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16 Avril 1665
Jour du Seigneur
Restai tard au lit, me levai puis à mon cabinet et à mon bureau pour examiner diverses cartes dont la bonne compréhension me paraît nécessaire en raison de la guerre contre la Hollande. Rentrai dîner chez moi avec Creed puis, lui et moi marchâmes jusqu'à la chapelle de la Chambre des rôles; où nous pensions entendre le prêche du grand Stillingfleet. Ce n'était pas lui, mais un pauvre sire, et j'en fus contrarié. Le sermon terminé, nous nous séparâmes. Chez moi trouvai Mr Andrews et arriva le capitaine Taylor, une ancienne connaissance de Westminster qui s'y entend fort en musique et compose avec talent. Il nous apporta divers airs à deux voix fort difficiles à chanter. Le pire c'est qu'il en est très fier, ce qui, leur qualité mise à part, les rend presque insupportables, tant il est pénible de l'entendre s'enthousiasmer et s'extasier sur chaque note. Il soupa chez moi. C'est un homme fort sagace, érudit et, de surcroît, grand amateur d'antiquités. Il prétend, entre autres, posséder le manuscrit original de lcharte de Worcester signée du roi Edgar, qui s'y donne lui-même le titre de Rex Marium Brittaniae, etc.........
Quand il partit, allâmes nous coucher
J'apprends ce soir que nous avons capturé trois vaisseaux hollandais et perdu un capitaine.
17 avril
Levé, puis chez le duc d'Albemarle. Il me montra des lettres de Mr Coventry où il est question des trois corsaies hollandais, dont l'un est le fils d'Evertsen, mais ils ont tué le malheureux capitaine Golding du Diamond. Deux bâtiments hollandais, l'un de 32 et l'autre de 20 canons affrontèrent bravement le Diamond qui en avait 46, et le Yarmouth qui disposait de 52 canons et de deux fois plus d'hommes qu'eux. Ils résistèrent plus longtemps que prévu et ne cédèrent pas sans avoir subi de lourdes pertes en hommes. Quand Evertsen fut amené devant le duc d'York et qu'on lui fit remarquer que son chapeau avait été percé d'une balle, il répondit qu'il aurait préféré qu'elle lui eût traversé la tête plutôt que d'être fait prisonnier.
La lettre dit aussi que deux de nos vaisseaux étant apparu non loin des côtes hollandaises, l'autre jour, ils allumèrent aussitôt leurs feux d'alarme en guise d'avertissement. Le roi fut informé que la flotte hollandaise de Smyrne a été aperçue au large des côtes occidentales de l'Ecosse, sur quoi le roi écrivit au Duc qu'il envoyait une flotte au nord afin de tenter de les intercepter alors qu'ils faisaient voile vers la Hollande, ce que Dieu veuille !
Puis à Whitehall. Le roi me voyant m'appela par mon nom, vint vers moi et m'entretint des navires de la Tamise.
C'est la première fois que je puis affirmer que le roi me connaît bel et bien si bien que, dorénavant, lors de chacune de mes apparitions au palais, il faudra m'attendre à être questionné et me tenir prêt à faire les bonnes réponses.
Chez moi, puis accompagné de Creed qui avait dîné avec moi au Vieux Jacques, avec sir William Rider et Cutler, ma femme nous ayant rejoints, nous allâmes tous voir une pièce, " Les Spectres ", au Théâtre du Duc, pièce sans prétention.
Ressortis et avec ma femme, rendis visite à sir Philip Warwick, mais il n'y était point. A la maison, puis à mon bureau jusque fort tard. Rentrai, souper et, au lit.
Aujourd'hui, un certain Briggs, notaire et avoué, fit porter chez moi une montre en argent très sobre. J'étais fâché que ma femme l'eût acceptée ou, du moins, qu'elle eût ouvert la boîte et donné 5 shillings au messager, attestant ainsi que nous l'avions reçue. Mais on ne peut plus rien, et je m'efforcerai de lui faire valoir quelque faveur. C'est un ami de mon oncle Wight.
18 avril
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Levé. Chez Philip Warwick avec qui pris grand plaisir à me promener une heure dans le parc. Parlâmes des comptes de sir George Carteret et des efforts de Warwick pour le convaincre de montrer ses comptes et de rendre public ce qu'il encaisse et ce qu'il dépense.
Revins à mon bureau où je trouve sir John Mennes de retour de Chatham, ainsi que sir William Batten. Ils arrivent tous deux ce matin de Harwich où ils passèrent sept ou huit jours.
A midi à Chelsea, par eau, avec ma femme et Mr Moore, au sujet de mon sceau privé pour la trésorerie de Tanger, mais milord le garde du Sceau privé était sorti, si bien que sans même avoir mis pied à terre, nous dûmes nous en retourner. Pas davantage à Whitehall. Me rendis alors chez sir Philip Warwick et chez milord le trésorier, qui signa mon registre de la commission pour Tanger, ainsi que le bordereau de mon sceau privé où sont consignées les sommes qui doivent m'être payées.
De nouveau chez Mr Moore, à Whitehall. Ne le trouvai pas, revins chez moi et accompagnai ma femme et sa dame de compagnie chez Unthank. A mon bureau très tard, souper et, au lit.
19 avril
Levé dès 5 heures. Par le fleuve à Whitehall, pris une voiture et à Chelsea avec Mr Moore. Après avoir redouté les incertitudes et les obstacles que milord le garde du Sceau privé pourrait opposer à l'obtention de mon sceau privé pour Tanger, celui-ci me l'accorda en première lecture, sans que j'eusse à lui parler, puis me fit entrer et se montra fort courtois. Avant d'entrer dans son cabinet j'eus loisir d'admirer le portrait de l'épouse du fils de milord, une très belle femme qui ressemble beaucoup à Mrs Butler.
Au comble de la joie je retournai à Londres et trouvai Mr Povey à qui je fis part de la nouvelle, puis partis déposer mon sceau privé chez milord le trésorier. Puis à la Bourse et à Trinity House où le capitaine Crisp, élevé à la dignité de frère aîné, donnait un banquet. Après un dîner fort enjoué, chez moi avec Creed. Rencontrai Povey, allâmes à Grisham College où nous vîmes diverses expériences avec le poison de Florence ( tabac ) administré à une poule, un chien et un chat. La première parut comme saoule un moment, puis revint vite à elle. Le second vomit tout violemment sans plus de mal. Quant au troisième je ne pus rester constater les effets, Povey m'ayant demandé de le suivre. Nous descendîmes tous deux au rez-de-chaussée, tandis qu'il me dissuadait vivement de demander de l'argent. Était-ce ou non manœuvre de sa part, je l'ignore. J'en arrive à le croire fin matois, rusé en tout ou presque, hormis ses propres comptes. Il me faisait comprendre que j'aurais du mal à en obtenir, et qu'il est à craindre que Backwell n'ait quelque intention à ce sujet pour se laisser forcer la main.
Je sombrai dans la mélancolie la plus noire à l'idée de devoir perdre ce que j'étais si prêt de tenir. Il me reste cependant une raison d'espérer, qui se confirmera, ou non, demain. Après son départ passai un long moment avec Creed à réfléchir à la marche à suivre. A l'issue de quoi je lui donnai carte blanche pour son entrevue demain avec milord Ashley. Chez moi, rencontrai en chemin Mr Warren pour qui, je le crains, l'espoir que j'avais formé de lui offrir une protection n'aboutira point.
Tous ces tracas, s'ils ne sont pas dissipés, atteindront leur paroxysme d'ici un jour ou deux.
A mon bureau, puis souper. A cause d'un mal de tête me couchai tôt, vers 10 ou 11 heures.
20 avril 1665
Levé, occupé à mon bureau toute la matinée. A midi dînâmes, comme convenu, avec Mr Povey, dont les audaces envers Mrs Mercer, la pauvre n'y étant pour rien, nous firent elle et moi rougir de honte à l'idée qu'il était capable de débaucher une malheureuse, si l'occasion se présentait, d'un ou deux plats sans sauce, comme il le souhaitait. Puis arrivèrent Creed et Andrews. Parlâmes surtout du besoin d'argent pour payer Andrews. Finalement, m'en étant remis au bon jugement de Creed, je me résolus à lui octroyer 400 à 500 £ que j'avais par devers moi, garanties par des tailles. Tout d'abord, j'y répugnai, mais ayant obtenu le soutien de Creed, nous résolûmes de venir en aide à Andrews, et nous nous séparâmes. A mon bureau très tard, rentrai souper et, au lit.
J'apprends qu'on joue ce soir la toute première pièce dans la Grand-Salle de Whitehall désormais convertie en théâtre. Ne pas m'y rendre, malgré une grande envie.
21 avril
Levé et à mon bureau, travaillai. Arrivèrent aussitôt Creed et Povey, discutâmes de notre projet de prêter de l'argent, Creed et moi, avec la garantie d'une taille, afin de satisfaire Andrews. Ce que nous conclûmes dans les formes stipulées par les documents. Autant je me réjouis d'avoir l'occasion de toucher 10 % pour mon argent, autant je suis heureux que la somme avec laquelle je m'engage dans ce commerce ne dépasse pas 350 £.
Dînâmes tous ensemble aux frais d'Andrews, à la taverne du Soleil, derrière la Bourse. Ce fut un bon dîner, mais le plus mal accommodé qui soit.
Chez moi, je trouve Kate Joyce et Harman venus nous rendre visite. Après avoir longuement bavardé sortîmes ensemble en voiture faire une promenade dans la campagne, et nous désaltérâmes à Islington, endroit charmant où une petite averse avait fait se déposer la poussière. A la maison, satisfait du travail de la journée. Un moment au bureau, puis souper et, au lit.
Avons appris aujourd'hui que le Duc et la flotte mirent à la voile hier. Dieu les accompagne, ainsi qu'ils aient bon vent au commencement de leur entreprise.
22 avril
Levé. Mr Caesar, maître de luth de mon petit valet, étant venu de bonne heure lui donner sa leçon, je lui ai parlé du garçon sans mâcher mes mots et lui fis part de ma décision de le renvoyer au cas où il négligerait son luth ou son chant. J'espère qu'il saura en tirer profit. troisponts.net
Eus à faire à mon bureau toute la matinée. Dînai chez moi à midi, puis retour à mon bureau. Travaillai très tard, rentrai souper puis, au lit. Ma femme déploie de grands préparatifs pour aller demain à la chapelle de la Cour.
Appris aujourd'hui de Mr Covey que la flotte a quitté Harwich hier pour les côtes hollandaises, afin de voir ce que feront les Hollandais. Dieu les accompagne !
23 avril
Jour du Seigneur
Comme promis Mr Povey envoya sa voiture de bon matin et j'accompagnai ma femme et sa dame de compagnie à la chapelle de Whitehall. Les installai à la tribune de l'orgue.
Quant à moi, saisi d'une envie de baisser culotte, descendis à la taverne de la Harpe et la Balle, bus aussi, et eus loisir de bavarder avec la fille de la maison, jolie servante et honnête fille. Puis à la chapelle où j'entendis le jeune et célèbre Stillingfleet, que je connais depuis Cambridge et qui vient d'obtenir l'une des chaires de chapelain du roi, et qui fut, à ce qu'on dit, recommandé à milord le trésorier pour la chaire de l'église. Si Andrew, à Holborne, où il officie à présent, avec les morts suivants: ils avaient la ferme conviction ( les évêques de Cantorbéry, de Londres et un autre ) que, depuis les apôtres, on n'avait point vu de jeune homme plus doué que lui pour prêcher l'Evangile. Il fit en effet le sermon le plus clair, le plus sincère, le plus sérieux, le plus estimé que j'aie jamais entendu, et avec un détachement, une aisance et aussi une conviction infinis autour de ces paroles de Samuel au peuple : " Craignez le Seigneur, en vérité, de toute votre âme, et souvenez-vous des bienfaits qu'il vous a prodigués. " Paroles tout à fait appropriées en ce jour anniversaire du couronnement du roi.
Puis chez Mr Povey où je fus fort bien reçu avec Creed. Mais, grand Dieu ! entendre Povey se féliciter tant et plus de la moindre chose, finit par me la rendre écœurante, et ma femme, après que j'eus fait grand compliment de sa demeure, ne le supporta guère mieux.
Après dîner, avec Creed, allâmes en voiture prendre l'air dans les champs qui s'étendent au-delà de St Pancras, entre des giboulées qui, dit-on, sont les bienvenues. Ensuite tous chez moi. Arrivèrent Mr Hill, Andrews, le capitaine Taylor, fîmes de la bonne musique. Puis au souper je trouvai singulier de nous entendre arguer contre Taylor au sujet d'une courante. Car, prétendait-il, une courante doit finir sur une noire pointée et une croche, ce que je déniai. La discussion se poursuivit jusqu'à ce que je l'eusse contrarié. Mais nous nous quittâmes en bons termes. Creed et moi de rire de lui après qu'il fut parti.
Après le souper allâmes nous coucher, Creed et moi, dans le lit de Mercer, puis nous sommes endormis.
24 avril
Levé et avec Creed avons pris la voiture de sir William Batten pour Whitehall. Sir William Batten et moi allâmes chez le duc d'Albemarle, eûmes beaucoup de travail. Puis au cabinet de Creed où, après force cérémonies, je reçus mes deux ordres de paiement m'habilitant à recevoir l'argent de Povey et à honorer ses lettres de crédit. Il est singulier de voir persister chez lui ce trait de caractère qui consiste à différer tout travail qui lui est demandé.
Allâmes ensuite tous deux à Londres, à mon bureau puis revînmes dîner chez milady Sandwich, avec ma femme, comme convenu.
Après dîner milady me dit, seul à seul, se demandant avec les scrupules les plus charmants qui soient, s'il était convenable d'en parler, eu égard à Creed, c'est-à-dire aux yeux du monde, que Creed lui avait fait part de son désir d'être le chevalier servant de Mrs Betty Pickering, qu'il le fondait sur les encouragements qu'il avait reçus à travers certains discours de madame, où elle lui vantait ses propres vertus, ce que, la pauvre, avait fait le plus innocemment du monde. Elle fit une réponse assez froide, mais dépourvue de la sévérité qu'elle aurait dû manifester. D'après ce que milady tient de cette dame, il lui aurait écrit une lettre à laquelle elle répondit avec mépris, résolue à décourager toute tentative de sa part.
Milady prit la chose fort à cœur, comme il se doit. Je lui conseillai d'éviter à l'avenir toute occasion de donner prise au qu'en-dira-t-on au sujet des visites répétées dont il était coutumier depuis peu. Mais qu'il ait pu nourrir l'espoir démoniaque de prétendre à une dame si proche de milord, voilà qui est surprenant, quand on connaît sa réserve et son discernement.
Puis au Cockpit. Me promenai une heure avec milord le duc d'Albemarle, en tête à tête, dans son jardin où il me dit, en des termes élogieux, la haute opinion qu'il avait de moi : à savoir que j'étais le bras droit de la Marine, que nul ici, autre que moi, ne s'occupait de quoi que ce fût, et que par conséquent il ne saurait se passer de moi. Ce dont, venant de lui, je ne fus pas peu fier. Puis à une séance de la commission de Tanger où le quorum n'étant pas atteint, rien ne fut décidé. franceculture.fr
Partis ensuite retrouver ma femme, avec Creed, ma femme étant chez Mrs Pearse encore fort jolie, bien que sa grossesse fût maintenant avancée. Il y a longtemps que je ne l'avais vue. En voiture chez milord le trésorier, mais ne pus parler à sir Philip Warwick. Puis au parc, en voiture, avec ma femme et Mercer. Mais le roi y était et, ne tenant plus dorénavant à ce qu'on me vît prendre du loisir, je leur faussai compagnie au milieu du tour et quittai le parc pour aller voir Knightsbridge où je pus boire et manger dans la voiture, puis rentrai chez moi.
Un bon moment à mon bureau, puis rentrai souper et, au lit, ayant attrapé un bon rhume à force, je crois, de retirer trop souvent ma perruque.
25 avril
A mon bureau toute la matinée et derechef après le dîner. Chez moi tout l'après-midi jusque très tard, puis au lit, la gorge prise par le rhume attrapé naguère pour n'avoir pas mis ma perruque.
Cet après-midi William Penn qui, tout récemment, était aux côtés de son père avec la flotte, me fit part de sa composition : il y avait environ 103 vaisseaux, plus quelques petits ketches, qui aperçurent six ou sept petits éclaireurs hollandais, et envoyèrent des vaisseaux à leur poursuite.
26 avril
Levé de fort bonne heure, toujours enrhumé et l'estomac retourné par la bière au beurre que j'ai bue hier soir au lit et qui m'est restée sur l'estomac jusqu'à ce matin où je l'ai vomie.
Puis à pied chez Povey où Creed me rejoignit. Reçus ma première part d'argent au titre de trésorier de la commission de Tanger, en échange je donnai à Povey un reçu d'un montant d'environ 2 800 livres en tailles. Examinâmes et réglâmes diverses autres questions, puis partis pour Whitehall, après avoir confié à Povey, en privé, le fond de ma pensée au sujet des vues indélicates de Creed sur Mrs Pickering, ainsi que mon vœu de lui voir cesser son jeu et de lui montrer son erreur s'il entend continuer dans cette voie. Ce que je fis à la demande de milady, et je compte poursuivre mes efforts jusqu'à leur conclusion.
Me rendis ensuite chez le voiturier près de Crippelgate, pour savoir si ma mère était arrivée en ville ou non, car je l'attends aujourd'hui, mais elle n'y était pas. Allai ensuite dîner chez milady Sandwich. Après le dîner que nous prîmes dans la salle à manger à l'étage, passai une heure ou deux en sa compagnie à reparler avec elle du projet insensé de Creed. Je m'étonne qu'il ait osé parler lui-même à milady de sa proposition à Mrs Pickering, et d'ajouter qu'il l'avait fait par égard pour la vertu et non point pour la fortune de cette dame, car il pouvait prétendre à une femme mieux dotée. Mais qu'à ce sujet il comptait sur milady pour obtenir des parents de celle-ci une aussi forte somme que possible, ajoutant qu'il n'agissait que sur les encouragements verbaux de madame. Il avait également écrit à Mrs Pixkering qui avait fait une nouvelle réponse dédaigneuse. Je crains fort que l'honneur de la dame n'en soit entaché, à supposer que la chose se sache.
27 avril
Levé et à mon bureau toute la matinée. A midi dîné avec Creed puis nous nous promenâmes dans le parc. Il me dit que milord le trésorier commence à se montrer quelque peu méfiant et souhaite savoir ce qu'il est advenu des 26 000 £ épargnées par milord Peterborough, avant qu'il ne verse d'autre argent. Voilà qui ne laisse pas de nous inquiéter à nouveau, et me fait craindre que mes profits ne tombent à l'eau. Je tends le dos, ne sachant trop s'il me serait plus profitable de disposer de cet argent ou de devoir m'en passer, comme ce sera sans doute le cas des profits venant de la marine.
Tout l'après-midi et jusque très tard fort affairé à mon bureau. Puis souper et, au lit.
Ce soir, William Hewer est rentré de Harwich où il a désarmé plusieurs vaisseaux et payé les équipages, ces deux dernières semaines. Il a navigué assez loin des côtes avec la flotte, 96 vaisseaux naviguant de conserve, des bâtiments de guerre, outre ceux qui sont arrivés ensuite et les suivent depuis, ce qui fait plus de cent. Dieu les bénisse !
28 avril
Levé dès 5 heures. Chez Creed à 6 heures, rendez-vous dans son cabinet où on attendit Povey qui ne vint pas. Allâmes chez Philip Warwick mais, comme il n'était point encore levé, fîmes un tour dans le parc tout proche, où voici que Povey nous rejoint. Après avoir examiné la cause des difficultés que fait sir Philip Warwick à me mandater pour encocher des tailles, la cause étant que milord Peterborough a 26 000 £ net d'épargne sur son compte, on se quitta.
J'allai ensuite chez sir Philip Warwick qui me fit état de ses atermoiements que je m'appliquai à écarter, en emmenant Creed chez milord Ashley. Contre toute attente, celui-ci me fit une réponse fort aimable, la meilleure qu'on eût pu espérer, à savoir qu'il contenterait milord le trésorier.
M'en fus, fort satisfait, chez moi, puis descendis le fleuve pour aller inspecter les navires vivriers, où je trouvai le plus grand désordre. Rentrai dîner puis écrivis une lettre au duc d'Albemarle au sujet de ces navires, la portai moi-même au cabinet du Conseil où elle fut lue. La séance levée, milord le chancelier, en passant, me flatta d'une tape sur la tête et me fit savoir que le Conseil avait lu ma lettre et pris des mesures pour que soient punis les mariniers qui ne s'étaient pas présentés à bord. Le roi renchérit à sa suite. Il me connait désormais si bien qu'à chaque fois qu'il me voit il ne manque pas de m'entretenir de nos affaires de marine.
Puis conduisis milord Ashley auprès de milord le trésorier qui se trouvait à l'étage inférieur dans son cabinet, où je pus écarter les réticences. Menai aussitôt Mr Sherwin auprès de sir Philip Warwick et fis là de même. Chez moi, un moment à mon bureau puis, au lit.
29 avril 1665
Travaillai à mon bureau toute la matinée. L'après-midi chez milord le trésorier dont j'obtins qu'il signât le brevet m'autorisant à encocher des tailles, ce qui me donne accès à de nombreuses affaires. Chez moi, écrivis des lettres jusque très tard, inquiet d'apprendre que sir William Batten et sir John Mennes ont fait la remarque que ces temps-ci je me suis fréquemment absenté de mon bureau sans que ce fût pour affaires. M'en voici contrarié et décidé, Dieu je l'espère ! à penser davantage à mon travail. Mais ce qui me chagrine encore plus c'est que j'ai oublié d'écrire, comme j'aurais dû le faire, à Mr Coventry. Je ne dois pas oublier encore que ce soir je mettais si peu d'attention que je m'endormis au beau milieu de la lettre que je lui écrivais, si bien que j'ai commis une quarantaine de pâtés et de ratures. J'espère, à l'avenir, ne plus jamais être ainsi coupable, si tant est que je ne l'ai pas déjà notablement offensé. Chez moi tard puis, au lit.
30 avril
Jour du Seigneur
Levé, seul à mon bureau toute la matinée à faire mes comptes du mois au sujet desquels, en dépit de leur complication extrême, des vastes sommes déboursées, reçues, et des versements occasionnels, je n'étais guère loin de la vérité. A savoir, entre la première estimation de ce que devraient être mes bénéfices et ma fortune, telle qu'elle résulte de mon actif et de mon passif, il n'y a pas plus de 10 shillings d'écart. C'est une fortune considérable, et je n'en ai que plus d'estime envers moi-même.
A ma grande joie, il apparaît que j'ai gagné ce mois-ci plus de 100 livres net, et qu'au total ma fortune s'élève à plus de 1 400 £. C'est la plus forte somme dont j'aie jamais disposée.
Rentrai dîner. Rencontrai le pauvre Mr Spong qui faisait les cent pas devant ma porte. Il avait frappé mais, s'étant entendu répondre que j'étais à mon bureau, préféra aller et venir discrètement devant chez moi, de crainte de me déranger. Voilà un des plus beaux exemples de discrétion que j'aie jamais connus, et de la part d'un homme qui n'a nulle raison de l'être avec moi.
Il dîna avec moi, puis allâmes à mon cabinet où l'on parla de bien et d'abondance. En un mot, il me parut être l'homme en ce monde qui a le mieux réussi en tout, par le simple fait de son intelligence, tout en n'étant point érudit. Après son départ je pris un bateau et descendis à Woolwich et Deptford. Rentrai tard, puis soupai et, au lit
Ainsi s'achève ce mois. Me voilà fort réjoui quant à ma fortune et mes gains, mais fort inquiet, après toute la peine que je me suis donnée, des difficultés auxquelles je crains devoir me frotter dans l'affaire de Tanger. Notre flotte, environ 106 vaisseaux, est proche des côtes de Hollande, en vue de l'ennemi posté à l'abri de l'île de Texel. On redoute beaucoup le mal ici dans la Cité, et le bruit court que deux ou trois maisons ont déjà été fermées. Dieu nous préserve tous !
à suivre........................
1er Mai
Levé. Chez...........