lundi 22 juillet 2024

Lettres à Reynaldo Hahn Marcel Prou.st 39 et 42 ( Correspondance France )


 





                                               Lettre 39

                                                 Juillet 1896

            Mon bon petit  Reynaldo
            Je vous ai télégraphié ma réponse. Je serai heureux que sans avoir les fatigues d'un nouveau voyage vous puissiez profiter un peu de suite de votre ' bonne Allemagne "  comme dit la Reine dans Ruy Blas. Je ne suis pas comme les Lemaire hostile à tous les endroits où nous ne pouvons pas être ensemble. Et ravi de vous savoir au calme je souhaite que vous y restiez le plus longtemps possible. Je vous jure que si les rares instants où j'ai envie de prendre le train pour vous voir tout de suite se rapprochaient et devenaient intolérables je vous demanderais de venir ou que vous reveniez. Mais cette hypothèse est tout à fait invraisemblable. Restez là-bas tant que vous y serez bien. Et je suis content - sans abnégation - que vous restiez. Seulement je serai bien content aussi, ah ! mon cher petit, bien bien content quand je pourrai vous embrasser, vous vraiment la personne qu'avec Maman j'aime le mieux au monde. Pour en finir sur les projets et très vite ( car je m'attache à ne rien vous écrire qui puisse vous agacer ou vous ennuyer ) si vous revenez je serai sans doute à Paris ou plutôt à Versailles avec Maman, c'est à dire tt près de votre petit St Cloud. Puis à la fin d'août j'irais avec Maman passer un mois ou un peu plus à la mer, près de votre Villers, Cabourg par exemple. Si vous aimez mieux Bex, j'irai à Bex avec Maman, ou peut-être sans elle, mais alors je crois qu'il faudra tt de même que j'aille avec elle à la mer qui je crois lui fera du bien. Mais peut'être beaucoup d'air élevé pourra-t-il le lui remplacer.
D'ailleurs elle ne veut passer qu'un mois avec moi voulant que le reste du temps que je me " distraie ". Seulement préférez-vous Bex à un autre endroit de Suisse. Si oui c'est convenu sinon on me dit que c'est si chaud, si brûlant. Et puis si nous ne pouvons pas nous voir du tout nous penserons l'un à l'autre. Pour les Lemaire je crois qu'elles partiront sous peu pour Dieppa. Puis Mme Lemaire compte louer qqe chose vers Versailles ( mais tout ceci est excessivement vague et " si vous voulez que je vous dise " je
crois qu'elle ira à Réveillon ) ( où Melle Suzette qui ne peut pas laisser seule sa " vieille tante " est
décidée à aller de ttes façon ) ( ici noter que Mme Lemaire qui se porte mal à Réveillon et ne peut y travailler hésite terriblement de peur d'ennuyer sa fille, tandis que sa fille n'a même pas songé une
minute à abandonner Réveillon. Je le remarque seulement et il ne faut pas conclure que je trouve la mère meilleure que la fille, car elles sont bonnes ttes deux et la fille est malgré tout plus tendre ). Mais elles sont parfaitement résignées à ne pas nous voir cet été. Seulement je crois que cela leur ferait plaisir si en octobre nous allions soit à Réveillon soit à la propriété de Mme Lemaire. Tu te serais tordu si tu avais assisté hier au retour de Clairin ( très changé de mine le pauvre homme ) ( et à qui comme un petit menteur j'ai dit que tu m'avais demandé de ses nouvelles dans ta dernière lettre ). Notre Edouard ayant blagué Clairin à Mme Lemaire elle le prend en pitié et le pauvre homme était déçu à voir tous ses souvenirs de flamme sur l'Egypte aller s'éteindre un à un au bord de Mme Lemaire immobile comme un lac souriant et perfide. Malgré cela ai bout de q.q. temps elle s'est mise à écouter avec cet air de sérieux profond que donne une profonde distraction, ses récits d'art. Ou plutôt je crois bien qu'elle écoutait et cela donnait à peu près ceci
            Clairin : " Car vous savez les Grecs, leur ont tout pris, je parle des Grecs d'Ionie. 
            Mme Lemaire : " Oui, oui. "
            Clairin : " Et alors on sort des têtes qui ressemblent toutes à ces têtes trop minces de la 4è dynastie qui sont au musée de Sienne. "
            Mme Lemaire : " Oh ! ç,a oui, ça doit être curieux. "
            Clairin : " Et leur Sphinx qu'ils appellent le Père de la Terreur. "
            Mmr Lemaire : " Oui, oui. "
            Clairin : " Il est bien nommé et ils se rendent si bien compte de cette impression qu'on a sous ce ciel d'Egypte. "
            Mme Lemaire, interrompt au nom d'Egypte : " Oui. Oui. "
            Clairin, reprenant : " Sous ce ciel d'Egypte, de nuits d'Egypte, où il semble que les étoiles vont tomber, que dans leurs peintures ils peignent leurs étoiles suspendues à une ficelle. "
            Mme Lemaore : " Oui ça doit être curieux ça, ça doit même être ( appuyant ) très curieux... ( Silence, en souriant )... notre Jotte... riant plus etc., etc
            Mme Lemaire a été ravie de la fête des Castellane. Au fond je ne sais pas trop bien ce que ça a dû être. Mme Lemaire m'a dit : " C'était tout à fait comme ai grand siècle, vous savez, du pur Louis XIV; " Mme de Framboisie m'a dit : " On se serait cru à Athènes " et notre Tur dit dans Le Gaulois "On se serait cru au temps de Lohengrin ". Vous comprenez que je n'ai pas des idées trop exactes sur l'époque que le " le jeune Comte " a reconstitué. Le Gaulois a été à ce propos plein de perles. Par exemple vous savez que pour dire que l'armée doit céder aux loi à la magistrature, les latins disaient "  " la toga étant le vêtement des hommes occupant des fonctions de ce genre, Meyer raconte que dans le ballet dansé à la fête Castellane, des guerriers terribles paraissent, mais bientôt de belles jeunes femmes se joignent à eux, les désarment et notre Tur s'écrie : Cedant arma togae ! Je n'ai pas la place de tout vous dire je n'ajoute que ceci. Vous savez qu'à cette fête il y avait 3 000 personnes Le Figaro ajoute solennellement : " Tout le grand monde parisien était là. Nous ne donnerons aucun nom. Car si le grand monde était là tout entier c'était incognito à cause de la mort de Mgr le duc de Nemours. " Comme ils ne portaient pas de masque, je me demande en quoi consistait l'incognito. Et c'est un bon truc pour aller dans le monde en étant en deuil. J'aurais mille autres choses à vous dire mais il se fait tard et je vous embrasse de tout mon cœur en vous priant d'embrasser votre sœur Maria.
                              
  familiscope.fr                                                  Marcel


                 Maman n'est pas trop mal. Elle me paraît prendre le dessus de son immense chagrin avec plus de force que je n'espérais. ( mort de son père )
                         .                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      Lettre 42

             Août-Septembre 1896

            Mon cher petit Reynaldo
            Pardonnez-moi de ne pas vous écrire. Mais je me promène beaucoup et à la suite de ce traitement et de ce rhume pris là je suis si fatigué que je n'ai pas beaucoup le courage d'écrire. Hier j'ai fait la pagination des 90 premières pages de mon roman ( Jean Santeuil ). J'ai fait venir de chez mon libraire La belle Gabrielle ( de Marquet collaborateur de Dumas nte de l'éd. ) mais outre l'ennui d'échanger Dumas contre Marquet, j'ai cru voir sans couper les pages que les personnages laissés en plan dans les 45è , Ermanton de Carminger, Rémy de Hardouin, Diane de Méridor, Henri III n'y figurent pas. Si ce n'est une suite qu'en ce sens que cela vient après dans " l'ordre des temps " j'aime mieux lire La Reine Margot ( y a-t-il Bussy, St Luc, Chico etc ) ou des Dumas d'une autre époque ( et ici reconseillez-moi ) ( j'aime mieux ceux où il n'y a pas d'amour, ni de passions sombres, surtout des coups d'épée, de la police à la Chico, de la royauté, de la bonne humeur et la victoire des Innocents ).  J'ai fini La Cousine Bette. Il y a vraiment des choses étonnantes. Mais il y a à la fin du 1er volume de Pt Royal de Ste Beuve ( appendice ) un éreintement de Balzac ( celui de La Cousine Bette ) par Ste Beuve,  c'est plus amusant que l'article Lemaitre sur Ohnet. J'ai été avt hier au Louvre. (  Aimez-vous Quentin Marsys l'homme qui a devt lui des pièces d'or,  une petite glace bombée qui représente ce qui se présente dans la rue, des perles etc  et à côté de lui sa femme ) et au Jardin des Plantes avec Mme Arman ( nte de l'éd. Belle sœur de Dumas ). Mais la ménagerie était fermée. Nous avons pourtant vu les ours. Ces fauves, les lions etc., ce sont vraiment eux Les Rois en Exil. Et leurs jungles etc etc ce sont bien les Paradis Perdus. Tout ce jardin si exotique et si parisien est d'une tristesse qu'augmentent encore les ravages du dernier ouragan. En revenant nous avons aperçu Mr France qui marchait le long des quais. Nous avons fait arrêter la voiture et Mme Arman lui a dit d'un air de félicitation ironique ;                 pinterest.fr
            " - Hé bien , on va seul, comme cela, à ses petites affaires... C'est du joli... "
Avant ils s'étaient disputés à propos d'un libraire ou je ne sais quoi. Et M. France disait :
            " -Non n'est-ce pas Madame vous voulez à la fois n'est-ce pas ne pas payer ce que vous devez, avoir la satisfaction de votre conscience et forcer l'estime de vos amis. Hé bien ( en riant beaucoup ) non, tout de même c'est trop, n'est-ce pas oui, enfin tout de même, vous ne paierez pas, vs aurez même la satisfaction de votre conscience, car elle n'est pas exigeante oh non, mais l'estime de vos amis, non tout de même, ça c'est impossible. "
Et Mme Arman un peu triste aivt dit :
            "- Monsieur, vous êtes trop désagréable, fichez moi la paix. "
Qd elle a été partie M. France m'a fait son éloge et m'a dit :
            " - Elle a tout de même un joli tour d'esprit pour une femme si bonne, car elle est très bonne Made Arman. "
C'est vrai qu'elle est charmante. Mon petit écrivez-moi tt de suite si maintenant que vous réaimez la mer, vous y resterez avec moi non à Villers mais tt près au-delà du 15 etc. Détaillez, aimez-moi, ( votre " sur le sable couchées " était aussi un merveilleux trait de style )
            Je vous embrasse
             
            Marcel

            Egayez-vous à cette vieille dépêche de Cazalis reçue Mt Dore pour laquelle ns avons dû payer près de 3 fs et qui a exaspéré chez Maman les instincts, également lésés, de la concision et de l'économie. Vous ai-je écrit que dernièrement Coco Madrazo rencontré à l'heure du dîner est monté dîner chez moi ?  Je crois que oui mais je ne sais plus

            
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lundi 15 juillet 2024

Les abeilles grises Andreï Kourkov ( Roman Ukra


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                                                    Les abeilles grises

            Le Dombash Ukraine. Deux hommes, amis-ennemis depuis l'enfance se retrouvent seuls habitants d'un village déserté. Février et la neige tomba en abondance, électricité coupée, Sergueïtch et Pashka résistent. Le premier, apiculteur, n'a faite allégeance qu'à ses abeilles, dans une zone grise, le second pro - séparatiste reçoit des subsides de ses contacts, pain frais et autres. Chauffés par un feu alimenté par une livraison annuelle de charbon livré par des baptistes tous deux résistent à l'hiver rigoureux. Sergueïtch, pour échapper à la monotonie de ses repas de millet, sarrazin parfois un plat de kasha, parvient à échanger quelques pots de miel contre des œufs, n'ayant plus de hryvnia pour payer en monnaie. Dans le calme absolu quelques rappels de la guerre brisent les souvenirs de l'apiculteur, divorcé d'une épouse mal perçue dans leur village, parfois vêtue d'une robe rouge imprimée de fourmis noires, retournée dans une ville avec leur fille, elle est infirmière. Le printemps arrive et pour permettre à ses abeilles de profiter de la nouvelle floraison sans risquer la mort et loin du bruit qui les rend nerveuses, leur maître installe les six ruches sur une remorque tirée par sa grosse et vieille Tchétviorka. Retraité des mines, des séquelles de maladie, toux du charbonnage, fragilisé mais calme il traverse des zones coupées de postes de douane et arrive en Crimée dans une petite ville près de Sébastopol après quelques jours de route et de nouveaux incidents. Dans le bourg où il s'installe, des Tatars, musulmans, il apprend la mort de celui qu'il croyait son ami et qui n'était en fait qu'une rencontre lors d'un congrès d'apiculteurs. Outre l'aspect social l'auteur conte ses réflexions sur le cours de la vie et sa profonde sympathie pour les abeilles, la récolte du miel, l'appareillage. Paisible et bon homme, les poches remplies de roubles, surveillé par les service secrets, un homme venu du Dombash avec six ruches ! repartira-t-il sans dommage dans son petit village désert  hors son ami-ennemi. Des lourdeurs dans l'écriture il reste une bonne histoire basée sur des faits connus, deux personnages - prétextes à deux positions différentes face aux événements improbables. Ainsi donc une bonne histoire, un homme paisible, sentimental et nostalgique, campeur, ayabt appris ç chasser les faux bourdons. C'est la saison des lectures, des abeilles au travail.                    












 

            

            


















lundi 1 juillet 2024

Lettres à Reynaldo Hahn Marcel Proust extraits 2 ( Correspondance France )

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                       ( Lettre 27 )

                                      novembre 1895

            Dîner hier chez les Daudet avec mon petit genstil, M. de Goncourt, Coppée, Mr Philips, Mr Vacquer. Constaté avec tristesse
1° l'affreux matérialisme, si extraordinaire chez des gens " d'esprit ". On rend compte du caractère,  du génie par les habitudes physiques de la race. Différences entre Musset, Baudelaire, Verlaine expliquées par la qualité des alcools qu'ils buvaient, caractère de telle personne par sa race ( antisémitisme ). Pus étonnant encire chez Daudet pur esprit brillant encore à travers les ténèbres et les houles de ses nerfs, petite étoile sur la mer. Tt cela est bien peu intelligent. C'est la conception la plus bornée de l'esprit ( car tt est conception de l'esprit  que celle où il n'a pas encore assez  conscience de lui et se croit dérivé du corps?
2° aucun d'eux ( je mets tt le temps en dehors Reynaldo dans l'esprit duquel je ne cesse d'admirer toutes les nuances de la vérité, assez exactement et aussi subitement que ttes les nuances du ciel dans la mer ) n'entend rien aux vers. Une comparaison de Daudet entre Musset et Baudelaire est vraie à peu près comme si on disait à qq'un qui ne connaîtrait ni Madame Sraus ni ma concierge : Madame Straus a des cheveux noirs, des yeux noirs, le nez un peu gros, les lèvres rouges, la taille assez belle - et de ma concierge la même chose  et qui dirait - mais elles sont pareilles. En effet un grand essoufflement de la rhétorique peut faire rapprocher Musset au pt de vue de la composition de Musset de celle de Baudelaire quoiqu'ils aient à peu près autant de rapport que Bossuet et Murger. Quelqu'un qui n'aurait jamais vu la mer et à qui on raconterait ses impressions pourrait supposer que c'est la même chose que des montagnes russes. Qqun qui ne sent pas la poésie, et qui n'est pas touché par la vérité n' jamais lu Baudelaire. D'où ces assertions que Coppée et Goncourt ont soutenues.
3° Phrase de Daudet ( dans le jardin du directeur ) extrêmement Daudet, esprit d'observation et qui pourtant sent le renfermé, un peu vulgaire et trop prétentieux malgré une extrême finesse. C'est la Céline Chaumont du roman.                                                                          lesamisdelamusiquefranaise-dkc.com/         
4° Madame Daudet charmante, mais combien bourgeoise. Un malheureux jeune homme arrive, ne connaissant que son fils qui n'était pas là. Ella a tout fais, malgré elle sans doute, pour le glacer, au bout de 5 minutes il était " l'intrus ", et de temps en temps elle disait, je ne connais pas Mr je le vois pr la 1re fois. A moi déjà la 1ère fois qu'allant la voir je la remerciais de m'y avoir autorisé elle me répondait :
" M. Hahn me l'avait demandé " mot énorme ! L'aristocratie qui a bien ses défauts aussi reprend ici sa vraie supériorité, où la science de la politesse et l'aisance dans l'amabilité peuvent jouer cinq minutes le charme le plus exquis, feindre une heure la sympathie, la fraternité. Et les juifs aussi ( détestés là au nom de quel principe, puisque celui qu'ils ont crucifié y est également banni, et du mariage du fils etc. ) ont aussi cela, par un autre bout, une sorte de charité de l'amour propre,  de cordialité sans fierté qui a son grand prix. Que Madame de Brantes ou Madame Lyon que j'unis ici bien sincèrement font paraître pitoyable l'attitude de Madame Daudet vis à vis du pauvre M. Philipe. Au pt de vue de l'art être si peu maître de soi, savoir si peu jouer est affreux, accru par la vue de cette taille courte. Grâces détestables de Don Juan avec M. Dimanche, grâces niaises de M. de Florian, ou grâces antipathiques de X. on vs regrette presque. Mais toute l'intelligence et la sensibilité ( un peu trop agaçante et à faux parfois ) est ici en plus et bien intéressante. En somme personne charmante. Daudet est délicieux, le fils d'un roi Maure qui aurait épousé une princesse d'Avignon, mais trop simpliste d'intelligence. Il croit que Mallarmé mystifie. Il faut toujours supposer que les pactes sont faits entre l'intelligence du poète et sa sensibilité et qu'il les ignore lui-même, ou qu'il en est le jouet. C'est plus intéressant et c'est plus profond. Paresse ou étroitesse d'esprit à expliquer par un pacte matériel ( avec intention charlatanesque avec ses disciples. Si c'était cela cela ne ns intéresserait plus. Et cela ne peut pas être cela.

                    Lettre sans signature   
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                      ( Lettre 38 )

                                       ( Eté 1896 )

            Notre amitié n'a plus le droit de rien dire ici, elle n'est pas assez forte pour cela maintenant. Mais son passé me crée le devoir de ne pas vous laisser commettre des actes aussi stupides aussi méchants et aussi lâches sans tâcher de réveiller votre conscience et de vous le faire sinon avouer - puisque votre orgueil vous le défend - au moins sentir, ce qui pour votre bien est l'utile. Quand vous m'avez dit que vous restiez à souper ce n'est pas la première preuve d'indifférence que vous me donniez. Mais quand deux heures après, après nous être parlé gentiment, après toute la diversion de vos plaisirs musicaux, sans colère, froidement, vous m'avez dit que vous ne reviendriez pas avec moi, c'est la première preuve de méchanceté que vous m'ayez donné ( !! ). Vous aviez facilement sacrifié, comme bien d'autres fois, le désir de me faire plaisir, à votre plaisir qui était de rester à souper. Mais vous l'avez sacrifié à votre orgueil qui était de ne pas paraître désirer rester à souper. Et comme c'était un dur sacrifice, et que j'en étais la cause, vous avez voulu me le faire chèrement payé. Je dois dire que vous avez pleinement réussi. Mais vous agissez en tout cela comme un insensé. Vous me disiez ce soir que je me repentirais un jour de ce que je vous avais demandé. Je suis loin de vous dire la même chose. Je ne souhaite pas  que vous vous repentiez de rien, parce que je ne souhaite pas que vous ayez de la peine, par moi surtout. Mais si je  ne le souhaite pas, j'en suis presque sûr. Malheureux, vous ne comprenez donc pas ces luttes de tous les jours et de tous les soirs où la seule crainte de vous faire de la peine m'arête. Et vous ne comprenez pas que, malgré moi, quand ce sera l'image d'un Reynaldo qui depuis q.q. temps ne craint plus jamais de me faire de la peine, même le soir, en nous quittant, quand ce sera cette image qui reviendra, je n'aurai plus d'obstacle à opposer à mes désirs et que rien ne pourra plus m'arrêter. Vous ne sentez pas le chemin effrayant que tout cela a fait depuis q.q. temps que je sens combien je suis devenu peu pour vous, non par vengeance, ou rarement, vous pensez que non, n'est-ce pas, et je n'ai pas besoin de vous le dire, mais inconsciemment, parce que ma gde raison d'agir disparaît peu à peu. Tout aux remords de tant de mauvaises pensées, de tant de mauvais et bien lâches projets, je serai bien loin de me dire que je vaux mieux que vous. Mais au moins, au moment même, qd je n'étais pas loin de vous et sous l'empire d'une suggestion quelconque, je n'ai jamais hésité entre ce qui pouvait vous faire de la
peine et le contraire. Et si q.q. chose m'en faisait et était pour vous un plaisir sérieux comme Reviers, je n'ai jamais hésité. Pour le reste je ne regrette rien de ce que j'ai fait. J'en arrive à souhaiter que le désir de me faire plaisir ne fut pour rien;, fut nul en vous. Sans cela pour que pareilles misères auxquelles vous êtes plus attaché que vous ne croyez aient pu si souvent l'emporter il faudrait qu'elles aient sur vous une empire que je ne crois pas. Tout cela ne serait que faiblesse, orgueil et pose pour la force. Aussi je ne crois pas tout cela, je crois seulement que de même que je vous aime beaucoup moins, vous ne m'aimez plus du tout, et de cela mon cher petit Reynaldo je ne peux pas vous en vouloir.
            Rt cela ne change rien pour le moment et e m'empêche pas de vous dire que je vous aime bien tout de même. Votre petit Marcel étonné malgré tout de voir à ce point -                                                   
                                                                                                                                                                                                                                         proustonomics.com  
                   Que peu de temps suffit à changer toutes choses ( nte éd. Olympio Hugo )

et que cela ira de plus en plus vite. Réfléchissez à tout cela mon petit Blaise ( nte de l'édt. il s'agit de Pauvre Blaise de la Ctesse de Ségur ) et si cela nourrit votre pensée de poète et votre génie de musicien, j'aurais du moins la douceur de penser que je ne vous ai pas été inutile.
            Votre petit Poney qui après cette ruade rentre tristement tout seul dans l'écurie dont vous aimiez jadis à vous dire le maître.

                                 Marcel