Lettre à Madeleine
( lettres des 12 et 13 septembre.Chacun raconte son quotidien attend avec impatience la future éventuelle permission d'Apollinaire affirme son sentiment amoureux.Le poète écrit à " son Madelon " et lui écrit " ... tu es ma rose et mon lys... "
14 septembre 1915
( lettres des 12 et 13 septembre.Chacun raconte son quotidien attend avec impatience la future éventuelle permission d'Apollinaire affirme son sentiment amoureux.Le poète écrit à " son Madelon " et lui écrit " ... tu es ma rose et mon lys... "
14 septembre 1915
Mon amour tu es un amour et me donne chaque jour des joies nouvelles.Il est vrai que j'attendais après ta lettre d'hier une lettre où il devait y avoir tant de détails et de choses - Elle n'est pas venue cette lettre - Mais ta lettre du 9 m'a fait tout de même un plaisir exquis . Tu m'y parles de l'exquise délicatesse de tes pieds que j'adore et tu me dis que chaque fois que je me suis intéressé à une partie de ta petite personne de Madelon à moi c'est toujours c'est toujours ce que tu as de mieux que j'ai aimé. Et là tu nous calomnies l'un et l'autre, mon amour, car il n'y a rien en toi que je n'aime.Je t'ai vu juste assez pour savoir que j'aime tout de toi.Je t'ai vu juste assez pour savoir que j'aime tout de toi car tu es pleine de grâces et il n'y a rien en toi qui ne soit parfaitement aimable et le plus petit brin de ma Madeleine est la beauté même avec toutes ses séductions. Toutefois, j'ai compris que sans doute tu as voulu dire que quand je me suis intéressé dans mes lettres à une partie de ta personne adorable je t'en ai révélé la perfection.Voilà tout. N'est-ce pas cela ? Et voilà mon imagination en marche ... à quoi me suis-je intéressé ? Tu m'en reparleras longuement de tout ce que j'ai mis en évidence dans mes lettres. Ce sont autant que je me souvienne, tes mains tes chères mains pour qui j'ai limé le métal lunaire, ce sont tes cheveux ces grappes de raisins noirs dont une grappe est là et je la regarde extasié comme les Hébreux contemplèrent la grappe venue du pays de Chanaan.C'est ta bouche exquise dont tes bonbons m'ont apporté l'incorruptible saveur, cette bouche rouge qui est à moi et que je mords mon amour.Ce sont aussi tes seins et ce que tu dis dans ta lettre me donne une haute idée de leur adorable perfection et je ne peux songer à ce couple de pigeons sans souhaiter pouvoir les baiser, les caresser avec les précautions qu'on doit prendre pour toucher d'aussi précieuses choses.On moula dit-on, une tasse sur le sein parfait de Marie-Antoinette, je moulerai ma bouche sur le tien et ce sera la tasse où tu boiras : ce sont encore te pieds tes pieds si mignons et si sensibles. Je les adore. - Il y a dit-on un vice ou plutôt une déformation du sentiment qui consiste à aimer les pieds par-dessus tout et partant les chaussures.Je n'ai certes pas ce défaut qui ressortit à la psychopathie sexuelle.C'était le vice de Restif de la Bretonne, il nous a valu, sur ses propres indications, les gracieuses gravures de Binet. C'est au demeurant un vice très répandu en Angleterre et dans les pays germaniques.Mais en faveur de ton pied très chéri et si vivant je me sens prêt à l'adoration. Pour le demeurant je m'intéresse à toutes tes beautés ma chérie et sans avoir de vice spécial à me reprocher ou à nourrir, je voudrais les avoir tous pour mieux t'aimer. En attendant je presse en imagination ton corps chéri contre moi et je songe aussi à la souplesse de ta taille et à sa rondeur. Je crois t'avoir mentionné aussi une fois tes toisons, ma toute brune, et il est vrai que leur évocation m'émeut très profondément.
Pourquoi demandes-tu s'il est possible que nos corps s'aiment autant que nos âmes ? Il est vrai que l'amour physique est - à ce qu'il semble - limité. Mais nous reculerons indéfiniment ces limites.
J'ai lu moi-même peu de Dostoïewsky, j'ai feuilleté plutôt que lu l'Idiot ; j'ai lu une mauvaise adaptation de souvenirs sur la Sibérie et j'ai vue jouer Les Frères Karamazov. Je le connais cependant mais il m'attriste et m'abaisse.C'est pourquoi il me répugne un peu bien que je reconnaisse son grand talent et puis il a le détail psychologique plus important que le détail réaliste.J'aime une balance parfaite entre ce deux éléments littéraires.L'auteur russe que je préfère et que je mets près de Shakespeare Flaubert Cervantes La Fontaine Molière c'est Gogol, ce Petit Russien délicieux , ce poète adorable, dont au demeurant j'ai trop peu lu.J'avais commencé Tarass Boulba, ce roman m'enchantait , je l'ai perdu après le 1er chapitre dans le train avec un roman à moi sur la fin du monde : La Gloire de l'olive il devait paraître dans la Revue Blanche et je n'ai jamais eu le courage de le reprendre ( mon roman, pour celui d Gogol, je n'ai jamais pu m'en procurer un autre exemplaire ).
J'ai savouré les Âmes morte et je le relirai volontiers plus tard....
...................( à suivre )
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