Lettre
à
Agnes Hughes
( 1871 ? )
Ma chère Agnes
Paresseuse que vous êtes ! Comment ? Il me faut diviser moi-même les baisers, dites-vous ? En vérité, je ne prendrai pas la peine de faire quoi que ce soit de ce genre ! Mais je vais vous dire comment procéder.
D'abord, vous prenez quatre des baisers , et... cela me rappelle une étrange aventure qui m'arriva hier à quatre heures et demie. Trois visiteurs vinrent frapper à ma porte, me priant de les laisser entrer. Et quand je la leur ouvris, à qui croyez-vous que j'eus affaire ? Vous ne le devinerez jamais. Eh bien, ce fut à trois chats ! N'est-ce pas curieux ? Pourtant ils avaient tous l'air si grognon et si désagréable que je pris le premier objet qui me tomba sous la main ( lequel n'était autre que le rouleau à pâtisserie ) et que je les aplatis tous trois comme des crêpes !
" Si, vous, vous venez taper à ma porte, dis-je, moi, je riposterai en vous tapant sur la tête. "
C'était justice, ne trouvez-vous pas ?
Votre affectionné
Lewis Carroll
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à
Agnes Hughes
( 1871 ? )
Ma chère Agnes
Revenons-en à ces chats, voulez-vous ? Bien entendu je ne les laissai pas étalés sur le sol comme des fleurs séchées ! Non, je les ramassai, et me montrai envers eux de la plus exquise gentillesse. Je leur prêtai, en guise de lit, un sous-main, car, voyez-vous, ils n'eussent pas été à l'aise dans un vrai lit : ils étaient trop minces. Par contre ils furent parfaitement heureux entre les feuilles de papier buvard, et chacun d'eux eut pour oreiller un essuie-plume. Ensuite, j'allai me coucher ; mais, d'abord, je leur prêtai les trois cloches du dîner, afin qu'ils sonnassent s'ils avaient besoin de quelque chose pendant la nuit.
Vous savez que j'ai trois cloches pour annoncer le dîner. La première ( qui est la plus grosse ), on la sonne lorsque le dîner est presque prêt. La seconde ( qui est sensiblement plus grosse que la première ), on la sonne lorsqu'il est tout à fait prêt ; et la troisième ( qui est aussi grosse que les deux autres réunies ) on la sonne aussi longtemps que je demeure à table. Donc, je leur avais dit qu'ils pouvaient sonner s'il leur arrivait d'avoir besoin de quelque chose ; et, comme ils ont sonné toutes les cloches, toute la nuit, je suppose qu'ils ont eu besoin d'une chose ou d'une autre ; seulement, j'avais trop grande envie de dormir pour m'occuper d'eux.
Dans la matinée, je leur donnai, pour leur petit déjeuner, de la gelée de queue de rat et des souris au beurre, et ils en furent mécontents au possible. Ils voulaient du pélican bouilli ; mais, bien sûr, je savais que ce ne serait pas bon pour eux. Aussi me contentai-je de leur dire :
" - Allez au numéro 2 de Firnborougn Road demander Agnes Hughes si vraiment c'est bon pour vous, elle vous en donnera. "
Puis je leur serrai la main à tous, leur fis à tous mes adieux, et les refoulai par le tuyau de la cheminée. Ils parurent fort marris de s'en aller ainsi et emportèrent avec eux le sous-main et les cloches. Je ne m'en avisai qu'après leur départ ; j'en fus alors, moi aussi ( bien que célibataire ), marri, et je souhaitai qu'ils revinssent. A qui ou à quoi se rapporte cet " ils " ? Peu importe.
Comment vont Arthur, et Amy, et Emily ? Est-ce qu'ils continuent d'arpenter Firnborough Road pinterest.frpour apprendre aux chats à faire des souris ( ou sourires ) aux souris ? J'aime beaucoup tous les chats de Firnborough Road.
Dites-leur que je les adore.
A qui ou à quoi se rapporte ce " leur ? "
Peu importe.
Votre ami affectionné
Lewis Carroll
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