mardi 7 juin 2016

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 59 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )


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                                                                                                   15 Novembre 1661

            A la maison toute la matinée, et à midi, avec ma femme, ensemble dîner à la Garde-Robe. Elle se montra à milady avec le foulard acheté avec la dentelle choisie l'autre jour, vraiment fort beau. Laissai ma femme et me rendis auprès de milord le Garde du Sceau privé à Whitehall. Lui donnai copie du tarif des droits perçus au bureau et il s'en montra fort satisfait. A l'Opéra où je rencontrai ma femme, le capitaine Ferrer et Mademoiselle Le Blanc et vis la seconde partie du Siège de Rhodes, fort bien représentée. La reconduisis en voiture chez elle. La voiture descendit la colline en empruntant Thames Street. Nulle voiture, je pense, n'avait encore descendu de là jusqu'au pied du Pont, mais en remontant la côte de Fish Street, les chevaux étaient si fourbus qu'on ne put leur faire gravir la pente, malgré les bourrades et coups de fouet que lui donnèrent tous les enfants et hommes de la rue. Il me fallut bien à la fin envoyer mon petit valet chercher un flambeau. Descendîmes de voiture et en prîmes une autre quelque temps après au coin de Fenchurch Street. Retour à la maison. Au lit.


                                                                                                           16 Novembre

            Au bureau toute la matinée. Dîner à la maison. Partis l'après-midi à mes affaires dans le quartier du Temple où trouvai rédigé  mon mémoire contre Tom Trice. Je le lus, me parut bon. A la maison.


                                                                                                           17 Novembre
pretapartir.fr                                                                                               Jour du Seigneur
Afficher l'image d'origine            A notre église. A midi sir William Penn répondit à mon invitation à dîner et je ramenai avec moi de l'église Mrs Hester, parente de milady Batten. Fûmes de fort bonne humeur. Derechef à l'église et entendis un benêt faire l'éloge de la musique d''église et tonner contre les hommes qui gardent leur chapeau à l'église. Mais je dormis pendant une partie du sermon ainsi que pendant la prière et la bénédiction qui suivirent. Tout se passa sans que je me réveille, ce qui ne m'était encore jamais arrivé. Retour chez moi, arrivent bientôt mon oncle Wight et ma tante, ainsi que Mr Norbury et sa femme. Nous bûmes ferme, et très joyeux jusqu'à l'heure du souper. Puis nous nous quittâmes, ma femme et moi étant invités cher sir William Penn, où nous fûmes là aussi fort gais. Retour à la maison, prières et au lit.


                                                                                                       18 Novembre

            En voiture avec sir William Penn, ma femme et moi vers Westminster, mais voyant Mr Moore dans la rue, je descendis et allai avec lui chez Mr Battersby, le pasteur, m'arrêtant en cheminà Saint-Paul où je vis les petits chanteurs qui allaient en surplis à la prière, quelques pauvres gens et des gamins désoeuvrés pour les écouter. Première fois que je les vois et navré de trouver les choses dans une telle confusion. Reçu de Mr Battersby 50 livres sterling de plus, ce qui fait 100 que je lui ai maintenant empruntées. Je déchirai l'ancien billet de 50 livres et, payant l'intérêt que je lui devais sur cette somme, lui fis un nouveau billet pour le total de 100 livres. Dînai chez lui, bon repas, et son épouse jolie et femme de bien. Il y avait à table un jeune pasteur qui s'enivra avant le dîner, ce qui me navra.
            Après dîner chez Mr Bowyer à Westminster pour chercher ma femme. L'emmenai au Théâtre voir Philastère, que je n'avais jamais vu, mais trouvai cette pièce très inférieure à ce que j'en attendais. Retour à la maison en voiture.


                                                                                             19 Novembre

            Au bureau toute la matinée. Alors que je rentrais à la maison, trouvai Mr Hunt seul avec ma femme dans la chambre ce qui, Dieu me pardonne, jeta le trouble dans mon esprit. Mais me souvenant que c'était jour de lessive et qu'il n'y avait de feu ailleurs pour le recevoir, car il faisait froid, je retrouvai ma sérénité. Il dîna avec nous, et ensuite pris une voiture et l'emmenai avec nous chez mon cousin Scott, où nous le déposâmes et le quittâmes, et ma femme et moi restâmes pour le baptême du fils de mon cousin, mon cousin Samuel Pepys d'Irlande et moi étions parrains. Je donnai à l'enfant le nom de Samuel. Il y avait dans la chambre un groupe de jolies femmes, mais nous ne restâmes pas là et partîmes boire et manger avec le pasteur dans une autre pièce. A la fin, lorsque la plupart des femmes furent parties, Sam et moi allâmes rendre visite à ma cousine Scott qui avait quitté son lit. Nous restâmes à parler fort gaiement. Ma cousine Stradwick était marraine. Puis je laissai ma femme rentrer chez nous en voiture, tandis que j'allais à pied au quartier du Temple pour mon procès. Reçus une assignation pour Tom Trice que je lui portai moi-même à la maison habituelle des Doctors Communs et lui remis en mains propres. Retour chez moi, et au lit. ( La sage-femme et les deux nourrices m'ont coûté aujourd'hui 20 shillings à elles deux. )


                                                                                               20 Novembre 1661
                                                                                                       visitlondon.com
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            A la Grand-Salle de Westminster par le fleuve, le matin; Vis le roi qui allait dans son canot au Parlement dont la session débute aujourd'hui. Les évêques, à ce que j'entends dire, siègent aujourd'hui à la Chambre des Lords. Je me promenai longtemps dans la Grand-Salle, mais n'appris d'autres nouvelles que celles que m'apprit Ned Pickering, et qui me chagrina : sir John Mennes aurait écrit au roi que s'il ne renvoyait tous les capitaines de lord Sandwich, il ne serait, à son avis, maître de la flotte lorsque celle-ci serait de retour. Il tente ainsi de provoquer la disgrâce de milord. J'espère néanmoins que tout cela restera sans effet, car le roi a de l'affection pour lui.
            Ensuite par le fleuve jusqu'à la Garde-Robe où je dînai avec milady et milady Wight. Cette dernière me paraît être une femme pleine d'esprit mais fort vaniteuse et fière. Allai après dîner avec Mr Moore dans le quartier du Temple où il lut mon mémoire qui lui parut assez bon. Nous revînmes et il m'accompagna jusqu'au bas de Cheapside, où je lui offris une pindte de xerès, et nous nous séparâmes . Retour chez moi, examinai mes papiers concernant le procès Tom Trice, pense avoir trouvé qui ont des chances de m'être plus utiles dans le différend qui nous oppose que tous ceux qui m'avaient servi jusqu'ici. Au lit, ravi de tout cela. Restai longtemps à lire Liberté et Nécessité de Hobbes, ouvrage court mais fort pertinent. M'endormis.


                                                                                                  21 Novembre

            Le matin repris l'examen des papiers. Arriva bientôt Mr Moore qui trouva que ces papiers me seront peut-être fort profitables. Il resta dîner avec moi et nous mangeâmes un bon aloyau de boeuf ( le premier que j'ai acheté moi-même depuis que je possède ma maison ). Puis, avec lui, au quartier du Temple. Montrai mes papiers à Mr Smallwood qui les trouva intéressants. Les lui laissai et me rendis avec Mr Moore à son logement de Gray's Inn, me montra son vieil exemplaire de Britannia  de Camden, que j'ai l'intention de lui acheter. Je l'emportai et le laissai en l'enclos de Saint-Paul pour le faire relier. Retour chez moi, et au bureau tout l'après-midi. C'est la première fois que nous nous réunissons l'après-midi. Nous le ferons dorénavant durant toute la session du Parlement. Aujourd'hui a été voté au roi une somme de 120 000 livres, qu'il faudra lever pour payer ses dettes. Après le bureau, avec sir William Batten, au Dauphin. Bûmes un verre et l'y laissai pour retourner dans le quartier du Temple à mes affaires. Retour à la maison à pied. Au lit.


                                                                                                  22 Novembre
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Afficher l'image d'origine            Resté à la maison toute la matinée. A midi, comme convenu, avec ma femme, au Dauphin pour dîner. Trouvai sir William Batten, sa femme et sa fille Matt, le capitaine Cocke et sa femme, une Allemande, mais fort belle, et nous prîmes ensemble un repas payé avec l'argent de paris gagnés et perdus par lui et par moi. Nous eûmes la meilleure musique et de fort belles chansons, fûmes très gais et dansâmes. Mais ce qui me charma le plus, ce fut Madame Cocke et son petit garçon que son père me confia dans un mouvement d'allégresse. Mais après toute cette gaieté arriva la note de 4 livres, en sus des 40 shillings pour la musique, ce qui nous assombrit, mais il fallut bien payer. Je pris congé et les laissai là vers huit heures du soir. Allai à pied dans le quartier du Temple accompagné de Roger, serviteur de mon cousin Turner et, sur ses conseils, me rendis chez le sergent Fountaine avec qui je m'entretins de mon procès. Il me rassura et je lui donnai 30 shillings d'honoraires. Retour chez moi, et au lit. ( Aujourd'hui Mary Bowyer envoya à ma femme une jolie servante que ma femme a engagée ).


                                                                                                23 Novembre

            A Westminster avec ma femme qui alla chez son père, et vers 10 heures retour chez moi, puis un moment au bureau et en voiture avec le commissaire Pett à Cheapside, chez un certain Savill, à qui j'ai l'intention de commander mon portrait et celui de ma femme. Allai ensuite dîner à la Garde-Robe, puis retour au bureau où restai tout l'après-midi jusqu'au soir. Puis vinrent chez moi les deux sirs William suivis du capitaine Coc.ke. Souper fort agréable, puis bonsoir. Aujourd'hui me suis fait livrer une échine de boeuf, dans l'intention de l'envoyer en cadeau à mon oncle, ce que j'ai fait.


                                                                                           24 Novembre
                                                                                Jour du Seigneur
            Levé de bonne heure et, comme convenu, à l'église de la ruelle de St Clément pour retrouver le capitaine Clocke qui m'a souvent recommande Mr Alsopp, leur pasteur. C'est assurément quelqu'un de très capable mais, comme pour tout, il ne répondit pas à mon atten oùte. Le texte présenté : " Tout ce qui nous est donné de bon et de parfait nous vient d'en haut. "
            Ensuite, Cocke et moi à la taverne du Soleil derrière la Bourse où nous rencontrâmes d'autres personnes venue de la même église, et restâmes boire et parl render avec eux un moment. Nous nous quittâmes et j'allai dîner à la Garde-Robe. Restai tout l'après-midi seul à parler avec milady. Puis me rendis chez Madame Turner, la pauvre femme est encore malade et je commence à craindre pour elle.
Retour vers la maison et, rencontrant Mr Young le tapissier, l'accompagnai à la Mître où nous restâmes boire une quarte de xéres avec Mr Rawlinson. Me rendis ensuite chez sir William Batten où je restai souper. Puis chez moi, trouve une invitation de mon oncle Wight nous conviant, ma femme et moi, chez lui, mardi prochain, pour manger l'échine de boeuf que je lui fis envoyer hier.
            Prières et au lit.


                                                                                             25 Novembre 1661
                                                                                                              heraldique-europeenne.org 
            A la Grande-Salle de Westminster le matin avec le capitaine Lambert, là à la taverne du Chien. Il m'offrit son repas d'adieu, ainsi qu'à d'autres amis, car il devait prendre la mer demain pour le dét. Nous eûmes des huîtres et du bon vin. Ai rencontré ce matin Mr Sankey dans la Grand-Salle, et nous nous donnâmes rendez-vous au Théâtre, cet après-midi. A midi, à la fin de la séance de la Chambre, rencontrai sir William Penn et avec lui le major général Massey, que ses propos me font juger fort intelligent et, entre autres, très au fait en ce qui concerne le secret des poudres et artifices, et, avec un autre chevalier, allâmes dîner au Cygne, dans la cour du Palais, faisant venir notre repas à la taverne de la Jambe. Après dîner, au Théâtre avec sir William Penn. Vîmes Le capitaine campagnard, une pièce ennuyeuse. Je le laissai ensuite avec ses Tories et allai à l'Opéra où j'assistai au dernier acte de L'Esclave et trouve là Mr Sankey et Mrs Mary Archer, la soeur de la belle Betty que j'admirais autrefois à Cambridge. Je les emmenai à la Toison dans le quartier de Covent Garden, pour dire bonsoir à sir William Penn qui m'avait attendu. Mais, Mr Sankey, en dépit de tout ce qu'il put dire, ne réussit pas à persuader sa belle de s'aventurer avec lui dans la taverne, ce qui le chagrina fort. Nous retournâmes donc immédiatement dans la Cité en voiture et descendîmes boire à la Mître dans Cheapside, puis déposâmes la dame chez son oncle dans l'Old Jury. Lui et moi retournâmes à la Mître où nous bûmes jusqu'à minuit passé. Je me trouvai à ce moment avoir un peu trop bu. Il m'exprima son intention d'avoir cette fille riche de 1 000 livres. A maintes reprises nous bûmes à la santé de sa soeur Betty dont je chéris la mémoire. Nous nous séparâmes enfin, et je rentrai chez moi sans encombre, à ceci près que j'ai attrapé froid et que j'ai la voix enrouée. Au lit.


                                                                                                26 Novembre

            Pas bien le matin et m'attardai au lit. Me lève enfin et à midi, avec ma femme, chez mon oncle Wight où nous rencontrâmes Mr Cole, Mr Rawlinson, Norbury, sa femme et la fille de celle-ci, ainsi que d'autres amis, venus manger l'échine de boeuf que j'avais envoyée. La mangeâmes gaiement. Bientôt appelé au bureau où je me rendis et restai tard en réunion, et une fois notre travail terminé au bureau, les deux sirs William, moi, le capitaine Cocke et Mr Bence qui, saoul, montra dans ses propos tant d'impudence et de sottise que nous fûmes forcés de l'écarter et de nous défaire de lui. Restâmes entre nous au bureau jusqu'à 9 heures à discuter et à boire trois ou quatre bouteilles de vin. Retour chez moi, et au lit. Ma femme et sa servante Doll se disputaient, ce qui me peina.


                                                                                                     27 Novembre
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Afficher l'image d'origine            Ce matin, notre servante Doll et ma femme se quittèrent, bien que la fille ait une langue de vipère, je répugnais à la renvoyer, mais je pris congé d'elle avec gentillesse. Je me rendis chez le peintre Savill et posai une première fois pour mon portrait. Ensuite, dîner avec milady. Après avoir parlé une heure ou deux théologie avec elle, allai en compagnie du capitaine Ferrer et de Mr Moore au théâtre, vîmes Hamlet, très bien joué. Retour chez moi où j'apprends que ma femme est allée présenter ses respects à milady aujourd'hui, cet après-midi, avec ma tante Wight et Ferrer, et que là elles dansèrent et se divertirent fort. Comme toujours milady montre beaucoup de sympathie à ma femme. Au lit.


                                                                                                    28 Novembre

            Chez moi toute la matinée. A midi Will me rapporta de Westminster, où je l'avais envoyé, des lettres de lord Sandwich en provenance de Tanger, où il se trouve toujours et a mené une action militaire efficace contre les Turcs. Il a repris un navire anglais appartenant à un certain Mr Parker, négociant de Mark Lane.
            L'après-midi Mr Pett et moi nous rencontrâmes au bureau. Comme il n'y avait que nous deux, je vis que nous n'étions pas traités avec le respect qui nous était dû. M'arrangeai pour mettre fin à l'entretien et emmenai Mr Gauden avec moi. Malgré la pluie nous avons résolu d'aller, lui chez milord le trésorier, et moi chez le chancelier avec une lettre reçue de milord aujourd'hui. Allâmes dans une taverne au bout de Mark Lane, où nous attendîmes longtemps avant de trouver une voiture. Chez milord le trésorier, en pure perte, puis chez le chancelier, où je rencontrai Mr Dugdale. Avec lui et un certain Mr Simons, qui fait partie, je crois, de la maison de milord Hatton, Mr Kipps et quelques autres, à la taverne de la Fontaine. Restâmes jusqu'à minuit à boire et à chanter. Mr Simons et un certain Mr Agar chantaient fort bien. Mais, Mr Gauden, presque ivre, eut la bonne idée de partir. J'en profitai pour partir aussi, et comme il faisait un beau clair de lune, nous rentrâmes à pied, et, bien que ivre, il marcha d'un train qui m'étonna. Chez moi je trouve la nouvelle servante, Sarah, grande fille fort jolie, dont je crois que nous serons contents. Au lit.


                                                                                                 29 Novembre

            Je fis la grasse matinée jusqu'à ce que les deux sirs William m'eussent fait dire que nous devions nous présenter aujourd'hui devant le Duc et qu'ils désiraient me rencontrer dans la Grand-Salle de Westminster à midi. Je me levai donc et m'y rendis. Arrivé là je crus comprendre qu'ils étaient partis dîner chez Mr Coventry qui a un logement dans la vieille cour du Palais. Première fois que j'entends parler de ce dîner où je les retrouvai ainsi que sir George Carteret. Eûmes un fort bon dîner, bon accueil, conversation intéressante. Après le dîner, par le fleuve, jusqu'à Whitehall chez le Duc qui nous reçut dans son cabinet de travail. Il nous parla de l'affaire Holmes et nous demanda ce qui se faisait d'habitude pour amener les bâtiments étrangers à nous saluer à la voile. Ils en parlèrent de leur mieux, mais, pour ma part, je ne trouvai rien à dire, à mon grand regret, si bien que je me vis contraint d'inventer une histoire et, après que nous eûmes quitté le Duc, je dis à sir Coventry que j'avais souvent entendu dire par Mr Selden qu'il avait des preuves établissant que, du temps de Henry VIII celui-ci avait donné l'ordre d'exiger que les navires du roi du Danemark le saluent dans la Baltique.
Afficher l'image d'origine            Ensuite, sir William Penn et moi au Théâtre, mais tellement de monde que nous eûmes à trouver de la place, il monta alors dans une des loges et j'allai dans les places à 18 pence. Vîmes Le coup de foudre, une pièce de Mr Killigrew. Première fois qu'on la joue depuis les troubles. On attendait beaucoup de cette pièce que je trouve cependant médiocre, et je constate que tout le monde pense comme moi. Retour chez moi, m'arrêtant dans l'enclos de Saint-Paul pour me procurer " Un Mare Clausum " avec le projet d'écrire un opuscule, tout ce que je pourrai rassembler sur la question du salut à la voile, et que je présenterai au Duc. Ce qui serait, me semble-t-il, une bonne façon de me faire connaître. Retour à la maison, et au lit.


                                                                                              30 Novembre 1661

            Le matin dans le quartier du Temple, chez Mr Phillips et le Dr Williams pour mes diverses affaires d'ordre légal, puis dîner à la Garde-Robe. Après dîner m'éclipsai, milady dînant dans sa chambre. Retour chez moi, et au bureau tout l'après-midi. Cela fait, Mr Batten, moi et le capitaine Cocke nous fîmes apporter une bouteille de xéres au bureau, où nous restâmes tard à boire et à discuter. Retour chez moi, et au lit.                                                                        


                                                         
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                           Je suis aujourd'hui en fort bonne santé, avec seulement un léger rhume. Cela fait assez longtemps que le Parlement siège. Les anciens juges de feu Sa Majesté qui ont été condamnés ont été traduits devant le Parlement et seront sans doute pendus. Je suis engagé jusqu'au cou dans un procès contre Tom Trice. Dieu réserve à ce procès une issue heureuse ! Fort soucieux des grandes dépenses que j'ai faites dernièrement pour des futilités dont Dieu me garde à l'avenir. C'est le dernier jour où est encore acceptée la monnaie du régime précédent pour les paiements ordinaires, mais elle serait utilisés encore trois mois pour les paiements destinés au Trésor royal.


                                                   
                                                                                    ......../ à suivre......../

                         1er Décembre                      
                                 jour du
                                            ......./ le matin à l'église





 

            

dimanche 29 mai 2016

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 58 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

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                                                                                                      1er Novembre 1661

            J'allai ce matin en voiture avec sir William Penn à Westminster et ayant terminé mes affaires avec Mr Montagu, je retournai auprès de sir William à Whitehall et de là ensemble à la taverne des Trois Tonneaux à Charring Cross où nous nous fîmes apporter l'ordinaire du patron et dînâmes fort bien. Fîmes ensuite monter le patron et sa jolie soeur, avec laquelle sir William Batten et sir William Penn ont le plus joyeux commerce, examinâmes certaines de leurs médailles qu'ils nous montrèrent. Puis partîmes pour le Théâtre voir " Les Gais Compères " et retour chez moi. Fûmes fort gais jusque tard, après avoir fait chercher son fils, sir William Penn, récemment venu d'Oxford. Après souper, nous nous quittâmes, et au lit.


                                                                                                            2 Novembre

            Au bureau toute la matinée. Allai chercher sir John Mennes, notre nouveau contrôleur de la Marine, avec sir William Penn, chez sir William Batten, et le conduisîmes à son poste, au bureau, première fois qu'il venait. Il semble aisé, et je suis heureux qu'il ait obtenu cette charge.
            Après le bureau allai à la Garde-Robe où je dînai, et l'après-midi conversation très agréable d'une ou deux heures avec milady. En voiture avec les jeunes demoisellese jusqu'à ma maison où je leur offris une collation. Les fis reconduire tard le soir chez elle, en voiture, par le capitaine Ferrer.
            Ce soir, j'étais dans mon cabinet et entendis Waynman, mon petit valet qui faisait sauter de la poudre, ma femme le grondait pour cela et un autre bruit. Je le fis monter et découvris qu'il avait mis de la poudre dans sa poche et en avait étourdiment approché une allumette qu'il croyait éteinte. L'allumette avait mis le feu à la poudre et celle-ci lui avait brûlé le flanc et la main qu'il avait plongé dans la poche pour éteindre le feu. Mais après l'avoir interrogé et l'avoir pris à mentir sur l'endroit et le jour où il avait acheté la poudre, je lui donnai une bonne correction. Cela me fit mal au coeur, mais je jugeai de le faire/ Fis un courrier, puis au lit.


                                                                                                         3 Novembre
herodote.net                                                                                           Jour du Seigneur
Résultat de recherche d'images pour "turner peintre portrait"            Aujourd'hui je n'ai pas mis le pied dehors, mais me purgeai, ce qui fit de l'effet, et toute la journée, comme j'en avais le loisir lus La Guerre Sainte de Fuller, acheté récemment, et m'essayai à composer une chanson à la louange de l'honnête homme, ce que je pense être, ouvert aux études et plaisirs de toutes sortes, mais ne réussissant rien qui me plût, je la jetai et ne poursuivis pas plus avant. Le soir, ma femme et moi soupâmes seuls d'un bon émincé de poule. J'eus grand plaisir à constater que ma fortune nous permet maintenant un plat comme celui-là. Le soir, au lit.


                                                                                                            4 Novembre

            Le matin, comme il pleuvait à verse, en voiture avec sir William Penn et ma femme à Whitehall, envoyai ma femme chez Mrs Hunt et allai avec lui chez Mr Coventry pour affaires. Envoyai chercher ma femme et reprîmes tous trois le chemin de la maison. Mais j'allai à la Mitre; chez Mr Rawlison, où Mr Pearse; le commissaire, nous avait procuré une excellente échine de boeuf et un plat d'os à moelle. Trouvai mon oncle Wight, le capitaine Lambert; un certain capitaine Doves, le commissaire Barber. Fort joyeuse compagnie. Après dîner je pris une voiture et allai chercher ma femme chez mon frère où je l'avais laissée. A l'opéra où nous vîmes " l'Esclave " dont autrefois nous raffolions et maintenant encore, bien que, c'est ce que nous pensons tous deux, moins bien joué ici
( nous en attendions trop ) qu'autrefois à Salisbury Court, à l'exception de Betterton. Pour nous, c'es, le meilleur acteur du monde. Retour à la maison en voiture. Je m'arrêtai en chemin chez mon oncle Whight, restai un moment, puis rentrai chez moi après ma femme. Et au lit.


                                                                                                     5 Novembre

            Au bureau toute la matinée. A midi vinrent dîner mon frère Tom et Mr Arminger. Nous fûmes fort gais, bûmes force vin et je partis ensuite prétextant mon travail, avec sir William Penn chez milady Batten, sir William étant à Chatham. Restâmes longtemps puis repartîmes au Dauphin. Avant cela j'allai chez moi voir si tout le monde était parti, les trouvai encore là, Arminger invitant ma femme à aller voir une pièce. Il essaie comme un benêt de lui faire la cour, mais c'est un âne. Dépense son argent chez Tom sinon je ne le jugerais pas digne de la moitié du respect que je lui témoigne. Au Dauphin sir William Penn, le capitaine Cocke et moi restâmes tard et bûmes beaucoup. Vîmes les gamins jeter leurs pétards dans la rue. C'est jour de fête scrupuleusement observé dans la Cité. Nous nous quittâmes enfin repassant chez milady Batten et aurions volontiers fait une partie de cartes, mais sir William Penn était si aviné que nous ne pûmes le persuader de jouer. Nous nous séparâmes donc, à la maison et au lit.


                                                                                                      6 Novembre
                                                                                                               grandpalais.fr 
Afficher l'image d'origine            Ce matin, alors que je sortais, racontai Mr Davenport et un de ses amis, un certain Mr Furbisher, avec qui je pris ma boisson du matin. Leur offris bon vin, anchois et huîtres marinées, les emmenai à la taverne du Soleil dans Fish Street où leur offris une bourriche de bonnes huîtres et force vin, envoyai chercher Mr William Bernard, fils de sir Robert épicier du coin, et fûmes fort gais. Cela me coûta beaucoup d'argent. A midi les laissai, la tête lourde de vin et, invité par un billet de Llewellyn arrivé ce matin avant le lever, j'allai chez Nick Osborne au bureau des substances où je vis sa femme, qu'il vient d'épouser, femme de bien, sérieuse, nouvellement installée dans leur maison. Nous mangeâmes un ou deux bons plats d'os à moelle et un autre de langue de boeuf pour dîner. Après quoi je pris congé et me rendis vite à Whitehall, m'arrêtant au passage chez Mr Moore, chez milord, le garde du Sceau privé, qui va enfin contraindre les clercs à présenter le tarif de leurs droits, ce qu'ils s'étaient si longtemps refusés à faire. Mais comme je ne m'associe pas à eux il éprouve grand respect
pour moi, me demande de présenter le tarif que j'applique pour la perception des droits, ce que je ferai promptement. Repartis et tentai de parler avec Tom Trice qui, j'en ai peur, prépare quelque mauvais tour, mais ne le pus, ce qui me tracassa. Retour chez moi et restai tard à mon luth avec plaisir. Puis au lit.


                                                                                                  7 Novembre 1661

            Ce matin vint un certain Mr Hill, envoyé par Mr Hunt le facteur d'instruments, pour m'enseigner le théorbe. Mais je n'aime ni sa façon de chanter, ni de jouer. et trouvai un biais pour m'en défaire. Au bureau, puis à dîner emmenai Mr Pett le commissaire, fûmes seuls, ma femme ne se sentant pas bien. Nous nous quittâmes ensuite, j'allai chez Tom Trice qui, en bref, me montra l'injonction qu'il avait préparée à l'intention de mon père et moi. Je lui promis d'y répondre. Je me rendis chez le Dr Williams, assez bien remis de sa maladie, et, après chez Mr Moore, pour prendre leur avis. Rentrai chez moi, tard, à pied, les idées plus claires, mais non satisfait. Trouvai chez moi des lettres de milord en provenance de Lisbonne, qui m'apprennent qu'il est en bonne santé. Me dit qu'il avait vu à la Cour, la veille du jour où il m'écrivit, le hego de Toro. Me préparai à me mettre au lit.
            Alors que je rentrais à la maison je m'arrêtai chez mon oncle Fenner qui me dit que Peggy Kite avait maintenant annoncé son intention d'épouser le tisserand, un gredin miséreux. Nous sommes résolus de ne pas nous mêler de ça et de ne pas la fréquenter.


                                                                                                 8 Novembre
dentellecigale13.canalblog.com
Afficher l'image d'origine            Ce matin levé tôt et chez milord le chancelier avec une lettre de milord. Causai avec lui et il me demanda si j'étais le fils de Mr Talbot Pepys qu'il avait connu autrefois à la Cour des Requêtes, et me parla avec beaucoup de prévenance. Puis à la Grand-Salle de Westminster. Les tribunaux étaient en session. Rencontrai le commissaire Pett. A midi, comme convenu, à la taverne du Soleil dans New Fish Street, où sir John Mennes, sir William Batten et nous tous devions dîner invités du capitaine Stoakes et du capitaine Clarke, et fûmes fort gais. Sir John Mennes, je le découvre à sa conversation, est un vrai gentilhomme, de plus fort cultivé.
            Après dîner à la Garde-Robe puis chez le Dr Williams qui m'accompagna ( sa première sortie depuis longtemps ), au bureau des Six Clercs pour m'y trouver un clerc capable de me conseiller dans le procès qui m'oppose à Tom Trice et, après les avoir entendus et me prodiguer quelque réconfort, allai chez mon frère Tom que j'emmenai voir mon cousin Turner au quartier du Temple. Reçus un avis que je n'aurais à payer que les 200 livres du principal, en fus fort aise. Rentrai chez moi.


                                                                                             9 Novembre

            Au bureau toute la matinée. A midi vinrent Mr Davenport, Philips, Mr William Bernard etFurbisher, comme convenu. Dîner et fûmes fort gais. Allai ensuite à la Garde-Robe où restai parler avec milady tout l'après-midi, jusque tard le soir. Miladay m'engagea vivement à faire des dépenses pour ma femme. Je la sentis plus pressante que d'habitude, fis semblant d'en convenir et résolus d'offrir à ma femme une parure de dentelle, devisâmes de ça et d'autres choses le plus gaiement du monde. Retour chez moi le soir.


                                                                                             10 Novembre
                                                                                    Jour du Seigneur  
Afficher l'image d'origine            A notre église le matin où prêchait Mr Mills. Puis seul à la Garde-Robe dîner avec milady, qui continue, comme hier, à m'exhorter à dépenser de l'argent pour ma femme. Mieux vaut, je pense, que je le fasse pour son honneur et le mien. La nuit dernière mourut Archibald, maître d'hôtel de milady, frère de Mrs Sarah, d'hydropisie, ce qui me fit de la peine.
            L'après-midi allai m'asseoir sur un banc dans l'église St Gregory, avec Mr Turner. Entendîmes une prière publique pour notre reine Catherine, la première où ses nom et qualités aient été mentionnés, et entendîmes le Dr Buck prêcher sur " Malheur à toi Chorazin ! etc ", texte à propos duquel il souleva une difficulté dont il remit à plus tard l'éclaircissemet : savoir pourquoi Dieu donnait les moyens de la grâce à des gens dont il savait qu'ils ne voudraient pas la recevoir et les refusait à d'autres qui, il le reconnaît  àlui-même, l'auraient reçue si elle leur avait été offerte et pour qui, de plus, elle aurait été efficace. J'aimerais l'entendre expliquer ce point quand il l'abordera. Retour ensuite chez moi, auprès de ma femme que j'accompagnai chez ma tante Wight. Restai un moment avec elles.. Puis rentrai à la maison. Allai chez sir William Batten où se trouvait le capitaine Cocke, et nous envoyâmes cherchez deux bouteilles de vin des Canaries à la taverne de la Rose. Ce vin me fit beaucoup de mal et m'indisposa toute la nuit. De fait rentrai à la maison si dérangé que je rechignai à dire les prières ce soir, ce que je fais toujours le dimanche. Ma femme s'en avisa, mes gens aussi, ce que je déplore.


                                                                                                  11 Novembre

            A la Garde-Robe et avec Mr Townshend et Morre à la Tête de Sarrasin manger une bourriche d'huîtres. Mr Moore et moi chez Tom Trice. Ai commencé à rédiger chez lui une réponse à l'injonction que m'adresse Tom pour cette session. Puis à la Garde-Robe pour dîner. Rencontrai, comme convenu, ma femme qui avait apporté, à ma demande, des dentelles parmi lesquelles milady l'aidera à choisir. Partis après dîner, laissant ma femme et milady tout occupées au choix de cette dentelle.
            Partis avec le capitaine Ferrer. Me mena dans une salle de jeu, que je voyais pour la première fois. L'entrée donnait dans les jardins de Lincoln's Inn au bout de Bellyard. Etrange folie des hommes qui y jouent et perdent tant d'argent. Je fus fort heureux de voir ce qu'est la vie d'un joueur. Elle me paraît fort misérable, sordide et indigne d'un homme.
            Il m'emmena ensuite dans une école de danse dans Fleet Street, où je vis danser un groupe de jolies filles, mais il ne me plaît pas, en mon for intérieur, que des jeunes filles soient exposées à tant de futilité.
            A la Garde-Robe. J'apprends que milady a approuvé le choix d'une dentelle de 6 livres pour ma femme. Je pris l'air content que le prix ne fût pas plus élevé, pensant en moi-même qu'il l'était trop, et je prie Dieu de bien vouloir m'accorder la force de me régler, moi et les dépenses de ma femme, afin que ma prodigalité n'entraîne nul dommage pour mes finances ni mon honneur ! Retour chez moi en voiture.


                                                                                                12 Novembre 1661
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Afficher l'image d'origine            Au bureau toute la matinée. Dînai seul à la maison. Sortis avec sir William Penn et ma femme voir " La foire de la Saint-Barthélémy " avec des marionnettes. Je l'ai déjà vue une fois et souvent sans manionnettes, et, bien que j'aime toujours autant cette pièce, je n'apprécie cependant pas du tout les marionnettes. Ensuite au Lévrier dans Fleet Street, où bûmes du vin de framboise et mangeâmes des saucisses. Retour à la maison fort gais.
            Holmes arriva aujourd'hui en ville, et nous attendons d'une heure à l'autre quel sort lui réservent le Duc et le roi pour la façon dont il a dernièrement laissé l'ambassadeur de Suède passer devant lui sans abaisser son pavillon.
       

                                                                                              13 Novembre

            Comme convenu nous allâmes tous présenter nos respects au Duc d'York, et le fîmes dans ses appartements, tandis qu'il mettait son habit de cavalier pour se rendre aujourd'hui, par mer, jusqu'aux Downs. Il porte le deuil de la grand-mère de sa femme, ce qui est considéré comme une belle niaiserie. Après que nous lui eûmes remis la lettre où nous lui exposions la situation déplorable de la Marine faute d'argent, il en renvoya l'examen à son retour et nous le quittâmes. Allai à la Grand-Salle de Westminster, puis voir la belle ! Pearse. A pied jusque chez milord Crew installé dans sa nouvelle maison tout à côté de celle où il vivait autrefois. Fus bien reçu par milord et sir Thomas avec qui j'eus une intéressante conversation. Il me dit fort sérieusement qu'à son avis le Parlement, qui reprend ses réunions la semaine prochaine, va causer bien du souci à la Cour et au clergé, ce qu'à Dieu ne plaise !. Mais les députés voient les choses menées d'un tel train par milord le chancelier et quelques autres,qui eux aussi touchent de l'argent, qu'ils ne le supporteront pas. Au théâtre où revis " Fils de son père ". Comme il pleuvait à verse je pris une voiture pour rentre, l'esprit fort préoccupé de la vie de dépenses que je mène. Elle me perdra, je le crains, après tant d'espérances, si je ne m'amende, car maintenant que je vais faire de grandes dépenses pour les toilettes de ma femme, il me faut renoncer à d'autres.
            Au lit, et cette nuit nous couchons pour la première fois dans la petite chambre verte où couchent les servantes, mais nous mîmes longtemps à persuader Nell d'y coucher, parce que j'y dors ainsi que ma femme, mais quand elle vit qu'elle avait le choix entre dormir là ou rester debout, elle finit par y coucher, après avoir fait bien des façons.


                                                                                               14 Novembre

Afficher l'image d'origine            Au bureau toute la matinée. A midi, comme convenu, au Soleil dans Fish Street à un dîner offert par le jeune Mr Bernard à moi, Mr Philips, Davenport, Weaver, etc. Ce fut excellent, avec un pâté fait d'un savoureux mélange de bonnes choses les plus variées, comme je n'en n'avais jamais goûté de ma vie. Le capitaine Lambert vint me voir pour me dire adieu, car il prend la mer aujourd'hui pour le détroit de Gibraltar. Nous bûmes à son départ et à la santé de tous les amis. Fûmes fort gais, et bûmes du vin en suffisance. Ensuite au quartier du Temple chez Mr Turner à propos du mémoire qu'il me faut présenter à la Cour de la chancellerie contre Tom Trice. A Salisbury Court où Mrs Turner est venue ce soir, mais souffrant encore d'une fièvre, ce qui fait peine à voir. A la Garde-Robe où je causai avec milady, puis rentrai chez moi, et au lit.


                                                                      à suivre 15 novembre

            .........../ A la maison toute........../
            

vendredi 27 mai 2016

Ballade 48 Rondeau 119 Rondeau 31 Charles d'Orléans

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detentejardin.com

                               
                                             Ballade 48

            Vous dormez trop longtemps, mon coeur,
            Dans la douleur et l'affliction :
            Veuillez ce jour vous éveillez !
             Allons au bois cueillir le mai
             Pour obéir à la coutume !
             Nous allons entendre le chant
             Des oiseaux dont les bois résonnent,
             Ce premier jour du mois de mai.
                                                                                                                                                                 
            Le dieu d'Amour est coutumier                                                      cabschau.centerblog.net
UN PETIT LAPIN AU MILIEU DES FLEURS            De donner une fête ce jour
            Pour réjouir les coeurs aimants
            Qui voudraient être à son service :
            Aussi fait-il couvrir les arbres
            De fleurs et les prés de vert clair,
            Pour donner du lustre à la fête,
            Ce premier jour du mois de mai.

            Je sais, mon coeur : Danger perfide
            Vous inflige plus d'une peine,
             Il vous met trop de distance
             De celle que vous désirez.
            Pourtant il vous faut vous distraire
            Je ne peux pas mieux vous conseiller
            Pour émousser votre douleur
            Ce premier jour du mois de mai.

                                                 Envoi

            Ma dame, mon seul souvenir,
            Cent jours ne me suffiraient pas
            Pour vous détailler tout le mal
            Dont mon coeur souffre le martyre,
            Ce premier jour du mois de mai.


                                             Ballade XLVIII

            Trop long temps vous voy sommeiller,
            Mon cueur, en dueil et desplaisir ;                                               
            Veuilliez vous ce jour esveillier !
            Alons au bois le may cueillir
            Pour la coustume maintenir !
            Nous orrons des oyseaulx le glay                                                              
Image associée            Dont ilz font les bois retentir
            Ce premier jour du mois de may.

             Le dieu d'Amour est coustumier
             A ce jour de feste 
             Pour amoureux cueurs festïe,
             Qui désirent de le servir :
             Pource fait les arbres couvrir
             De fleurs et les champs de vert gay,
             Pour la feste plus embellir,
            Ce premier jour du mois de may.

            Bien sçay, mon cueur, que faulx Dangier
            Vous fait mainte paine souffrir,
            Car il vous fait trop eslongnier
            Celle qui est vostre desir,
            Pour tant vous fault esbat querir :
            Mieulx conseillier je ne vous sçay
            Pour vostre douleur amendrir
            Ce premier jour du mois de may.

                                               L'envoy

            Ma dame, mon seul souvenir,
            En cent jours n'auroye loisir
            De vous raconter tout au vray
            Le mal qui tient mon cueur martir
            Ce premier jour du mois de may.


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                             Rondeau 119

                                  Recette

            En remède à vos maux d'amour
            Prenez la fleur de souvenir
                                                                  Avec le suc d'une ancolie,
                                                                  Et n'oubliez pas le souci ;
 fr.clipart.me                                                     Mélangez tout en fâcherie.
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                                 La plante du désir de loin,
                                 Poire d'angoisse en émollient,
                                 Dieu, pour l'amie, vous les adresse ;

                                  Poudre de plaintes en calmant, de loi
                                  Feuille de l'élection d'un autre
                                  Et racine de jalousie :
                                  Mettez l'essentiel sur le soeur
                                  Juste avant de vous endormir
                                  En remède à vos maux d'amour.


                                                     Recepte

            Pour tous voz maulx
            Prenez la fleur de souvenir
            Avec le just d'une ancollie,
            Et n'obliés pas la soussie, 
            Et meslez tout en desplaisir.

            L'erbe de loing de son désir,
            Poire d'angoisse pour refreschir                                                    monotarcie.blogspot.com 
Afficher l'image d'origine            Vous envoye Dieu, de votre amye ;

            Pouldre de plains pour adoucir,
            Feille d'aultre que vous choisir
            Et racine de jalousie,
            Et de tretout la plus partie
            Mectés au cuer avant dormir
            Pour tous voz maulx d'amours guerir.  


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                                             Rondeau 31
                                                                                                                        cliscachart.eklablog.com
Afficher l'image d'origine            Le temps a quitté son manteau
            De vent, de froidure et de pluie,
            Pour revêtir la broderie
            Du soleil qui luit, clair et beau.

            Il n'y a bête ni oiseau
            Qui ne chante ou crie dans sa langue :
            " Le temps a quitté son manteau
            De vent, de froidure et de pluie ! "
           
            Rivière, source et ruisseau portent,
            Pour coquette livrée, des gouttes
            D'argent d'un ouvrage d'orfèvre ;
            Chacun prend de nouveaux habits :
            Le temps a quitté son manteau.


                                                Rondel XXXI

            Le temps a laissié son manteau
            De vent, de froidure et de pluye,
            Et s'est vestu de brouderie
            De soleil luyant cler et beau.

            Il n'y a beste ne oyseau                                                                   
           Qu'en son jargon ne chante ou crie
           " Le temps a laissié son manteau
           De vent, de froidure et de pluye.

           Rivière, fontaine et ruisseau
           Portent, en livrée jolie,
           Gouttes d'argent d'orfaverie ;
            Chascun s'abille de nouveau
            Le temps a laissié son manteau
            De vent, de froidure et de pluye.


                                                               Charles d'Orléans
           

dimanche 22 mai 2016

Portrait et Conversation Jules Huret - Paul Verlaine ( Nouvelle France )

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quizz.biz

                                       Enquête sur

                                                            l'Evolution littéraire
                                       Jules Huret, 1891

                                                       M. Paul Verlaine

            La figure de l'auteur de Sagesse est archi-connue dans le monde littéraire et dans les différents milieux du quartier Latin. Sa tête de mauvais ange vieilli, à la barbe inculte et clairsemée au nez busqué : ses sourcils touffus et hérissés comme des barbes d'épi couvrant un regard vert et profond : son crâne énorme et oblong entièrement dénudé, tourmenté de bosses énigmatiques, élisent en cette physionomie l'apparente et bizarre contradiction d'un ascétisme têtu et d'appétits cyclopéens. Sa biographie serait un long drame douloureux : sa vie un mélange inouï de scepticisme aigu et d'écarts de chair qui se résolvent en d'intermittents sadismes,
            Malgré tout, Paul Verlaine n'est pas devenu méchant ; ses accès de noire misanthropie, ses silences sauvages s'évanouissent vite au moindre rayon de soleil, quel qu'il soit. Il a cette admirable résignation qui lui fait déclarer avec un accent de douceur à peine absinthée :
            " - Je n'ai plus qu'une mère, c'est l'Assistance Publique. "
            J'ai dit l'autre jour l'influence que M. Stéphane Mallarmé lui reconnaît dans le mouvement poétique contemporain ; on verra ce qu'en pensent les jeunes qui le suivent. En attendant, voici comment il parle, lui d'eux.
            Je l'ai rencontré à son café habituel, le François-Premier, boulevard Saint-Michel. Il avait fait, dans la journée, des courses pour récupérer des ors, comme il dit ; et sous son ample mac-farlane à carreaux noirs et gris, rutilait une superbe cravate de soie jaune d'or, soigneusement nouée et fichée sur un col blanc et droit. Verlaine, chacun le sait, n'est pas très causeur ; c'est l'artiste de pur instinct qui sort ses opinions par boutades drues, en images concises, quelquefois d'une brutalité voulue, mais toujours tempérées par un éclair de bonté franche et de charmante bonhomie.  
Afficher l'image d'origine            Aussi il est très difficile de lui arracher sur les théories d'art des opinions rigoureusement déduites. Le mieux que j'aie à faire c'est de raconter de notre longue conversation ce qui a spécialement trait à mon enquête.
            Comme je lui demandais une définition du symbolisme, il me dit :
            " - Vous savez, moi, j'ai du bon sens ; je n'ai peut-être que cela, mais j'en ai. Le symbolisme ?... Comprends pas...Ça doit être un mot allemand... hein ? Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Moi, d'ailleurs, je m'en fiche. Quand je souffre, quand je jouis ou quand je pleure, je sais bien que ça n'est pas du symbole. Voyez-vous toutes ces distinctions-là, c'est de l'allemandisme ; qu'est-ce que ça peut faire à un poète que Kant, Schopenhauer, Hégel et autres Boches pensent des sentiments humains ! Moi je suis Français, vous m'entendez bien, un chauvin de Français, avant tout. Je ne vois rien dans mon instinct qui me force à chercher le pourquoi du pourquoi de mes larmes ; quand je suis malheureux, j'écris des vers tristes, c'est tout, sans autre règle que l'instinct que je crois avoir de la " belle écriture ", comme ils disent ! "
            Sa figure s'assombrit, sa parole devint lente et grave.
            " N'empêche, continua-t-il, qu'on doit voir tout de même sous mes vers... le gulf stream de mon existence, où il y a des courants d'eau glacée et des courants d'eau bouillante, des débris, oui, des sables, bien sûr, des fleurs, peut-être... "
            A chaque instant, dans les conversations de Verlaine, on est surpris et ravi par ces antithèses imprévues de brutalité et de grâce, d'ironie gaie et d'indignation farouche. Mais, je le répète, il est impossible de suivre rigoureusement la marche d'un entretien avec lui. Ce jour-là, il s'écartait à chaque instant du sujet et, comme je m'efforçais par toutes sortes de biais à le ramener au symbolisme, il s'emporta plusieurs fois, et frappant de grands coups de poing sur la table de marbre dont son absinthe et mon vermouth tremblaient, il s'écria :
            " - Ils m'embêtent, à la fin, les cymbalistes ! eux et leurs manifestations ridicules ! Quand on veut vraiment faire de la révolution en art, est-ce que c'est comme ça qu'on procède ! En 1830, on s'emballait et on partait à la bataille avec un seul drapeau où il y avait écrit " Hernani " Aujourd'hui c'est des assauts de pieds plats qui ont chacun leur bannière où il y a écrit " Réclame " ! Et ils l'ont eue leur réclame, une réclame digne de Richebourg... Des banquets... Je vous demande un peu... "
            Il haussa les épaules, et parut se calmer, comme après un grand effort. Il y eut un instant de silence. Puis il reprit :
            " - N'est-ce pas ridicule tout cela, après tout ! Le ridicule a des bornes, pourtant, comme toutes les bonnes choses... "
Afficher l'image d'origine *           Par bribes, il continua, la pipe constamment éteinte et rallumée :
           " - La Renaissance ! Remonter à la Renaissance ! Et cela s'appelle renouer à la tradition ! En passant par-dessus le XVIIè et le XVIIIè siècles ! Quelle folie ! Et Racine, et Corneille, ça n'est donc pas des poètes français, ceux-là ! Et La Fontaine, l'auteur du vers libre, et Chénier ! ils ne comptent pas non plus ! Non, c'est idiot, ma parole, idiot. "
            Toujours il haussait ses épaules, les lèvres avaient une moue dédaigneuse, son sourcil se fronçait. Il dit encore :
            Où sont-elles " les nouveautés " ? Est-ce que Arthur Rimbaud, et je ne l'en félicite pas, n'a pas fait tout cela avant eux ? Et même Krysinska ! Moi aussi, parbleu, je me suis amusé à faire des blagues, dans le temps ! Mais enfin je n'ai pas la prétention de les imposer en Évangile ! Certes je ne regrette pas mes vers de quatorze pieds ; j'ai élargi la discipline du vers, et cela est bon ; mais je ne l'ai pas supprimée ! Pour qu'il y ait vers, il faut qu'il y ait rythme. A présent on fait des vers à mille pattes ! Ca n'est plus des vers, c'est de la prose, quelquefois même ce n'est que du charabia... Et surtout,  ça n'est pas français, non, ça n'est pas français ! On appelle ça des vers rythmiques ! Mais nous ne sommes ni des Latins, ni des Grecs, nous autres ! Nous sommes des Français, sacré nom de Dieu !
            - Mais... Ronsard ?... hasardai-je.
            - Je m'en fous de Ronsard ! Il y a eu, avant lui, un nommé François Villon qui lui dâme crânement le pion  ! Ronsard ! Pfiff ! Encore un qui a traduit le français en moldo-valaque !
            - Les jeunes, pourtant, ne se réclament-ils pas de vous ? dis-je.
            - Qu'on prouve que je suis pour quelque chose dans cette paternité-là ! Qu'on lise mes vers ! "
            Sur un ton comique, il ajoute :
           " - 19, quai Saint-Michel, 3 francs ! "
            Puis :                                                                                                               stars-portraits.com
Afficher l'image d'origine            " -  J'ai eu des élèves, oui ; mais je les considère comme des élèves révoltés : Moréas, au fond, en est un.
            - Ah ! fis-je.                                                                                
            - Mais oui ! Je suis un oiseau, moi ( comme Zola est un boeuf, d'ailleurs ), et il y a des mauvaises langues qui prétendent que j'ai fait école de serins. C'est faux. Les symbolistes aussi sont des oiseaux, sauf restrictions. Moréas aussi en est un, mais non... lui, ce serait plutôt un paon... Et puis il est resté enfant, un enfant de dix-huit ans. Moi aussi je suis gosse... "
            Ici Verlaine prend sa posture coutumière : il redresse la tête, avance les lèvres, fixe son  regard droit devant lui, étend le bras.
            " - Mais un gosse français, cré nom de Dieu ! en outre ! "
            Et aussitôt il se mit à rire d'un rire bonhomme, vraiment gai, contagieux, qui me prit à mon tour.
            " - Comment se fait-il que vous ayez accepté l'épithète de - décadant - et que signifiait-elle pour vous ?
            - C'est bien simple. On nous l'avait jetée comme une insulte, cette épithète ; je l'ai ramassée comme cri de guerre ; mais elle ne signifiait rien de spécial, que je sache. Décadent ! Est-ce que le crépuscule d'un beau jour ne vaut pas toutes les aurores ! Et puis le soleil qui a l'air de se coucher, ne se lèvera-t-il pas demain ? Décadent, au fond, ne voulait rien dire du tout. Je vous le répète. C'était plutôt un cri et un drapeau sans rien autour. Pour se battre, y a-t-il besoin de phrases ! Les trois couleurs devant l'aigle noir, ça suffit, on se bat !... "
            - On reproche aux symbolistes d'être obscurs... Est-ce votre avis ?
            Oh ! je ne comprends pas tout, loin de là ! D'ailleurs, ils le disent eux-mêmes : - Nous sommes des poètes abscons - Mais pourquoi abscons tout court ? Si encore ils ajoutaient - comme la lune ! - en outre ! "
            De nouveau, il éclata de rire, et je fus bien forcé de l'imiter.
Afficher l'image d'origine**            A ce moment, il me sembla que la partie sérieuse de notre entretien prenait fin... Je me rappelai une réflexion que m'avait faite M. Anatole France, et je dis encore à Verlaine :
            " - Est-il vrai que vous soyez jaloux de Moréas ? "
            Il redressa le buste, improvisa un long geste du bras droit, se mouilla les doigts, se frisa rythmiquement la moustache et dit en appuyant :
            " - Voui !!! "
         


                                                Contrainte et Liberté

            Quelle est la meilleure conditions du bien social, une organisation spontanée et libre ou bien une organisation disciplinée et méthodique? Vers laquelle de ces conceptions doivent aller les préférences de l'artiste .

                                              Réponse de Paul Verlaine

            L'organisation disciplinée et méthodique en attendant que l'autre soit possible, ce qui me paraît un rêve. Je suis en fait de politique générale de l'avis de Joseph de Maistre, le rêve de Bakounine n'étant pas encore réalisable.


                                                      ***********************

                                         Réponse à l'enquête sur la crise de l'Amour

            1° L'amour est-il vraiment aussi malade que le disent les romanciers et beaucoup de gens du monde ?

            2° Quel serait le remède pour revenir à l'amour d'autrefois ?
                                                                                                                    quizz.biz  
Son nom n'a rien avoir avec le fait qu'il mange des guêpes, car il mange particulièrement des libellules. On peut le voir dans les clairières, les lisières, en climat chaud. Je vous présente :            " Les philosophes aimaient les belles formes. Leur coeur s'attachait de préférence aux nobles lignes que les beaux éphèbes déployaient dans les exercices du gymnase. Socrate aimait à s'entourer de figures idéales et se plaisaient à les regarder : sa morale lui en paraissait rehaussée. Virgile eut toujours un goût très vif pour les jeunes Romains ; ses églogues ont consacré le souvenir de ses passions et de ses jalousies. Certes, tout cela est hautement idéal. Mais quelques esprits délicats de nos jours, heurtés par le côté bassement matériel de l'amour, par le prosaïsme des rapports journaliers, frappé de l'incomplet des formes féminines, du manque d'esthétique de leur amitié, toujours peu sûre, ont jugé que la passion ordinaire ne pouvait jamais atteindre à ce haut point de désintéressement où se joue l'amitié entre hommes. L'amitié-passion, voilà le remède que vous cherchez.


                                                           Textes extraits des Oeuvres complètes en prose de
                                                                 Paul Verlaine 
                                                            éditions Gallimard

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