( Lettre 196 )
Mi-novembre 1914
Cher Reynaldo
Quand vous n'êtes pas la Guerre d'aujourd'hui ( et à la 100è puissance ) vous en êtes le St Simon. Ne vous " épanchez " pas trop avec la personne que vous me dites, excellent en effet mais extrêmement réactionnaire, et qui peut'être vous approuve par timidité. D'autre part ce que vous me dites sur la folie menaçante de l'un de vous m'afflige et m'intéresse. A quoi discernez-vous, donnez-moi des exemples. Avez-vous dit à Hermann que je m'étais souvent informé de lui. Je ne voudrais pas que sa conduite indécente de l'été dernier lui fît croire que je garde des rancune jusque dans l'Enfer qu'est l'époque actuelle et dont il n'y avait pas besoin des horreurs comme eût dit St Simon ( l'autre qui n'écrivait pas si bien que vous ) pour que j'oubliasse ses incartades et me souvienne seulement de ses obligeances. Quant au pauvre Henri Bardac à qui vous n'avez certainement pas transmis mes sympathies je désire les lui écrire. Savez-vous son adresse.( Les lui écrire est Frey etc. mais c'était pour éviter une fausse interprétation. ) J'ai écrit une lettre que je croyais charmante à M. Guillaume Lyon. Il n'a jamais répondu ( non plus que Wilde etc etc etc ). Je croyais qu'absorbé par la tristesse, il ne pouvait penser à rien d'autre. Mais j'ai vu dans les journaux qu'il adressait des appels : " Sus aux maisons austro-allemandes ! etc. " Si vous pouviez écrire un mot à La ( Croyez-vous que je ne peux pas trouver le nom de votre ancien secrétaire si gentil, d'une famille de robe ) pour son cousin de Monaco, les Agostinelli père et fils sont dans une extrême misère, le Casino de Monte Carlo doit paraît-il rouvrir prochainement et comme beaucoup d'employés sont à la guerre ( ? ) il serait plus facile de les case. J'ai aussi recommandé le fils qui est un excellent mécanicien ou chauffeur au père Gautier Vignal par l'intermédiaire de son fils. Le père est un cocher de 1er ordre ( références Leonino etc ). Parsdon. A propos de noms commençant par La et qui ne sont ni Labruyère, ni La Moricière, ni La Bédoyère, j'ai lu avec tristesse la mort héroïque du jeune La Morandière. Mais est-ce lui ou son frère. Il s'appelait Guy. Cher Reynaldo je serais plus content si vous êtes interprète que dans les tranchées qui ne manqueraient pas par ce froid de vous en donner d'intestinales ; mais ce n'est pas sans risques, et malgré tout ce que vous dites d'Albi, quelque exaspération que vous éprouviez etc, c'et Albi. Le mot de Siyè convient aussi bien en temps de guerre qu'en temps de révolution, quand on ne peut rendre aucun service à la guerre, et qu'on pourra en rendre d'immenses en temps de paix. " Quieta non movere " est un autre proverbe que je vous invite à méditer. Si vous voulez lire des comptes-rendus de la guerre, ce n'est pas dans L'Homme libre qu'il faut les lire ( des plus médiocres ) mais dans l'admirable article ( j'ignore l'auteur ) que publie chaque jour en 1re page sous ce titre la Situation Militaire, le Journal des Débats. On "voit" les opérations. Le petit compte-rendu d'Hutin dans L'Echo de Paris, très inférieur était cependant assez net. Mais depuis qu'il a changé de place dans le journal il ne vaut plus rien. Le reste ne vaut pas
l'honneur d'être nommé. Vous ai-je raconté l'histoire de mon prêt à ma Tante. Si non ce sera pour ma prochaine lettre car je suis trop fatigué. Mon petit Reyaldo restez le plus que vous pourrez à Albi où du moins je n'ai pas ( au même degré ) à me dire :
l'honneur d'être nommé. Vous ai-je raconté l'histoire de mon prêt à ma Tante. Si non ce sera pour ma prochaine lettre car je suis trop fatigué. Mon petit Reyaldo restez le plus que vous pourrez à Albi où du moins je n'ai pas ( au même degré ) à me dire :
Mon frère a-t-il ce qu'i lui faut ?
Pour souper, bon gîte ? ( Je ne me soucie pas " du reste " dont la privation ne peut être qu'excellente ). ( Les deux pigeons La Fontaine ) arts-in-the-city.com
Adieu mon petit Albigeois et tâchez de la restez.
Marcel
P.S. - Avez-vous vu la mort de Casadessus le violoncelliste ( ce n'était pas le visiteur de Tolstoï n'est-ce pas ) et du jeune Gunzbourg, fils supposé de la Bne Guigui. Croyez-vous qu'il soit utile de me faire vacciner même si je ne suis pas pris ? Croiriez-vous que ce matin j'ai lu un article de Franc-Nohain croyant que c'était de Barrès et ne m'en suis pas aperçu. La puissance de la suggestion en art est énorme. Ne croyez pas ce que Bourget dit de Krauss ? C'et bensonges.
( Lettre 197 )
Novembre 1915
Cher Reynaldo
Sans pouvoir vous dire comme elles que je suis " du côté de l'Aurore " car je suis plutôt du côté du couchant et même couché, je vous dis comme les pauvres Cigognes " ne nous oubliez pas ! Aimez-nous ! " Reynaldo je ne peux vous écrire en détail étant un peu maladch, et malgré ma gde compétence comment l'union de la pureté de Rimsky et de la profondeur du vieux sourd ( Korsakov et Beethoven ) le nom de Rimsky est un blasphème car s'il dit les choses purement il a peu de choses à dire, et chez le vieux sourd l'expression est souvent alourdie. Dans vos valses est atteint l'absolue coïncidence ( au sens géométrique du mot ) où l'expression est tellement débarrassée de tout ce qui n'est pas ce qu'elle veut exprimer qu'il n'y a plus qu'une seule chose, art ou vie je ne sais pas, et non pas deux. Cher gentil, que vous devez être heureux dans votre malheur de vous être incarné pour toujours dans ces formes immortelles et comme vous devez vus f. de tous ennuis après cela ! Que je vous envie ! Vous avez plus d'Incarnations ( car c'est dans ce sentiment religieux que je les adore ) que Vichnou. Je dis plus dans préciser parce que je ne me rappelle plus combien il a de valses ( très moschant. Que dirait Suzette ! ) et que vous avez fait aussi d'autres petites choses dans votre vie, mais aucune aussi gentille, aussi sublime. Vous avez là vos filles immortelles que je préfère beaucoup à Leuctres et à Mantinée. Je voudrais vous copier le commentaire qu'on donne de l'andante du VIIè Quatuor. Cela pourrait être un commentaire de votre dernière valse. Mais même écrit par vous, tout commentaire étant en mots c'est-à-dire en idées générales, laisserait passerC cette particularité, intime, inexprimable, qui fait que les choses sont pour nous ce qu'elles ne sont pour pSCersonne au monde par exemple quand nous sommes ivres ( ivres de vin, ou de chagrin, ou de promenade, etc. ) et que votre musique va chercher au fond insondable de l'être de Reynaldo et nous rapporte, alors que Reynaldo lui-même en parlant ne pourrait nous le rendre. = Génie. gettyimages.fr
Marcel.
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