16 Septembre 1664
Levé de bonne heure et à mon bureau, très occupé toute la matinée à mettre des papiers en ordre. Entre autres, Mr Gauden venant me voir j'eus une bonne occasion de lui parler de son présent, ce qui était pesant jusque-là de n'avoir pu faire, parce que je craignais qu'il ne me l'eût envoyé pour me tenter de prendre son parti dans l'affaire des subsistances de Tanger. Mais il m'assure que non et qu'il tient ma personne et ma conduite dans ces circonstances en haute estime. Je n'avais fait que ce qui était séant Et que ce présent était en reconnaissance des bons offices que je lui avais jadis rendus en réglant ses affaires, ce que je fus fort aise d'entendre. Et, le cœur en repos, et avec une grande joie, je le saluai et me remis à mon travail.
A midi à la Bourse où, comme convenu, je rencontrai sir William Warren, et ensuite à la taverne du Soleil, où il m'apporta seul à seul 100 livres dans un sac, pour lesquelles je lui offris de lui donner un reçu, mais il me dit que non pas, qu'elles m'appartenaient puisqu'il me les avait promises il y a peu, et qu'il était bien aise, comme je le lui avais dit deux jours auparavant, qu'elles me rendissent aujourd'hui service. Et il me les donna fort obligeamment, et moi tout aussi joyeusement, transporté même, je les ramenai chez moi dans un fiacre, lui-même ayant pris soin exprès que nul ne pût nous voir procéder, quoique j'eusse volontiers amené un domestique avec moi pour les recevoir, mais il me conseilla de le faire moi-même.
Rentré donc avec cet argent et dîné. Sorti ensuite avec mon valet pour acheter diverses choses : des tabourets, des landiers, des bougeoirs, etc., des objets pour la maison. Allé chez le fabricant d'instruments mathématiques à Moorfields et acheté une grande paire de compas. Rencontré là Mr Pargiter qui voulut absolument me faire boire une chope de bière au raifort, que lui et un de ses amis tourmentés par la pierre ont pris l'habitude de boire. C'est ce que nous fîmes, après quoi nous nous promenâmes à travers champs presque jusqu'à la maison de sir George Whitemore, parlant tout le long du chemin de la Russie qui est, dit-il, un triste pays. Et, quoique Moscou soit une très grande ville, c'est à cause de la distance entre les maisons, et elle est peu peuplée comparée à Londres, et ce sont de pauvres masures, l'empereur lui-même vivant dans une maison de bois, tout l'exercice qu'il prend étant de lancer un faucon contre des pigeons et d'emporter des pigeons à quatre ou cinq lieues de là et ensuite de parier sur celui qui rejoindra le premier son pigeonnier. tout l'hiver enfermé chez soi, quelques'uns jouant aux échecs, mais la plupart buvant pour passer le temps. Les femmes sont là-bas tout à fait esclaves. Et il paraît qu'à la cour de l'Empereur aucune salle n'a plus de deux ou trois fenêtres, les plus grandes n'ayant pas trois pieds de large ni de haut, pour garder la chaleur en hiver. Et que le remède universel pour toutes les maladies est d'aller à leurs étuves. Quant aux pauvres, ils entrent dans leur four chauffé et s'y couchent. Peu de science en quoi que ce soit, personne qui parle latin, si ce n'est, peut-être le secrétaire d'Etat.
Mr Pargiter et moi cheminâmes ensemble jusqu'à la Bourse où nous nous séparâmes.
Allé acheter encore d'autres choses, puis rentré à la maison et, après un moment, à mon bureau, chez moi, souper et, au lit. pinterest.fr
< Aujourd'hui le vieux Hardwicke est venu dégager une montre qu'il m'avait donnée en gage pour 40 shillings il y a sept ans. Je la lui ai laissée. >
On dit partout que les Hollandais vont certainement prendre la mer cette semaine et mettre le cap droit sur la Guinée, convoyés dans la Manche par une flotte de 42 voiles.
17 septembre
Levé et au bureau où Mr Coventry, très irrité de voir les choses aller si mollement. Et je dois dire que cela me fait craindre chaque jour qu'il n'y ait quelque changement au bureau. Et, à la vérité, je suis ces derniers temps un peu coupable moi-même de négligence, en comparaison de naguère. Mais j'espère revenir au point où j'en étais alors, ma famille étant de nouveau bien établie.
Dîné à la maison, et au bureau où resté tard à mettre de l'ordre dans toutes mes affaires, et j'eus un après-midi de travail bien rempli et fort satisfaisant.
Aujourd'hui ma tante Wight a envoyé une nouvelle écharpe à ma femme, avec ses compliments pour les maintes obligations qu'elle a envers elle. C'est-à-dire les diverses choses que nous lui avons envoyées. Je n'en suis pas mécontent, car je vois que mon oncle est si coiffé de la famille Wight que je n'espère guère plus de ce côté. Puis à la maison, souper et, au lit.
18 septembre
Jour du Seigneur
Levés et à l'église, tous. A midi arrivent Anthony et William Joyce, leurs femmes étant à la campagne chez mon père, ils dînèrent avec moi, aussi joyeux que je puis l'être en telle compagnie. Après dîner me promenai jusqu'à Westminster, en les fatigant en chemin, de telle sorte que je les laissai, Anthony à Cheapside et l'autre dans le Strand. Je passai tout l'après-midi dans le cloître, comme convenu avec Jane Welsh, mais elle ne vint pas, ce dont je fus fâché, et repartis en voiture pour l'ancienne Bourse, et de là chez ma tante Wight, et je les invitai, elle et mon oncle, à souper. Puis à la maison, et tantôt ils arrivèrent pour manger une excellente bourriche d'huîtres que Mr Povey m'envoya ce matin, et nous soupâmes fort gaiement. Et puis prières et, au lit.
Hier soir, il semble que ma tante Wight envoya à ma femme une nouvelle écharpe, galonnée, en reconnaissance de tout ce qu'elle lui a donné. Il est vrai que de temps en temps nous leur faisons présent de bagatelles, comme des oranges, etc. Mais je vise à obtenir un peu plus que cela de la faveur de mon oncle.
19 septembre
Levés, ma femme et moi avons une petite querelle déjà à propos de sa dame de compagnie, car elle trouve que je prends trop soin d'elle en lui rappelant de lui servir la viande, mais c'est vite passé.
Donc c'est vite passé et, en compagnie de sir William Batten et de sir William Penn à St James où nous traitâmes nos affaires avec le Duc, puis reparti tout droit à mon domicile, m'arrêtant au café, où excellente conversation avec sir Blunt et le Dr Whistler sur l'Egypte et d'autres choses. Rentré dîner, ma femme a mis aujourd'hui son nouveau costume d'hiver en moire, fort beau.
Après dîner je lui donnai 15 £ à dépenser en linge et en articles indispensables pour la maison et pour acheter un costume à Pall. Quant à moi, allai à Whitehall pour la commission de Tanger où le colonel Reymes nous a apporté un compte rendu si complet et si méthodique de tout ce qui se passe là-bas, que je n'en ai jamais vu de pareil ni n'espère en revoir un de ma vie dans aucune affaire publique.
La séance levée allai à Westminster chez Jervas et parlé à Jane, que je trouve froide et point tant désireuse de me rencontrer que devant. Et peu importe, je n'en serai que mieux délivré des embarras qui pourraient s'ensuivre, outre l'offense faite à Dieu tout-puissant et la négligence de mes affaires.
Rentré à la maison en voiture et à mon bureau où resté tard, puis souper et, au lit.
Je rencontrai aujourd'hui le Dr Pearse qui, parlant de l'insistance que met le Dr Fraiser à faire partir un certain Collins comme chirurgien attaché à la personne du prince Rupert, et il veut le voir partir selon ses conditions à lui et avec telle somme d'argent en mains, me dit, alors que je m'émerveillais que Fraiser pût décider pour le prince avec cette assurance, que Fraiser est tellement en faveur auprès de milady Castlemaine, de la Stewart et de toutes les dames de la Cour, parce qu'il les aide à faire passer leur gros ventre quand le besoin se présente, et auprès des grands parce qu'il leur guérit leurs chaudes-pisses, qu'il peut faire ce qu'il veut du roi, en dépit de quiconque et pour la même raison du prince, puisqu'ils ont tous plus ou moins besoin d'avoir recours à ses services.
Sir George Carteret me dit cet après-midi que les Hollandais ne sont pas encore prêts à prendre la mer et, pour cette raison, ne peuvent profiter d'un bon vent qui les porterait et nous confinerait au port. Il me dit qu'en outre ils commencent à reculer dans cette affaire et, croit-il, pourraient malgré tout offrir des conditions de paix. Il semble soutenir que le roi y trouvera son compte aussi, et je prie que Dieu le veuille. journals.openedition.org
Le colonel Reymes me dit, entre autres aujourd'hui, qu'il est clair que si milord Tevior avait vécu il aurait causé la perte de Tanger ou aurait eu le dessein de s'en rendre maître. Il y fit faire au roi de fort grands travaux coûteux et inutiles, et se tenait si diligemment à cette ligne de conduite qu'il décourageait tous les autres négociants à part lui d'y commercer et faisait payer ce qu'il voulait au roi et à tout le monde pour tout ce qui y était importé.
20 septembre 1664
Levé et au bureau, réunion toute la matinée. A midi rencontre, comme convenu, à la Bourse le capitaine Poyntz. Il a une place ou un droit à une place en rapport avec les jeux. Je discutai donc avec lui des améliorations à apporter aux loteries au profit du roi et de celle des Pêcheries. Il me donna quelques lumières dans cette affaire et me dit qu'il m'en fournirait d'autres par écrit.
Rentré dîner puis sorti pour aller au comité des Pêcheries à la maison des poissonniers, qui se réunit et avança considérablement ses affaires. La séance levée, rentré chez moi et resté tard à mon bureau, accompli beaucoup de travail, et je m'aperçois, avec grand plaisir, que j'ai retrouvé mon ardeur au travail, Dieu me donne de persévérer ! Rentré souper, c'est jour de lessive et, au lit.
21 septembre
Levé et en voiture chez Mr Povey, afin de lui faire signer le paiement des mémoires du capitaine Taylor pour le restant du fret de l'Eagle. Je gagnerai donc ainsi environ 30 livres. Puis, avec lui, en voiture jusqu'à Westminster, chez Huymans, le grand portraitiste où je vis encore de très beaux tableaux, et j'ai sa promesse, par égard pour Mr Povey, de mettre tous ses soins au portrait, quel qu'il soit, que je lui commanderai. Et je songe à faire faire celui de ma femme. Mais c'est chose bien étrange à considérer, et dont je dois me souvenir, que je ne suis jamais plus réticent à me dessaisir de mon argent que lorsque je suis le plus occupé à en gagner, comme, Dieu merci ! ces derniers temps j'en ai gagné davantage en un mois, près de 250 livres, que jamais, en une demi-année, à ce que je crois.
Puis à Whitehall avec Povey, allé à pied jusqu'à l'ancienne Bourse et revenu chez lui pour le dîner, en belle et bonne compagnie, entre autre sir John Sleffington que j'ai connu à Magdalène College, " fellow-commoner ", mon condisciple, mais que je ne connaissais guère, car Dieu sait qu'il était de loin mon supérieur. Je fus, cette fois encore, charmé par la maison de Mr Povey et par ses peintures en trompe-l’œil, d'étranges choses quand on songe comme elles font illusion, au point que c'est, je crois bien, à vous faire hésiter avant de jurer que vous avez jamais rien vu.
Allé avec Povey à St James, puis à Whitehall pour la commission de Tanger, et j'espère avoir aperçu encore une occasion de gagner un peu d'argent, avec la complaisance de sir William Warren, par la fourniture de planches de pin à Tanger. Et, avec ces espérances, rentré plein de joie à la maison, où reçu l'argent du capitaine Taylor que Will a touché aujourd'hui. Allé au lit grandement réconforté après souper.
Aujourd'hui, dans une conversation, Mr Coventry m'a donné de grands espoirs que les Hollandais et nous n'allons pas nous brouiller.
22 septembre
Levé et au bureau toute la matinée. A la Bourse à midi, discuté, entre autres, avec sir William Warren de ce que je pourrais faire pour gagner un peu d'argent en expédiant des planches de pin à Tanger, et lui ai dit l'occasion que j'ai de le faire. Et il me donna quelques conseils, pas aussi bons qu'à n'importe quel autre moment de l'année, mais tels que j'espère pouvoir m'en servir pour gagner un peu d'argent.
Chez George Carteret pour dîner, seul avec lui et le capitaine Cocke, bonne conversation. Puis à la commission de Tanger à Whitehall, et rentré à la maison où je trouve ma femme un peu souffrante, et elle me dit qu'elle pense être grosse. Mais je ne le crois pas, ni ne le désire. Mais la volonté de Dieu soit faite !
Resté tard à mon bureau, puis à la maison, souper et, au lit, avec un rhume de cerveau singulier, attrapé en ôtant tout à coup mon chapeau au dîner ( nte de l'éd les hommes portaient normalement leur chapeau à table ), et en demeurant avec le courant d'air dans le cou.
23 septembre
Mon rhume et mon mal de tête s'aggravant et la gorge enflammée, je fus en grand tourment toute la nuit. Ma femme non plus n'était pas bien, de telle sorte qu'une servante dut veiller auprès d'elle toute la nuit.
Demeuré longtemps au lit le matin. Enfin levé et, parmi d'autres, arrive Mr Fuller, le bel esprit de Cambridge et de mon temps le praevaricator. Il resta chez moi toute la matinée à deviser. Ce qu'il voulait c'était faire débarquer un homme, ce que je fis pour lui.
Dîné sans grand appétit. Dans l'après-midi, à contre-cœur, au bureau. Nous recevons sir George Carteret au sujet d'un arrêt du conseil ordonnant qu'une maison lui soit louée et lui attribuant pour cela
1 000 £ d'arrhes et 70 £ par an. C'est alors que sir John Mennes profita de la manière la plus puérile et la plus malséante pour nous reprocher à tous, mais surtout à lui-même, qu'il n'était pas apprécié parmi nous en tant que contrôleur de la Marine, ne faisant que signer des papiers, ce qui n'est que trop vrai, et tout le monde avait un palais, tandis que lui n'avait pas de maison où coucher, et il aurait voulu avoir pour se construire une maison, ne fût-ce que l'argent que nous avions dépensé en sculptures. Il ne servait à rien de s'opposer à lui, tout le monde l'endura et se gaussa ensuite de lui.
Rentré à la maison et resté tard à lire Le Siège de Rhodes à ma femme, puis au lit, la tête fort douloureuse et la gorge fort enflammée.
24 septembre
Levé et au bureau, affaire toute la matinée, puis rentré dîner. Arrive ensuite un certain Phillips qui s'occupe de la loterie et de qui j'obtins de grands éclaircissements à ce sujet. Je l'emmenai avec moi en allant à Whitehall et le déposai à Somerset House. Il me dit, entre autres, que Monsieur Dupuy, qui est si bien en cour auprès du duc d'York et qui est son grand rival, est un fripon et de son état n'est qu'un tailleur.
A la commission de Tanger où je m'opposai à l'estimation faite par le colonel Legge des approvisionnements à envoyer à Tanger, jusqu'à ce qu'ils en eussent tous honte et qu'il dut, lui, après toute sa bonne administration, son ignorance apparente et sa joie, admettre d'épargner l'argent du roi. Mais plus tard il révéla que son dessein avait été de réserver ces fournitures aux officiers des munitions. Mais Mr Coventry me seconda et à nous deux nous épargnerons dans l'année quelque peu de l'argent du roi. Pour un marché de planches de pin, je m'offre à épargner 172 £ sur 520, et pourtant me propose de gagner moi-même de l'argent.
Rentré à la maison et à mon bureau. Le travail fait, rentré souper et, au lit, ma tête et ma gorge allant toujours fort mal.
Ce soir, Prior de est venu me payer 40 £. Je vois que ce pauvre homme laborieux est quasiment le seul de la ville à prospérer et à acheter. On nous a conté aujourd'hui qu'un navire hollandais de 3 ou 400 tonnes, dont tout l'équipage était mort de la peste, était venu s'échouer à Göteborg.
25 septembre
Jour du Seigneur
Levé et, comme j'ai toujours mal à la gorge et que ma tête ne va pas bien, nous n'allâmes pas à l'église. Mais je passai toute la matinée à lire L'Amour fou ( Fletcher nte de l'éd. ), une très bonne pièce. A midi arrivent Harman et sa femme que j'ai envoyé quérir pour rencontrer les Joyce, qui ne sont pas venus. Il paraît que Will est tombé de cheval et s'est cassé le nez.
Nous fûmes cependant aussi gais que je le pouvais en leur compagnie et nous eûmes une bonne échine de bœuf. Mais à cause de mon rhume je n'ai ni goût ni appétit, si bien que mon dîner ne me plut guère.
Comme il pleuvait ils restèrent à deviser avec nous tout l'après-midi. Et tantôt ils partirent et moi de lire une autre pièce, La coutume campagnarde, qui est bien piètre à mon avis. Puis souper, prières et, au lit.
26 septembre
Levé, me sens de nouveau assez bien, mais avec abondance de croûtes sur la lèvre, mon rhume passant, si bien que je dus porter une grosse mouche de taffetas noir, non que cela ait servi à grand chose. Mais il se trouve que nous n'allâmes point chez le Duc aujourd'hui, je restai donc à la maison, affairé toute la matinée.
A midi, après dîner, à la Bourse, puis retour chez moi, à mon bureau, occupé, bien employé jusqu'à 10 heures du soir, rentré souper et, au lit. L'esprit un peu chagrin de ne m'être pas, ces derniers temps, gardé si vif au travail mais de m'être un peu trop soucié de mes aises et de ma maisonnée à l'arrivée de Mrs Mercer et de Tom. Si bien que j'ai négligé Mr Coventry, et n'ai guère paru actif auprès de lui, mais je résolus de m'y remettre. Non pas que j'aie perdu tout mon temps à ne rien faire, mais pour ce qui est de mes aises, quelque peu. Et puis je me suis un peu trop préoccupé de Tanger et des Pêcheries, et cela, aux yeux de Mr Coventry. Mais j'ai de bonnes raisons de porter mes soins sur Tanger, car c'est l'une des plus belles fleurs de mon jardin.
27 septembre
Levé et descendu par le fleuve, d'abord à Woolwich afin de régler quelques affaires pour le roi, en compagnie de Mr Tooker. Puis à bord du navire du capitaine Fisher, que nous louons pour transporter des marchandises à Tanger et, tout le long du chemin, à l'aller et au retour, je lus et discutai certains papiers que ce pauvre homme, pourvu de quelque expérience dont il est plus imbu qu'il ne sied, proposa au roi lors de son retour et où il ordonnait toutes les finances du royaume d'une manière nouvelle. Mais Dieu sait que c'est chose fort insignifiante. Je garde, néanmoins, l'un de ses papiers où il énumère les branches principales des finances publiques, bon à étudier et à retenir.
Rentré donc, ayant très froid et craignant d'avoir attrapé quelque douleur mais, Dieu merci ! je me sentis bien après cela. Dîner, et après à Whitehall, croyant venir à une réunion de la commission de Tanger. Mais, comme il n'y avait là que milord Rutherford, il voulut à toute force m'emmener au théâtre avec un autre lord écossais. C'est ainsi qu'arrivés en retard nous vîmes une partie du Général, la deuxième pièce de milord Orrery. Mais, mon Dieu ! on ne saurait imaginer pièce si peu comparable à Henry V, à la fois pour le langage, le sens et la composition, et c'est merveille de la voir si piètrement jouée, bien qu'avec de plus beaux habits.
Et ici je dois avouer quelque apparence d'avoir enfreint mon vœu, mais je ne l'avais pas demandé et c'était malgré moi, et mon serment était de n'y aller ni à mes frais ni à ceux d'un autre, ainsi que j'eusse fait en me trouvant obligé de leur rendre la pareille, comme à sir William Penn et Mr Creed. Mais ici je ne sais lequel des deux à payer pour moi, et même si je le savais je n'ai nulle obligation de jamais rendre la politesse, ni ne l'ai fait pour l'avoir voulu, ni de mon plein gré. Avec la conscience nette, je pense donc n'avoir point enfreint mon serment et juge que Dieu tout puissant ne pensera pas autrement.
Allé chez William Joyce. Je trouve ma tante et ma cousine Mary revenues de chez mon père avec grand plaisir et satisfaction, puis chez Kate que je trouvai aussi fort contente de son voyage et de leur bon accueil. Et rentré chez moi, la conscience troublée d'être allé au théâtre. Mais à la maison je trouve Mrs Mercer jouant de la viole, un bel instrument, et je me mets alors aussi à jouer de la viole et à chanter jusqu'à une heure tardive puis, au lit. L'esprit fort embarrassé de savoir comment aller cette semaine à Brampton pour contenter Pigott. Mais avec les craintes que j'ai pour ma maison, mon argent, ma femme et mon bureau, je ne sais comment je pourrais y songer le moins du monde. - Tom Hayter étant hors de la ville et moi ayant presque 1 000 £ chez moi.
29 septembre 1664
Saint Michel
Levé et au bureau toute la matinée. Dîné à la maison avec Creed. Allé ensuite voir sir George Carteret et avec lui jusqu'à la nouvelle maison qu'il prend dans Broad Street. Mesurai toutes les pièces
afin de préparer le bail. Ceci fait, Mr Cutler, son propriétaire, m'emmena visiter toute sa terre et ses maisons, qui sont extraordinairement grandes, car il a acheté tout le quartier des Augustins, et ce sont maintes et maintes fois 1 000 £ qu'il a et qu'il enterrera là.
Rentré chez moi pour m'occuper de mes affaires, régler mes papiers et préparer mes comptes pour le grand apurement mensuel de demain. Puis souper et, au lit.
Nous venons d'apprendre que nous avons chassé les Hollandais de toutes leurs places fortes en Guinée, ce qui va sûrement les enrager tout à fait chez eux. Et sir George Carteret me dit que le roi s'en réjouit fort, mais lui demanda en riant :
" - Mais, dit-il, comment ferai-je pour m'en expliquer devant l'ambassadeur quand il viendra ? "
Bien mieux, on dit que nous les avons aussi chassés de la Nouvelle Hollande, ce qui fait que nous leur causons grand tort depuis quelque temps en plusieurs parties du monde, sans que cela soit officiellement reconnu et justifié.
Leur flotte de Guinée est maintenant, dit-on, prête et sortie des ports et partira cette semaine.
En rentrant ce soir à la maison, j'allai examiner les comptes domestiques de ma femme et, trouvant des choses quelque peu douteuses je me mis en colère, quoiqu'elle s'en fût assez bien expliquée, mais eût avoué que quand il manque une somme elle ajoute un à d'autres choses pour compenser. Et, comme j'étais très en colère, elle protesta qu'elle va se mettre quelque chose de côté pour s'acheter un collier, ce qui me fit enrager et me chagrine encore, car je crains qu'elle n'oublie peu à peu la manière de vivre chichement et en se privant.
30 septembre
Levé et toute la journée, matin et après-midi, à mes comptes, car c'est un mois notable, à la fois pour le profit et pour les débours, le dernier de 89 livres pour la cuisine, des habits pour moi et pour ma femme et quelques dépenses extraordinaires pour la maison. Et mes profits, mis à part mon salaire, 239£. Si bien que cette semaine, nonobstant de grandes dépenses, et des dépenses prévues que je note comme payées ce mois-ci, le solde se monte à 1 200 livres, le Seigneur soit loué !
A midi dîné à la maison, m'attardant pour attendre Kate Joyce, ma tante James et Mary, mais elles ne vinrent pas. Alors ma femme partit les voir et emmena Mary Joyce au théâtre, puis le soir vint s'asseoir près de moi pour travailler au bureau. Tard à la maison, souper et, au lit. Le cœur content du travail de ce jour, quoique chagriné de penser qu'à cause de ma négligence le mois dernier, outre qu'elle m'a fait négliger mes affaires, débourser de l'argent et me rabaisser aussi bien dans mes affaires, aux yeux du monde et à mes propres yeux, je me vois contraint de respecter mon vœu en versant 20 shillings en monnaie dans la tirelire des pauvres, parce que je n'ai point fait tout ce qui était sur mes tablettes, payé toutes mes menues dettes ni recouvré toutes mes menues créances du mois dernier. Mais avec l'aide de Dieu, je ne recommencerai plus.
à suivre...............
1er octobre 1664
Levé et au bureau avant.................