constantin guys
Extraits du Journal littéraire
22 février 1924
S'il est vrai qu'on n'est pas un grand homme pour son domestique, on court encore pire avec sa maîtresse.
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Dimanche 14 septembre 1924
*
Le pauvre Bailli est mort. Je l'ai trouvé mort dans son fauteuil......... J'ai eu toutes les peines du monde au moment de la découverte de la mort, à empêcher les concierges de prévenir commissaire de police..... J'ai dû leur dire : " Il y a une veuve.... " Il n'est pas gai pour un amant de perdre le mari de la maîtresse. Il est obligé d'entendre un panégyrique presque lyrique du défunt, recouvrant soudain toutes les qualités les plus exemplaires, après tous les quolibets et les injures dont on le couvrait de son vivant.
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léonor fini Samedi 28 mars 1925
Mon pauvre Riquet, le plus délicat de mes chats, que j'ai eu tout petit, de la marchande de lacets du Luxembourg en 1913, est mort cette nuit...... sur mon oreiller..... Que de nuits j'ai dormi ainsi : Riquet sur l'oreiller, Bibi dans le lit contre mon dos..... Madame Minne et Lolotte tout contre moi également..... C'est une grande société que je perds..... Quand je découchais, la bonne avait beaucoup de peine à le faire se résigner à rentrer sans moi dans la maison...... Comme cela fait penser combien le temps passe.....
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Lundi 27 février 1928
..... des jetons de présence aux séances de l'Académie. Cela amène Régnier à dire :
- Ainsi au "Figaro ", on veut faire une revue pour les enfants. On a formé un comité de lecture. Nous sommes six. Le jeton est de cent francs.
Valette lui demande :
- Et vous lisez ?
- Bien sûr que non. C'est un autre qui lit. Celui-là ne touche rien.
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Vendredi 15 juin 1928
L'après-midi, visite d'André Malraux..... Il va s'occuper chez Gallimard, de la publication d'une collection : les principaux écrivains français commentés par un écrivain d'aujourd'hui..... Il me propose de faire Chamfort. Quatre ou cinq pages. Cent francs la page...... Je me suis défendu ensuite d'être capable de rien écrire sur Chamfort, à moins de redire tout ce qu'on a dit.....
- On a dit par exemple que tout ce qu'a écrit Chamfort se ressentait de la syphilis qu'il a eue. Qu'est-ce que vous voulez qu'on dise de plus. A moins de faire le pédant.
Malraux me dit :
- C'est Gourmont qui a dit cela, n'est-ce pas, dans son introduction au volume des " Plus belles pages " ?
- Il a même dû penser à lui en écrivant cela.....
.... Malraux me dit qu'il a eu une heureuse surprise en s'occupant de cette affaire : le désintéressement qu'il a trouvé chez tous les écrivains auxquels il s'est adressé. Il n'en a trouvé que deux qui lui ont d'abord demandé combien on leur donnerait......
..... Finalement, il a été convenu que j'allais réfléchir pour Chamfort et que je lui donnerai une réponse dans les huit jours.......
André Malraux, garçon tout jeune, trente ans environ, l'air très intelligent, l'esprit très vif, ne parlant pas pour ne rien dire, et pas faiseur de compliments niais.
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Samedi 24 janvier 1931
...... Je suis à ma fenêtre. Il est une heure du matin. Un coq, tout près, se met à chanter. Un coq voisin lui répond. Il répète. Un coq plus loin lui répond. Puis un autre plus loin encore, puis un autre plus loin encore, le cercle de réponse s'étendait à chaque cri, les derniers arrivant très adoucis par la distance. Je voudrais bien qu'on m'explique la signification.
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Lundi 17 février 1941
Depuis le manque de chauffage, je travaille dans ma chambre à coucher, sur une affreuse petite table qui me vient du fléau. Des tiroirs. Je range dans l'un mes papiers, mon encrier, mes plumes d'oie...... mal poussé le tiroir. Je rentre ce soir, et je vois les deux premiers cahiers de mon " Journal 1941 " , les feuillets épars sur le parquet, certains salis, d'autres maculés d'encre, une page arrachée à mon petit " Misanthrope "....... Ce joli travail oeuvre de ma guenon, qu'à cause également du manque de chauffage je laisse libre depuis trois mois pour qu'elle puisse profiter du radiateur..... J'ai passé un moment à nettoyer...... et la guenon remise dans sa cage.
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Vendredi 22 mai 1942
11 heures et demie du soir
M.D. a acheté et apporté une tortue pour le jardin. Paméla..... Nous l'avons aussitôt mise dans le jardin. A son départ impossible de la retrouver..... dans toutes ces herbes
Lundi 25 mai 1942
Je viens de retrouver Paméla dans une place un peu dégagée, en plein soleil........
Elle a apporté une autre tortue : Florentine.
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Lundi 11 février 1946
marieclairidees.com
...... qu'est-ce que écrire ?....... Une maladie, une folie, une divagation, un délire, - sans compter une prétention !!!...... A y regarder d'encore plus près, la littérature, écrire, sont de purs enfantillages......
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Samedi 16 novembre 1946 9 heures et demie du soir
Je crains bien de perdre la Minette cette nuit. Elle vient de se traîner dans ma chambre où elle était comme tous ces jours-ci, allongée au chaud au coin du feu....... elle a trouvé la force de se hisser dans le bas de mon armoire àlinge, à la même place qu'elle a accouché..... : l'expérience m'a fait pleurer, jusqu'à sangloter, en couvrant la chère bête de baisers......
La guenon ne fait que pousser des cris de ne plus la voir dans ma chambre, sous ses yeux.
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postersplease.com Mardi 10 décembre 1946
J'ai remis tantôt à M. de Sacy, directeur du " Mercure "...... la valeur de trois numéros composés d'avance..... Il s'y trouve nombre de détails de mes relations avec Moreno à l'époque qu'elle jouait " La Sorcière " chez Sarah Bernhardt, que j'allais très souvent la chercher au théâtre, pour la ramener à sa porte rue Saint-Louis-en l'Ile, et les propos qu'elle me tenait là, sur l'état physique de Schwib, sa privation d'amour, que ce ne serait pas quand elle aurait 60 ans qu'elle pourrait le faire.
S'ajoutant à cela sa liberté de termes et de façons dans sa loge....... une sorte d'intimité assez significative également.
Evidemment c'est bien délicat de publier cela, et c'est même quelque peu indélicat. J'y ai bien réfléchi. Puis j'ai sauté le pas. Elle est beaucoup plus connue aujourd'hui qu'elle n'était à cette époque : tous les rôles au cinéma, son grand succès dans " La folle de Chaillot ".....
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Samedi 8 mars 1947
chatmania.fr
Le Chinois est devenu un être adorable, n'arrêtant pas de parler ; s'il est dehors et que je l'appelle, arrivant et grimpant l'escalier en bavardant, quand je me couche me rejoignant au lit avec toutes sortes de petits cris et de ronronnements........
Je l'ai beaucoup trop gâté, trop habitué à la bonne nourriture. Je lui achète du foie qui me coûte 100 francs la livre. Il s'y trouve quelques petites parties nerveuses. Il les laisse.......
Paul Léautaud poursuit son journal....
Il meurt le 22 février 1956
* mickaelbrana.wordpress.com
Extraits du Journal littéraire
22 février 1924
S'il est vrai qu'on n'est pas un grand homme pour son domestique, on court encore pire avec sa maîtresse.
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Dimanche 14 septembre 1924
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Le pauvre Bailli est mort. Je l'ai trouvé mort dans son fauteuil......... J'ai eu toutes les peines du monde au moment de la découverte de la mort, à empêcher les concierges de prévenir commissaire de police..... J'ai dû leur dire : " Il y a une veuve.... " Il n'est pas gai pour un amant de perdre le mari de la maîtresse. Il est obligé d'entendre un panégyrique presque lyrique du défunt, recouvrant soudain toutes les qualités les plus exemplaires, après tous les quolibets et les injures dont on le couvrait de son vivant.
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léonor fini Samedi 28 mars 1925
Mon pauvre Riquet, le plus délicat de mes chats, que j'ai eu tout petit, de la marchande de lacets du Luxembourg en 1913, est mort cette nuit...... sur mon oreiller..... Que de nuits j'ai dormi ainsi : Riquet sur l'oreiller, Bibi dans le lit contre mon dos..... Madame Minne et Lolotte tout contre moi également..... C'est une grande société que je perds..... Quand je découchais, la bonne avait beaucoup de peine à le faire se résigner à rentrer sans moi dans la maison...... Comme cela fait penser combien le temps passe.....
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Lundi 27 février 1928
..... des jetons de présence aux séances de l'Académie. Cela amène Régnier à dire :
- Ainsi au "Figaro ", on veut faire une revue pour les enfants. On a formé un comité de lecture. Nous sommes six. Le jeton est de cent francs.
Valette lui demande :
- Et vous lisez ?
- Bien sûr que non. C'est un autre qui lit. Celui-là ne touche rien.
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Vendredi 15 juin 1928
L'après-midi, visite d'André Malraux..... Il va s'occuper chez Gallimard, de la publication d'une collection : les principaux écrivains français commentés par un écrivain d'aujourd'hui..... Il me propose de faire Chamfort. Quatre ou cinq pages. Cent francs la page...... Je me suis défendu ensuite d'être capable de rien écrire sur Chamfort, à moins de redire tout ce qu'on a dit.....
- On a dit par exemple que tout ce qu'a écrit Chamfort se ressentait de la syphilis qu'il a eue. Qu'est-ce que vous voulez qu'on dise de plus. A moins de faire le pédant.
Malraux me dit :
- C'est Gourmont qui a dit cela, n'est-ce pas, dans son introduction au volume des " Plus belles pages " ?
- Il a même dû penser à lui en écrivant cela.....
.... Malraux me dit qu'il a eu une heureuse surprise en s'occupant de cette affaire : le désintéressement qu'il a trouvé chez tous les écrivains auxquels il s'est adressé. Il n'en a trouvé que deux qui lui ont d'abord demandé combien on leur donnerait......
..... Finalement, il a été convenu que j'allais réfléchir pour Chamfort et que je lui donnerai une réponse dans les huit jours.......
André Malraux, garçon tout jeune, trente ans environ, l'air très intelligent, l'esprit très vif, ne parlant pas pour ne rien dire, et pas faiseur de compliments niais.
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Samedi 24 janvier 1931
...... Je suis à ma fenêtre. Il est une heure du matin. Un coq, tout près, se met à chanter. Un coq voisin lui répond. Il répète. Un coq plus loin lui répond. Puis un autre plus loin encore, puis un autre plus loin encore, le cercle de réponse s'étendait à chaque cri, les derniers arrivant très adoucis par la distance. Je voudrais bien qu'on m'explique la signification.
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Lundi 17 février 1941
Depuis le manque de chauffage, je travaille dans ma chambre à coucher, sur une affreuse petite table qui me vient du fléau. Des tiroirs. Je range dans l'un mes papiers, mon encrier, mes plumes d'oie...... mal poussé le tiroir. Je rentre ce soir, et je vois les deux premiers cahiers de mon " Journal 1941 " , les feuillets épars sur le parquet, certains salis, d'autres maculés d'encre, une page arrachée à mon petit " Misanthrope "....... Ce joli travail oeuvre de ma guenon, qu'à cause également du manque de chauffage je laisse libre depuis trois mois pour qu'elle puisse profiter du radiateur..... J'ai passé un moment à nettoyer...... et la guenon remise dans sa cage.
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Vendredi 22 mai 1942
11 heures et demie du soir
M.D. a acheté et apporté une tortue pour le jardin. Paméla..... Nous l'avons aussitôt mise dans le jardin. A son départ impossible de la retrouver..... dans toutes ces herbes
Lundi 25 mai 1942
Je viens de retrouver Paméla dans une place un peu dégagée, en plein soleil........
Elle a apporté une autre tortue : Florentine.
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Lundi 11 février 1946
marieclairidees.com
...... qu'est-ce que écrire ?....... Une maladie, une folie, une divagation, un délire, - sans compter une prétention !!!...... A y regarder d'encore plus près, la littérature, écrire, sont de purs enfantillages......
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Samedi 16 novembre 1946 9 heures et demie du soir
Je crains bien de perdre la Minette cette nuit. Elle vient de se traîner dans ma chambre où elle était comme tous ces jours-ci, allongée au chaud au coin du feu....... elle a trouvé la force de se hisser dans le bas de mon armoire àlinge, à la même place qu'elle a accouché..... : l'expérience m'a fait pleurer, jusqu'à sangloter, en couvrant la chère bête de baisers......
La guenon ne fait que pousser des cris de ne plus la voir dans ma chambre, sous ses yeux.
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postersplease.com Mardi 10 décembre 1946
J'ai remis tantôt à M. de Sacy, directeur du " Mercure "...... la valeur de trois numéros composés d'avance..... Il s'y trouve nombre de détails de mes relations avec Moreno à l'époque qu'elle jouait " La Sorcière " chez Sarah Bernhardt, que j'allais très souvent la chercher au théâtre, pour la ramener à sa porte rue Saint-Louis-en l'Ile, et les propos qu'elle me tenait là, sur l'état physique de Schwib, sa privation d'amour, que ce ne serait pas quand elle aurait 60 ans qu'elle pourrait le faire.
S'ajoutant à cela sa liberté de termes et de façons dans sa loge....... une sorte d'intimité assez significative également.
Evidemment c'est bien délicat de publier cela, et c'est même quelque peu indélicat. J'y ai bien réfléchi. Puis j'ai sauté le pas. Elle est beaucoup plus connue aujourd'hui qu'elle n'était à cette époque : tous les rôles au cinéma, son grand succès dans " La folle de Chaillot ".....
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Samedi 8 mars 1947
chatmania.fr
Le Chinois est devenu un être adorable, n'arrêtant pas de parler ; s'il est dehors et que je l'appelle, arrivant et grimpant l'escalier en bavardant, quand je me couche me rejoignant au lit avec toutes sortes de petits cris et de ronronnements........
Je l'ai beaucoup trop gâté, trop habitué à la bonne nourriture. Je lui achète du foie qui me coûte 100 francs la livre. Il s'y trouve quelques petites parties nerveuses. Il les laisse.......
Paul Léautaud poursuit son journal....
Il meurt le 22 février 1956
* mickaelbrana.wordpress.com