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Lettre XXII
Où il est question de Lilie, mère du vaillant chevalier Théodoric
" Même si elle ne se battit point les armes à la main, ne faut-il pas louer le cœur de cette noble dame Lilie, qui fit une remontrance si mémorable à son fils Théodoric, chevalier très valeureux, pour lui faire reprendre le combat ?Je te raconterai cette histoire
Théodoric était à l'époque l'un des plus grands princes à la cour de l'empereur de Constantinople. C'était un homme d'une grande beauté et un chevalier aguerri. Il était également, grâce à l'éducation et à l'instruction qu'il avait reçues de sa mère, très valeureux et d'une conduite irréprochable.
Un joue, un prince nommé Odoacre s'attaqua aux Romains pour les écraser, eux et toute l'Italie.
Ils demandèrent secours à l'empereur de Constantinople. Celui-ci leur envoya une grande armée avec à sa tête Théodoric, le plus accompli de ses chevaliers. Or, comme il combattait en bataille rangée contre cet Odoacre, la fortune des armes se retourna se retourna contre lui et la panique le poussa à fuir vers Ravenne. Quand sa sage et valeureuse mère qui observait attentivement la bataille vit son fils prendre la fuite, elle fut accablée de douleur, car elle estimait qu'il n'était rien de plus honteux pour un chevalier que de fuir le champ de bataille. La majesté de son grand cœur lui fit oublier l'amour maternel : préférant voir son fils mourir dans l'honneur plutôt que de subir une telle honte, elle courut à sa rencontre, l'implora d'arrêter cette fuite infamante, de rassembler ses hommes et de retourner à la bataille.
Comme ses paroles demeuraient sans effet cette dame, enflammée de colère, souleva le devant de sa robe et lui dit :
" - Tu veux fuir, mon fils ! Alors rentre au ventre qui t'a porté ! "
Théodoric en fut si humilié qu'il cessa de fuir, rassembla ses troupes et retourna à la bataille. Brûlant de honte à cause de la remontrance maternelle, il combattit avec tant d'ardeur qu'il écrasa l'ennemi et tua Odoacre
Et c'est ainsi que l'Italie tout entière qui allait tomber aux mains de ses ennemis fut sauvée par l'intelligence d'une femme, et j'ose affirmer que l'honneur de cette victoire revient davantage à la mère qu'au fils. "
Christine de Pizan
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