vendredi 6 mai 2016

Ali-Rodolppluhe, ou le Turc par nécessité ( Nouvelle Henry Murger )

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                                           Ali-Rodolphe, ou 
                                                             le  Turc par nécessité

                                                                  ( extrait Scènes de la vie de Bohème )

            Frappé d'ostracisme par un propriétaire inhospitalier, Rodolphe vivait depuis quelque temps plus errant que les nuages, et perfectionnait de son mieux l'art de se coucher sans souper, ou de souper sans se coucher : son cuisinier l'appelait le Hasard, et il logeait fréquemment à l'auberge de la Belle-Étoile.
            Il y avait cependant deux choses qui n'abandonnaient point Rodolphe au milieu de ces pénibles traverses, c'était sa bonne humeur, et le manuscrit du Vengeur, drame qui avait fait des stations dans tous les lieux dramatiques de Paris.
            Un jour, Rodolphe, conduit au violon pour cause de chorégraphie trop macabre, se trouva nez-à-nez avec un oncle à lui, le sieur Monetti, poêlier-fumiste, sergent de la garde-nationale, et que Rodolphe n'avait pas vu depuis une éternité.
            Touché des malheurs de son neveu, l'oncle Monetti promit d'améliorer sa position, et nous allons voir comme, si le lecteur ne s'effraye pas d'une ascension de six étages.
            Donc prenons la rampe et montons. Ouf ! cent vingt cinq marches. Nous voici arrivés. Un pas de plus nous somme dans la chambre, un autre nous n'y serions plus, c'est petit, mais c'est haut ; au reste, bon air et belle vue.
            Le mobilier se compose de plusieurs cheminées à la prussienne, de deux poêles, de fourneaux économiques, quand on n'y fait pas de feu surtout, d'une douzaine de tuyaux en terre rouge ou en tôle, et d'une foule d'appareils de chauffage : citons encore, pour clore l'inventaire, un hamac suspendu à deux clous fichés dans la muraille, une chaise de jardin amputée d'une jambe, un chandelier orné de sa bobèche, et divers autres objets d'art et de fantaisie.
            Quant à la seconde pièce, le balcon, deux cyprès nains mis en pots, la transforment en parc pour la belle saison.                                                                                                    alinek.eklablog.com
Afficher l'image d'origine            Au moment où nous entrons, l'hôte du lieu, jeune homme habillé en Turc d'opéra-comique, achève un repas dans lequel il viole effrontément la loi du prophète, ainsi que l'indique la présence d'un ex-jambonneau et d'une bouteille ci-devant pleine de vin. Son repas terminé, le jeune Turc s'étendit à l'orientale sur le carreau, et se mit à fumer nonchalamment un narguilé marqué J.G. Tout en s'abandonnant à la béatitude asiatique il passait de temps en temps la main sur le dos d'un magnifique chien de Terre-Neuve qui aurait sans doute répondu à ses caresses s'il n'eût été aussi en terre cuite.
            Tout à coup un bruit de pas se fit entendre dans le corridor, et la porte de la chambre s'ouvrit, donnant entrée à un personnage qui, sans mot dire, alla droit à l'un des poêles servant de secrétaire, ouvrit la porte du four et en tira un rouleau de papiers qu'il considéra avec attention.
            - Comment, s'écria le nouveau venu avec un fort accent piémontais, tu n'as pas achevé encore le chapitre des Ventouses ?
            - Permettez mon oncle, répondit le Turc, le chapitre des Ventouses est un des plus intéressants, de votre ouvrage et demande à être étudié avec soin. Je l'étudie.
            - Mais, malheureux, tu me dis toujours la même chose. Et mon chapitre des Calorifères, où en est-il ?                                                          
            - Le calorifère va bien. Mais, à propos, mon oncle, si vous pouviez me donner un peu de bois, cela ne me ferait pas de peine. C'est une petite Sibérie ici. J'ai tellement froid que je ferais tomber thermomètre au-dessous de zéro, rien qu'en le regardant.
            - Comment, tu as déjà consommé un fagot ?
            - Permettez, mon oncle, il y a fagots et fagots, et le votre était bien petit.
            - Je t'enverrai une bûche économique. Ça garde la chaleur.
            - C'est précisément pourquoi ça n'en donne pas.
            - Eh bien ! dit le Piémontais en se retirant, je te ferai monter un petit cotret/ Mais je veux mon chapitre des Calorifères pour demain.
            - Quand j'aurai du feu, ça m'inspirera, dit le Turc, qu'on venait de renfermer à double tour.
            Si nous faisions une tragédie, ce serait ici le moment de faire apparaître le confident. Il s'appellerait Noureddin ou Osman, et d'un air à la fois discret et protecteur il s'avancerait auprès de notre héros, et lui tirerait adroitement les vers du nez à l'aide de ceux-ci :
                                         Quel funeste chagrin vous occupe, seigneur,
                                         A votre auguste front, pourquoi cette pâleur ?
                                         Allah se montre-t-il à vos desseins contraires ?
                                         Ou le farouche Ali, par un ordre sévère,
                                         A-t-il sur d'autres bords, en apprenant vos feux,
                                         Éloigné la beauté qui sut charmer vos yeux ?
xxw.jpg            Mais nous ne faisons pas de tragédie, et, malgré le besoin que nous avons d'un confident, il faut nous en passer.
            Notre héros n'est point ce qu'il paraît être, le turban ne fait pas le Turc. Ce jeune homme est notre ami Rodolphe recueilli par son oncle, pour lequel il rédige actuellement un manuel du Parfait  Fumiste. En effet, M. Monetti, passionné par son art, avait consacré ses jours à la fumisterie. Ce digne Piémontais avait arrangé pour son usage une maxime faisant à peu près pendant à celle de Cicéron, et dans ses beaux moments d'enthousiasme, il s'écriait : " Nascuntur poê...liers. " Un jour, pour l'utilité des races futures, il avait songé à formuler un code théorique des principes d'un art dans la pratique duquel il excellait, et il avait, comme nous l'avons vu, choisi son neveu pour encadrer le fond de ses idées dans la forme qui pût les faire comprendre. Rodolphe était meurtri, logé, couché, etc. et devait à l'achèvement du Manuel, recevoir une gratification de cent écus.
            Dans les premiers jours, pour encourager son neveu au travail, Monetti lui avait généreusement fait une avance de cinquante francs. Mais Rodolphe, qui n'avait point " vu " une pareille somme depuis près d'un an, était sorti à moitié fou, accompagné de ses écus, et il resta trois jours dehors : le quatrième il rentrait seul !
            Monetti, qui avait hâte de voir achever son Manuel, car il comptait obtenir un brevet, craignait de nouvelles escapades de son neveu ; et pour le forcer à travailler, en l'empêchant de sortir, il lui enleva ses vêtements et lui laissa en place le déguisement sous lequel nous l'avons vu tout à l'heure.
            Cependant, le fameux Manuel n'en allait pas moins piano, piano, Rodolphe manquant absolument des cordes nécessaires à ce genre de littérature. L'oncle se vengeait de cette indifférence paresseuse en matière de cheminées, en faisant subir à son neveu une foule de misères. Tantôt il lui abrogeait ses repas, et souvent il le privait de tabac à fumer.
            Un dimanche, après avoir péniblement sué sang et encre sur le fameux chapitre des Ventouses, Rodolphe brisa sa plume qui lui brûlait les doigts, et s'en alla se promener dans son parc.
            Comme pour le narguer et exciter encore son envie, il ne pouvait hasarder un seul regard autour de lui sans apercevoir à toutes les fenêtres une figure de fumeur.
            Au balcon doré d'une maison neuve, un lion en robe de chambre mâchait entre ses dents le panatellas aristocratique. Un étage au-dessus, un artiste chassait devant lui le brouillard odorant d'un tabac levantin qui brûlait dans une pipe à bouquin d'ambre. A la fenêtre d'un estaminet, un gros Allemand faisait mousser la bière et repoussait avec une précision  mécanique les nuages opaques s'échappant d'une pipe de Cudmer. D'un autre côté, des groupes d'ouvriers se rendant aux barrières passaient en chantant, le brûle-gueule aux dents. Enfin tous les autres piétons qui emplissaient la rue fumaient.
            - Hélas ! disait Rodolphe avec envie, excepté moi et les cheminées de mon oncle, tout le monde fume à cette heure dans la création.                                                                     casacenina.fr
Afficher l'image d'origine            Et Rodolphe, le front appuyé sur la barre du balcon, songea combien la vie était amère.
            Tout à coup un éclat de rire sonore et prolongé se fit entendre au-dessous de lui. Rodolphe se pencha un peu en avant pour voir d'où sortait cette fusée de folle joie, et il s'aperçut qu'il avait été aperçu par la locataire occupant l'étage inférieur : mademoiselle Sidonie, jeune première au théâtre du Luxembourg.
            Mademoiselle Sidonie s'avança sur sa terrasse en roulant entre ses doigts, avec une habileté castillane, un petit papier gonflé d'un tabac blond qu'elle tirant d'un sac en velours brodé.
            - Oh ! la belle tabatière, murmura Rodolphe avec une admiration contemplative.
            - Quel est cet Ali-Baba ? pensait de son côté mademoiselle Sidonie.
            Et elle rumina tout bas un prétexte pour engager la conversation avec Rodolphe, qui, de son côté, cherchait à en faire autant.
            - Ah ! mon Dieu ! s'écria mademoiselle Sidonie, comme si elle se parlait à elle-même : Dieu ! que c'est ennuyeux ! je n'ai pas d'allumettes.
            - Mademoiselle, voulez-vous me permettre de vous en offrir ? dit Rodolphe en laissant tomber sur le balcon deux ou trois allumettes chimiques roulées dans du papier.
            - Mille remerciements, répondit Sidonie en allumant sa cigarette.
            - Mon Dieu, Mademoiselle... continua Rodolphe, en échange du léger service que mon bon ange m'a permis de vous rendre, oserais-je vous demander ?...
            - Comment ! il demande déjà ! pensa Sidonie en regardant Rodolphe avec plus d'attention. Ah ! dit-elle, ces Turcs on les dit volages, mais bien agréables. Parlez, Monsieur, fit-elle ensuite en relevant la tête vers Rodolphe : que désirez-vous ?
            - Mon Dieu, Mademoiselle, je vous demanderai la charité d'un peu de tabac ; il y a deux jours que je 'ai fumé. Une pipe seulement...
            - Avec plaisir, Monsieur... Mais comment faire ? Veuillez prendre la peine de descendre un étage.
           - Hélas ! cela ne m'est point possible... Je suis enfermé ; mais il me reste la liberté d'employer un moyen très simple, dit Rodolphe.
            Et il attacha sa pipe à une ficelle, et la laissa glisser jusqu'à la terrasse, où mademoiselle Sidonie la bourra elle-même avec abondance. Rodolphe procéda ensuite avec lenteur et circonspection, à l'ascension de sa pipe qui lui arriva sans encombre.
            - Ah ! Mademoiselle, dit-il à Sidonie, combien cette pipe m'eût semblé meilleure si j'avais pu l'allumer au feu de vos yeux !
            Cette agréable plaisanterie en était au moins à la centième édition, mais mademoiselle Sidonie ne la trouva pas moins superbe.
            - Vous me flattez, crut-elle devoir répondre.
            - Ah ! Mademoiselle, je vous assure que vous me paraissez belle comme les trois Grâces.
Afficher l'image d'origine            - Décidément, Ali-Baba est bien galant, pensa Sidonie... Est-ce que vous êtes vraiment Turc ? demanda-t-elle à Rodolphe.
            - Point par vocation, répondit-il, mais par nécessité ; je suis auteur dramatique, Madame.
            - Et moi artiste, reprit Sidonie.
            Puis elle ajouta  :
            - Monsieur mon voisin, voulez-vous me faire l'honneur de venir dîner et passer la soirée chez moi ?
            - Ah ! Mademoiselle, dit Rodolphe, bien que cette proposition m'ouvre le ciel, il m'est impossible de l'accepter. Comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, je suis enfermé par mon oncle, le sieur Monetti, poêlier-fumiste, dont je suis actuellement le secrétaire.
            - Vous n'en dînerez pas moins avec moi, répliqua Sidonie ; écoutez bien ceci : je vais rentrer dans ma chambre et frapper à mon plafond. A l'endroit où je frapperai, vous regarderez et vous trouverez les traces d'un judas qui existait et a été condamné depuis : trouvez le moyen d'enlever la pièce de bois qui bouche le trou, et, quoique chacun chez nous, nous serons presque ensemble...
            Rodolphe se mit à l'oeuvre sur-le-champ. Après cinq minutes de travail, une communication était établie entre les deux chambres.
            - Ah ! fit Rodolphe, le trou est petit, mais il y aura toujours assez de place pour que je puisse vous passer mon coeur.
            - Maintenant, dit Sidonie, nous allons dîner... Mettez le couvert chez vous, je vais vous passer les plats.
            Rodolphe laissa glisser dans la chambre son turban attaché à une ficelle et le remonta chargé de comestibles, puis le poète et l'artiste se mirent à dîner ensemble, chacun de son côté. Des dents, Rodolphe dévorait le pâté, et des yeux, mademoiselle Sidonie.
            - Hélas ! Mademoiselle, dit Rodolphe, quand ils eurent achevé leur repas, grâce à vous, mon estomac est satisfait. Ne satisferiez-vous pas de même la fringale de mon coeur, qui est à jeun depuis si longtemps ?
            - Pauvre garçon ! dit Sidonie.
           Et, montant sur un meuble, elle apporta jusqu'aux lèvres de Rodolphe sa main, que celui-ci ganta de baisers.
            - Ah ! s'écria le jeune homme, quel malheur que vous ne puissiez faire comme saint Denis, qui avait le droit de porter sa tête dans ses mains.                                    plantes-et-jardins.com 
Afficher l'image d'origine            Après le dîner commença une conversation   amoroso-littéraire. Rodolphe parla du Vengeur, et mademoiselle Sidonie en demanda la lecture. Penché au bord du trou, Rodolphe commença à déclamer son drame à l'actrice, qui, pour être plus à portée, s'était assise dans un fauteuil échafaudé sur sa commode. Mademoiselle Sidonie déclara Le Vengeur un chef-d'oeuvre ; et, comme elle était un peu " maîtresse " au théâtre, elle promit à Rodolphe de lui faire recevoir sa pièce.
            Au moment le plus tendre de l'entretien, l'oncle Monetti fit entendre dans le corridor son pas léger comme celui du " commandeur ". Rodolphe n'eut que le temps de fermer le judas.
            - Tiens, dit Monetti à son neveu, voici une lettre qui court après toi depuis un mois.
            - Voyons, dit Rodolphe. Ah ! mon oncle, s'écria-t-il, mon oncle, je suis riche ! Cette lettre m'annonce que j'ai remporté un prix de trois cents francs à une académie de Jeux Floraux. Vite ma redingote et mes affaires, que j'aille cueillir mes lauriers ! on m'attend au Capitole.
            - Et mon chapitre des Ventouses ? dit Monetti froidement.
            - Eh ! mon oncle, il s'agit bien de cela ! Rendez-moi mes affaires. Je ne peux pas sortir dans cet équipage...
            - Tu ne sortiras que lorsque mon Manuel sera terminé, dit l'oncle en enfermant Rodolphe à double tour.
            Rodolphe ne balança point longtemps sur le parti qu'il avait à prendre... Il attacha solidement à son balcon une couverture transformée en corde à noeuds ; et, malgré le péril de la tentative, il descendit à l'aide de cette échelle improvisée, sur la terrasse de mademoiselle Sidonie.
            - Qui est là ? s'écria celle-ci en entendant Rodolphe frapper à ses carreaux.
            - Silence, répondit-il, ouvrez...
            - Que voulez-vous ? qui êtes-vous ?
            - Pouvez-vous le demander ? Je suis l'auteur du Vengeur, et je viens chercher mon coeur que j'ai laissé tomber dans votre chambre par le judas.
            - Malheureux jeune homme, dit l'actrice, vous auriez pu vous tuer !
            - Ecoutez, Sidonie... continua Rodolphe en montrant la lettre qu'il venait de recevoir. Vous le voyez, la fortune et la gloire me sourient. Que l'amour fasse comme elles !...

           Le lendemain matin, à l'aide d'un déguisement masculin que lui avait fourni Sidonie, Rodolphe pouvait s'échapper de la maison de son oncle... Il courut chez le correspondant de l'académie des Jeux Floraux recevoir une églantine d'or de la force de cent écus, qui vécurent à peu près ce que vivent les roses.
            Un mois après, M. Monetti convié de la part de son neveu, d'assister à la première représentation du Vengeur. Grâce au talent de mademoiselle Sidonie, la pièce eut dix-sept représentations et rapporta quarante francs à son auteur.
            Quelque temps après, c'était dans la belle saison, Rodolphe demeurait avenue de Saint-Cloud, dans le troisième arbre à gauche en sortant du bois de Boulogne, sur la cinquième branche.


                                                                             Henry Murger
                                                                                       ( in Scènes de la Vie de Bohème )

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mardi 3 mai 2016

Gloire tardive Arthur Schnitzler ( Roman Autriche )


Gloire tardive

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                                          Gloire tardive

           Sauvée des feux des autodafés nazis six semaines avant, l'oeuvre d'Arthur Schnitzler est conservée dans la bibliothèque de Cambridge. Son ex-épouse et son fils ont découvert et publié de temps à autre certains textes tapuscrits. Cette longue nouvelle ou court roman, délicat portrait d'un homme d'un âge avancé. Edouard Saxberger travaille dans un bureau, vit dans une chambre confortable où il aime retrouver ses aises. Vienne 1884, les cafés viennois accueillent les poètes jeunes qui rêvent de gloire, l'un d'eux, Meier découvre chez un bouquiniste un court volume               " Promenades " l'auteur n'est autre que Saxberger. les poèmes plaisent au jeune écrivain il rend donc visite à Saxberger, le couvre d'éloges et lui demande de se joindre à leur jeune troupe de versificateurs, il serait le bienvenu et son nom ne serait-il pas un appui pour lancer certains d'entre eux ?  Nostalgique, incertain, l'homme accepte et ose un retour vers un monde quitté il y a bien des années. Saurai-il encore sauver quelques rimes de sa mémoire d'homme doux et rangé ? Une comédienne, cabotine joue les coquettes, mais est vêtue d'une malheureuse veste jaune, il pense qu'une présence féminine le réchaufferait mais cette veste jaune ! et les gants jaunes !! Si tous les jeunes poètes l'adulent dans un premier temps, l'ont-ils lu ? Le poète chenu, retourne à la taverne et converse avec plaisir avec des compagnons, de son âge, de billard. Mais ces quelques semaines vont troubler tout le monde, Saxberger lucide et désabusé, pose un oeil pas complaisant sur ses anciennes et ses nouvelles relations si différentes. En fait à chacun sa lecture de ce roman joliment
écrit, démodé, à la saveur douçâtre, élégance des messieurs qui portent chapeaux et pelisses. Inédit.

dimanche 1 mai 2016

Le Fils Jo Nesbo ( Roman Finlande )


Le filsLe fils 
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                                                  Le Fils
            Markus, jeune garçon plutôt malmené par ses camarades d'école et de jeux, sauvé un jour d'été, par un jeune homme que l'on prend pour son père. En fait il n'est que son voisin, Markus habite la maison rouge, Sonny la maison jaune, cette maison inhabitée, où ne passe que rarement un homme étranger au quartier. Markus goûte sa solitude, console sa mère, et surtout ne quitte pas ses jumelles.
Curiosité de l'un bénéfique pour le second.
            Norvège, Oslo, jours d'été à la prison de Staten, la plus surveillée du pays, un prisonnier, le plus passif, le plus poli et aussi le plus muet, tente une évasion quasi impossible, tant la sécurité paraît inattaquable, le jour les prisonniers circulent librement dans leur espace. Prisonnier et junkie Sonny purge une peine depuis douze ans pour entre autres le meurtre d'une jeune asiatique, et d'autres méfaits. On apprend très vite que l'on a fait croire à Sonny que son père était une taupe au sein de la police, retrouvé mort un soir à côté de son arme et d'une lettre pour, écrit-il, sauver sa femme et son fils. Ces derniers sombrent dans l'alcool, ou dans la drogue. Sans moyen Sonny accepte d'endosser les crimes de personnalités riches et connues et reçoit en contrepartie depuis douze ans sa dose d'héroïne en prison. Mais, dans ce roman noir, où le monde des junkies et des dealers, profondément habités par leurs rituels, les taupes peuvent être partout, au sein de la prison, de la police, de la finance, des gouvernants, avec comptes aux îles Caîmans. Il y a dans ce livre bien écrit des méchants vraiment méchants prêts à laisser dévorer par des bêtes affamées et enfermées d'autres hommes. Le Jumeau, brute épaisse, omniscient disent ceux qui le servent, propriétaire de tout le réseau de revente d'héroïne sur Oslo est le premier et le plus cruel des prédateurs et, ayant tout, le pouvoir sur les hommes et l'argent, il s'ennuie et ne peut pourtant que continuer. Les méchants repentis offrent des aveux à qui les entend avant de mourir. Et celui qui a écouté, gentil et muet entreprend une croisade. Vengeance à tous les niveaux. Simon déchu de son poste à la police des finances, il était accroc aux jeux, a ses propres préoccupations, à un niveau inférieur mais avec ses acquis décide de traquer tout le monde en suivant la piste de celui que le public appelle, malgré tous ses meurtres le Bouddha vengeur. De nombreux personnages traversent le roman. il y a même un aquarium avec un poisson rare, et puis des fjords, la mer, le soleil et de fréquentes et fortes averses. Une vie sociale perturbée pour faute de décrochage de vie convenue. Très noir, mais une écriture lisse, l'auteur signale les crimes horribles sans appuyer, ce qui permet une lecture zen. Un livre et des personnages attachants.

samedi 30 avril 2016

Rondeau 38 Rondeau 55 Rondeau 178 Charles d'Orléans ( Poèmes France )

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                                 Rondeau " 38 "

              
  En entendant le tambourin                                                                                    1zoom.me
Résultat de recherche d'images pour "muguet"            Annoncer le départ au mai
            Au lit je suis resté tranquille,
            La tête sur mon oreiller,

            Et me suis dit : " Il est trop tôt,
            Je vais me rendormir un peu ",
            En entendant le tambourin
            Annoncer le départ au mai.

            Aux jeunes leurs parts de butin !
            J'aurai affaire à Nonchaloir
           Pour le partage du profit :
           Je l'ai trouvé tout près de moi
           En entendant le tambourin.
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                                    Rondeau " 55 "

            Allez-vous-en, allez, allez
           Souci, Tracas, Mélancolie :
           Prétendez-vous toute ma vie
           Comme autrefois me régenter ?

            Je vous promets : vous cesserez
            Raison saura vous dominer :
            Allez-vous-en, allez, allez,
           Souci, Tracas, Mélancolie.

           Si jamais vous récidivez,
           Vous, avec votre compagnie,
           Je supplie Dieu de vous maudire
           Et ce par quoi vous reviendrez :
           Allez-vous-en, allez, allez,
           Souci, Tracas, Mélancolie !                                                          niftyfifty-and-the-city.com 
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                                   Rondeau " 178 "

            Ce mois de mai, ni triste ni joyeux
            Je ne peux être ; enfin, vaille que vaille,
            Le mieux pour moi, c'est que rien ne m'importe :
           Plaisir, malheur, il faut m'en satisfaire.

            Je laisse tout filer avec le vent,
            Sans regarder quel bout d'abord s'envole,
            Ce mois de mai ni triste ni joyeux.

            Suivre Inquiétude à la fin se regrette :                                         
            L'occupation ne vaut pas un centime,
            Hasardeuse comme le quitte-ou-double.
            Que pensez-vous de mon comportement,
            Ce mois de mai ni triste ni joyeux ?


                                                              Charles d'Orléans
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                                                                                                                                                                                                                                        Rondel " 38 "
                                                                                                                          Quant j'ay ouy le tabourin
            Sonner pour s'en aler au may,
            En mon lit fait n'en ay effray
            Ne levé mon chef du coissin,

            En disant : " Il est trop matin
            Ung peu je me rendormiray ",
            Quant j'ay ouy le tabourin
            Sonner pour s'en aler au may.

            Jeunes gens partent leur butin  !
            De Nonchaloir m'accointeray,
            A lui je m'abutineray :
            Trouvé l'ay plus prochain voisin,
            Quant j'ay ouy le tabourin.


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                           Rondel " 55 "

            Alez vous ant, allez, alés,
            Soussy, Soing et Merencolie :
            Me cuidez vous toute ma vie
            Gouverner comme fait avés ?

            Je vous prometz que non ferés :
            Raison aura sur vous maistrie.
            Alez vous ant, allez, alés,
            Soussy, Soing et Merancolie :

            Se jamais plus vous retournés
            Avecques vostre compaignie,
            Je pri à Dieu qu'il vous maudie
            Et ce par qui vous revendrés :
            Alez vous ant, allez, alés,
            Soussy, Soing et Merancolie.


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                                      Rondel " 178 "

            Se mois de may, ne joyeux ne dolent
            Estre ne puis ; auffort, vaille que vaille,
            C'est le meilleur que de riens ne me chaille :
            Soit bien ou mal, tenir m'en fault content.

            Je lesse tout courir au val le vent,
            Sans regarder lequel bout devant aille,
            Se mois de may, ne joyeux ne dolent.

            Qui Soussy suyt, au derrain s'en repent :
            C'est ung mestier qui ne vault une maille,
            Aventureux comme le jeu de faille.
            Que vous semble de mon gouvernement,
            Se mois de may, ne joyeux ne dolent.


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jeudi 28 avril 2016

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 56 Samuel Pepys ( journal Angleterre )


lacuisinedu19siecle.wordpress.com


                                                                                                               1er octobre 1661

            Ce matin ma femme et moi fîmes la grasse matinée. Nous en vînmes à parler musique et elle me demanda la permission d'apprendre le chant. Après réflexion je le lui promis. Je n'étais pas encore levé que l'on m'annonça mon maître à chanter, Mr Goodegroome, elle se leva et ce matin commença elle aussi les cours de chant.
            Occupé au bureau toute la journée..... Le soir dans mon cabinet à la maison pour ranger dossiers et papiers. C'est un travail que je peine à entreprendre, mais suis fort satisfait quand il est terminé.Mangeai un morceau de pain et de fromage, et au lit.
   

                                                                                                                   2 Octobre

            Toute la matinée chez Peggy Kite avec mon oncle Fenner et deux de ses amis, pour évaluer les biens que sa mère lui a laissés. Mais la pécore promet d'être un tel poison que je n'ai pas le goût de m'occuper de ses affaires. Lorsque nous eûmes terminé nous allâmes tous dîner chez un rôtisseur de Bishopsgate Street, puis je les emmenai dans une taverne où je leur offris une quarte de xérès, et nous nous quittâmes. Retour à la maison d'où je repartis avec ma femme dans la voiture d'une dame qui était venue voir milady Batten et repartait en passant chez nous. Nous allâmes au Théâtre. En retard et mal placés, jamais de ma vie je ne pris aussi peu de plaisir à une pièce, c'était pourtant la première fois que je la voyais, Victoria Corombona...... Inquiet de ramener ma femme à la maison, car il faisait fort sombre, Nous fûmes donc contraints de prendre une voiture. Souper, puis au lit.


                                                                                                                  3 Octobre
lacuisinedu19siecle.wordpress.com
            Au bureau toute la matinée, dînai à la maison. L'après-midi visite de Mr Moore et nous nous rendîmes à la colline de la Tour pour rencontrer quelqu'un. Revînmes tous trois chez moi où je signai une reconnaissance de dette à Mr Battersby, ami de Mr Moore. Il me prête 50 livres. Premier emprunt que j'aie jamais contracté sur billet pour mon propre compte. Je les emmenai à la Mitre en emportant un melon du Portugal. Nous restâmes jusqu'au soir et discutâmes de sujets religieux avec plaisir. Nous nous quittâmes, rentrai à la maison m'arrêtant chez sir William Batten où se trouvaient son fils et sa bru, ils étaient hier comme nous au Théâtre, et ce fut fort divertissant de l'entendre en parler avec admiration comme une sotte. Chez moi, la tête dérangée par le vin que j'ai bu aujourd'hui.


                                                                                                                 4 Octobre

            En voiture à Whitehall avec sir William Penn. Allai voir Mr Montagu. Son valet Monsieur d'Esquier se plaignit fort des Anglais, disant qu'ils avaient aidé l'autre jour les Espagnols contre les Français, que leur ambassadeur demandait instamment justice au roi, et qu'il a décidé de partir pour la France la semaine prochaine, ce dont je suis fort aise, comme tous ceux que je rencontre. Puis à Paternoster Row où Will; mon valet, reçut les 50 livres que j'avais empruntées hier. Dinai à la Garde-Robe et y demeurai presque tout l'après-midi, fort gaiement en compagnie des dames. Puis avec le capitaine Ferrer au Théâtre, en retard. Restâmes voir une partie de Victoria, qui me parut encore pis , que l'autre jour. Sortîmes boire une bouteille ou deux de bière au smilax de Chine et rentrai à la maison. Y trouvai ma femme furieuse contre ses gens qui refusent de manger du fromage de Suffolk  ( très dur ), ce qui m'irrite aussi. Au lit.
   

                                                                                                             5 Octobre 1661

            Au bureau toute la matinée, puis dînai chez moi où je restai tout l'après-midi. Installai la maquette du Royal James que j'empruntai il y a longtemps à milord pour l'accrocher au mur de ma chambre. Le soir, seul avec sir William Penn au Dauphin où nous mangeâmes des harengs bouffis et bûmes du bon xérès.... Vinrent d'autres personnes avec qui nous restâmes si tard que nous bûmes trop de vin. Retour chez moi, et au lit, content de mon après-midi passé à accrocher le bateau. Au lit.


                                                                                                            6 Octobre
mickeywerlen.canalblog.com                                                              Jour du Seigneur
Afficher l'image d'origine            A l'église le matin. Mr Mills prêcha. A mon avis il a fort mal pris que ma femme n'ait pas assisté au baptême de son enfant. L'hiver s'annonce, nombre de dames de la paroisse sont revenues en ville et réapparaissent à l'église, entre autres les trois soeurs de Thornborough, fort belles et les personnes les plus dévotes que j'ai jamais rencontrées. De quoi s'émerveiller si toutefois il s'agit d'une dévotion véritable. Il y avait aussi ma jolie brune Mrs Dekins. Mrs Margaret Penn vint aujourd'hui à l'église vêtue de l'ensemble de satin à fleurs que ma femme l'avait aidée à acheter l'autre jour.
            Rentrai chez moi dîner. A l'église cet après-midi, à St Gregory près de St Paul, vis Mr Moore dans la tribune, montai près de lui et entendis un bon sermon du Dr Buck, que je n'avais encore jamais entendu, mais un homme fort capable. Retour chez moi, le soir allai voir ma valentine, son père et sa mère étaient absents de Londres, pour l'amener souper à la maison. Puis vint sir William Penn qui voulait l'avoir chez lui. Aussi avec force badinage les emmenai tous deux chez moi où nous nous divertîmes. Nous nous séparâmes, et au lit.


                                                                                                            7 Octobre

            Levé le matin puis chez mon oncle Fenner pensant rencontrer Peggy Kite pour son affaire, mais elle ne vint pas. J'allai chez le Dr Williams que je trouvai alité, ce qui me désola. Toute la journée au travail tracassé par l'attente de nouvelles de Brampton sur la façon dont les choses se passent au tribunal de Stirtloe. J'en fus informé le soir par une lettre qui m'apprit que mon cousin Tom était là pour se faire reconnaître comme héritier légitime pour le compte de son père, mais que la requête avait été rejetée et moi-même reconnu par procuration. Ce qui m'ôta un grand poids.
       

                                                                                                              8 Octobre

            Au bureau toute la matinée, portai ensuite des huîtres de Clochester chez William Batten où nous dînâmes avec quelques autres personnes. Restai là et parlâmes tout l'après-midi et, tard après le dîner, emmenai Mrs Martha en voiture au Théâtre, sur une foucade qui me coûta fort cher. Lui fit voir une partie de L'arbre aux mendiants, sans grand plaisir, mais par pur caprice, puis retour à la maison.


                                                                                                              9 Octobre
                                                                                                                 maisonarts.forumgratuit.org
            Sortis ce matin régler plusieurs affaires, entre autres, donner mon théorbe à réparer, puis retour chez moi à midi, pensant aller avec les deux sirs William chez sir William Rider qui nous avait invités, mais trouve chez moi la belle Mrs Pearse et Madame Clifford auprès de qui il me fallut rester. Je leur fis le meilleur accueil que je pus. Dieu sait si je fus charmé de leur belle compagnie ! et après dîner les emmenai au Théâtre voir Les Vicissitudes. Les raccompagnai toutes deux chez elles et retournai à la taverne de la Toison à Covent Garden où devaient me retrouver Llewellyn, Blurton et mon vieil ami Frank Bagg. Nous y fûmes fort gais jusque tard le soir. Frank me parle de Mrs Pepys qui vivait avec lady Harvey, soeur de Mrs Montagu, une femme de bien, me dit qu'elle a été fort malade et m'a souvent demandé, qu'elle a du bien et que personne n'est parvenu à lui faire faire son testament, mais qu'elle continuait à demander à me voir, et que maintenant qu'elle est en bonne santé elle désire avoir une chambre dans ma maison. Mais je ne sais si c'est un tour que me joue Bagg ou si elle veut faire quelque chose pour moi, par sympathie. Je n'entends pas lui faire confiance, mais lui dis que je serais heureux de la voir et que je ferai assurément mon possible pour lui procurer un logement. Rentrai chez moi, tard, en voiture.


                                                                                                       10 Octobre 1661
     
             Au bureau toute la matinée. Dînai chez moi, puis avec ma femme et sir William Penn au Théâtre, elle alla d'abord à Covent Garden demander des nouvelles d'une femme, j'allai de mon côté dans le carrosse de sir William Penn chez William Joyce où je m'arrêtai un moment. Le roi vint aujourd'hui au Théâtre, on y donnait Le Traitre, admirablement joué, c'est une excellente pièce. Rentré chez moi avec l'intention de passer une soirée joyeuse, car c'est mon sixième anniversaire de mariage, mais j'ai si mal à un testicule que je me suis meurtri dernièrement, que je prends mon souper et au lit, dolent. Ma femme et moi assez joyeux tout de même.



                                                                                                            11 Octobre

            Toute la journée au lit avec un cataplasme sur mon couillon. Me lève un peu, puis me recouche, un peu soulagé par rapport à la nuit dernière. Ce midi vinrent dîner mon frère le Dr Thomas et Snow qui se divertirent entre eux.


                                                                                                             12 Octobre
oemglass.net
Afficher l'image d'origine            Au lit encore pendant la plus grande partie de la journée, et un peu moins enflé. Je reçois aujourd'hui une lettre de mon père m'apprenant que Robert Bernard craint un peu que mon oncle ne se soit pas conformé scrupuleusement à la coutume de Brampton, notamment pour ce qui dans son testament concerne les terres qu'il pos d'ait là-bas, ce qui me tourmente beaucoup. Je leur ai écrit ce soir à ce sujet qui me préoccupe fort.



                                                                                                              13 Octobre
                                                                                              Jour du Seigneur
            Ne bougeai pas de la journée mais me levai et descendis dîner. Abandonnai aujourd'hui mon plastron pour une chemise et mon gilet en faux tabis galonné d'or. Le soir sir William Batten vint me voir et resta fort aimablement souper avec moi. Prières et au lit.


                                                                                                       14 Octobre            
                                                                               
            Me risquai à sortir ce matin en prenant un bateau jusqu'à Westminster, mais perdis ma peine et mon temps, car Mr Montagu n'était pas à Londres. A la Garde-Robe où je dînai avec milady, première fois que je la vois dîner hors de sa chambre depuis qu'elle a accouché de milady Katherine. L'après-midi allai me promener avec le capitaine Ferrer en plusieurs endroits, entre autres chez Mr Pim, tailleur de milord, qui nous accompagna à la taverne de la Fontaine et nous offrit quantité de vin. Comme c'était l'anniversaire du duc d'York nous n'en bûmes que d'avantage à sa santé.Mais Seigneur ! quelle triste histoire il nous raconte sur la façon dont il a été berné par un docteur en médecine qui occupe une partie de la maison où il loge. On en rirait, n'était que je l'en vois fort tourmenté. Retour à la maison avec un flambeau. Trouve une réponse réconfortante de mon père me disant que sir Robert Bernard a tout réglé concernant nos droits sur Brampton. Ce qui me libère et me tranquillise grandement l'esprit.


                                                                                          à suivre......!
                                                                                                        
                                                                                                                 15 Octobre 1661

            .........../ Au bureau toute la matinée.....
                 

 


           

samedi 23 avril 2016

Jeu de miroirs Andrea Camillieri ( roman Italie )


Jeu de miroirs
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                                                   Jeu de miroirs

            Montalbano accumule les années, cauchemar de l'inspecteur il craint tous les ennuis qui en découlent. Mais une belle voisine, Liliana, installée depuis peu dans une maison toute proche semblable à la sienne, mais avec une pièce de plus, le charme, et joue le jeu. Pourquoi s'échappe-t-elle parfois. son mari, dit-elle représente une marque d'ordinateur, très absent, elle semble inquiète. Dans Vigata une puis deux bombes artisanales sont déposées devant la grille de deux magasins vides et sans locataire. A qui s'adressent ces messages ? Et un jeu de miroirs, une image, une " pinsée " renvoie à une autre comme le jeu de miroirs dans le film de Orson Welles. Petits arrangements entre parrains et dealers connus, l'atmosphère lourde dans la petite ville n'est compensée que par les cuisines de Enzo restaurateur et d'Adelina, voir ses plats d'aubergines laissées au four du célibataire Montalbano, Fazio, Augello, Cantarella toujours à ses côtés, et le langage savoureux des personnages font une lecture agréable du roman policier. Intrigue simple, cuisine sicilienne, jours d'été à Vigata, Sicile.
"..... Catarella n'arépondit pas.
        - T'es devenu muet ?
        - Oh que non, parlant je suis, mais, dottori, j'ademande compréhensivité et pardonnement mais..... "
            "..... Un élan de bonheur et un élan de tristesse en même temps saisirent le commissaire. Goûter les arancini * d'Adelina était une expérience absolue, essentielle, 'ne fois qu'on les avait essayées on en conservait la mémoire éternelle...... "

viande et des petits pois..... " 

    * Extrait d'une note des éditeurs " Grosses boulettes de riz contenant un coeur de mozarella ou de viande et des petits pois..... "        

jeudi 21 avril 2016

Golem Pierre Assouline ( Roman France )


Golem

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                                            Golem

             Pierre Assouline met en exergue "Où irais-je si je pouvais
aller, que serais-je si je pouvais être... " Beckett.                                    larepubliquedeslivres.com 
Afficher l'image d'origine            Froide journée d'hiver. Gustave Meyer s'interroge " Quand fond la neige où va le blanc ?" Il quitte l'hôpital et son ami et médecin qui le soigne pour de violents maux de tête, il est de plus sujet à des crise d'épilepsie. Gustave joueur d'échecs professionnel vit dans un monde d'échiquier refaisant mentalement les parties. Arrêté et emmené par deux hommes, policiers, sans explication, il s'échappe à la suite d'un accident inattendu. Et le thriller se met en place. L'arrestation imprévue et son malaise au sortir de l'hôpital, Gustave est inquiet il n'est pourtant guère concerné par la vie quotidienne, poussé par son ami médecin il prépare un tournoi à Prague où seront présents les meilleurs joueurs du monde, Il décide donc de fuir sans laisser de traces, abandonne carte bleue et téléphone portable. Il apprend par sa fille la mort dans un accident de voiture de son épouse, accident qu'il aurait provoqué grâce à ses connaissances en informatique. Il marche dans Paris décidé à trouver qui a voulu tuer sa femme, loge un temps dans un petit hôtel de la Goutte d'Or, tente de trouver son dossier dans les archives de l'hôpital et apprend que son ami et médecin a, lors de l'opération subie peu de temps avant, opéré une stimulation cérébrale profonde pour booster sa mémoire, sans l'en informer. Il pense au Golem et poursuit ses recherches dans les bibliothèques, notamment dans l'une d'elles bien cachée dans le 13è arrondissement. Et sa quête le conduit à Londres et à Oxford. Sa grande admiration pour Rothko à la Tate Modern manque briser sa quête et son anonymat. A Oxford il rencontre des transhumanistes et des posthumanistes, en désaccord avec ces derniers il les quitte et, à bout de finances il trouve un club de joueurs, joue, gagne et poursuit une double enquête sur Marie son épouse lanceur d'alertes sur les produits pharmaceutiques, et sur lui-même, qu'est-il devenu ? A Paris Gustave Meyer est activement recherché, sans résultat, par Zina, capitaine Rocher aidée mollement par Emma qui connaît trop son père et le croit innocent, néanmoins elle donne une indication à Zina qui pense avoir retrouvé sa trace à Londres grâce à Interpol et aux multiples caméras, c'est vendredi soir si l'inconnu entré dans une chemiserie a acheté une chemise blanche, c'est Gustave, chemise blanche pour la prière du vendredi soir. Mais plus rapide qu'elles il échappe aux regards et quitte l'Angleterre. Ses pas, ses souvenirs, le conduisent en Europe de l'est. Ici et là sont enterrés ses ancêtres victimes de pogroms, et toujours sur son front apparaît parfois le mot " émet ", vérité en hébreu. Il arrive à Prague, la légende du Golem, issue de l'imagination d'un rabbin il y a un peu plus de 200 ans, est connue de tous depuis le livre de Meyrinc, le film de Julien Duvivier et les jeux vidéo. Et alors ? Dans Prague Vieille-Nouvelle, après quelques détours dans les rues et la synagogue, arrive l'épilogue d'une histoire pleine d'intelligence, de mots compliqués et d'intérêt.


                                                                

lundi 18 avril 2016

Mes souvenirs de la Commune ( extrait ) Un tour à Londres Paul Verlaine ( nouvelles France )

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ipoesie.org

       
                                              Mes souvenirs de la Commune

           Oh ! ce 18 mars ! Ce jour-là nous, toute la littérature ou peu s'en faut d'alors, tout l'art, nous suivions le corbillard de Charles Hugo, son père en tête, bien accablé. Le cortège attendait à la gare d'Orléans, très nombreux et très mêlé aussi. Après que, pour ma part entre tant d'autres, j'eus eu présenté mes hommages de condoléance au bon vieux Maître qui, je m'en souviendrai toujours, me baisa de sa barbe déjà blanche et si douce ! nous nous mîmes en marche par un temps bis, mais en somme beau et qui avait été superbe dès l'aube.
            J'étais, quant à ce qui me concerne, à côté d'Edmond de Goncourt, encore tout meurtri de la mort de son frère, mais littéraire, en outre, en diable. Témoin ce dialogue entre lui et moi qui admirais les belles barricades se dressant et d'où sortaient de naïfs gardes nationaux tambours battant, clairons sonnant ( d'ailleurs que peu militairement ! ), mais enfin !
            Moi. - Ne trouvez-vous pas gentil ce peuple énervé par ce siège prussien, qui, ne comprenant rien à la poésie de Victor Hugo, mais le croyant, peut-être avec raison, son ami, fait à son fils de si touchantes funérailles ?
            Lui. - M. Thiers est un bien mauvais écrivain, bien mauvais, bien mauvais ; mais je doute fort que ces gens-là travaillent mieux que lui dans ce genre, - et du moins il représente l'ordre.
            Le respect pour l'âge et le talent m'interdisaient de rétorquer l'argument, aussi bien, juste, mais mal sentimental. Donc je grommelai un peu, puis me tus.
            Le cortège arriva péniblement, grâce à l'empressement gentiment indiscret de ces braves ouvriers déguisés en soldats bourgeois qui escortaient le mort à la façon qu'il eût fallu, mais enfin arriva au Père Lachaise, où des discours, trop !, furent prononcés à travers les peurs des purs républicains déplorant la mort des deux " généraux " dans la rue des Rosiers, et la victoire définitive de la " Réaction ".                                                                                      perdre-la-raison.com 
Afficher l'image d'origine            Une scène affreuse de passa. Le caveau patrimonial était trop étroit d'entrée pour le cercueil du pénultième descendant, et voici que les pioches et autres instruments procédèrent, avec un bruit retentissant aux coeurs de tous non sans pitié pour le grand poète, à quelque élargissement. Cela dura quelques minutes, trop, beaucoup trop longtemps ! Le corps, enfin, mis sur le corps des ancêtres, devant le père en larmes et presque en nerfs, on s'égailla...
            Mais la scène, en dehors, s'était foncée, comme froncée en une vague colère, et, en somme, quelque injustice. On en voulait surtout à ces malheureux " curés ", aussi à ces infortunés " capitulards " de généraux, victimes encore plutôt que coupables d'une organisation militaire fantaisiste et confiante à l'excès, sous l'égide d'un " tyran " presque regrettable aujourd'hui. Aussi que de cris de :
            " Vive la République communiste ! "
furent proférés en ce premier jour de la Commune .....


                                                                                          Verlaine


            *********************                                                            jeuxvideo.com     
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                                                           Un tour à Londres

            Je suis gourmand, et j'avouerai que ma principale surprise , en lunchant pour la première fois depuis vingt-six ans à Londres, fut d'y trouver, dans certains grands restaurants jadis et naguère tout à fait britanniques, presque ( car tout est relatif ) francisés ou plutôt parisianisés : pains quasiment émis de la rue Vivienne, et rien de cette pâte sèche excellente pour les tartines du breakfast et du five'o'clock tea mais médiocre en toutes autres occurences sauf quand, molle, bouillie et ointe de moelle de boeuf, elle est prête pour le pudding ; pommes paille, même un peu trop ténues, le café classique ou peu s'en faut, d'ores et déjà.
            J'aime la lumière, myope que je suis le soir après avoir été presbyte tout le jour, et, à la place de l'affreux luminaire qui eût pu faire croire, vers 1872, à une grève de gaziers, j'assistai à la littérale illumination, électrique et autrement, des grands quartiers, à de l'éclairage archi-parisien dans les faubourgs.
            J'adore la toilette des femmes qui les idéalise, et, au lieu de ces affreux contrastes de vert-poireau et de ce rouge saignement de nez, dont se plaignait si sévèrement Jules Vallès un peu après la Commune, j'admirai, en  novembre dernier, le gris-perle et le rose-thé nuançant tant de distinction autrefois un peu raide, qui, dès lors, embellissaient encore les teints délicats et les traits angéliques de ces dames.

            Je suis Parisien et je m'attendais aux réserves de jadis et de naguère, et ne voilà-t-il pas qu'une camaraderie tout à fait boulevardière me rappela mes beaux jours d'il y a malheureusement longtemps et heureusement de tout à l'heure, au Riche, à l'Anglais et chez l'ortoni ! Même le Quartier Latin a maintenant, à Londres, son reflet et son écho un peu partout où l'on est jeune, et il n'est pas jusqu'à telles belles personnes qui ne puissent figurer pour un Français novice encore... ou toujours, telles autres amies dont on connaît entre la Place Saint-Michel et l'Observatoire.
painrisien.com
Résultat de recherche d'images pour "pains fantaisie"            Je ne raffole plus du théâtre, mais si je n'étais devenu, un peu forcément ( maladie, et. ) ce solitaire, ce sauvage et ce sage-ci, je continuerais d'idolâtres les cafés-concerts, music-anglice halls. Or j'eusse pu, j'eusse dû même aller m'...amuser aux grands spectacles à grands orchestres wagnériens et autres, aux psychologies intenses ou non des meilleures scènes, etc. Eh bien ! non, j'ai là-bas cédé à ma vieille passion pour la chanson comique, pour les tours de force et d'adresse et, oh, pour les ballets nombreux et malicieux et d'un goût, d'une variété, sans doute indignes des planches qui se respectent, mais si gentils, si amusants en vérité que je doute que Paris lui-même puisse en offrir de meilleurs. Et Dieu sait si ces lieux, de véritables délices, fourmillent aujourd'hui dans le sombre London d'il y vingt et même dix ans, maintenant un London international et surtout parisien, dans son  développement, néanmoins bien anglais et très traditionnel entre tous autres phénomènes sociaux de notre temps bon et mauvais, mauvais surtout, bon plutôt !
            Puis, je ne suis point partisan de trop de pédantisme, et que le diable m'emporte si l'on peut trouver en Albion ces gens en us et en es, qui florissaient du temps où j'avais trente et peu d'années, à moins que de plonger dans d'invraisemblables catacombes académiques ou parlementaires.

            Et, définitivement, je suis un poète. Je n'en suis ni plus riche ni moins fier pour ça. Et figurez-vous que non seulement la poésie anglaise, la rivale pittoresque et rêveuse de notre poésie précise et si bellement, si clairement psychologique, s'est réconciliée avec celle-ci, mais encore que les poètes anglais   accueillent, aiment leurs confrères de ce côté-ci de l'eau et que je crois bien qu'on le leur rendrait à Paris, le cas échéant, moi, chétif, en tête.

            Bref, Londres est gallophile comme Paris anglomane. J'ai passé quelques jours là-bas et j'y ai moissonné une affection profonde, une estime sans bornes, une sympathie haletante et toujours prête, pour ces braves gens et ces bonnes gens, cordiaux sous leur air froid et, défaut national ! excentriques jusqu'à vouloir bien, lors de leur concentration dans leur, à bon droit, aimée mère patrie, rapporter de leurs longs voyages de terre, de mer et de lectures, le goût des bonnes lettres continentales et la leçon, bien appropriée par eux, chez, des us et coutumes de leurs voisins, avec une nuance plaisante et flatteuse, de préférence pour nous autres, French ladies and gentlemen.


                                                                                               Paul Verlaine