Affichage des articles dont le libellé est Roman - extraits. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Roman - extraits. Afficher tous les articles

lundi 17 juillet 2023

La cité des Dames ( extraits ) Christine de Pizan ( Roman France )

 blogs.mediapart.fr












                                        Lettre XXII

                        Où il est question de Lilie, mère du vaillant chevalier Théodoric

            " Même si elle ne se battit point les armes à la main, ne faut-il pas louer le cœur de cette noble dame Lilie, qui fit une remontrance si mémorable à son fils Théodoric, chevalier très valeureux, pour lui faire reprendre le combat ?Je te raconterai cette histoire
            Théodoric était à l'époque l'un des plus grands princes à la cour de l'empereur de Constantinople. C'était un homme d'une grande beauté et un chevalier aguerri. Il était également, grâce à l'éducation et à l'instruction qu'il avait reçues de sa mère, très valeureux et d'une conduite irréprochable.
            Un joue, un prince nommé Odoacre s'attaqua aux Romains pour les écraser, eux et toute l'Italie.
Ils demandèrent secours à l'empereur de Constantinople. Celui-ci leur envoya une grande armée avec à sa tête Théodoric, le plus accompli de ses chevaliers. Or, comme il combattait en bataille rangée contre cet Odoacre, la fortune des armes se retourna se retourna contre lui et la panique le poussa à fuir vers Ravenne. Quand sa sage et valeureuse mère qui observait attentivement la bataille vit son fils prendre la fuite, elle fut accablée de douleur, car elle estimait qu'il n'était rien de plus honteux pour un chevalier que de fuir le champ de bataille. La majesté de son grand cœur lui fit oublier l'amour maternel : préférant voir son fils mourir dans l'honneur plutôt que de subir une telle honte, elle courut à sa rencontre, l'implora d'arrêter cette fuite infamante, de rassembler ses hommes et de retourner à la
bataille.
            Comme ses paroles demeuraient sans effet cette dame, enflammée de colère, souleva le devant de sa robe et lui dit :
            " - Tu veux fuir, mon fils ! Alors rentre au ventre qui t'a porté ! "
            Théodoric en fut si humilié qu'il cessa de fuir, rassembla ses troupes et retourna à la bataille.  Brûlant de honte à cause de la remontrance maternelle, il combattit avec tant d'ardeur qu'il écrasa l'ennemi et tua Odoacre
            Et c'est ainsi que l'Italie tout entière qui allait tomber aux mains de ses ennemis fut sauvée par l'intelligence d'une femme, et j'ose affirmer que l'honneur de cette victoire revient davantage à la mère qu'au fils. "


                                    Christine de Pizan

                                                                   
            



















samedi 26 août 2017

Journal secret Alexandre Pouchkine extraits ( Roman Russie )

Résultat de recherche d'images pour "peintres russes 1900"

                                                                         JOURNAL SECRET
                                                                            (1836 / 1837 )

                                                                                                                A ma femme

            La prédiction se réalise. J'ai provoqué d'Anthès en duel. L'Allemande ne m'avait-elle pas annoncé une mort violente par la main d'un homme blond ? Je sens la puissance du destin, je vois comment il commence à se réaliser, mais je ne peux pas l'éviter car le déshonneur est plus terrible que la mort.
            Le déshonneur est une graine que j'ai plantée moi-même. A présent ses branches m'étranglent. D'Anthès est devenu la punition du destin pour ma faiblesse de caractère. Défiant d'Anthès je deviens comme Jacob aux prises avec l'Ange.
            Si je triomphe je réfuterai les lois de Dieu......
             Mes contemporains ne doivent pas me connaître aussi intimement que je le permettrai aux futures générations. Je devrai veiller sur l'honneur de N. et sur celui de mes enfants tant qu'ils seront en vie. Mais je ne peux pas m'empêcher de coucher mon âme sur le papier. .
            C'est la maladie incurable de l'écrivain.
             Cette maladie est souvent fatale. Mes contemporains me tueraient pour ces révélations à coeur ouvert, ces vraies révélations,  s'ils les apprenaient. Mais les générations futures ne pourront rien nous faire, ni à moi ni à mes arrières petits-enfants........
            À l'inverse du présent, l'histoire n'est ni dangereuse,  ni offensante, seulement amusante et didactique.
            Je ne veux pas emporter dans le tombeau mes péchés, erreurs et tourments.
            Ils sont trop considérables pour ne pas être intégrés à mon monument.
            Dans environ deux cents ans, quand en Russie la censure sera sûrement abolie, on publiera d'abord Barkov et ensuite ces notes, bien que je ne puisse imaginer la Russie sans la censure. Cela signifie que ces textes seront publiés en Europe, mais plus probablement dans la lointaine Amérique.
            C'est affreux de penser qu'à ce moment-là je ne serai plus vivant, et que même mes os seront tombés en poussière.
             Je regarde ma main tandis qu'elle écrit ces lignes et j'essaie de l'imaginer morte..... J'ai de la peine à croire ce destin, pourtant irréfutable...... La mort est la réalité la plus difficile à comprendre, alors que nous acceptons sans sourciller et sans réfléchir les mensonges les plus divers.
          
   Anton Tchekov -by Levitan                                     ************************           
            
            L'ultime volet de la prédiction de la voyante allemande s'accomplissant, la mort de Delvig était un signe effrayant. À l'époque je n'en étais pas conscient,  mais aujourd'hui tout m'apparaît tellement évident et rempli de signification. La chute de la bague lors de la cérémonie nuptiale, la flamme vacillante de la bougie qui s'est éteinte toute seule, m'ont irrévocablement convaincu qu'il ne pouvait rien advenir d'heureux dans ce mariage. En fait nous prédisons nous-mêmes notre avenir.
             Pour ne pas perdre le reste de courage, je me suis consolé en songeant à la nuit de noces qui m'attendait : la joie de posséder enfin N. prié Dieu pour que cette joie perdure ma vie entière d'homme marié. 
             Une soif de bonheur absolu me poussa à me marier. Oui le mariage me paraissait le remède magique à ma débauché et à mon ennui. Il s'agissait de tenter de me fuir moi-même, étant incapable de changer et de devenir un autre. 
Résultat de recherche d'images pour "peintres russes 1900"             N. fut ma chance fatale. Dans ma négociation pour soustraire N. à sa mère j'ai sacrifié toute dot et je me suis beaucoup endetté pour payer les festivités des épousailles. En attendant le jour du mariage, après les fiançailles, j'ai pensé..... comment ma vie allait être bouleversé après mon serment de fidélité, car je comptais sincèrement le respecter.
            Auparavant il m'arrivait fréquemment de posséder cinq femmes par jour. Je me suis habitué à une grande variété.... de tempéraments féminins et à tout ce qui différencie une femme d'une autre. Un tel renouvellement ne permettait pas à mes passions de s'engourdir et la poursuite constante de cette diversité était la substance même de ma vie.
            Quand j'ai vu N. pour la première fois j'ai compris qu'il se produisait quelque chose d'irréversible. Le désir de la posséder fut immédiatement si puissant qu'il s'est instantanément transformé en désir de l'épouser. Cela m'était déjà arrivé mais jamais avec une telle force. Je n'avais jamais ressenti une telle admiration pour l'élue de mon coeur.
            Lorsque ma proposition fut finalement acceptée, je me suis arrangé, profitant de ma position de futur gendre, pour rester seul avec elle. Je l'ai attirée à moi et embrassée et, laissant ma main remonter jusqu'à son sein, j'ai commencé à gratter avec l'ongle l'endroit où était supposé se trouver le téton. Très vite mon ongle a trébuché dessus. N. rougit mais ne me repoussa pas et chuchota seulement :
            - Arrêtez, maman pourrait vous voir.
             Sa mère est une vraie salope.......... Elle opprimait ses filles de mille et une manière et les cloîtrait comme au couvent. J'ai regardé les soeurs de N. et songé à faire de ce couvent mon harem.
            En bon futur marié je me reprochais ces pensées pécheresses, bien qu'il me fût impossible de m'en débarrasser.
            J'adorais ma novice et envisageais de la métamorphoser pas à pas en amante experte. Mais il était écrit que mes plans ne se réaliseraient pas, et voilà sans doute pourquoi je suis toujours amoureux d'elle.
            Je ne vis pas passer la lune de miel tant son éducation m'était agréable. J'appris la langue que parlait son corps et N.apprit à réagir à ma langue,  et pas seulement à elle. Mon obstination et son adresse la conduisaient de plus en plus souvent à des hurlements déchirants qui, à mes oreilles sonnaient comme de la musique.
            Posséder une telle beauté idéale, et de surcroît vierge, est le plus grand bonheur de l'homme.
            L'intensité qui s'en dégage est si forte qu'elle ne peut pas durer. Quand je m'enfouissais dans mon épouse fraîchement cueillie, l'enlaçant avec passion, sentant ses mouvements timides réprimés par sa honte et son immaturité, sentant sa respiration chaude au creux de mon oreille, mon état d'exaltation était comparable à celui de la création artistique.

                                                                                          ******************
                                                                                                                   
Résultat de recherche d'images pour "peintres russes 1900"               Quelle joie de conduire N. dans les allées sinueuses du jardin des plaisirs..........
                ........... Malheureusement,  elle n'est pas douée au lit....... Elle n'a qu'un orgasme par nuit et après avoir joui ne veut plus en entendre parler. Chez une épouse c'est une qualité de grande valeur,  elle ne vous importune pas avec son désir lorsque vous voulez dormir. Mais au début je la chatouillais beaucoup.                                                                                                   

            J'avais tout le temps la sensation de tricher avec la nature. Moi, un nain avec le visage d'un singe, possédant une déesse. Et elle n'est pas apte à apprécier mes qualités d'amant parce que pour ce faire il lui faudrait un point de comparaison,  Dieu l'en préserve.
            Au cours de ces premières journées nous avions décidé de ne nous cacher aucune de nos pensées,  d'un commun accord,  si intime fût-elle. Je me rendais compte que je serais bien incapable de respecter cet accord mais voulais faire naître en N. l'impression de vouloir partager ses pensées et désirs avec moi. Le plus important était de ne pas s'énerver quoi qu'elle pût me raconter. Obéissant à cette règle je faisais de mon mieux pour ne pas lui laisser voir la tempête d'indignation ou de jalousie à l'écoute de ses histoires.
            N. avait pris notre accord au sérieux. Je lui ai demandé si elle avait déjà eu, de quelque manière, une affaire de coeur,  et elle s'est confessée.
            Lorsqu'elle avait dans les quatorze ans, elle avait été invitée, avec sa mère et ses soeurs au palais du Tsar. A un moment elle s'est trouvée perdue parmi les invités. Une très belle demoiselle d'honneur s'est avancée vers elle et a dit que Sa Majesté voulait qu'on la lui présentât. Ma petite fille a tremblé de peur et a humblement suivi la demoiselle d'honneur. Celle ci a conduit N. au petit salon. Le Tsar était là, assis dans un fauteuil. La demoiselle a annoncé N. et l'a laissée debout au milieu de la pièce lugubre. Le Tsar s'est levé, est allé jusqu'au sofa et l'a fait asseoir près de lui. Il l'a questionnée tout en remontant sa jupe de plus en plus haut. N. n'osait pas bouger et essayait de répondre de manière détaillée. Quand l'impérial a écarté ses jambes N. a senti " des vagues de chaleur la balayer ". C'est ainsi qu'elle m'a décrit ce qu'elle avait ressenti.
            Soudan quelqu'un a frappé à la porte. Le Tsar s'est levé,  a rajusté sa robe, et a quitté le petit salon. Dans la minute la demoiselle d'honneur est revenue et a raccompagnée N. jusqu'à la salle de bal où dansaient les autres invités.
            La mère de N. commençait à s'inquiéter de sa disparition, mais quand la demoiselle d'honneur lui a dit qu'elle avait été présentée au Tsar, elle s'est calmée et s'est contentée de regarder N. avec suspicion.
            N. semblait si excitée par cette aventure qu'à leur retour à la maison sa mère l'a convoquée dans ses appartements et lui a demandé si elle était restée seule avec le Tsar. N. a répondu qu'il n'y avait personne dans le petit salon, à part eux, qu'on était venu chercher le Tsar et qu'ils n'avaient pas eu le temps de beaucoup parler.
            - Espèce de... menteuse ! ai-je dit aussi calmement que possible, effrayé à l'idée qu'elle pourrait entendre grincer mes dents.
             Ma femme a répondu qu'elle n'aimait pas mentir, que tout ce qu'elle avait dit à sa mère était vrai et que celle-ci n'avait pas posé d'autres questions.
Image associée            Quand Koko est devenue demoiselle d'honneur je lui ai interdit d'habiter le palais, ce qui a rendu le Tsar encore plus furieux contre moi.
            N. se montra fort gênée de l'argent que le Tsar lui a donné en cadeau de mariage. Je l'ai bien remarqué. Lorsque nous avons déménagé à Tsarskoie Selo, elle a tenté par tous les moyens d'éviter le chemin du Tsar, choisissant des endroits isolés pour nos promenades. Mais un jour,  lors d'une sortie paisible autour du lac, nous avons rencontré le couple impérial, et l'impératrice a confié N. au palais.
             De retour à la maison N. s'est lamentée, elle ne voulait plus se montrer en société. Cela m'a paru suspect,  et je lui ai soutiré la confession que je viens de rapporter.
            J'avais appris, il y a bien longtemps,  de la bouche d'une demoiselle d'honneur que  j'ai guérie de ses crises de nerfs en la baisant, la passion que nourrissait l'empereur pour ses petits pêchés innocents. Ainsi donc la confession de N. ne m'étonna pas. Je savais d'avance ce qu'elle allait me raconter. Je ne voulais simplement pas découvrir que ma femme était une de ces " images vivantes ". Le Tsar a fait un grand serment de fidélité à l'impératrice et, en conséquence ne baise personne à part elle. Cependant pour profiter de l'essaim de jeunes filles qui l'entoure il leur ordonne de se déshabiller....... Ses yeux se délectent....... s'en va sans les toucher.
            L'Impératrice sait tout cela,  mais estime qu'il ne rompt pas son serment en agissant de la sorte.
            De nombreuses demoiselles d'honneur souffrent de ces rapports bénins avec le Tsar, mais N. était contente que pour elle ils fussent restés de nature innocente.
            Que le Tsar essayât à nouveau de l'approcher l'inquiétait. Je l'ai consolée et lui ai conseillé, au cas où le Tsar tenterait encore de badiner ainsi, de me décrire comme un mari jaloux au point de promettre la mort à quiconque essaierait de seulement regarder son minon. Plus tard elle m'a appris que peu après cette conversation, un jour qu'il tentait de la retenir elle avait eu l'occasion de le lui dire. Depuis il n'a plus osé recommencer. Je sais qu'il a peur de moi.
            Comme il sera heureux si je meurs. Enfant de putain !
            Je regrettais déjà à ce moment - là d'avoir imposé à N. un accord de sincérité, mais je me suis préparé à accepter toutes les conséquences agréables et désagréables qu'entraînait son adhésion. Un mari qui ignore les pensées de son épouse risque de devenir cocu. Et être cocu est dégoûtant et insupportable.  Nul n'a autant tiré parti que moi de l'inconsciente ignorance des maris, et combien j'ai pris plaisir à regarder leurs cornes grandir, invisibles à tous sauf à moi.



                                                                             à suivre...............