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1er Juillet 1663
Ce matin il a plu si fort, et pourtant la journée d'hier avait été belle et nous espérions un peu de beau temps dont nous avons été privés depuis trois mois, que cela nous a réveillés. Creed, qui a dormi avec moi cette nuit, et moi. Nous nous levâmes et commençâmes à parler de l'affaire de ses comptes qui sont contestés et pour laquelle je me suis donné bien du tracas et me suis éloigné de sir George Carteret, ce dont je suis fâché. Mais j'espère que nous avons eu ce matin l'idée d'un expédient qui résoudra tout, c'est-à-dire qui permettra de répondre à toutes les questions tout en conservant à Creed les 500 livres qu'il entendait gagner sur le change à l'étranger des pièce de huit qu'il a déboursées.
Une fois habillés en barque à Whitehall, je le quittai avant d'arriver à la Cour, de crainte que George Carteret ne me vît avec lui, ce que je suis contraint d'éviter depuis quelque temps pour effacer les soupçons.
Me rendis à St James, causai un moment avec Mr Coventry, avec qui j'ai d'excellentes et amicales relations. Ensuite au palais de Westminster et, comme je me trouvai dans le vestibule du Parlement, je vis milord Bristol arriver à la Chambre des communes pour donner sa réponse à leur question............
Après son discours il sortit et se retira dans une petite pièce pour attendre que la Chambre eût décidé d'une réponse à ses propos............. Il dit, entre autres, que pour se qui était de sa religion, il était catholique romain, mais de ceux qui pensaient que seul avait droit à la couronne d'Angleterre le prince qui la porte aujourd'hui, et de ceux qui, si le roi voulait connaître son avis, ne lui conseillerait d'autre religion que l'ancienne et vraie religion réformée de ce pays, car elle convient le mieux à ce royaume dans son état présent.
Et il conclut en se soumettant à la décision de la Chambre, disant que quoi qu'ils fissent, et ce sont ses propres paroles, " grâce soit rendue à Dieu, ce chef, ce coeur, et cette épée ( il les désigna l'un après l'autre ) me feront vivre dans n'importe quel lieu d'Europe.........
J'entendis, en partant, que la Chambre des Lords est offensée que milord Digby se soit rendu aux Communes et fait un discours sans demander d'abord son consentement. J'apprends aussi qu'il lui est arrivé une autre disgrâce : milord de Sunderland, que je ne connais point, était si près d'épouser sa fille que les habits de noces étaient faits, que l'on s'était accordé sur la dot et sur toutes choses, et que tout était prêt. Et l'autre jour, voilà qu'il est parti, nul ne sait encore où, envoyant le lendemain à la jeune fille un message par lequel il renonce à ses droits et à ses prétentions sur elle, et il conseille à ses amis de ne pas chercher à connaître les raisons de son acte car il n'en manque pas, et qu'il leur laisse toute liberté de dire et de penser ce qu'ils voudront de lui. Qu'ils ne demandent pas quelles raisons il a de la quitter, car il est résolu à ne jamais la prendre pour femme, mais il refuse absolument de dire pourquoi.
Puis en barque pour dîner avec sir William Batten à Trinity House. Après le repas, Sir John Mennes se joint à nous, et entamâmes la conversation. Mr Batten nous raconta un procès de sir Charles Sedley qui a eu lieu l'autre jour devant milord le président Foster et le Banc du roi au complet, pour les actes de débauche auxquels il s'est livré il y a peu à l'auberge d'Oxford Kate : il est sorti en plein jour sur le balcon et s'est mis nu, a mimé toutes les postures lubriques et sodomiques imaginables, a insulté les Écritures et prêché, en quelque sorte, depuis cette chaire, un sermon de charlatan, annonçant qu'il avait une poudre miraculeuse à vendre qui ferait courir à ses trousses tout ce qui dans la ville avait un con. Et un millier de personnes se tenaient sous le balcon pour le voir et l'écouter.
Quand il eut fini il prit un verre de vin, se lava la bite, puis le but, puis il en prit un autre et but à la santé du roi. neonmag.fr
Il paraît que milord et les autres juges lui firent chacun à son tour force remontrances. Milord déclara que c'était à cause de lui et de misérables scélérats que le courroux et le jugement de Dieu restaient suspendus sur nos têtes, et il l'appela " maraud " à de nombreuses reprises. On dit qu'ils lui ont fait promettre de se bien conduire, car il n'y a pas de loi contre ce qu'il a commis, sous peine de payer 5 000 livres. Comme quelqu'un disait que milord Buckhurst était avec lui, milord demanda s'il s'agissait de ce même Buckhurst jugé il y a peu pour vol, et comme on lui répondait que oui, il demanda s'il avait si vite oublié sa récente libération, et s'il ne lui aurait pas mieux convenu d'avoir été à ses prières, à implorer le pardon de Dieu, que de s'engager à nouveau dans de semblables chemins.
A ce propos, sir John Mennes et Mr Batten disent tous les deux que la sodomie est maintenant devenue presque aussi courante parmi nos godelureaux qu'en Italie, et que les pages de Londres commencent eux-mêmes à se plaindre de leurs maîtres à ce sujet. Mais, Dieu merci, je ne connais point à ce jour la signification de ce péché, ni lequel est actif et lequel est passif.
Ensuite à la maison, et comme mes commis étaient sortis, avec ma permission, pour aller voir les vaisseaux des Indes orientales qui viennent d'arriver, je demeurai tout seul dans mon bureau tout l'après-midi.
J'ai entendu dire aujourd'hui au dîner que don Juan d'Autriche, après sa fuite du Portugal, est mort de ses blessures. Voici un grand homme qui disparaît, et la fin probable d'une grande dispute pour la couronne d'Espagne, au cas où le roi serait mort avant lui. J'ai reçu ce matin une lettre de ma femme apportée par John Goods et j'apprends qu'il y a eu une regrettable querelle entre ma femme, mon père, ma soeur et miss Ashwell, parce que j'ai écrit à mon père d'instruire Pall de ne pas éloigner miss Ashwell de sa maîtresse, ni de les monter l'une contre l'autre. Ce que Pall répéta à miss Ashwell qui prononça certaines paroles que sa maîtresse entendit, et cela causa une grande dispute générale. Je suis profondément fâché de l'apprendre, et je crains que cela ne cause des rancunes impossibles à effacer. De sorte que je crains que ma femme et moi ne nous querellions à ce propos, ou du moins mon père et moi. Je vais cependant essayer de calmer les esprits du mieux que je pourrai, ou de la faire revenir de la campagne avant le jour prévu, mais ce serait bien à contrecoeur.
Le soir me rendis en barque chez mon cousin Roger Pepys, il n'était pas rentré, mais je trouvai le Der John arrivé en ville et est à présent remis de sa maladie. Mais Seigneur ! Quel benêt c'est donc dès qu'il s'agit des affaires publiques, et comme il parle sottement. Quant à son frère, le Dr Tom, je ne sais pour quelle raison il est monté sur ses grands chevaux, ce que m'a dit mon père il y a assez longtemps, et c'est à peine s'il a daigné me saluer. Je n 'en n'ai pas fait davantage à son endroit.
................................
Allai ensuite chez mon frère. Fâché de voir qu'il négligeait les affaires de mon père en ne se souciant pas de faire exécuter ses Paysages. Je sortis en colère et rentrai à pied à la maison, puis montai jouer du luth et ensuite au lit.
2 juillet 1663
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Levé de bonne heure et travaillai au bureau toute la matinée. A midi me rendis à la Bourse, rencontrai plusieurs personnes, et avec le capitaine Cox dans un café, bus avec lui et d'autres négociants. Agréable conversation. A la maison pour dîner, tout seul jouai un peu de la viole, et au bureau où fûmes en réunion tout l'après-midi. Rentrai à la maison pour souper et au lit après un peu de musique, l'esprit fort préoccupé à cause de cette querelle entre ma femme et mon père à la campagne.
Tandis que je me promenais ce soir dans le jardin avec sir John Mennes et sir George Carteret, celui-ci nous rapporta avec force mépris de quelle manière digne d'un comédien lord Digby avait parlé hier, désignant du doigt sa propre tête comme l'avait fait milord, il déclara :
" - D'abord, pour ce qui est de sa tête, je sais qu'une tête de veau aurait fait deux fois mieux, quant à son coeur et son épée, je n'ai rien eu à en dire. "
Il nous dit que la tête de milord Digby avait assurément coûté la sienne à feu le roi Charles Ier, car c'est lui qui avait fait échouer le traité d'Uxbridge. Il nous dit aussi que de simple gentilhomme en France il était devenu un homme fort important, grâce d'abord à Monsieur de Gramont, puis au cardinal qui l'éleva au rang de lieutenant général et plus haut par la suite. Lorsque le cardinal fut banni de France il lui confia des affaires importantes et le recommanda à la reine comme un homme de confiance dont elle pourrait faire son conseiller. Cependant, quand il fut parvenu à avoir quelque ascendant sur la reine, il chercha à détruire l'estime qu'elle portait au cardinal. Elle se tut jusqu'au retour de ce dernier, puis lui rapporta tout. Le cardinal dit alors à milord Digby :
" - Eh bien, Monsieur, vous estes un fort bon amy donc. "
Il le dépouilla sur-le-champ de toutes ses charges. Après avoir été certain de devenir en deux ou trois ans maréchal de France, dignité à laquelle tous les étrangers, même protestants, et ces derniers aussi souvent que les Français eux-mêmes, peuvent atteindre quoiqu'il s'agisse d'une des plus hautes charges de France. Il se retrouva donc chassé de France et exilé en Flandre. Mais là il n'obtint ni la confiance, ni aucune faveur du prince de Condé, car il l'avait aussi trahi, comme il avait trahi le cardinal de Gramont.
Bref, il nous dit que c'est un homme fort doué, mais de peu de jugement et de peu de parole. Un homme qui sait accéder fort aisément aux plus hauts postes, mais toujours incapable de s'y maintenir.
Rentrai ensuite et me mis à ma musique, puis vint Mr Creed. Il me dit qu'il avait maintenant établi ses comptes de façon à satisfaire l'examen le plus exigeant, ce dont je suis content. Puis lui et moi au lit ensemble.
3 juillet 1663
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Lever, il retourna chez lui et je me rendis avec sir John Mennes et sir William Batten en fiacre à Westminster, puis à St James dans l'intention de retrouver sir George Carteret et de nous mettre au service du Duc, mais comme celui-ci ne vint pas nous nous séparâmes. Je me rendis au palais de Westminster où je rencontrai Mr Moore. Il m'apprend une grande nouvelle : milady Castlemaine est tombée en disgrâce à la Cour et s'est retirée ce matin. Il ne m'en donne pas la raison, mais c'est un fait. Cela me désole. Et pourtant, si le roi agit ainsi pour se débarrasser non seulement d'elle mais de toutes ses autres maîtresses, je devrais fort m'en réjouir, car il pourrait commencer à s'occuper des affaires de l'Etat. On dit que le discours de milord Digby lui attire la condamnation de la Cour, et que milord le chancelier voit sa faveur grandir de nouveau. Ensuite j'allai chercher Mr Creed à son cabinet, nous traversâmes le fleuve et à Lambeth. Mais comme c'était le matin nous ne parvînmes pas à voir le corbillard de l'archevêque. Nous coupâmes donc à travers champs pour nous rendre à Southwark où nous nous séparâmes. Je passai une demi-heure dans l'église St Mary Overy qui contient de beaux monuments fort anciens je crois et fut autrefois une belle église. Puis à la Bourse....
A la maison pour dîner et au bureau où je reportai dans mon manuscrit sur la marine le contrat passé avec l'entrepreneur des subsistances. Puis traversai le fleuve et me rendis à pied chez sir William Penn où passai un petit moment, rentrai tard à la maison et jouai de la viole. Ensuite Creed vient à nouveau chez moi et reste passer la nuit, car c'est demain matin qu'a lieu l'audience en présence du Duc. Puis au lit, où causâmes beaucoup de son affaire.
4 juillet 1663
Lever vers 4 heures et envoyai Creed tout préparer. Me rendis au bureau où étudiai des documents et perfectionnai mon manuscrit, entre autres en grattant les taches d'encre, c'est à présent un fort beau livre.
Me rendis ensuite en barque avec sir John Mennes et sir William Batten à St James, et proposai un pari à propos de la marée : qu'elle montait jusqu'au delà du Pont. En conséquence sir William Batten reçut 5 shillings de sir John Mennes.
A St James nous attendîmes que le Duc eut fini de s'habiller et, entre autres, sir Allen Apsley montra au Duc la gazette de Lisbonne en espagnol, où la récente victoire est racontée en détail, à la grande gloire des Anglais, de façon outrancière. Depuis ils ont pris Evora dont les Espagnols s'étaient emparés, et ce sont les Anglais qui ont donné l'assaut, sans perdre plus de trois hommes.
J'ai appris à cette occasion que l'infanterie anglaise est tenue en haute estime dans le monde entier, mais la cavalerie n'a pas la même réputation, alors que chez nous elle passe pour supérieure.....
Quand le Duc fut prêt nous retirâmes avec lui et commençâmes à examiner l'affaire de Mr Creed. Le trésorier, tel un insensé sans raison ni méthode, souleva maintes objections contre les comptes, de même que sir John Mennes et sir William Batten, lesquelles furent réfutées par le Duc en personne, Mr Coventry, milord Berkeley et moi-même. Puis l'on fit entrer Creed qui répondit à tout avec force méthode et grand à-propos. Quant à moi, je n'ai pas parlé aussi bien que j'en avais l'intention ni, qu'à mon avis, je le fais habituellement, c'est-à-dire pas aussi intelligiblement ni aussi persuasivement que j'espérais le faire, non que mes paroles n'aient pas été reçues, car elles ont convaincu ajoutées aux réponses et à l'insistance de Creed et milord Coventry. Et à la fin le Duc lui-même a déclaré qu'il était satisfait, et milord Berkeley a offert de parier 100 livres que le roi ne pouvait nullement être lésé par ces comptes. Quant aux deux derniers chevaliers ils tinrent leur langue, ou du moins comme ils n'y entendaient rien, parlèrent à l'avantage de Mr Creed. Sir George Carteret resta donc seul, pourtant il s'obstina à dire que les comptes n'étaient pas bons, mais entachés de corruption et d'escroquerie. L'audience se termina de manière humiliante pour lui, et je crains fort de perdre son amitié pour longtemps, ce qui me contrarie profondément.
Ensuite à la table d'hôte de la Tête d'Or.......... Puis j'avisai Mr Cutler, le négociant, je le saluai, et comme il montait dans son carrosse et me dit qu'il allait montrer la revue à deux étrangers de Suède, je lui demandai de m'emmener avec lui.
Quel spectacle magnifique de voir rassemblés là tant de beaux cavaliers et d'officiers, le roi, le Duc et d'autres qui passaient à cheval, et les deux reines dans le carrosse de la reine mère ( milady Castlemaine n'était pas présente ). Après être resté un bon moment dans la voiture je descendis et m'approchai à pied de l'endroit où se tenaient le roi, le Duc, etc., afin de voir cavaliers et fantassins défiler en déchargeant leurs fusils, pour montrer à un marquis français en l'honneur de qui cette revue avait lieu ( nte de l'édit : le comte de Comminges ambassadeur de France ) l'excellence de nos fusiliers....... mais je crois que tous ces fringants militaires ne sont pas les soldats qui doivent servir le roi, car ils ressemblent fort à ceux qui firent perdre à l'ancien roi tout ce qu'il avait, et se firent battre par les hommes les plus ordinaires du monde.
Nous sortîmes du parc avec bien des difficultés, je descendis puis traversai St James...... et à la maison........ j'écrivis plusieurs lettres, souper et au lit.
Aujourd'hui, dans le cabinet du Duc où se trouve une tapisserie représentant un épisode de l'histoire romaine avec les quatre lettres S.P.Q.R. ( nte de l'éd. senatus populusque romanus -- Carteret avait peu étudié ayant passé sa jeunesse en mer ) inscrites sur les étendards. Sir George Carteret vint me trouver et me demanda ce qu'elles signifiaient. Ignorance intolérable, me semble-t-il, de la part d'un membre du Conseil privé et qui, chez un écolier mériterait le fouet.
5 juillet 1663
alamyimages.fr Jour du Seigneur
Dormis longtemps car j'étais las et légèrement indisposé hier soir.Vers 7 heures la servante m'appelle pour me dire que milady Batten m'a fait inviter par deux fois à les accompagner à
Walthamstowe aujourd'hui, car Mrs Martha a épousé ce matin Mr Castle à l'église de notre paroisse. Je ne pus me lever assez tôt pour partir avec eux. Je m'habillai puis allai chez Game où je louai un cheval et me mis en route. Je fis fort bon voyage, si ce n'est que quand je voulus uriner j'éprouvai une gêne, ce qui me fait craindre le retour de mon ancienne maladie.
Arrivé et bien accueilli, reçus deux paires de gants, comme tout le monde, et allai me promener avec milady dans le jardin. Elle se montra fort aimable avec moi, et je sais la manière de lui plaire.
Bon et joyeux dîner, mais il n'y avait pas, me semble-t-il, entre les nouveaux époux trace de l'affection et du respect conjugal qui existaient entre ma femme et moi. Ils se conduisaient l'un envers l'autre comme des personnes qui font un mariage de convenance.
Après le dîner nous nous rendîmes en voiture à l'office..... nous nous empêchâmes de dormir par malice. De temps à autre je lisais mon recueil de pièces de théâtre en latin que j'avais emporté dans ma poche............
C'était un vieux pasteur gâteux qui prêchait. Puis rentrâmes et un peu après prîmes le chemin du retour..............
Nous repartîmes, sir John Mennes et moi dans le carrosse de sir John, et nous causâmes chimie durant tout le trajet. Il s'y connaît, c'est du moins l'impression qu'il me fait, à moi qui suis bien incapable de le contredire. Le domestique de Mr Batten montait mon cheval.
Puis à la maison et un moment à mon bureau pour lire mes résolutions. Retour à la maison, prières et au lit.
6 juillet 1663
Levé tôt et à mon bureau......... A midi arrivée de Creed, il me raconte comme tout s'est bien passé entre sir George Carteret et lui après toute la peine que nous avons eue. Il lui a remis ses tailles avec les compliments les plus aimables qui soient......... Creed dîna avec moi puis nous fîmes une petite promenade, puis il partit et je retournai à mon bureau poursuivre le travail du matin jusqu'à la nuit noire, puis revins bien content chez moi. Souper, un peu de musique et au lit.
7 juillet 1663
Levé vers 4 heures et à mon bureau où continuai toute la matinée à travailler à mon livre sur la marine, à ma grande satisfaction. A midi descendis à Woolwich en barque avec sir John Mennes, il descendit à Chatham. Nous mangeâmes en route, sur le bateau un peu de pâté de venaison. Je n'avais rien bu ni mangé de la journée, ce qui me donne des vents. Dans le jardin de Mr Pett je mangeai aussi quelques cerises, les premières de l'année, prises sur l'arbre où le roi en avait lui-même cueilli ce matin. A partir de là poursuivis seul à pied....... parvins à Greenwich, là embarquai pour Deptford où retrouvai Mr Coventry, là visitai tous les magasins, au grand embarras des officiers. Avec son aide, je suis résolu à travailler d'arrache-pied comme autrefois.
Embarquâmes ensuite et causâmes de maintes choses et je vois que je suis la personne en qui il a le plus confiance au bureau et qu'il parle en termes peu flatteurs, les raisons ne manquent pas pour cela, des deux vieux chevaliers..........
Il me dit la même chose que Mr Pett aujourd'hui, que milord Bristol a dit au roi qu'il allait accuser le chancelier de haute trahison, mais je pense que milord Bristol s'est déjà perdu dans l'opinion de tous........ Il est difficile à un prince de se passer d'un vieil officier plein d'expériences, tout corrompu qu'il puisse être. J'espère pourtant que cet homme ne l'est pas, contrairement à ce qu'en disent certains.
Il m'apprend aussi que don Juan est toujours en vie et il n'a pas été tué, comme on l'avait dit au cours de la grande bataille remportée il y a peu contre les Espagnols au Portugal.
Ensuite à la maison et restai tard à mon bureau. Puis chez moi et fis de la musique.
Cette nuit, comme on va vider la fosse d'aisances de Mr Turner qui est dans ma cave, je pense que je vais attendre un peu plus longtemps que d'ordinaire pour me coucher.
Cet après-midi, en remontant de la rive avec Mr Coventry, j'aperçus mon petit valet sur la colline de la Tour, il jouait avec les autres valets. J'envoyai donc William Griffith l'attraper, et il me le ramena. Alors, sans lui dire un mot, je le fis dévêtir, car il s'était enfui avec son plus bel habit, il endossa l'autre et je le renvoyai, sans lui dire un mot de plus, quoique je sois triste pour ce vaurien qui, pourtant, ne le mérite pas.
En arrivant à la maison je constatai que j'avais l'estomac dérangé, parce que je n'avais pas fait de véritable dîner, ce qui m'a donné des vents. Je demandai tard dans la soirée qu'on m'apporte de quoi manger, puis au lit, et laissai les ouvriers en bas dans la cave, remonter la merde en passant par la maison de Mr Turner. Puis, de meilleure humeur, me mis fort tard au lit.
8 juillet 1663
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Comme j'étais las et que je m'étais couché tard hier soir, je dormis jusqu'à 7 heures. Il pleuvait très fort, et cela ne s'arrêta pas une minute de toute la journée, hélas ! au point que je ne sais ce qu'il adviendra du blé cette année, car nous n'avons eu que deux belles journées en plusieurs mois.
Lever et à mon bureau où travaillai toute la matinée. Puis à midi à la maison où dîner seul d'un bon plat d'anguilles que m'a données Mitchell, le fabricant de drapeaux, jouai ensuite un peu de la viole, puis descendis à la cave que je parcourus de long en large avec Mr Turner, pour voir comment on pourrait agrandir sa fosse d'aisances, ou à quel endroit on pourrait lui en creuser une autre. Il me semble que cela pourrais se faire. Ensuite à mon bureau fort occupé toute la journée à mettre de l'ordre dans mes papiers, notamment mes livres de contrats, et à préparer notre prochaine réunion. Dans la soirée je reçus des lettres de la campagne, entre autres une de ma femme dont le ton, me semble-t-il, est si froid que cela me chagrine fort et me fait craindre d'avoir bien du mal à la ramener à ses amènes dispositions d'autrefois.
Ensuite à la maison, souper et musique seul plaisir que je m'accorde ces derniers temps et le seul que je puisse raisonnablement offrir à d'autres, car j'ai trop gaspillé mon temps et mon argent.
Au retour m'arrêtai un moment chez sir William Batten et causai avec lui, milady est à la campagne, et nous envoyâmes chercher des homards. Mrs Turner entra et nous apporta un pâté de mou de cerf tout juste sorti de son four, extraordinairement savoureux, et ensuite des liqueurs de sa confection, elle a le goût très sûr en la matière, fort bonnes. Rentrai à la maison tout joyeux d'avoir si bien mangé ce soir.
9 juillet 1663
Lever, uriné ce matin, ce que je fais chaque matin à mon réveil, avec plus d'abondance et de facilité que de coutume, ce que je crois pouvoir attribuer à la liqueur de sureau que j'ai bue hier soir. Sortis sous une pluie battante et pris une barque pour me rendre à Blackfriars. Entrai dans une petite taverne et envoyai un message à la Garde-Robe, mais Mr Moore était sorti. J'embrassai trois ou quatre fois la servante de la maison, une jolie fille mais fort vertueuse. Et, Dieu me pardonne ! j'avais bien envie d'aller plus loin.
Me rendis ensuite chez mon avocat et au bureau des Six Clercs où j'apprends que ma requête contre Tom Trice a été rejetée. Je suis contrarié car c'est ma négligence qui en est la cause, et cela va m'occasionner des frais. Vis ensuite Mr Phillips et lui parlai de la possibilité qu'il me trouve quelqu'un qui me donne contre un capital en argent une rente d'environ 100 livres par an sur deux têtes, et à la maison où préparai mes habits de cavalier pour le soir au cas où Mr Moore aurait persisté dans son idée d'aller à Oxford, ce que je n'ai guère envie avec ce mauvais temps, et les eaux si hautes. Dînai à la maison et visite de Mr Moore décidé à ne pas partir. Brève réunion au bureau....... Me rendis à Deptford, fis l'appel de tous les hommes de l'arsenal, dans le seul but, Dieu me pardonne ! de trouver Bagwell, un charpentier qui a une jolie femme, pour me donner l'occasion de la connaître et de l'obliger à revenir au bureau. J'eus tant de chance dans mon entreprise qu'au moment de repartir lui et sa femme vinrent à ma rencontre pour me remercier d'une ancienne faveur. Je ne parlai pas beaucoup à la femme mais je trouverai l'occasion de la faire venir me voir...... Entrai voir Mr Penn toujours malade. Il me dit que lady Castlemaine, en dépit de tout ce que l'on dit, était à la Cour cette semaine. Je suis content de l'apprendre, mais il semble que le roi soit plus distant que d'ordinaire.
Rentrai à pied, comme à mon habitude et me mis aussitôt au lit, car j'ai pris froid aux pieds, peut-être en marchant dans la boue avec des souliers trop fins, ou d'autre façon, et j'ai commencé à souffrir. Grâce aux vêtements chauds que j'ai mis, je me suis trouvé mieux vers le matin, mais je souffrais toujours.
10 juillet 1663
stopmensonges.com/
Levé tard.... et à Westminster où Pearse le chirurgien, me certifie que le roi est plus froid envers milady Castlemaine, il croit qu'il commence à être amoureux de la reine et a beaucoup de considération pour elle............. Mr Bristol à la Chambre des Lords a accusé le chancelier de haute trahison......
1. - Qu'il a été à l'origine de la paix récemment conclue avec la Hollande à des conditions très désavantageuses, et qu'il a été acheté.
2. - Que Dunkerque a aussi été vendu principalement sur son conseil au grand détriment de l'Angleterre.
3. - Qu'il a reçu 6 000 livres pour rédiger ou appuyer la récente déclaration sur l'Irlande, concernant la répartition des terres de ce pays.
4. - Qu'il a mis en oeuvre le projet de mariage portugais, si préjudiciable à la couronne d'Angleterre, alors qu'il savait que la reine ne pouvait avoir d'enfants.
5. - Que le mariage du Duc avec sa fille était une manigance dont il fut l'artisan et ce afin d'avancer sa famille et qu'il y parvint par des moyens détournés.
6. - Qu'il a fait rompre le mariage avec une princesse de Parme, auquel milord Digby oeuvrait au moment même où le mariage portugais était décidé ici, ce qu'il a pris comme une grande offense personnelle, ce qui est vrai, et c'est en effet la cause principale de toute cette querelle.
7. - Qu'il a oeuvré pour le retour du papisme.............. En outre milord Bristol étant lui-même catholique, tout cela est fort étrange.
Après le dîner retrouvai, à Chatham sir John Mennes et Mr Waith. Leur contai les nouvelles du jour dont tout Londres bruissait.......... et dormis bien.
11 juillet
Levé tôt et me rendis à la darse......... après redescendis en voiture car il pleuvait fort, pour voir lancer le Prince en réparation depuis trois ans. Rejoignis sir John Mennes et le commissaire Pett chez Mr Barrow, nous passâmes un long moment à manger des friandises et examiner les antiquités que possède Mr Barrow, entre autres un vieil almanach manuscrit en parchemin........ Il y avait là une jolie jeune fille, une nièce que je pris grand plaisir à regarder.............
Rentrai au manoir de la Colline alors qu'il pleuvait à verse aussi dru qu'il est possible, et soupai. Après une longue conversation sur les affaires de l'arsenal, en particulier des comptes des commissaires de marine dont s'occupe Hempson, sur ce point un rusé coquin.
Tard au lit........ et dormis bien.............. On raconte que le vieil Edisbury, l'ancien surintendant qui est mort ici, hante de temps en temps les lieux.
12 juillet
the-inn-at-lambton.1fr1.net Jour du Seigneur
.............. A l'office avec John Mennes, entendîmes un sermon passable........
Dîner avec sir John Mennes et le commissaire Pett etc. et promenade dans le jardin, car c'était la plus belle journée depuis longtemps.
Derechef à l'office, puis à la darse en traversant la corderie et visite aussi des terrains environnants, des entrepôts etc. avec les officiers de l'arsenal. Puis chez le commissaire Pett où l'on nous servit un bon lait caillé au vin et autres bonnes choses, ce fut gai. Le commissaire Pett me montra à moi seul et contre grand secret ses plans de vaisseaux en coupe........
Rentrai à pied au manoir de la Colline, fort mécontent du commissaire Pett car ce que j'ai vu m'a convaincu de son incapacité à commander les officiers de l'arsenal..........
Après que John Mennes fut allé se coucher, je pris avec moi Mr Whitfield, un des commis, et me rendis à pied à la darse vers 11 heures du soir. Je pris une barque et un équipage et nous dirigeâmes vers les vaisseaux de garde par un des plus beaux clairs de lune que j'eusse jamais vus. Les vaisseaux de garde étaient fin prêts à nous saluer...... le vaisseau était en bon ordre et les canons bien calés. Puis ce fut au tour du Sovereign. Je découvris qu'il n'y avait aucun officier à bord, que les canons ne sont pas calés et qu'il n'y a pas de poudre pour amorcer les quelques armes chargées mais démunies de boulets.........
Je passai ainsi toute la nuit à visiter tous les vaisseaux. Je ne trouvai, dans la plupart des cas, aucun officier ni même un homme éveillé. J'en fus fort chagriné, surtout si peu de temps après une grande alerte.......... Je suis résolu à rapporter cela au Duc.
13 juillet
Il faisait grand jour quand j'accostai, et au lit pour seulement deux heures. Puis me levai et accompagnai le garde-magasin et le clerc de la corderie dans une tournée de la darse et de la corderie
et rassemblai tous les employés de l'arsenal et expliquai au vérificateur des rôles comment utiliser mes nouveaux rôles.
Retournai au manoir de la Colline pour manger quelque chose et me rendis en barque à Rochester où je montai dans une voiture louée........ C'était une journée agréable et chaude et fûmes rendus vers quatre heures..........
A la maison où je trouve tout en ordre.........
Aujourd'hui........ Je rencontrai la reine mère qui se promenait sur le mail conduite par milord St Albans..............
J'appris que le roi et la reine était allé au parc en voiture avec les dames d'honneur, et comme je remarquai une grande foule d'élégantes qui attendaient pour les voir repasser, je restai et me promenai de long en large. Au milieu des gens je remarquai un homme qui ressemblait à Mr Pembleton. Je n'ai guère de raisons de penser qu'il s'agit de lui, car celui-là causa et devisa longtemps avec milord d'Aubigny, cependant, Seigneur ! voilà que le sang me monte au visage et que je commençai à suer à cause de ma haine et de ma jalousie de naguère, dont je prie Dieu de me délivrer.
Bientôt apparurent le roi et la reine, ravissante...... les cheveux coiffés à la négligence. Le roi la tenait par la main. Il y avait aussi lady Castlemaine avec les autres dames, mais il me sembla que le roi ne lui accordait pas la moindre attention........ Je les suivis dans Whitehall et dans la chambre d'apparat de la reine où se pressaient toutes les dames, causant et jouant avec leurs chapeaux à plume
.......... Mrs Stuart ainsi vêtue avec son chapeau aux bords retournés orné d'une plume rouge, ses yeux de velours, son petit nez aquilin et sa taille excellemment tournée est la plus grande beauté............
Je restai un long moment et m'arrachai à grand peine à la contemplation de ces dames. Je partis......... et rentrai à la maison. Allai voir sir William Batten...... et à la maison, souper et au lit. Avant de m'endormir m'imaginai que je m'ébattais avec Mrs Stuart avec un plaisir extrême.
14 juillet 1663
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Levé un peu tard, car rattrapai la nuit dernière....... puis à mon bureau pour mettre des papiers et d'autres choses en ordre, et rédiger mon journal de mercredi dernier à aujourd'hui.
......... A midi avec Mr Hunt allâmes boire dans un café de la Bourse, et chez moi pour dîner, et visite de mon oncle Thomas Pepys........... Je l'ai presque enivré car le pauvre homme n'a pas la tête bien solide....... Partis après le repas, au bureau, réunion, restai tard, puis à la maison et au lit...............
15 juillet
Lever et toute la matinée au bureau. Rencontrai, entre autres, Cooper le fournisseur. Il m'irrita par la sottise qu'il montre dans l'accomplissement de son travail. Il connaît peut-être autant de choses sur le bois de charpente que d'autres qui font le même métier mais il m'apparaît que beaucoup de ces choses se font par routine, sans réfléchir du tout.
A la maison pour dîner avec le capitaine Grove qui part aujourd'hui à la campagne. Il me rapporta des propos tout à mon honneur, quant à mon sérieux comme à mes capacités, tenus à la table du Duc........... Et Mr Coventry parla de même, ce qui me réjouit fort, car je sais comme certains étaient opposés à mon entrée au bureau de la Marine.
Me rendis ensuite en barque à Westminster et me promenai un bon moment dans la Grand-Salle.où l'on va faire des travaux, et, que Dieu me pardonne ! j'avais bien envie de sortir avec Mrs Lane, ou en compagnie de n'importe quelle autre femme, tant j'étais tenaillé de désir. Mais le sort voulut qu'elle ne pût s'absenter et que je ne rencontrasse personne d'autre. Je rentrai donc à pied à la maison et réglai en chemin maintes affaires personnelles importantes dans le quartier du Temple avec mes hommes de loi et d'autres, à ma grande satisfaction, et remerciai Dieu de n'avoir rencontré personne qui me fît gaspiller mon temps et mon argent. Souper, puis jouai un peu de la viole et au lit, imaginant que je m'ébattais avec la reine.
à suivre............
16 juillet 1663
Lever et......