant que je vis tellement mieux et plus richement que les autres.
            Puis souper et, au lit.


                                                                                                               19 mai

            Levé de très bonne heure, mais je remarque que de danser et d'avoir dormi un matin ou deux plus tard que d'habitude à cause de mon rhume, font qu'il m'est difficile de me lever comme à l'accoutumée ou de m'occuper de mon travail comme d'habitude.
            A mon cabinet de travail pour terminer les papiers que je dois envoyer ce soir par la poste à mon père, et en faire des copies, ce qui représentait beaucoup de travail, mais j'en vins à bout ce matin, puis à mon bureau. Me rendis ensuite à la Tour, avec sir John Mennes, où Mr Slingsby et Mr Hoare, le contrôleur de la Monnaie, nous montrèrent, du début jusqu'à la fin, comment l'on fabrique les nouvelles pièces. Cela est si admirable que je pris des notes sur chaque opération et les ai recopiées à part, afin de pouvoir m'en souvenir. Quand nous eûmes terminé, il était l'heure de dîner, et le contrôleur insista pour nous inviter à manger avec lui et ses compagnons, car le roi leur donne à dîner chaque jour. Ce fut très gai et nous devisâmes agréablement de l'affaire qui nous avait occupés. Puis nous nous rendîmes au bureau des essais où nous vîmes comme l'on essaie l'or et l'argent et comment un mélange d'or et d'argent fondus ensemble se sépare à nouveau quand on le place dans l'eau-forte, car l'argent se transforme en eau tandis que l'or reste entier dans la forme exacte qu'il avait lorsqu'il était mélangé avec l'argent, ce qui est un miracle, comme de ne pas voir la moindre trace d'argent, celui-ci s'étant changé en eau. Mais on peut l'extraire de cette eau et le rendre à sa nature première.
            Et là on m'exposa en détail tout ce qui concerne le titre des métaux, et j'ai noté ces explications à la suite de mes autres observations sur le sujet.
            A table on nous parla, entre autres, de deux fraudeurs, les meilleurs dont j'ai jamais entendu parler. La première histoire était celle d'un ouvrier dont on découvrit qu'il emportait les rognures d'argent des pièces de un et trois pence en les avalant, de sorte qu'on ne pouvait le découvrir, bien que tous les ouvriers soient bien évidemment fouillés. Mais comme ils avaient des raisons de le soupçonner, ils l'amenèrent par des menaces et des promesses à avouer, et trouvèrent en une fois pour sept livres de métal dans sa maison.
            L'autre histoire est celle d'un homme qui avait trouvé une façon de fabriquer de la monnaie aussi bonne, acceptable et de la même taille que la monnaie authentique, mais gardait 50 pour cent pour lui. Il s'était procuré des moules pour frapper des pièces imitant les vieilles pièces de quatre pence si parfaitement, et j'ai demandé qu'on m'en donnât deux que je garde comme curiosité, qu'il n'en est pas de meilleures au monde. Et elles sont aussi bonnes, ou plutôt meilleures que celles qui ont officiellement cours, et c'est là l'unique détail qui fit douter de leur authenticité, outre le nombre de ces pièces que l'homme mettait en circulation. Et quand le contrôleur de la Monnaie les eut devant lui il ne put, disais-je, trouver d'autres motifs de soupçon que leur forme d'une rondeur parfaite, ou presque, chose que moi je n'aurais jamais trouvée suspecte. Le fraudeur ne fut ni pendu ni condamné au bûcher, car on le trouva d'une merveilleuse ingéniosité, et c'était la première fois qu'on l'attrapait, de plus il n'avait quasiment lésé personne, car sa monnaie était aussi bonne que celle qui avait cours légal.
            Au bureau jusqu'au soir, réunion puis traversâmes la Tamise en barque, avec Pembleton, pour nous rendre à la taverne de la Demi-Étape, où nous jouâmes aux quilles. Et ma damnée jalousie s'embrasa, car lui et ma femme étaient du même côté et je lui vis lui prendre la main par jeu. Cependant je pense, à présent, qu'il l'a fait seulement en passant et pour s'amuser.
           Retour à la maison et, comme il était plus de 10 heures je dus accoster de l'autre côté de l'hôtel des douanes et rentrer à pied à la maison. Puis à mon bureau et, après avoir envoyé par la poste mes lettres importantes à mon père, dont je conserve des copies pour pouvoir les montrer et mieux m'en souvenir, je rentrai à la maison, souper et, au lit, car il était tard.                                    pinterest.fr
Résultat de recherche d'images pour "jalousie en peinture dessins "            Les choses les plus remarquables que j'aie observées aujourd'hui sont les étapes de la fabrication de la monnaie.
            1- Avant tout on essaie le métal. Cela se fait dans le cas de l'or, en prenant un poids égal d'or et d'argent, une petite quantité de chaque, estimée à 6 ounces ou une demi-livre en poids que l'on enveloppe dans une mince feuille de plomb.
            S'il s'agit d'argent on utilise la même quantité de ce métal seul que l'on enveloppe de plomb. On les met ensuite dans de petits godets en terre cuite faits de la même matière que les pipes à tabac, et que l'on place dans un fourneau brûlant, au bout d'un moment tout le métal est fondu, et à la fin le plomb, dans les deux cas, se mêle à la substance du godet entraînant avec lui tout le cuivre et les impuretés et il ne reste plus que le mélange pur d'or et d'argent............  La façon dont on extrait l'argent de l'eau est tout aussi étrange.
            Mais voici en quoi consiste l'essai.
            Si le morceau d'or qui entre dans le fourneau pèse 12 ounces et ressort en 11 ounces, et si le morceau d'argent pèse à l'entrée 12 ounces et à la sortie 11 ounces et 2 grains le titre de ces métaux est exactement conforme aux normes d'Angleterre. Si l'or en pèse plus de 11 ( ce qui arrive parfois ) ou l'argent plus de 11 et 2 grains ( l'argent fin pèse parfois ounces et 10 grains ou plus à la sortie ), ils sont d'autant au-dessus de la norme. On sait ainsi quelle quantité d'or ou d'argent de qualité inférieure il faut ajouter à une quantité donnée de métal pour l'amener aux normes exactes. Et au contraire si les échantillons ressortent plus légers, alors un tel poids est au-dessous de la norme et requiert donc qu'une proportion donnée de métal fin soit rajoutée au lingot pour atteindre le titre légal. Et voilà ce qui différencie le bon aloi du mauvais, le titre supérieur et le titre inférieur à la norme et aussi les titres officiels, celui de Séville étant le plus élevé et celui du Mexique le plus bas. Et je crois que l'on m'a dit que seul celui de Séville est supérieur au nôtre.
            2 - On fond le métal pour en faire de longues lames, et si le moule prend l'air, alors cette lame n'est pas d'un poids égal partout, comme cela arrive souvent.
            3 - On étire ces lames entre des cylindres..........
            4 - Elles passent ensuite entre une autre paire de cylindres, c'est ce que l'on appelle l'ajustage.........
            5 - On les découpe en morceaux circulaires, ce qui se fait avec la facilité, la rapidité et la précision les plus grandes du monde.
            6 - On pèse ces rondelles et celles trop lourdes sont limées ; on dit alors qu'on les égalise, si elles sont trop légères on les met de côté. Cela n'arrive que fort rarement et leur poids est parfaitement juste..................
            7 - Comme ces rondelles ont été découpées dans les lames qui sont gauchies par leur passage dans les laminoirs elles sont parfois un peu tordues, ou présentent des bosses ou des creux, pour y remédier on les enfourne par cent ou deux cents dans une machine qui, au moyen d'une vis appuie si fort qu'elles en ressortent aussi plates qu'il est possible.
            8 - On les blanchit.
            9 - On y marque les lettres sur la tranche par une méthode dont Blondeau garde le grand secret........
            10 - On les frappe, en d'autres termes on les marque des deux côtés à la fois, avec une grande précision et une grande rapidité, et la pièce est achevée......................
            On dit que cette méthode coûte plus cher au roi que l'ancienne. Mais elle est plus précise et fait qu'il est plus difficile de rogner ou contrefaire les pièces, car il est impossible de graver les mots sur la tranche sans une machine si coûteuse et bruyante que nul faux-monnayeur ne pourrait payer le prix, ni ne se risquerait à l'utiliser. Et elle emploie autant d'hommes que l'ancienne, tout en étant plus rapide
            On frappe à présent des pièces de 16 000 à 24 000 livres par semaine.
            Au dîner nos hôtes nous ont dit des choses fort intéressantes sur la probabilité qu'il y ait une grande quantité d'argent cachée dans le pays en se fondant sur les frais suivants :
            A l'époque du roi Charles on a frappé pour près de 10 millions de livres, ce à quoi il faut ajouter l'argent en circulation frappé sous le roi Jacques et la reine Elisabeth, dont une bonne partie existe encore aujourd'hui. 
            Il n'a été frappé que 750 000 livres de monnaie marquée de la croix et de la harpe dont
500 000 ont été rapportées à la banque lorsque les pièces furent retirées de la circulation et l'on a de très bons arguments pour penser qu'il ne peut y en avoir moins de 100 000 en Écosse et en Irlande, de sorte qu'il ne manque pas plus de 150 000 livres sur lesquelles on suppose qu'il ne doit pas rester plus plus de 50 000 livres, soit fondues, soit cachées, perdues ou thésaurisées en Angleterre, il ne restera donc que 100 000 livres dont on pense qu'elles sont sorties du pays.....................
            Maintenant il est évident que d'après leurs calculs la plus grande partie de cette somme doit être cachée, comme le montre la pénurie qui a immédiatement suivi le retrait de la monnaie de la République......... Il était impossible de se procurer de l'argent dans la Cité, ce qui d'après leurs observations et ce qu'ils savent, est exact. Et donc, quoique je ne puisse le confirmer moi-même, je ne mets pas ce point en doute.


                                                                                                                 20 mai
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Image associée            Levé et à mon bureau. Vers midi à la maison voir danser ma femme avec Pembleton, puis j'allai dîner à Trinity House, et retour à la maison où je retrouvai Pembleton qui, apparemment, avait dîné avec ma femme, ce qu'elle dit trouver tout naturel. Est-ce calcul de sa part ou crainte de me déplaire, je ne sais, mais cela me causa de nouveau un grand trouble, de sorte que je ne pouvais rien remarquer qui ne me contrariât. Je persistai cependant dans ma résolution de descendre par le fleuve à Woolwich et emmenai ma femme et miss Ashwell. En sortant rencontrai Mr Howe. Nous mîmes son cheval à l'écurie et l'emmenâmes avec nous, mais la marée était contraire et j'accostai dans Greenwich d'abord, où mis des choses en ordre à l'arsenal afin que l'on commence la construction du nouveau yacht par Christopher Pett, puis à Woolwich où les autres m'attendent dans une taverne. Nous embarquâmes ensuite de nouveau. Il faisait froid et j'étais en nage d'avoir marché, une très agréable promenade au milieu des prés verts et des pois. Nous chantâmes durant le trajet, lui et moi, et mangeâmes de la viande froide que nous avions apportée et rentrâmes fort contents à la maison, puis il repartit à cheval. Pembleton arriva et nous dansâmes une ou deux danses campagnardes, puis nous interrompîmes et, au lit, l'esprit tourmenté et peu susceptible de retrouver la paix tant qu'elle prendra des leçons de danse. Dieu pardonne ma folie !


                                                                                                               21 mai 1663

            Lever, mais je ne parviens pas à me lever aussi tôt que d'habitude, ni à fixer mon esprit sur mon travail comme je le devrais et comme je le faisais avant ces leçons de danse. Néanmoins à mon bureau où passai la plus grande partie de la matinée à parler avec le capitaine Cox de Chatham du différend qui l'oppose à l'arsenal tout entier, à Mr Barrow le garde-magasin. A ce sujet je lui dis clairement ma pensée, à savoir qu'il serait soutenu contre les machinations de quiconque voudrait sa perte, car nous sommes tous persuadés, sauf sir William Batten, son ennemi mortel, que le roi n'a pas de meilleur serviteur que lui dans l'arsenal.
            Après maints bons conseils et autres conversations, à la maison où je dansai avec Pembleton, et me fis ensuite raser par le barbier, puis dîner et me querellai avec ma femme à propos de ses leçons de danse, au point que je quittai la table et fis le serment de ne plus m'opposer à elle ni de la blâmer ou de la contredire d'aucune façon à ce sujet jusqu'à la fin du mois de leçons, sous peine de payer une amende de 2 shillings et 6 pence à chaque fois. Et je m'y tiendrai, si Dieu m'assiste, car cette friponnerie a davantage troublé mon ménage que quoi que ce fût d'autre depuis bien longtemps.
            Après dîner à mon bureau où restai tard, puis à la maison et, comme Pembleton était de nouveau là, nous dansâmes une ou deux danses campagnardes, puis souper et, au lit. Mais au cours du souper ma femme dit une chose qui me fit la contredire, et elle employa le mot " diable ", ce qui m'irrita, Je dis, entre autres, que je ne tolérerais pas qu'elle employât ce mot, et là-dessus elle me répondit avec grand dédain. Et je ne sais plus maintenant comment la gourmander devant Miss Ashwell et tout le monde, alors qu'avant je l'aurais frappée pour moins que cela. Et donc je crains, si je n'y prends garde d'arriver bien près de perdre mon autorité sur elle. Et rien n'y contribue tant que cette occasion que je lui ai donnée de danser et de se divertir d'autre façon, ce qui détourne son esprit de son devoir et lui fait découvrir d'autres agréments que le souci de me plaire et a pour effet de ne plus du tout prendre plaisir en ma compagnie ni à s'efforcer de me plaire comme auparavant. Si seulement son mois de leçons était terminé ( comme le mien depuis ce soir. J'ai réglé à Pembleton le prix de toutes mes leçons ) ! Quand il le sera j'espère la ramener sans trop d'efforts à ses dispositions de naguère.
            Aujourd'hui, comme Susan, notre ancienne servante a perdu sa place, et c'est je crois une fille bien simple, ma femme la prend à son service quelque temps, à l'essai, au moins jusqu'à son départ pour la campagne. A ce propos je ne crois pas qu'il soit bon pour moi de l'y envoyer, car je crains que loin de ma tutelle, elle ne s'émancipe plus encore, avant que j'aie pu la ramener à de bonnes dispositions.


                                                                                                              22 mai
                                                                                                                             magasindesenfants.hypotheses.org
Résultat de recherche d'images pour "désir en peinture dessins"            Levé de très bonne heure, et suis, je l'espère, redevenu moi-même et m'applique de nouveau à mon travail après m'être un peu laissé aller, car il m'apparaît que mon crédit et mon profit augmentent chaque jour, Dieu en soit loué et me rappelle à mon devoir.
            A mon bureau. J'apprends que Rundell, le charpentier de Deptford, m'a apporté un beau merle. Il me dit que quelqu'un lui en a offert 20 shillings, tant il siffle bien.
            A mon bureau occupé toute la matinée, entre autres, essayé de comprendre le mouvement des marées. Je crois y être maintenant parvenu.
            A midi visite de Mr Creed, et nous rendîmes à la Bourse où m'entretins longuement avec plusieurs négociants, puis avec lui dîner à la maison, et ensuite en barque à Greenwich où, après m'être arrêté à la petite taverne au bout de la ville pour entourer d'un torchon mon petit orteil gauche que la marche rendait douloureux, nous fîmes un agréable trajet jusqu'à Woolwich et entendîmes en chemin chanter les rossignols. Après des affaires réglées à l'arsenal et m'être préparé à une dispute avec sir William Penn au sujet de l'affaire de l'étamine dans laquelle il est coupable de corruption au détriment du roi, nous retournâmes à pied sans avoir rien bu. C'est une chose que je ne fais jamais parce que je ne voudrais déranger personne par ma venue, ni ne voudrais devenir trop l'obligé de quiconque. En chemin nous fûmes rattrapés par Mr Steventon, commissaire de marine et oncle de Will, mon commis. Il me dit avoir été lésé par sir John Mennes lorsque l'on a apuré ses compte, et dans une telle mesure que j'ai honte de l'entendre et suis résolu à arranger l'affaire si je le puis, même si le pauvre homme a renoncé. Cependant je suis assez content que d'autres que moi remarquent sa sottise et son radotage, quoiqu'au fond de moi je pense que l'homme a de bonnes intentions. Embarquai à Greenwich et à Deptford rencontrai Davies, le garde-magasin, qui est un fripon et coupable de malhonnêteté dans l'affaire de l'étamine...........A pied jusqu'à Rotherhite et bûmes à la taverne de la Demi-Étape. A pied et en barque à Whitehall. A l'aller et au retour durant le temps passé sur le fleuve lu un petit livre censé avoir été écrit par une personne de qualité suivant laquelle il est préférable d'appartenir à la gentry anglaise plutôt que de se voir conférer honneurs et titres. Mais il ne s'agit là que de ridicules fadaises, dépourvues de sens..........
            A Whitehall je ne pus trouver sir George Carteret, m'en retournai presque aussitôt, à la maison par le fleuve et, au lit.


                                                                                                                     23 mai

            Réveillé ce matin entre 4 et 5 heures par mon merle. Il siffle mieux qu'aucun que j'aie jamais entendu. Il connaît bien le début de beaucoup d'airs mais pas plus. Puis lever et à mon bureau, réunion. Ai eu une altercation avec sir John Mennes en prenant la défense de mon commis Will dans une affaire où le vieux fat voulait lui imputer une faute dont Jack Davis était responsable, une véritable filouterie consistant à établir deux billets de solde et à se faire régler les faux, tandis que le second était payé à qui de droit. Mais il est apparu très clairement aux membres du conseil que Will n'avait rient à se reprocher.
            Dîner à la maison et ensuite en barque au quartier du Temple où allai chercher mon cahier de musique pour viole de gambe, relié, avec des pages blanches pour les nouveaux morceaux. Puis chez Greatorex. Voyant passer sir John Mennes et sir William Penn en voiture je montai avec eux pour aller avec eux à Whitehall..................wahooart.com
            Retour chez Greatorex qui me montra un vernis de son invention qui me paraît en tout point aussi bon, sur un bâton qu'il a enduit, que le vernis indien, bien qu'il n'ait pas fait très bel effet sur mon papier à musique, car il a été absorbé et ne brille pas Puis à la maison par le fleuve et, après une danse avec Pembleton, à mon bureau. Écrivis une lettre à sir William Batten à Portsmouth, je lui demande d'être de retour mercredi prochain, le jour de notre procès contre Field à l'Hôtel de Ville. Que Dieu fasse qu'il se termine à notre avantage ! Puis à la maison, souper et, au lit.


                                                                                                                      24 mai
     oiseaux.net                                                                                             Jour du Seigneur    
            Comme j'avais pris une des pilules de Mr Hollier hier soir, j'ai eu une selle ou deux ce matin, de sorte que je m'abstins d'aller à l'office et restai à la maison étudier mes papiers sur l'affaire Tom Trice. A midi dîner et comme ma femme me raconta qu'une jolie femme accompagnait Peg Penn à l'office aujourd'hui, j'eus envie, contrairement à mes premières intentions, de me rendre à l'office pour la voir. Ce que je fis, et elle est en effet fort jolie.
            Mais en face de notre galerie j'avisai Pembleton et vis qu'il lorgnait ma femme durant tout le sermon. Je faisais comme si je ne le voyais pas, et ma femme qui lui rendait ses regards. Et je remarquai qu'elle lui fit une révérence en sortant sans rien m'en dire. Cela ajouté au fait qu'elle a tenu ces deux derniers dimanches à aller à l'office, le matin et l'après-midi, me fait réellement soupçonner qu'il y a quelque chose d'extraordinaire, quoique je répugne à envisager le pire.
            Nonobstant, cela me jeta dans une grande confusion, où je suis encore, et me fait maudire le jour où j'ai consenti à ces leçons de danse, et plus encore de les avoir prolongées d'un second mois, alors qu'elle n'en désirait pas tant et que je n'avais que trop vu comme elle se conduisait avec lui.
            Mais je dois m'armer de patience et l'envoyer à la campagne, ou du moins mettre un terme à ces leçons de danse dès que possible.
            Après le sermon, chez sir William Penn avec sir John Mennes pour travailler un peu et envoyer ce soir notre réponse à Mr Coventry. Puis à la maison et descendis avec ma femme et Miss Ashwell au jardin, nous promenant un grand moment et nous demandant qui cette belle fille pouvait bien être d'après son ajustement et son maintien. D'après Mrs Penn elle pourrait être sa dame de compagnie, si ce n'est qu'elle était assise sur leur banc avec Peg, chose qu'à mon avis il ne permettrait pas si c'était le cas.
            Puis à la maison où je lus à ma femme une ou deux fables dans l'Esope, puis d'Ogilby. Puis souper, prières et, au lit.
            Ma femme a parlé ce soir de se faire faire des vêtements pour la campagne, ce à quoi je me suis opposé, disant que je n'avais point d'argent, mais j'en suis content dans une certaine mesure, car ainsi je l'éloignerai de ce gredin et retrouverai ma liberté pour m'occuper de mon travail plus que je ne l'ai fait depuis quelque temps. Prières et, au lit.
            Ce matin, il semble que Susan qui, je crois n'a plus toute sa raison, ou du moins a appris à boire depuis qu'elle nous a quittés, et sort deux ou trois fois de la maison sans permission pour se rendre à la taverne, soit sortie avant 5 heures aujourd'hui, obligeant Griffith à se lever vêtu de sa seule chemise afin de lui ouvrir pour se rendre à la taverne, pour se réchauffer, disait-elle. Mais sa maîtresse l'a querellée à ce sujet, et l'a chassée ce matin. La voilà partie comme une souillon et une paresseuse. J'ai encore pris une pilule ce soir.


                                                                                                                 25 mai

            Lever et, ma pilule ayant fait un peu d'effet, je restai à la maison la plus grande partie de la matinée Arrivèrent le barbier et Sarah Kite, ma cousine. La pauvre femme est venue pour m'emprunter 40 shillings, me promettant de me les rendre à la Saint-Michel. J'étais content qu'elle ne demandât pas davantage, car il m'est indifférent qu'elle me les rembourse ou pas, mais ça sera une bonne raison pour ne plus rien lui donner ou lui prêter. Je m'exécutai donc de bon gré, sans me faire prier et rajoutai même une couronne pour acheter quelque chose à son enfant, car cette malheureuse a un bon naturel et est diligente, et j'aimerais lui venir en aide, dans la mesure de mes possibilités, mais sans qu'elle devint une charge. Ma femme n'était pas prête et à cause de l'heure très matinale elle ne l'a pas vue, ce dont je suis content.
            Après son départ, je montai pour apprendre que ma femme et sa servante, Miss Ashwell, avait  trouvé le moyen de renverser le pot de chambre plein de pisse et merde, sur le sol, la chaise percée, et Dieu sait quoi encore, et s'employait fort joyeusement à tout nettoyer. Je me contentai d'en rire.
             Miss Ashwell vint ensuite me transmettre une commission de la part de ma femme qui désirait de l'argent afin de s'acheter des vêtements pour la campagne. Je lui donnai donc 4 livres et suis persuadé qu'il m'en coûtera 4 de plus pour l'équiper de pied en cap. Mais je suis prêt à employer tous les moyens pacifiques et honorables pour garder les rênes et conserver mon pouvoir sur elle.
            Puis à mon bureau pour retourner bientôt à la maison où ma femme et son maître dansaient. Je restai donc dans mon cabinet de travail jusqu'à ce qu'ils eussent fini et jouai un peu de la viole de gambe. J'avais bien perdu la main mais la retrouvai aisément. Un peu plus tard dîner et emmenai ma femme et Miss Ashwell à St James, mais ne trouvai pas la personne susceptible d'aller voir le Duc......
..... remontai dans le fiacre. Nous fîmes monter avec nous le tailleur de ma femme car il pleuvait fort et je descendis......... chez milord le chancelier tandis que les autres continuaient vers Pater Noster Row. Je restai parler avec milord Sandwich et rencontrai Mr Lewis Phillips de Brampton qui me dit, de même que d'autres ensuite, que l'on a appris hier à la Cour que le roi de France est malade d'une fièvre éruptive mais que les boutons ont disparu, et cet après-midi milord Mandeville est parti sur ordre du roi pour lui rendre visite, ce qui fera grand bruit à travers toute l'Europe. ( nte de l'éd. Louis XIV avait attrapé la rougeole )                                                                                                                              pinterest.fr
Résultat de recherche d'images pour "oiseaux peinture"             Conversai un grand moment avec milord Sandwich à propos de ses émoluments............
           Puis retour à la maison où je trouve Pembleton et montai donc avec eux pour danser jusqu'au soir. Arrivèrent Mr Alsop, le brasseur du roi, et Lanyon de Plymouth. Mr Alsop me dit qu'un de ses chevaux, après avoir souffert 4 jours a récemment évacué par le fondement 4 pierres plus grosses que celle dont j'ai été opéré, fort lourdes et contenant chacune en leur milieu un morceau de fer ou de bois. Le roi en a deux dans son cabinet, et une troisième a été donnée au collège des médecins qui la conserve comme curiosité, et sur ordre du roi il fait chaque jour fouiller le crottin du cheval pour en trouver d'autres.............   


                                                                                                             26 mai
       
           Grasse matinée à causer et prendre mon plaisir avec ma femme. Puis lever, un moment à mon bureau et retour à la maison où je trouve Pembleton et de nombreux détails m'amènent à conclure qu'il y a quelque chose qui n'est pas innocent entre eux. Cela me tourmente au point que je sais à peine si je sais, à la minute où j'écris ceci, ce que j'écris, ce que je fais, ni comment en user avec ma femme, car je répugne autant à lui en parler de crainte de querelles et autres désagréments, qu'à laisser faire de peur qu'elle ne continue à m'offenser et que la situation empire. De sorte que je souffre jusqu'au plus profond de mon coeur, un sentiment pourtant fort déraisonnable.
            J'ai dîné avec Mr Creed et le capitaine Grove, et avant devisai longuement dans mon cabinet de travail avec Mr Deane, charpentier de marine de Woolwich, sur la construction des vaisseaux, mais rien ne pouvait me sortir cette affaire de l'esprit, et je craignais....... qu'elle ne lui eût donné rendez-vous.
            Voilà bien ma jalousie diabolique ! Fasse le ciel qu'il n'en soit rien, mais ces pensées jettent mon esprit dans les tortures de l'enfer ! Que le Dieu du ciel m'en délivre, où je serai fort malheureux ! Puis réunion au bureau.
            Un peu plus tard, l'esprit tourmenté, je rentrai à la maison voir comment allaient les choses et trouve, comme je le craignais, Mr Pembleton avec ma femme, sans personne d'autre dans la maison, ce qui me rendit presque fou. Je montai dans mon cabinet de travail et, après m'être promené un moment de long en large, je ressortis et appelai quelqu'un, prétextant des affaires de bureau que je laissai dans ma petite pièce près de la porte ( c'était le Hollandais, capitaine de l'un des bateaux de plaisance........ ) à qui je dis que j'allais revenir lui parler de son affaire. Puis, au supplice et dévoré de soupçons, au bureau...... J'expédiai rapidement nos affaires et demandai à pouvoir m'absenter, prétendant aller dans le quartier du Temple, mais en réalité à la maison. Montai dans mon cabinet de travail et si, comme je le crois, ils avaient de mauvaises intentions, j'empêchai qu'il se passât quoi que ce fût à ce moment. Mais je demeurai dans mon cabinet toujours fâché et irrité jusqu'à son départ. Il prétendit bien haut, pour que je l'entendisse, qu'il ne pouvait pas rester et, comme Miss Ashwell était absente, ils ne danseraient pas.
            Mais Seigneur ! quand je pense que ma jalousie me travaille au point que je suis monté m'assurer qu'aucun des lits n'était défait ! Aucun ne l'était, mais cela ne m'apaisa point, et je passai toute la soirée à marcher de long en large. Ma femme vint bientôt me trouver désirant me parler de quelque chose, mais je pris cela pour pure impudence et, quoique ayant le coeur prêt d'éclater, je continuai de me taire, ne sachant quel parti choisir.
            La nuit tombée je laissai tout le monde aller se coucher, me mis au lit à une heure avancée, fort mécontent, et m'endormis.


                                                    à suivre.......

                                                                                                    27 mai 1663
                 Puis, vers 3 heures du matin............
           


                     

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