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jeudi 8 novembre 2012

Lettres à Madeleine 52 Apollinaire



                                                       Lettre à Madeleine

            Le 8 décembre le poète écrit : " Au lieu de 9 jours nous en ferons 10 ou 11 ou plus même dans les
            premières lignes. Aujourd'hui nous avons été soumis à un bombardement épouvantable dont l'écho   
            te parviendra sans aucun doute par les journaux. En ce moment ça continue tout le monde veille aux
           créneaux les autres sont baïonnette au canon... Je t'ai imaginée tout le jour en regardant l'arrivée des
           bombes effrayantes en forme de cigare.
                       Quelle barbe que ces Boches ! Tu sais amour, je laisse pousser la mienne car il n'y a pas
           moyen dans cette vie de me raser régulièrement...

                                                                                                                     9 déc. 1915

           Mon amour j'ai reçu tes trois chères lettres du 30 nov. ( 2 lettres ) et du 1er déc. Mon amour, tu es digne de mon amour, - mais je déteste cette guerre autant que toi. J'écris à ta maman les détails de mon passage dans l'Infanterie. Inutile de le répéter ici. Ne souffre pas mon amour, peut-être qu'une blessure est nécessaire à moi aussi pour que je sois digne de toi et pur pr toi.
           Si j'étais prisonnier ou disparu attends-moi.Si je meurs je te donne tout ce que j'ai et cette lettre en fait foi et sert de testament. Je ne cesse de penser à toi et il me semble, je suis sûr que ta pensée me protège mon amour et je te promets de n'être volontaire pour aucun mission périlleuse. Néanmoins il ne faut se dissimuler que le danger est permanent et excessivement grave. Notre régiment au témoignage des fourriers a dévoré 28 000 H. 90 officiers depuis septembre. Mais d'autre part il vaut mieux que j'aie passé comme officier car il y aura certainement des gradés d'artil. qui passeront encore dans l'infant. et peut-être pas immédiatement officiers. Et me vois-tu sergent dans l'infant. Au demeurant nommé temporairement dans l'infant. j'ai été placé comme officier d'active, ce qui est singulier car un maréchal des logis du 9è et dans le même cas que moi mais beaucoup plus jeune ( 22 ans ) a été nommé dans la Réserve et placé comme tel dans un régiment qui attaque moins que le nôtre. De plus une blessure heureuse pour moi pourrait terminer la guerre et me mettre à l'abri. Je t'adore Madeleine. Tu es ma force. Je ne crois pas qu'il m'arrive d'accident grave ni toi non plus tu ne crois pas. C'est notre 10è jour de tranchées je crois que nous serons relevés ce soir. Je t'aime, mon Madelon. Mon amour ce que tu me dis de ton désir d'être fertilisée est si beau que je veux t'adorer à genoux. Je baise tes yeux rougis. Pauvre humanité que nous sommes.           J'adore tes pieds. J'adore ta passion pour notre volupté et tes hardis coups de reins. Mais non, tu n'étais pas laide enfant, tu étais au contraire extrêmement fine et jolie. Je l'adore ma petite mauricaude chérie aux lèvres rouges aux yeux profonds et ardents. Tu es ma panthère chérie. Ce que tu me dis de l'état de la Méditerranée m'inquiète beaucoup pourvu qu'on ne m'empêche pas d'y aller en permission - tu es ma seule victoire ma Madeleine chérie. Je voudrais calmer tes frissons en te caressant doucement. Je sens tes soubresauts, mon amour, je te prends contre moi, je te serre dans mes bras, je te dis mon Madelon et je suis si heureux de notre amour. J'adore ton baiser de couleuvre. Ma bouche et ma virilité prennent ton parvis exquis. J'adore ta peau sensible et électrisante, j'adore ton ventre contre le mien et les jeux de nos langues. J'aime ton âme et ton corps intacts. J'adore tes hanches qui ont fait sauter les baleines. Je prends tes hanches et tes seins et mets ma virilité dans le parvis blanc que forment tes seins serrés.   J'adore tes cheveux ramenés en avant pour que ma bouche puisse bien baiser ta nuque. J'adore caresser tes cheveux avec les mains. J'adore notre volupté infinie. Ô amour nous avons la même idée en même temps car dans la lettre d'hier que tu trouveras avec celle-ci dans la même enveloppe tu verras que je te fais cette caresse exquise sur le gras de tes cuisses si doux au toucher et à la peau au grain si fin et ma langue, entre tes jambes écartées va chercher le parvis adoré et te fait pâmer. Je ferai chaque jour ta conquête, amour, et notre étreinte sera toujours nouvelle. Je suis l'adorateur et le dompteur de la panthère chérie. Amour je te prends ardemment mon amour adoré, je prends ton corps follement. Hier amour et avant-hier le tir de l'artillerie a été effrayant surtout celui de l'artil. boche. Ils ont fait ce qu'on a fait en sept mais sur un tout petit secteur. Ça nous passait sur la tête mais rien chez nous. Il n'y aurait rien eu à faire. C'est ce qui est terrible dans cette guerre depuis 2 jours les hommes n'ont pas dormi. Ils s'endorment aux créneaux et je suis obligé de les secouer et de les menacer du conseil de guerre pr les secouer. D'ailleurs ce sont de braves gens dévoués et pleins de courage. Mais ils mangent mal et pour ainsi dire pas les jours fréquents de riz qu'ils détestent. La vie de fantassin est peu enviable. Elle est à peine supportable comme officier et il y a tous les risques. Mais j'ai confiance en nous, mon amour, confiance en toi en notre avenir et je t'adore follement admirablement. Tu es ma Madeleine. Je prends ta bouche.

               
                                                                                                      Gui

                                                                                  Gromaie  
            Le 10 décembre 1915 Apollinaire écrit : - Mon amour adoré, hier vers quatre heures, une
           action s'est déchaînée, c'était fantastique et effrayant. Le théâtre même ne peut donner une idée du
           bombardement effroyable qui empourpre soudain le ciel, du sifflement des obus qui passent en l'air
           comme des autos passant sur le sol dans une course, de l'éclatement déchirant des bombes et des
           torpilles, du crépitement insensé de la fusillade dominé par le tac tac tac tout proche de la mitrailleus
           Enfin ça s'est calmé, nous n'avons pas eu de mal à la compagnie, c'était proche' mais pas pour nous.
           Le soir on a été relevés et je suis resté pr mettre la nouvelle compagnie en ligne au courant des
           corvées. Nuit  calme je suis parti à 9 h. du matin pr arriver à 2 h. de l'après-midi. Quelle effroyable
           boue dans les effroyables boyaux. J'ai tes lettres du 2 et du 3. Amour, tu es mon amour. Je suis donc
           au repos si peu reposant et qui peut cesser d'un instant à l'autre, dans une cagnat où il pleut. Boue
           sans nom. J'adore tes deux lettres. Je t'écris tant que je peux. Le 1er officier à partir avant moi est
           parti aujourd'hui.
                       Je t'adore forte comme tu l'es. Hier j'étais découragé et ne voyais pas d'issue possible que
           quelque chose d'effroyable à ma situation actuelle. Aujourd'hui le bon sens a repris le dessus. Je suis
           heureux que tu m'aimes comme tu m'aimes, tu es ma femme adorée, ma vierge exquise. J'ai reçu
           aujourd'hui un livre de fou complet que je t'enverrai demain... Ma belle Madeleine, ma Madeleine
           d'élite... Oui je crois que mon regard aura une puissance exquise sur toi mon amour et j'adore ton
           frisson quand je regarde au fon du parvis...  Oui, j'ai eu il y a quelques jours dans une lettre que tu
           n'as pas encore , ( c'était hier, je crois ) l'idée du sacrifice de mon sang sans doute qu'exige la
           perfection paradisiaque de notre amour...

                                                                                                           Le 12 décembre 1915

            Mon amour, je t'envoie aujourd'hui le singulier bouquin de fou que j'ai reçu. Il est parlé de moi à
propose de mon récit de l'enterrement de Walt Whitman qui avait suscité une polémique fantastique dans le monde entier. J'y joins un porte-monnaie fabriqué par l'ouvrier en cuir de mon ancienne batterie une bague avec un bouton boche que je portais jusqu'ici et que je ne peux plus porter au cas où je serais fait prisonnier et une bague en or ciselé qui est mon cachet et que tu me garderas, tu peux la porter, elle est à toi autant qu'à moi.
            Nous repartons tout à l'heure au combat, les communiqués ont dû te dire l'affaire de la tranchée prise par les Boches ces jours-ci, ce n'est pas nous qui l'avons perdue mais c'est nous qui devons la repreudre -
            J'ai reçu hier le superbe paquet de tabacs cigares et cigarettes. Merci mon amour mais maintenant que je suis officier ne te soucie plus de m'envoyer du tabac, nous en avons, comme officiers en abondance, du fin et des cigarettes.
            Je souhaite de tout mon coeur l'arrivée de cette permission et je voudrais bien que nous soyons revenus de cette affaire. D'ailleurs mes hommes sont épuisés par 11 jours de tranchées.
            Mon amour, je t'adore. Je ne pense qu'à toi, ton corps divin est mon soleil. Je pense à tes lèvres, à toutes tes lèvres mon amour, je pense à ton ardeur exquise à ta beauté.
            Je t'aime le vaguemestre est là. J'écrirai demain.

         
                                                                                          Gui