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A Gaston Gallimard
Peu avant le 13 avril 1921
Mon cher Gaston
Je vous raconterai après un incident explicatif. Merci mille fois de votre lettre, mais j'ai, au moins deux choses à y ajouter :
1° En ce qui concerne la conversation avec Jacques Rivière je l'ai prié de vous demander de faire annoncer mon prochain livre dans la bibliographie de la France ( je dis sans doute mal le titre mais enfin c'est le memento dont vous m'aviez parlé ) non pas le samedi qui finira la première semaine de mai ce qui nous retardera inutilement mais le samedi précédent veille du 1er Mai ce qui permettra à l'ouvrage d'être en vente chez les libraires non pas évidemment le 1er mai comme il avait été convenu ( puisque vous me dites que c'est un dimanche ) mais le 2 mai ( lundi ) ce qui nous fera gagner huit jours ce qui est beaucoup en cette saison. Je ne peux pas comme je dicte vous dire les raisons pour lesquelles je regrette que vous ne m'ayez pas répondu à ma première lettre à ce sujet.
2° Est-ce que l'édition de luxe des jeunes filles ( 300 f ) est entièrement souscrite ou non ? Je vous le demande parce que un jeune homme que je connais un peu désire en souscrire un luxe. S'il en reste encore je vous enverrai son adresse pour que vous lui en envoyiez un qu'il paiera n'ayez aucune crainte car il est fort honnête et je crois de plus fort riche. Accessoirement je suis désolé que mon nouveau livre n'ait pas été annoncé dans le dernier numéro N.R.F. et tant d'autres choses du même genre. Mais ne nous arrêtons pas sur ces riens. Pour finir ( et c'est la raison que je finis et n'ai pu écrire moi-même ) c'est précisément le ridicule incident auquel je faisais allusion au début. Ce matin pendant que je faisais bouillir mon lait pour prendre mon véronal j'ai fait un faux mouvement, ma bouillote ( c'est le cas de le dire car le lait bouillait ) s'est renversé sur moi. Cela m'a fait des brûlures ce qui est déjà sans charme, mais pas bien grave, mais ce qui est pire c'est que mes tricots transpercés, mon lit traversé se sont refroidis. Il a fallu tout changer ; mes douleurs finies depuis un jour ont recommencé, un maux de gorge inexistant jusque-là leur a tenu compagnie. Voilà des sujets bien frivoles mais j'aime causer avec vous de tout ; et puis c'est une excuse pour moi.
J'aime surtout parler de vous avec Jacques Rivière ; nous nous entendons très bien pour chanter vos louanges, et nous nous donnons la réplique aussi bien que si nous avions " répété ". Croyez mon cher Gaston à ma vive affection
Marcel Proust
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A Gaston Gallimard
22 avril 1921
Mon cher Gaston fond-ecran-image.com
Paraissons-nous toujours ( je veux dire être en vente chez les libraires ) le 2 Mai ?
- . Je suis très dans des idées noires parce que je me demande ( pas du tout à cause de cette parution imminente, cela n'a pas de rapport ) si je n'ai pas été depuis qq années le " cocu "de la N.R.F. Heureusement - ou malheureusement - ce sont des cornes qu'on ne peut pas porter. Comme c'est si pénible de discuter ces choses-là entre nous, ne croyez-vous pas qu'il serait mieux d'y mettre un " neutre désintéressé " mais opérant, comme dit la diplomatie du Dr Simons. - . Du reste peut'être je vois plus en noir certaines choses parce qu'ayant pris froid il y a une semaine j'ai des crises d'asthme qui ne cessent ni jour ni nuit et m'obligent à ajouter à mes souffrances un surcroît d'intoxication. - . En tous cas même si ce ne sont que des papillons noirs et s'ils s'envolent, s'il ne se produit donc pas de scission entre nous, il me paraît bien difficile de pouvoir vous donner avant mai 1922 ( au lieu d'Octobre prochain ) Sodome II puisque je n'en ai encore reçu aucun placard et que comme je vous l'ai dit c'est le seul volume à remanier profondément. Enfin peut'être, en travaillant beaucoup. J'espère qu'on vous a rapporté le Baudelaire que vous aviez eu la gentillesse de m'envoyer. Je l'avais fait acheter le matin même et ne me suis même pas servi du mien, ayant pu citer de mémoire tout ce que je voulais. Cela fait un bien long, bien mauvais article, et déjà un peu suranné, tout le monde ayant ces 2 mois-ci écrit sur Baudelaire. je pourrais ensuite faire pour Jacques un Reinach comique, si je n'étais si fatigué. Et puis bien que je fusse brouillé avec lui depuis plusieurs années, et jamais très bien avant, je n'aime jamais beaucoup ces nécrologies burlesques. Mais je l'ai très bien connu. Cela reposerait de mon assommant Baudelaire. Croyez mon cher Gaston à mon amitié " taciturne et toujours menacée " comme dit Vigny.
Votre dévoué Marcel Proust
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A Marcel Proust
('extrait )
22/4/21
Mon cher Marcel, je réponds à la hâte à votre lettre de ce matin qui me consterne. Pourquoi pensez-vous être le " cocu de la nrf ? ( ai-je bien lu ? ) ( à la première lecture, j'avais lu le " coeur " de la N.R.F. ce qui serait plus vrai )................
Je vous assure, croyez-moi, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir.
Bien affectueusement
Gaston
pinterest.fr A Marcel Proust
( extrait )
7/5/21
Mon cher Marcel............
............Je viens de traiter avec un des plus grands éditeurs anglais Chatto et Windus pour la traduction en langue anglaise de Du côté de chez Swann. Il paiera 12% de droits sur les 3
1er mille et 15% ensuite, avec un à valoir de 50 livres sterling. J'ai réservé pour vous le droit de voir ou faire revoir la traduction - et j'ai donné un délai de 14 mois pour la faire paraître.
Bien affectueusement
Gaston Gallimard
A Marcel Proust
( extrait )
3.6.1921
Monsieur Marcel Proust
44 Rue Hamelin
Paris
Mon cher Marcel,
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Votre manuscrit de " Sodome " est entre les mains de l'imprimeur.......... Je lui avais déjà demandé de tirer ces épreuves avec de grandes marges, mais je crois préférable, en effet, de coller une page blanche en face de chaque page d'épreuve................
......... Croyez à mon affection bien dévouée,
Gaston Gallimard
........... Je suis très inquiet de la santé de ma femme et elle-même est bien découragée. Elle a une sorte de rhumatisme déformant dont on ignore la cause. Pourriez-vous me donner le nom de votre propre médecin. Merci.
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A Gaston Gallimard
Dimanche 8 juin 1921
La lettre pour le Docteur Bize est incluse dans celle-ci.
Mon cher Gaston radio.cz
Un hasard inouï croisé avec le dimanche où il n'y a pas de lettres l'après-midi, fait que je prends seulement connaissance de mon courrier, et je vous réponds aussitôt. Je joins à cette lettre une autre d'introduction pour le docteur Bize que je crois le meilleur de Paris. Ne confondez pas avec d'autres du même nom. Il demeure 60 Avenue de La Bourdonnais. Je suis navré que Madame Gallimard souffre. J'espère du fond du coeur que Bize lui fera du bien. Il est d'une science infinie, mais trop modeste car un certain degré de charlatanisme souvent utile pour bien prendre en mains les malades, lui fait entièrement défaut. En tous cas soyez sûr que son examen sera parfait. Puisque je vous écris je vous dis 2 mots de la N.R.F. et qui me contrarient assez, car l'un s'adresse à Rivière et l'autre à Tronche, et cela m'ennuie de parler par personnes interposées. Mais c'est pour éviter de faire trop de lettres. - . Toutes réflexions faites et pour ne pas vous fatiguer inutilement de ma prose je ferai mes commissions moi-même, ce qui ne sera pas plus long. Du reste celle pour Tronche vous concerne et je lui avais demandé de vous en parler, il y a environ un mois. Mais comme cela n'avait rien d'urgent et qu'il est surmené, il n'y a peut'être plus pensé, et je vais lui redire la même chose. Croyez mon cher Gaston à ma vive affection
Marcel Proust
Ci-joint la lettre pour le docteur Bize.