dimanche 29 mai 2016

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 58 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

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alittlemarket.com

                                                                                                      1er Novembre 1661

            J'allai ce matin en voiture avec sir William Penn à Westminster et ayant terminé mes affaires avec Mr Montagu, je retournai auprès de sir William à Whitehall et de là ensemble à la taverne des Trois Tonneaux à Charring Cross où nous nous fîmes apporter l'ordinaire du patron et dînâmes fort bien. Fîmes ensuite monter le patron et sa jolie soeur, avec laquelle sir William Batten et sir William Penn ont le plus joyeux commerce, examinâmes certaines de leurs médailles qu'ils nous montrèrent. Puis partîmes pour le Théâtre voir " Les Gais Compères " et retour chez moi. Fûmes fort gais jusque tard, après avoir fait chercher son fils, sir William Penn, récemment venu d'Oxford. Après souper, nous nous quittâmes, et au lit.


                                                                                                            2 Novembre

            Au bureau toute la matinée. Allai chercher sir John Mennes, notre nouveau contrôleur de la Marine, avec sir William Penn, chez sir William Batten, et le conduisîmes à son poste, au bureau, première fois qu'il venait. Il semble aisé, et je suis heureux qu'il ait obtenu cette charge.
            Après le bureau allai à la Garde-Robe où je dînai, et l'après-midi conversation très agréable d'une ou deux heures avec milady. En voiture avec les jeunes demoisellese jusqu'à ma maison où je leur offris une collation. Les fis reconduire tard le soir chez elle, en voiture, par le capitaine Ferrer.
            Ce soir, j'étais dans mon cabinet et entendis Waynman, mon petit valet qui faisait sauter de la poudre, ma femme le grondait pour cela et un autre bruit. Je le fis monter et découvris qu'il avait mis de la poudre dans sa poche et en avait étourdiment approché une allumette qu'il croyait éteinte. L'allumette avait mis le feu à la poudre et celle-ci lui avait brûlé le flanc et la main qu'il avait plongé dans la poche pour éteindre le feu. Mais après l'avoir interrogé et l'avoir pris à mentir sur l'endroit et le jour où il avait acheté la poudre, je lui donnai une bonne correction. Cela me fit mal au coeur, mais je jugeai de le faire/ Fis un courrier, puis au lit.


                                                                                                         3 Novembre
herodote.net                                                                                           Jour du Seigneur
Résultat de recherche d'images pour "turner peintre portrait"            Aujourd'hui je n'ai pas mis le pied dehors, mais me purgeai, ce qui fit de l'effet, et toute la journée, comme j'en avais le loisir lus La Guerre Sainte de Fuller, acheté récemment, et m'essayai à composer une chanson à la louange de l'honnête homme, ce que je pense être, ouvert aux études et plaisirs de toutes sortes, mais ne réussissant rien qui me plût, je la jetai et ne poursuivis pas plus avant. Le soir, ma femme et moi soupâmes seuls d'un bon émincé de poule. J'eus grand plaisir à constater que ma fortune nous permet maintenant un plat comme celui-là. Le soir, au lit.


                                                                                                            4 Novembre

            Le matin, comme il pleuvait à verse, en voiture avec sir William Penn et ma femme à Whitehall, envoyai ma femme chez Mrs Hunt et allai avec lui chez Mr Coventry pour affaires. Envoyai chercher ma femme et reprîmes tous trois le chemin de la maison. Mais j'allai à la Mitre; chez Mr Rawlison, où Mr Pearse; le commissaire, nous avait procuré une excellente échine de boeuf et un plat d'os à moelle. Trouvai mon oncle Wight, le capitaine Lambert; un certain capitaine Doves, le commissaire Barber. Fort joyeuse compagnie. Après dîner je pris une voiture et allai chercher ma femme chez mon frère où je l'avais laissée. A l'opéra où nous vîmes " l'Esclave " dont autrefois nous raffolions et maintenant encore, bien que, c'est ce que nous pensons tous deux, moins bien joué ici
( nous en attendions trop ) qu'autrefois à Salisbury Court, à l'exception de Betterton. Pour nous, c'es, le meilleur acteur du monde. Retour à la maison en voiture. Je m'arrêtai en chemin chez mon oncle Whight, restai un moment, puis rentrai chez moi après ma femme. Et au lit.


                                                                                                     5 Novembre

            Au bureau toute la matinée. A midi vinrent dîner mon frère Tom et Mr Arminger. Nous fûmes fort gais, bûmes force vin et je partis ensuite prétextant mon travail, avec sir William Penn chez milady Batten, sir William étant à Chatham. Restâmes longtemps puis repartîmes au Dauphin. Avant cela j'allai chez moi voir si tout le monde était parti, les trouvai encore là, Arminger invitant ma femme à aller voir une pièce. Il essaie comme un benêt de lui faire la cour, mais c'est un âne. Dépense son argent chez Tom sinon je ne le jugerais pas digne de la moitié du respect que je lui témoigne. Au Dauphin sir William Penn, le capitaine Cocke et moi restâmes tard et bûmes beaucoup. Vîmes les gamins jeter leurs pétards dans la rue. C'est jour de fête scrupuleusement observé dans la Cité. Nous nous quittâmes enfin repassant chez milady Batten et aurions volontiers fait une partie de cartes, mais sir William Penn était si aviné que nous ne pûmes le persuader de jouer. Nous nous séparâmes donc, à la maison et au lit.


                                                                                                      6 Novembre
                                                                                                               grandpalais.fr 
Afficher l'image d'origine            Ce matin, alors que je sortais, racontai Mr Davenport et un de ses amis, un certain Mr Furbisher, avec qui je pris ma boisson du matin. Leur offris bon vin, anchois et huîtres marinées, les emmenai à la taverne du Soleil dans Fish Street où leur offris une bourriche de bonnes huîtres et force vin, envoyai chercher Mr William Bernard, fils de sir Robert épicier du coin, et fûmes fort gais. Cela me coûta beaucoup d'argent. A midi les laissai, la tête lourde de vin et, invité par un billet de Llewellyn arrivé ce matin avant le lever, j'allai chez Nick Osborne au bureau des substances où je vis sa femme, qu'il vient d'épouser, femme de bien, sérieuse, nouvellement installée dans leur maison. Nous mangeâmes un ou deux bons plats d'os à moelle et un autre de langue de boeuf pour dîner. Après quoi je pris congé et me rendis vite à Whitehall, m'arrêtant au passage chez Mr Moore, chez milord, le garde du Sceau privé, qui va enfin contraindre les clercs à présenter le tarif de leurs droits, ce qu'ils s'étaient si longtemps refusés à faire. Mais comme je ne m'associe pas à eux il éprouve grand respect
pour moi, me demande de présenter le tarif que j'applique pour la perception des droits, ce que je ferai promptement. Repartis et tentai de parler avec Tom Trice qui, j'en ai peur, prépare quelque mauvais tour, mais ne le pus, ce qui me tracassa. Retour chez moi et restai tard à mon luth avec plaisir. Puis au lit.


                                                                                                  7 Novembre 1661

            Ce matin vint un certain Mr Hill, envoyé par Mr Hunt le facteur d'instruments, pour m'enseigner le théorbe. Mais je n'aime ni sa façon de chanter, ni de jouer. et trouvai un biais pour m'en défaire. Au bureau, puis à dîner emmenai Mr Pett le commissaire, fûmes seuls, ma femme ne se sentant pas bien. Nous nous quittâmes ensuite, j'allai chez Tom Trice qui, en bref, me montra l'injonction qu'il avait préparée à l'intention de mon père et moi. Je lui promis d'y répondre. Je me rendis chez le Dr Williams, assez bien remis de sa maladie, et, après chez Mr Moore, pour prendre leur avis. Rentrai chez moi, tard, à pied, les idées plus claires, mais non satisfait. Trouvai chez moi des lettres de milord en provenance de Lisbonne, qui m'apprennent qu'il est en bonne santé. Me dit qu'il avait vu à la Cour, la veille du jour où il m'écrivit, le hego de Toro. Me préparai à me mettre au lit.
            Alors que je rentrais à la maison je m'arrêtai chez mon oncle Fenner qui me dit que Peggy Kite avait maintenant annoncé son intention d'épouser le tisserand, un gredin miséreux. Nous sommes résolus de ne pas nous mêler de ça et de ne pas la fréquenter.


                                                                                                 8 Novembre
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Afficher l'image d'origine            Ce matin levé tôt et chez milord le chancelier avec une lettre de milord. Causai avec lui et il me demanda si j'étais le fils de Mr Talbot Pepys qu'il avait connu autrefois à la Cour des Requêtes, et me parla avec beaucoup de prévenance. Puis à la Grand-Salle de Westminster. Les tribunaux étaient en session. Rencontrai le commissaire Pett. A midi, comme convenu, à la taverne du Soleil dans New Fish Street, où sir John Mennes, sir William Batten et nous tous devions dîner invités du capitaine Stoakes et du capitaine Clarke, et fûmes fort gais. Sir John Mennes, je le découvre à sa conversation, est un vrai gentilhomme, de plus fort cultivé.
            Après dîner à la Garde-Robe puis chez le Dr Williams qui m'accompagna ( sa première sortie depuis longtemps ), au bureau des Six Clercs pour m'y trouver un clerc capable de me conseiller dans le procès qui m'oppose à Tom Trice et, après les avoir entendus et me prodiguer quelque réconfort, allai chez mon frère Tom que j'emmenai voir mon cousin Turner au quartier du Temple. Reçus un avis que je n'aurais à payer que les 200 livres du principal, en fus fort aise. Rentrai chez moi.


                                                                                             9 Novembre

            Au bureau toute la matinée. A midi vinrent Mr Davenport, Philips, Mr William Bernard etFurbisher, comme convenu. Dîner et fûmes fort gais. Allai ensuite à la Garde-Robe où restai parler avec milady tout l'après-midi, jusque tard le soir. Miladay m'engagea vivement à faire des dépenses pour ma femme. Je la sentis plus pressante que d'habitude, fis semblant d'en convenir et résolus d'offrir à ma femme une parure de dentelle, devisâmes de ça et d'autres choses le plus gaiement du monde. Retour chez moi le soir.


                                                                                             10 Novembre
                                                                                    Jour du Seigneur  
Afficher l'image d'origine            A notre église le matin où prêchait Mr Mills. Puis seul à la Garde-Robe dîner avec milady, qui continue, comme hier, à m'exhorter à dépenser de l'argent pour ma femme. Mieux vaut, je pense, que je le fasse pour son honneur et le mien. La nuit dernière mourut Archibald, maître d'hôtel de milady, frère de Mrs Sarah, d'hydropisie, ce qui me fit de la peine.
            L'après-midi allai m'asseoir sur un banc dans l'église St Gregory, avec Mr Turner. Entendîmes une prière publique pour notre reine Catherine, la première où ses nom et qualités aient été mentionnés, et entendîmes le Dr Buck prêcher sur " Malheur à toi Chorazin ! etc ", texte à propos duquel il souleva une difficulté dont il remit à plus tard l'éclaircissemet : savoir pourquoi Dieu donnait les moyens de la grâce à des gens dont il savait qu'ils ne voudraient pas la recevoir et les refusait à d'autres qui, il le reconnaît  àlui-même, l'auraient reçue si elle leur avait été offerte et pour qui, de plus, elle aurait été efficace. J'aimerais l'entendre expliquer ce point quand il l'abordera. Retour ensuite chez moi, auprès de ma femme que j'accompagnai chez ma tante Wight. Restai un moment avec elles.. Puis rentrai à la maison. Allai chez sir William Batten où se trouvait le capitaine Cocke, et nous envoyâmes cherchez deux bouteilles de vin des Canaries à la taverne de la Rose. Ce vin me fit beaucoup de mal et m'indisposa toute la nuit. De fait rentrai à la maison si dérangé que je rechignai à dire les prières ce soir, ce que je fais toujours le dimanche. Ma femme s'en avisa, mes gens aussi, ce que je déplore.


                                                                                                  11 Novembre

            A la Garde-Robe et avec Mr Townshend et Morre à la Tête de Sarrasin manger une bourriche d'huîtres. Mr Moore et moi chez Tom Trice. Ai commencé à rédiger chez lui une réponse à l'injonction que m'adresse Tom pour cette session. Puis à la Garde-Robe pour dîner. Rencontrai, comme convenu, ma femme qui avait apporté, à ma demande, des dentelles parmi lesquelles milady l'aidera à choisir. Partis après dîner, laissant ma femme et milady tout occupées au choix de cette dentelle.
            Partis avec le capitaine Ferrer. Me mena dans une salle de jeu, que je voyais pour la première fois. L'entrée donnait dans les jardins de Lincoln's Inn au bout de Bellyard. Etrange folie des hommes qui y jouent et perdent tant d'argent. Je fus fort heureux de voir ce qu'est la vie d'un joueur. Elle me paraît fort misérable, sordide et indigne d'un homme.
            Il m'emmena ensuite dans une école de danse dans Fleet Street, où je vis danser un groupe de jolies filles, mais il ne me plaît pas, en mon for intérieur, que des jeunes filles soient exposées à tant de futilité.
            A la Garde-Robe. J'apprends que milady a approuvé le choix d'une dentelle de 6 livres pour ma femme. Je pris l'air content que le prix ne fût pas plus élevé, pensant en moi-même qu'il l'était trop, et je prie Dieu de bien vouloir m'accorder la force de me régler, moi et les dépenses de ma femme, afin que ma prodigalité n'entraîne nul dommage pour mes finances ni mon honneur ! Retour chez moi en voiture.


                                                                                                12 Novembre 1661
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Afficher l'image d'origine            Au bureau toute la matinée. Dînai seul à la maison. Sortis avec sir William Penn et ma femme voir " La foire de la Saint-Barthélémy " avec des marionnettes. Je l'ai déjà vue une fois et souvent sans manionnettes, et, bien que j'aime toujours autant cette pièce, je n'apprécie cependant pas du tout les marionnettes. Ensuite au Lévrier dans Fleet Street, où bûmes du vin de framboise et mangeâmes des saucisses. Retour à la maison fort gais.
            Holmes arriva aujourd'hui en ville, et nous attendons d'une heure à l'autre quel sort lui réservent le Duc et le roi pour la façon dont il a dernièrement laissé l'ambassadeur de Suède passer devant lui sans abaisser son pavillon.
       

                                                                                              13 Novembre

            Comme convenu nous allâmes tous présenter nos respects au Duc d'York, et le fîmes dans ses appartements, tandis qu'il mettait son habit de cavalier pour se rendre aujourd'hui, par mer, jusqu'aux Downs. Il porte le deuil de la grand-mère de sa femme, ce qui est considéré comme une belle niaiserie. Après que nous lui eûmes remis la lettre où nous lui exposions la situation déplorable de la Marine faute d'argent, il en renvoya l'examen à son retour et nous le quittâmes. Allai à la Grand-Salle de Westminster, puis voir la belle ! Pearse. A pied jusque chez milord Crew installé dans sa nouvelle maison tout à côté de celle où il vivait autrefois. Fus bien reçu par milord et sir Thomas avec qui j'eus une intéressante conversation. Il me dit fort sérieusement qu'à son avis le Parlement, qui reprend ses réunions la semaine prochaine, va causer bien du souci à la Cour et au clergé, ce qu'à Dieu ne plaise !. Mais les députés voient les choses menées d'un tel train par milord le chancelier et quelques autres,qui eux aussi touchent de l'argent, qu'ils ne le supporteront pas. Au théâtre où revis " Fils de son père ". Comme il pleuvait à verse je pris une voiture pour rentre, l'esprit fort préoccupé de la vie de dépenses que je mène. Elle me perdra, je le crains, après tant d'espérances, si je ne m'amende, car maintenant que je vais faire de grandes dépenses pour les toilettes de ma femme, il me faut renoncer à d'autres.
            Au lit, et cette nuit nous couchons pour la première fois dans la petite chambre verte où couchent les servantes, mais nous mîmes longtemps à persuader Nell d'y coucher, parce que j'y dors ainsi que ma femme, mais quand elle vit qu'elle avait le choix entre dormir là ou rester debout, elle finit par y coucher, après avoir fait bien des façons.


                                                                                               14 Novembre

Afficher l'image d'origine            Au bureau toute la matinée. A midi, comme convenu, au Soleil dans Fish Street à un dîner offert par le jeune Mr Bernard à moi, Mr Philips, Davenport, Weaver, etc. Ce fut excellent, avec un pâté fait d'un savoureux mélange de bonnes choses les plus variées, comme je n'en n'avais jamais goûté de ma vie. Le capitaine Lambert vint me voir pour me dire adieu, car il prend la mer aujourd'hui pour le détroit de Gibraltar. Nous bûmes à son départ et à la santé de tous les amis. Fûmes fort gais, et bûmes du vin en suffisance. Ensuite au quartier du Temple chez Mr Turner à propos du mémoire qu'il me faut présenter à la Cour de la chancellerie contre Tom Trice. A Salisbury Court où Mrs Turner est venue ce soir, mais souffrant encore d'une fièvre, ce qui fait peine à voir. A la Garde-Robe où je causai avec milady, puis rentrai chez moi, et au lit.


                                                                      à suivre 15 novembre

            .........../ A la maison toute........../
            

vendredi 27 mai 2016

Ballade 48 Rondeau 119 Rondeau 31 Charles d'Orléans

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detentejardin.com

                               
                                             Ballade 48

            Vous dormez trop longtemps, mon coeur,
            Dans la douleur et l'affliction :
            Veuillez ce jour vous éveillez !
             Allons au bois cueillir le mai
             Pour obéir à la coutume !
             Nous allons entendre le chant
             Des oiseaux dont les bois résonnent,
             Ce premier jour du mois de mai.
                                                                                                                                                                 
            Le dieu d'Amour est coutumier                                                      cabschau.centerblog.net
UN PETIT LAPIN AU MILIEU DES FLEURS            De donner une fête ce jour
            Pour réjouir les coeurs aimants
            Qui voudraient être à son service :
            Aussi fait-il couvrir les arbres
            De fleurs et les prés de vert clair,
            Pour donner du lustre à la fête,
            Ce premier jour du mois de mai.

            Je sais, mon coeur : Danger perfide
            Vous inflige plus d'une peine,
             Il vous met trop de distance
             De celle que vous désirez.
            Pourtant il vous faut vous distraire
            Je ne peux pas mieux vous conseiller
            Pour émousser votre douleur
            Ce premier jour du mois de mai.

                                                 Envoi

            Ma dame, mon seul souvenir,
            Cent jours ne me suffiraient pas
            Pour vous détailler tout le mal
            Dont mon coeur souffre le martyre,
            Ce premier jour du mois de mai.


                                             Ballade XLVIII

            Trop long temps vous voy sommeiller,
            Mon cueur, en dueil et desplaisir ;                                               
            Veuilliez vous ce jour esveillier !
            Alons au bois le may cueillir
            Pour la coustume maintenir !
            Nous orrons des oyseaulx le glay                                                              
Image associée            Dont ilz font les bois retentir
            Ce premier jour du mois de may.

             Le dieu d'Amour est coustumier
             A ce jour de feste 
             Pour amoureux cueurs festïe,
             Qui désirent de le servir :
             Pource fait les arbres couvrir
             De fleurs et les champs de vert gay,
             Pour la feste plus embellir,
            Ce premier jour du mois de may.

            Bien sçay, mon cueur, que faulx Dangier
            Vous fait mainte paine souffrir,
            Car il vous fait trop eslongnier
            Celle qui est vostre desir,
            Pour tant vous fault esbat querir :
            Mieulx conseillier je ne vous sçay
            Pour vostre douleur amendrir
            Ce premier jour du mois de may.

                                               L'envoy

            Ma dame, mon seul souvenir,
            En cent jours n'auroye loisir
            De vous raconter tout au vray
            Le mal qui tient mon cueur martir
            Ce premier jour du mois de may.


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                             Rondeau 119

                                  Recette

            En remède à vos maux d'amour
            Prenez la fleur de souvenir
                                                                  Avec le suc d'une ancolie,
                                                                  Et n'oubliez pas le souci ;
 fr.clipart.me                                                     Mélangez tout en fâcherie.
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                                 La plante du désir de loin,
                                 Poire d'angoisse en émollient,
                                 Dieu, pour l'amie, vous les adresse ;

                                  Poudre de plaintes en calmant, de loi
                                  Feuille de l'élection d'un autre
                                  Et racine de jalousie :
                                  Mettez l'essentiel sur le soeur
                                  Juste avant de vous endormir
                                  En remède à vos maux d'amour.


                                                     Recepte

            Pour tous voz maulx
            Prenez la fleur de souvenir
            Avec le just d'une ancollie,
            Et n'obliés pas la soussie, 
            Et meslez tout en desplaisir.

            L'erbe de loing de son désir,
            Poire d'angoisse pour refreschir                                                    monotarcie.blogspot.com 
Afficher l'image d'origine            Vous envoye Dieu, de votre amye ;

            Pouldre de plains pour adoucir,
            Feille d'aultre que vous choisir
            Et racine de jalousie,
            Et de tretout la plus partie
            Mectés au cuer avant dormir
            Pour tous voz maulx d'amours guerir.  


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                                             Rondeau 31
                                                                                                                        cliscachart.eklablog.com
Afficher l'image d'origine            Le temps a quitté son manteau
            De vent, de froidure et de pluie,
            Pour revêtir la broderie
            Du soleil qui luit, clair et beau.

            Il n'y a bête ni oiseau
            Qui ne chante ou crie dans sa langue :
            " Le temps a quitté son manteau
            De vent, de froidure et de pluie ! "
           
            Rivière, source et ruisseau portent,
            Pour coquette livrée, des gouttes
            D'argent d'un ouvrage d'orfèvre ;
            Chacun prend de nouveaux habits :
            Le temps a quitté son manteau.


                                                Rondel XXXI

            Le temps a laissié son manteau
            De vent, de froidure et de pluye,
            Et s'est vestu de brouderie
            De soleil luyant cler et beau.

            Il n'y a beste ne oyseau                                                                   
           Qu'en son jargon ne chante ou crie
           " Le temps a laissié son manteau
           De vent, de froidure et de pluye.

           Rivière, fontaine et ruisseau
           Portent, en livrée jolie,
           Gouttes d'argent d'orfaverie ;
            Chascun s'abille de nouveau
            Le temps a laissié son manteau
            De vent, de froidure et de pluye.


                                                               Charles d'Orléans
           

dimanche 22 mai 2016

Portrait et Conversation Jules Huret - Paul Verlaine ( Nouvelle France )

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                                       Enquête sur

                                                            l'Evolution littéraire
                                       Jules Huret, 1891

                                                       M. Paul Verlaine

            La figure de l'auteur de Sagesse est archi-connue dans le monde littéraire et dans les différents milieux du quartier Latin. Sa tête de mauvais ange vieilli, à la barbe inculte et clairsemée au nez busqué : ses sourcils touffus et hérissés comme des barbes d'épi couvrant un regard vert et profond : son crâne énorme et oblong entièrement dénudé, tourmenté de bosses énigmatiques, élisent en cette physionomie l'apparente et bizarre contradiction d'un ascétisme têtu et d'appétits cyclopéens. Sa biographie serait un long drame douloureux : sa vie un mélange inouï de scepticisme aigu et d'écarts de chair qui se résolvent en d'intermittents sadismes,
            Malgré tout, Paul Verlaine n'est pas devenu méchant ; ses accès de noire misanthropie, ses silences sauvages s'évanouissent vite au moindre rayon de soleil, quel qu'il soit. Il a cette admirable résignation qui lui fait déclarer avec un accent de douceur à peine absinthée :
            " - Je n'ai plus qu'une mère, c'est l'Assistance Publique. "
            J'ai dit l'autre jour l'influence que M. Stéphane Mallarmé lui reconnaît dans le mouvement poétique contemporain ; on verra ce qu'en pensent les jeunes qui le suivent. En attendant, voici comment il parle, lui d'eux.
            Je l'ai rencontré à son café habituel, le François-Premier, boulevard Saint-Michel. Il avait fait, dans la journée, des courses pour récupérer des ors, comme il dit ; et sous son ample mac-farlane à carreaux noirs et gris, rutilait une superbe cravate de soie jaune d'or, soigneusement nouée et fichée sur un col blanc et droit. Verlaine, chacun le sait, n'est pas très causeur ; c'est l'artiste de pur instinct qui sort ses opinions par boutades drues, en images concises, quelquefois d'une brutalité voulue, mais toujours tempérées par un éclair de bonté franche et de charmante bonhomie.  
Afficher l'image d'origine            Aussi il est très difficile de lui arracher sur les théories d'art des opinions rigoureusement déduites. Le mieux que j'aie à faire c'est de raconter de notre longue conversation ce qui a spécialement trait à mon enquête.
            Comme je lui demandais une définition du symbolisme, il me dit :
            " - Vous savez, moi, j'ai du bon sens ; je n'ai peut-être que cela, mais j'en ai. Le symbolisme ?... Comprends pas...Ça doit être un mot allemand... hein ? Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Moi, d'ailleurs, je m'en fiche. Quand je souffre, quand je jouis ou quand je pleure, je sais bien que ça n'est pas du symbole. Voyez-vous toutes ces distinctions-là, c'est de l'allemandisme ; qu'est-ce que ça peut faire à un poète que Kant, Schopenhauer, Hégel et autres Boches pensent des sentiments humains ! Moi je suis Français, vous m'entendez bien, un chauvin de Français, avant tout. Je ne vois rien dans mon instinct qui me force à chercher le pourquoi du pourquoi de mes larmes ; quand je suis malheureux, j'écris des vers tristes, c'est tout, sans autre règle que l'instinct que je crois avoir de la " belle écriture ", comme ils disent ! "
            Sa figure s'assombrit, sa parole devint lente et grave.
            " N'empêche, continua-t-il, qu'on doit voir tout de même sous mes vers... le gulf stream de mon existence, où il y a des courants d'eau glacée et des courants d'eau bouillante, des débris, oui, des sables, bien sûr, des fleurs, peut-être... "
            A chaque instant, dans les conversations de Verlaine, on est surpris et ravi par ces antithèses imprévues de brutalité et de grâce, d'ironie gaie et d'indignation farouche. Mais, je le répète, il est impossible de suivre rigoureusement la marche d'un entretien avec lui. Ce jour-là, il s'écartait à chaque instant du sujet et, comme je m'efforçais par toutes sortes de biais à le ramener au symbolisme, il s'emporta plusieurs fois, et frappant de grands coups de poing sur la table de marbre dont son absinthe et mon vermouth tremblaient, il s'écria :
            " - Ils m'embêtent, à la fin, les cymbalistes ! eux et leurs manifestations ridicules ! Quand on veut vraiment faire de la révolution en art, est-ce que c'est comme ça qu'on procède ! En 1830, on s'emballait et on partait à la bataille avec un seul drapeau où il y avait écrit " Hernani " Aujourd'hui c'est des assauts de pieds plats qui ont chacun leur bannière où il y a écrit " Réclame " ! Et ils l'ont eue leur réclame, une réclame digne de Richebourg... Des banquets... Je vous demande un peu... "
            Il haussa les épaules, et parut se calmer, comme après un grand effort. Il y eut un instant de silence. Puis il reprit :
            " - N'est-ce pas ridicule tout cela, après tout ! Le ridicule a des bornes, pourtant, comme toutes les bonnes choses... "
Afficher l'image d'origine *           Par bribes, il continua, la pipe constamment éteinte et rallumée :
           " - La Renaissance ! Remonter à la Renaissance ! Et cela s'appelle renouer à la tradition ! En passant par-dessus le XVIIè et le XVIIIè siècles ! Quelle folie ! Et Racine, et Corneille, ça n'est donc pas des poètes français, ceux-là ! Et La Fontaine, l'auteur du vers libre, et Chénier ! ils ne comptent pas non plus ! Non, c'est idiot, ma parole, idiot. "
            Toujours il haussait ses épaules, les lèvres avaient une moue dédaigneuse, son sourcil se fronçait. Il dit encore :
            Où sont-elles " les nouveautés " ? Est-ce que Arthur Rimbaud, et je ne l'en félicite pas, n'a pas fait tout cela avant eux ? Et même Krysinska ! Moi aussi, parbleu, je me suis amusé à faire des blagues, dans le temps ! Mais enfin je n'ai pas la prétention de les imposer en Évangile ! Certes je ne regrette pas mes vers de quatorze pieds ; j'ai élargi la discipline du vers, et cela est bon ; mais je ne l'ai pas supprimée ! Pour qu'il y ait vers, il faut qu'il y ait rythme. A présent on fait des vers à mille pattes ! Ca n'est plus des vers, c'est de la prose, quelquefois même ce n'est que du charabia... Et surtout,  ça n'est pas français, non, ça n'est pas français ! On appelle ça des vers rythmiques ! Mais nous ne sommes ni des Latins, ni des Grecs, nous autres ! Nous sommes des Français, sacré nom de Dieu !
            - Mais... Ronsard ?... hasardai-je.
            - Je m'en fous de Ronsard ! Il y a eu, avant lui, un nommé François Villon qui lui dâme crânement le pion  ! Ronsard ! Pfiff ! Encore un qui a traduit le français en moldo-valaque !
            - Les jeunes, pourtant, ne se réclament-ils pas de vous ? dis-je.
            - Qu'on prouve que je suis pour quelque chose dans cette paternité-là ! Qu'on lise mes vers ! "
            Sur un ton comique, il ajoute :
           " - 19, quai Saint-Michel, 3 francs ! "
            Puis :                                                                                                               stars-portraits.com
Afficher l'image d'origine            " -  J'ai eu des élèves, oui ; mais je les considère comme des élèves révoltés : Moréas, au fond, en est un.
            - Ah ! fis-je.                                                                                
            - Mais oui ! Je suis un oiseau, moi ( comme Zola est un boeuf, d'ailleurs ), et il y a des mauvaises langues qui prétendent que j'ai fait école de serins. C'est faux. Les symbolistes aussi sont des oiseaux, sauf restrictions. Moréas aussi en est un, mais non... lui, ce serait plutôt un paon... Et puis il est resté enfant, un enfant de dix-huit ans. Moi aussi je suis gosse... "
            Ici Verlaine prend sa posture coutumière : il redresse la tête, avance les lèvres, fixe son  regard droit devant lui, étend le bras.
            " - Mais un gosse français, cré nom de Dieu ! en outre ! "
            Et aussitôt il se mit à rire d'un rire bonhomme, vraiment gai, contagieux, qui me prit à mon tour.
            " - Comment se fait-il que vous ayez accepté l'épithète de - décadant - et que signifiait-elle pour vous ?
            - C'est bien simple. On nous l'avait jetée comme une insulte, cette épithète ; je l'ai ramassée comme cri de guerre ; mais elle ne signifiait rien de spécial, que je sache. Décadent ! Est-ce que le crépuscule d'un beau jour ne vaut pas toutes les aurores ! Et puis le soleil qui a l'air de se coucher, ne se lèvera-t-il pas demain ? Décadent, au fond, ne voulait rien dire du tout. Je vous le répète. C'était plutôt un cri et un drapeau sans rien autour. Pour se battre, y a-t-il besoin de phrases ! Les trois couleurs devant l'aigle noir, ça suffit, on se bat !... "
            - On reproche aux symbolistes d'être obscurs... Est-ce votre avis ?
            Oh ! je ne comprends pas tout, loin de là ! D'ailleurs, ils le disent eux-mêmes : - Nous sommes des poètes abscons - Mais pourquoi abscons tout court ? Si encore ils ajoutaient - comme la lune ! - en outre ! "
            De nouveau, il éclata de rire, et je fus bien forcé de l'imiter.
Afficher l'image d'origine**            A ce moment, il me sembla que la partie sérieuse de notre entretien prenait fin... Je me rappelai une réflexion que m'avait faite M. Anatole France, et je dis encore à Verlaine :
            " - Est-il vrai que vous soyez jaloux de Moréas ? "
            Il redressa le buste, improvisa un long geste du bras droit, se mouilla les doigts, se frisa rythmiquement la moustache et dit en appuyant :
            " - Voui !!! "
         


                                                Contrainte et Liberté

            Quelle est la meilleure conditions du bien social, une organisation spontanée et libre ou bien une organisation disciplinée et méthodique? Vers laquelle de ces conceptions doivent aller les préférences de l'artiste .

                                              Réponse de Paul Verlaine

            L'organisation disciplinée et méthodique en attendant que l'autre soit possible, ce qui me paraît un rêve. Je suis en fait de politique générale de l'avis de Joseph de Maistre, le rêve de Bakounine n'étant pas encore réalisable.


                                                      ***********************

                                         Réponse à l'enquête sur la crise de l'Amour

            1° L'amour est-il vraiment aussi malade que le disent les romanciers et beaucoup de gens du monde ?

            2° Quel serait le remède pour revenir à l'amour d'autrefois ?
                                                                                                                    quizz.biz  
Son nom n'a rien avoir avec le fait qu'il mange des guêpes, car il mange particulièrement des libellules. On peut le voir dans les clairières, les lisières, en climat chaud. Je vous présente :            " Les philosophes aimaient les belles formes. Leur coeur s'attachait de préférence aux nobles lignes que les beaux éphèbes déployaient dans les exercices du gymnase. Socrate aimait à s'entourer de figures idéales et se plaisaient à les regarder : sa morale lui en paraissait rehaussée. Virgile eut toujours un goût très vif pour les jeunes Romains ; ses églogues ont consacré le souvenir de ses passions et de ses jalousies. Certes, tout cela est hautement idéal. Mais quelques esprits délicats de nos jours, heurtés par le côté bassement matériel de l'amour, par le prosaïsme des rapports journaliers, frappé de l'incomplet des formes féminines, du manque d'esthétique de leur amitié, toujours peu sûre, ont jugé que la passion ordinaire ne pouvait jamais atteindre à ce haut point de désintéressement où se joue l'amitié entre hommes. L'amitié-passion, voilà le remède que vous cherchez.


                                                           Textes extraits des Oeuvres complètes en prose de
                                                                 Paul Verlaine 
                                                            éditions Gallimard

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vendredi 20 mai 2016

Fou d'amour Wolinski ( Bande dessinée France )



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                                                 Fou d'amour 

            Wolinski assassiné le 7 janvier 2015 dans les bureaux de Charlie Hebdo, laisse quelques inédits, dessins à la gloire de l'amour, de la femme, " Fou d'amour " préfacé par sa femme, Maryse Wolinski ( auteur de " Chérie je vais chez Charlie ). Bulles et dessins pas un feuillet vers lequel on ne retourne plusieurs fois. "..... Les femmes sont dans l'air du temps.... fini les pleurnicheuses, les hystériques, les frigides, les coincées, les femmes d'aujourd'hui ont pris le pouvoir, elles sont patronnes des patrons........ Les hommes ont peur des femmes, ça les rend grognons, philosophes, critiques de cinéma...... Les femmes se foutent du réchauffement climatique, mais elles veulent que les vitres soient propres et que le parquet brille....... " Bel album assez court, pour remettre à niveau idées courtes et fantasmes.

lundi 16 mai 2016

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 57 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

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                                                                                                                     15 Octobre 1661

            Au bureau toute la matinée. Dînai à la maison, l'après-midi à l'enclos de Saint-Paul, en un lieu dérobé où Mrs Goldsborough devait me rencontrer ( elle n'ose risquer d'être reconnue là où elle habite ) pour traiter du différend qui l'oppose encore à mon oncle. Mais, Seigneur ! il y a de quoi devenir fou de l'entendre causer et se répandre en injures contre mon oncle. Je feins cependant de ne pas en être affecté, aimerais, en vérité, parvenir à un accord avec elle. Je prends donc un autre rendez-vous avec Mr Moore et elle pour vendredi prochain, afin d'examiner nos papiers et voir comment on peut régler l'affaire. Retour chez moi fort dolent. Trop marcher aujourd'hui si bien que mon testicule est à nouveau enflé, ce qui me préoccupe fort.


                                                                                                                       16 Octobre

            Au lit jusqu'à midi. Ce matin plusieurs servantes vinrent proposer leurs services à ma femme. Elle finit par retenir une certaine Mme Nell que sa mère, une vieille femme avait accompagnée. Mais elle n'acceptait pas d'être engagée pour moins de six mois. La drôlerie de ces femmes me plaît. Dînai aujourd'hui, comme prévu, avec le Dr Thomas Pepys, mon cousin Snow et mon frère Tom, d'un aileron de lingue et de vessies natatoires. Je ne connaissais ni l'une ni les autres, mais la chair en est exquise, et je n'ai jamais mangé meilleur poisson de ma vie. Après dîner arrive William Joyce et nous mangeâmes et bûmes joyeusement. Montai dans mon cabinet et rangeai mes papiers. Le soir, notre servante Mary ( à l'essai chez nous pour un mois ) vint prendre congé de nous. Nous supposons que la fille va se marier car elle nous aimait bien et nous de même, mais tout ce qu'elle dit c'est qu'elle a envie de vivre chez un marchand où il n'y aurait qu'une seule servante. Souper et au lit.


                                                                                                                   17 Octobre
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            Au bureau toute la matinée. A midi, ma femme étant partie chez mon cousin Snow en compagnie du Dr Thomas Pepys et de mon frère Tom pour manger un pâté de venaison, qui se révéla être du porc salé, je me rendis comme convenu avec le capitaine David Lambert à la Bourse, puis nous devions nous retrouver chez un rôtisseur, mais je n'eus pas le temps de m'y rendre. Avant cela, le capitaine Cocke, négociant que je connais depuis peu, m'emmena à la taverne du Soleil où il m'offrit un verre de xérès. C'est un homme d'une grande perspicacité et d'une bonne réputation. Il me dit que lors la prochaine réunion du Parlement causerait bien des ennuis. Il demanderait comment le roi a distribue charges et argent avant de lui en accorder d'autres. J'ai bien peur que cela ne conduise à nouveau à une catastrophe. De là chez un rôtisseur où je dînai avec le capitaine Lambert et son beau-père. Parlâmes beaucoup du Portugal, d'où il est revenu depuis peu. Il me dit que c'est un endroit fort médiocre et fort sale, je parle de la ville et de la Cour de Lisbonne, que le roi est un rustre très stupide, que pour avoir injurié quelqu'un, très récemment, en le traitant de cocu, il avait reçu un coup d'épée dans les couilles et se serait fait tuer s'il ne leur avait dit qu'il était leur roi, qu'il n'y a pas de vitres aux fenêtres, que les gens ne veulent pas en avoir et que nos négociants au Portugal  s'amusent fort d'un agent commercial anglais récemment installé là-bas et qui aurait écrit en Angleterre que le verre était une marchandise intéressante à expédier là-bas, etc. Que le roi se fait apporter sa nourriture par une douzaine de gardes fainéants, dans les poêlons, parfois, jusqu'à sa propre table, parfois rien que des fruits et de temps à autre une demi-poule, que maintenant que l'infante est devenue notre reine elle a droit à une poule ou à une oie entière sur sa table, ce qui est exceptionnel. Rentré chez moi, examinai mes papiers, ceux qui concernent Mrs Goldsborough et nous. Cela me coûta bien du travail, mais en retirai grande satisfaction lorsque ce fut fait. Chez moi toute la journée. Souper et au lit.


                                                                                                              18 Octobre

            A Whitehall chez Mr Montagu où je rencontrai Mr Pearse, le commissaire de la marine, pour le consulter sur la nourriture qu'il faut envoyer à milord pour le service de la reine. Il m'en avisa et m'apprit aussi que l'on fait maintenant diligence pour hâter le départ de la flotte.                                               A midi dîner chez milady, laissai ma femme et avec Mr Moore chez Mrs Goldsborough qui envoya chercher un ami pour se joindre à nous, et nous parlâmes de notre différend jusqu'à dix heures du soir. Je trouve cette situation fort gênante et suis parvenu à susciter quelque espoir d'accord. J'offre de lui remettre les 16 livres qu'elle nous doit encore selon les comptes de mon oncle. Nous laissâmes son ami réfléchir. J'espère avoir sa réponse car je ne veux pas aller en justice avec une femme à la langue aussi redoutable.
            Chez milady, laissai ma femme qui partagea cette nuit le lit de Mademoiselle, pris un flambeau pour rentrer, puis au lit. Passai la nuit au lit seul, dans le froid, affligé depuis quelques jours d'une tumeur à un testicule. Elle est maintenant réduite par un cataplasme fait d'une bonne poignée de son délayée dans une demi-pinte de vinaigre et une pinte d'eau, le tout bouilli jusqu'à former une pâte à laquelle on ajoute une cuillerée de miel, une partie de cette mixture est étalée sur un linge qui a été placé sur le testicule. J'ai mis pour la première fois une chemise que je vais porter la nuit cette année, et que je n'ai pas l'intention d'enlever avant le printemps. Mes gens se sont plaints que ma femme ne leur avait rien laissé à manger pour la journée.


                                                                                                              19 Octobre
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            Au bureau toute la matinée et à midi Mr Coventry qui participe à notre réunion, sir George Carteret, sir William Penn et moi-même en voiture chez le capitaine Marsh à Limehouse où il a une maison qui appartient à sa famille depuis 250 ans, tout près de la maison à la chaux qui donne son nom à la localité. Ils projettent de convaincre le roi de louer un bassin où feraient relâche les harenguiers, c'est la grande affaire en cours. On nous servit un fort bon dîner, plantureux et d'excellent vin. Comme ma mise manquait d'élégance, ce qui me semble chez moi un grand défaut, je ne puis être aussi gai que je le suis ou puis l'être autrement en toute occasion lorsque je suis bien habillé. Cela me rappelle la règle d'or de l'honnête homme énoncé par mon cher Osborne : économiser sur tout, sauf sur l'habillement. Retour chez moi en voiture, écrivis des lettres pour la poste, au lit.


                                                                                                                 20 Octobre 1661
                                                                                                   Jour du Seigneur
            Au lit à la maison toute la matinée pour soulager ma récente tumeur, mais levé pour dîner et fort offensé par l'insolence de Will mon valet qui garde son chapeau à la maison. Je ne lui en parlerai pas aujourd'hui, mais je crains d'avoir à souffrir de son insolence et de sa paresse, même s'il est par ailleurs assez convenable. A l'église l'après-midi où prêcha un ministre presbytérien somnolent. Puis allai voir sir William Batten qui doit, lui aussi, se rendre à Portsmouth demain pour présenter ses respects au duc d'York qui va prendre le commandement de la garnison et y mettre de l'ordre. Soupai chez moi, et au lit.


                                                                                                              21 Octobre

            De bonne heure avec Mr Moore jusqu'à Chelsea, en voiture, chez milord le gardes du Sceau privé, mais n'arrivâmes pas assez tôt, avions pris au passage Mr Pargiter, l'orfèvre, à mon avis le plus fieffé coquin escroc qui soit. Nous prîmes ensemble notre boisson du matin, bière et gâteaux et nous nous gaussâmes plaisamment des grandes pertes que lui occasionna le retour du roi, car il avait acheté de nombreuses terres de la Couronne et, Dieu me pardonne ! je m'en réjouis fort. A Whitehall au Sceau privé consultai sir William Penn pour régler certaines choses concernant ses affaires d'Irlande. Puis à la Garde-Robe et dînai. Contre ma conscience et mon jugement ( Dieu me le pardonne  car je sais que je L'offense en enfreignant les résolutions que j'ai prises à ce propos ) allai à l'Opéra dont les représentations ont repris après des modifications de décor, qui ne font que le rendre encore plus mauvais. Mais la pièce, " l'Amour et l'Honneur ", donnée pour la première fois a une bonne intrigue et est bien jouée. Retour chez moi à pied. Après avoir un peu travaillé dans mon cabinet, souper et au lit.


                                                                                                              22 Octobre
                                                                                                                  anticstore.com
Afficher l'image d'origine            Au bureau toute la matinée où nous reçûmes " délégation " du Duc en son absence, il est allé à Portsmouth, pour avoir pleine et entière autorité sur la flotte. L'après-midi vaquai à mes affaires à droite et à gauche, le soir visite à sir Robert Slingsby qui a attrapé cette nouvelle maladie, une fièvre. Retour à la maison après être passé chez ma tante Wright et Mrs Norbury, dame d'un commerce toujours fort agréable. Souper et au lit.





                                                                                                                                                                                                                               23 Octobre

            A Whitehall où sir William Penn et moi prîmes notre boisson du matin dans le logement d'un de ses amis, le colonel Treswell. A midi dînâmes à la Jambe dans King Street puis en voiture à Chelsea chez milord le garde du Sceau privé pour affaire concernant sir William. Pûmes nous entretenir librement avec milord qui nous donna réponse. Retour à l'Opéra où je revis " l'Amour et l'Honneur " qui est une fort bonne pièce. Retour chez moi m'arrêtant en chemin pour voir sir Slingsby toujours malade. A la maison.
            Aujourd'hui tous les membres de notre Conseil sont invités mardi prochain, jour du lord-maire, à dîner à l'Hôtel de Ville. Ce soir Mr Hollier vint à notre réunion et nous fit à tous deux des recommandations qu'il nous faudra suivre.


                                                                                                             24 Octobre

            Au bureau toute la matinée. A midi Llewellyn dîna avec moi, puis partis pour Fleet Street, laissant ma femme chez Tom, tandis que je réglais quelques affaires. Retour chez moi et allai voir sir Robert toujours malade/ Aujourd'hui il n'a pas dit un mot, ce qui nous fait tout craindre. Rentré chez moi.


                                                                                                                25 Octobre 1661
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Un pigeon de faîtage            A Whitehall. Dîner à la Garde-Robe où ma femme me rejoignit. Y trouvâmes un pâté de venaison et milady de fort joyeuse humeur et fort belle, à mon avis. Après dîner ma femme et moi à l'Opéra où revis " l'Amour et l'Honneur ", pièce si bonne que j'ai vu les trois seules représentations qui en aient été données toute cette semaine. Ce qui est excessif, plus que je ne referai de longtemps. Au sortir du théâtre nous tombâmes sur Mrs Pearse et sa compagne, Mrs Clifford et, comme je donnais l'impression de vouloir rester avec elles pour parler, ma femme se mit en colère. Jalousie de sa part ou non, je ne sais, mais elle n'apprécie pas que je parle à Mrs Pearse. Rentré à pied à la maison, fort mécontent. En chemin je m'arrêtai chez Hunt le facteur d'instrument et vis mon luth presque terminé. Il doit avoir un nouveau manche et être modifié pour recevoir des cordes doubles. Chez moi, et au lit. J'ai donné à Will, mon valet, une leçon bien sentie pour lui apprendre à oublier le respect qu'il doit à son maître et à sa maîtresse.


                                                                                                                   26 Octobre

            Ce matin, sir William Penn et moi devions quitter Londres avec milady Batten pour rencontrer à Kingstone sir William revenu de Portsmouth, mais ne le pûmes car milord de Peterborough; qui doit partir comme gouverneur à Tanger, vint ce matin avec sir George Carteret nous consulter sur les ultimes préparatifs avant sa prise de fonction. Au bureau toute la matinée, et l'après-midi sir William Penn, ma femme et moi au Théâtre où vîmes " Le capitaine campagnard " joué pour la première fois depuis 25 ans, de milord Newcastle, mais jamais ne vis pièce aussi inepte, la première qui m'ait paru fastidieuse. Retour à la maison, et le soir on nous apprit la mort de sir Robert Slingsby, notre contrôleur de la Marine, malade depuis une semaine. Cette nouvelle m'affligea tant que je ne puis fermer l'oeil de la nuit, car c'était un homme qui avait de l'affection pour moi et que j'aimais pour ses nombreuses qualités plus que tous les autres officiers et commissaires de la Marine. Sur le chemin du retour nous nous arrêtâmes chez Daniel Rawlinson où nous bûmes du bon xérès. Rentrés chez nous.



                                                                                                                     27 Octobre
                                                                                                      Jour du Seigneur
            A l'église le matin. Les deux sirs William et moi parlâmes longuement sur notre banc de la mort de sir Robert qui m'afflige beaucoup, et eux aussi apparemment. Mais je n'y crois pas beaucoup car je sais qu'il faisait obstacle à leur mainmise sur l'ensemble des activités du Conseil de la Marine. A la maison, dîner et l'après-midi derechef à l'église accompagné de ma femme dont le deuil dure depuis si longtemps que j'ai honte d'aller à l'église avec elle. Après l'église allâmes voir mon oncle et ma tante Wight, restâmes parler et souper et aussi joyeux qu'on peut l'être en leur compagnie. Entre autres montâmes dans leur chambre voir leurs deux portraits, que je suis contraint de louer malgré ce que j'en pense, elle nous montre aussi son cabinet où elle garde de fort jolies médailles et de fort beaux bijoux. Retour à la maison, prières et au lit.


                                                                                                                      28 Octobre
                                                                                                                   anticstore.com
Important groupe mythologique "Héro et Léandre'" en porcelaine de Meissen      Au bureau toute la journée et dînai à la maison puis à l'enclos de Saint-Paul chez Hunt où trouve mon théorbe terminé. J'en suis fort satisfait. La transformation me coûte 26 shillings mais, à ce qu'il me dit, tel qu'il est maintenant, il n'y a pas de meilleur luth en Angleterre, et il vaut bien 10 livres. Je fis venir le capitaine, Ferrer qui vint accompagné d'un de ses amis. Allons tous trois au Théâtre voir " Argalus et Parthénia ". Une femme jouait Parthénia puis recevait plus tard habillée en homme. Je n'avais jamais vu d'aussi jolies jambes, j'en fus charmé. Ensuite à la taverne de la Bière, à l'érynge. Fis venir un fabricant de ceintures à qui j'achetai une belle ceinture pour mon demi-deuil : elle me coûta 24 shillings, très élégante. Retour chez moi, et au lit.


                                                                                                                 29 Octobre

            Aujourd'hui je mis mes chaussettes de grosse laine noire et mon manteau neuf à la mode qui me plaît bien, et avec ma toque de fourrure j'étais prêt à me rendre, après le bureau, au banquet du lord-maire, car nous sommes tous invités. Mais les deux sirs William ne tenaient pas à y aller à cause de la foule, si bien qu'aucun de nous ne s'y rendit. Je restai dîner avec eux, puis rentrai chez moi; et le soir nous nous retrouvâmes au Dauphin, où nous nous étions donné rendez-vous. D'autres personnes se joignirent à nous et aurions pu passer une soirée joyeuse, mais le vin était si mauvais, et tout le reste, que ce ne fut pas le cas. Restâmes cependant jusque tard dans la soirée puis retour à la maison, et au lit. Déçu de ma journée, car je me promettais bien du plaisir aujourd'hui à l'Hôtel de Ville.
            Le lord-maire actuel nous ramène semble-t-il à la coutume des lords-maires d'autrefois qui se rendaient à Saint-Paul le jour de leur entrée en fonction, faisaient le tour de la croix et faisaient une offrande à l'autel.

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                                                                                                           30 Octobre

vernon-jeune-femme-aux-roses.jpg            Toute la matinée au bureau. A midi jouai de mon théorbe dont je suis fort content, tel qu'il est maintenant avec son nouveau manche. L'après-midi le capitaine Lambert vint me chercher, comme convenu, et allâmes ensemble, à pied, à Deptford. Une fois à bord de son navire, le Norwich, je lui demandai de me le faire visiter dans tous ses recoins, ce qui m'apprit beaucoup et répondit parfaitement au but de ma visite. Retour chez moi, et chez sir William Batten apprit comment il s'était déjà rendu chez sir Robert Slingsby. Nous étions en effet tous invités et j'avais l'intention de m'y rendre ce soir.. Mais prétendant que le cadavre sent ils vont l'enterrer cette nuit dans l'intimité ; décommanderont tous leurs hôtes et ne feront point de funérailles, ce que je déplore, regrettant que rien ne soit fait en l'honneur de sir Robert. Mais, j'en ai peur, il a laissé sa famille dans le plus profond désarroi. Je restai là tard à jouer aux cartes avec milady et Mrs Martha, puis retour chez moi. Je leur fis porter une ou deux bouteilles de vin. Arrivé chez moi, j'ai le déplaisir de trouver ma femme mécontente de sa servante Doll, qui a le tort de ne savoir se taire, mais ne cesse de parler sur un ton courroucé, sans raison pourtant, ni utilité. J'en suis navré et mesure les inconvénients qu'entraîne pour un homme l'avancement de sa fortune, en le contraignant à avoir davantage de domestiques, ce qui est source de désagréments.
            Sir Henry Vane, Lambert et d'autres se sont vu dernièrement transférés soudain de la Tour où ils étaient prisonniers, aux Sorlingues. Mais je ne pense pas qu'il y ait de conspiration, comme on dit, mais seulement un prétexte comme on en inventa souvent autrefois contre les Cavaliers.


                                                                                                         31 Octobre 1661

            Ce matin, Prior de Brampton vint me voir à propos des maisons que je dois lui vendre, mais il me fallut rester au bureau toute la mati née, et ne pus donc lui parler. Après le travail au bureau et le dîner à la maison, je me rendis chez mon frère Tom où je rencontrai Prior. Il exigea de moi un rabais, car il était convenu d'un prix avec mon père pour la maison de Barton. Je lui dis que je ne voulais pas me mêler de ça, mais que j'étais prêt à tout faire pour qu'il en devienne le propriétaire. Sur quoi nous nous quittâmes, allai voir ensuite sir Robert Bernard et, en tant que client, lui demandai ce qu'il pensait de l'affaire entre mon oncle Thomas et nous, à propos de Graveley.  En bref il me dit que nous avions peu d'espoir de recouvrer ce bien et d'échapper au paiement de sa rente, ce qui me désole. Mais qu'il en soit fait selon la volonté de Dieu.
            Ensuite, l'esprit fort préoccupé, chez mon oncle Fenner. Le trouvai à la taverne, il buvait plein de jovialité et de verdeur, en homme qui, je pense, aura tôt fait de reprendre femme. Rentrai chez moi.


                                                                                        à suivre....../
                                                                                                           1er novembre 1661
            J'allai ce matin....../