lundi 30 avril 2012

Pensées d'hier pour aujourd'hui La Bruyère La Rochefoucauld et les autres

Choses vues

                                                                                                                  29 avril 1847

            La laitue romaine a été apportée d'Italie en France par Rabelais.

                                                           
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                                                                                                                    24 avril 1847

            Pensée d'avril. Ce qui fait la beauté d'un rosier fait la laideur d'une femme : avoir beaucoup de    boutons.

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            Égalité, traduction en langue politique du mot envie.

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                                                                                                                  Mars 1848

           Nous sommes sur le Radeau de la Méduse, et la nuit tombe.

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                                                                                                                  4 août 1847

           La vieille guillotine que Versailles avait depuis 93 a fini par s'user. On l'a remplacée par une neuve, un peu moins haute. La première exécution avec cette guillotine neuve a eu lieu avant-hier. C'était un assassin nommé Thomas, qui a poussé des cris effrayants.
            L'échafaud qu'on dressait autrefois place Hoche avait été transporté à la grille de la rue du Chantier. Versailles en est donc à sa seconde guillotine. Espérons qu'il n'usera pas la troisième.

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                                                                                                                   12 mars 1847

             On a accroché dans ma salle à manger la lampe hollandaise. Mélanie est entrée et a dit : " - Tiens, une lampe arabe ! " Cela était en effet hollandais il y a deux cents ans ; cela est arabe aujourd'hui. Il y a des modes qui montent lentement du midi au nord, d'autres qui descendent du nord au midi.

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                                                                                                                         Mai 1848

            De février à mai, dans ces quatre mois d'anarchie où l'on sentait de toutes parts l'écroulement, la situation du monde civilisé fut inouïe. L'Europe avait peur d'un peuple, la France ; ce peuple avait peur d'un parti, la République ; et ce parti avait peur d'un homme, Blanqui.
           Le dernier mot de tout était la peur de quelque chose ou de quelqu'un.


                                                                                                               HUGO
          
           


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dimanche 29 avril 2012

Les Fenêtres Charles Baudelaire ( petits poèmes en prose )

fenêtresLes Fenêtres


                        Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée. Il n'est pas d'objet plus profond, plus mystérieux, plus fécond, plus ténébreux, plus éblouissant qu'une fenêtre éclairée d'une chandelle. Ce qu'on peut voir au soleil est toujours moins intéressant que ce qui se passe derrière une vitre. Dans ce trou noir ou lumineux vit la vie, rêve la vie, souffre la vie.     
                         Par-delà des vagues de toits, j'aperçois une femme mûre, ridée déjà, pauvre, toujours penchée sur quelque chose, et qui ne sort jamais. Avec son visage, avec son vêtement, avec son geste, avec presque rien, j'ai refait l'histoire de cette femme, ou plutôt sa légende, et quelquefois je me la raconte à moi-même en pleurant.
                         Si c'eût été un pauvre vieil homme, j'aurais refait la sienne tout aussi aisément.
                         Et je me couche, fier d'avoir vécu et souffert dans d'autres que moi-même.
                         Peut-être me direz-vous : " Es-tu sûr que cette légende soit la vraie ? " Qu'importe ce que peut être la réalité placée hors de moi, si elle m'a aidée à vivre, à sentir que je suis et ce que je suis ?


                      
                                                                                                   Baudelaire

samedi 28 avril 2012

Lettres à Madeleine 33 Apollinaire

Lettre à Madeleine
Maître de l'école de Fontainebleau

                                               ( 9 8bre lettre du poète d'amour et poème . Par ailleurs il écrit " Mon amour je t'envoie une aile de papillon... les papillons ont de beaux noms mythologiques... " Il souligne après avoir lu d'Annunzio ..." Décidément c'est un écrivain bien faux... " )

                                                                                                                  11 8bre 1915

            Mon amour,j'ai eu 2 lettres de toi aujourd'hui ( du 2 et du 3 ) . Je suis très content, je t'y sens plus Poppée et Phèdre. Je t'aime tant ainsi. Surtout d'ici où ta chère sensualité me console de tout l'ennui, est le seul remède à l'ennui. Accentue cette note, mon amour. Tu as dit toi-même qu'il fallait augmenter le secret entre nous, augmente-le notre secret, sans crainte. Sois nue devant moi... de si loin. Je t'ai envoyé bien d'autres paquets pour te tenir au courant de mon existence, car je savais bien que les lettres auraient un long retard. Réponds aussi bien ponctuellement âmes questions quand j'en fais ou que tu en devines. Songe qu'à cette lettre-ci je n'airai pas de réponse avant le 27 ou le 28. Ne parle plus de la permission pour le moment, elles sont supprimées dans la zone de l'avant sur tout le front. Les permissionnaires de maintenant sont donc ou les gens des dépôts ou ceux des arrières de la zone des armées. L'infanterie va quelquefois au repos dans ces arrières, nous n'y allons jamais. Le groupe n'a pas encore été au repos. On  juge que nous avons assez de loisirs ( donc repos ) sur place. Je me souviens admirablement de ton lourd regard de Marseille, si chargé de toute la volupté que tu portes. Tu es très belle. Je baise ta bouche à travers la voilette que je déchire comme un voile d'Isis et je prends toute la petite voyageuse devenue ma petite femme adorée que je serre follement contre moi. Mais oui, mon amour nous saurons admirablement nous dire que nous nous aimons et nous saurons le dire par les lèvres et par les yeux.
            C'est charmant, exquis de m'avoir raconté ce que tu as fait après m'avoir quitté sur le quai de la gare à Marseille et aussi de m'avoir fait tout le récit du combat amoureux qui s'est livré en toi depuis. Je t'aime. Nous nous sommes donc aimés dès que nous nous sommes vus. C(est merveilleux. Je t'adore.
            Mon adorée, j'aime notre cher roman et je prends toute ta bouche que je baise, puis tes seins si sensibles et dont mon baiser durcit les pointes qui se tendent vers moi comme ton désir. Je mets mes bras autour de toi et je te presse intimement contre mon coeur.
            C'est le moment où les épeires ces araignées crucifères jettent lesfils de la vierge un peu partout. En les regardant ces fils blancs que le vent agite et fait blanchoyer à la lumière, c'est à toi que je pense Ô mon lys adoré.
                                                                               

            Tu as raison de ne pas me parler de la guerre si longue c'est tellement inutile d'en parler.
            D'ailleurs les communiqués sont très exacts. J'ai pu le vérifier pr ce qui concerne nos secteurs. Car c'est fini le temps où le soldat ne savait rien de la bataille - idée lancée par Stendhal souvent esprit faux - dans cette guerre en tout cas, on sait tout au fur et mesure. cela tient peut-être à la guerre de positions que nous faisons. Et Trapèze, Main, Tahure, Mamelles, arbre de la cote 193, on sait tout ce qui s'y passe, minute par minute pour ainsi dire par les blessés, les camarades du génie, les téléphonistes, les officiers eux-mêmes. Donc fie-toi aux communiqués, ils sont sincères et très très bien faits ! µJ'avoue que j'étais sceptique à  l'heure endroit, avant d'avoir pu contrôler leur leur véracité scrupuleuse. D'ailleurs ils sont postdatés et les événements qu'ils rapportent se passent la veille de la date qu'ils portent.
            Ici on est dans une très grande confiance justifiée par les événements. Dommage que les affaires balkaniques jettent quelque ombre là-dessus.Je t'écris ce soir du 10 peut-être finirai-je ma lettre demain, nous tirons une bonne partie de la nuit. Aujourd'hui spectacle admirable du retour d'une escadrille de 28 avions de bombardement que croisaient nos avions de chasse. Cela se passait très très haut pas aussi haut que notre amour et le ciel était taché de milliers de flocons blancs qu'y laissent les éclatements. Spectacle angoissant et charmant. D'une délicatesse si neuve ! Au loin longeant les 2 fronts narguaient les vilaines saucisses priapiques qui veillent immobiles comme des asticots qui naîtraient dans une pourriture d'azur. Saucisse ! Sont-ce les asticots dont il naît ces gracieux papillons les avions.
            Je me demande pourquoi dans cette terminologie de l'aviation, si incertaine encore on n'a pas songé à rendre un hommage verbal à Icare. De son nom on aurait pu tirer des mots. Il le méritait cet ancêtre incontestable des aviateurs Elie Elisée Simon le Magicien aussi !
            Et toi je t'adore, je te prends nue comme une perle et te dévore de baisers partout des pieds jusqu'à la tête et évanouis-toi d'amour, mon amour adoré, dont je mange la bouche et les beaux seins qui m'appartiennent et jouissent infiniment gonflés de volupté. 

                                                                                                                         
                                                                                                              Gui                                                                                                       


                                                                 Le Palais du Tonnerre
                                                             ( écrit au verso d'une couverture de Résurrection )

           Par l'issue ouverte sur le boyau dans la craie
          En regardant la paroi adverse qui semble en nougat
          On voit à gauche et à droite fuit l'humide couloir désert
          Où meurt étendue une pelle à la face effrayante à deux yeux réglementaires
          Qui servent à l'attacher sous les caissons
          Un rat s'y avance en hâte et se recule en hâte
          Et le boyau s'en va couronné de craie semée de branches
          Comme un fantôme creux qui met du vide où il passe blanchâtre
          Et là-haut le toit est bleu et couvre bien le regard fermé par quelques lignes droites
          Mais en deçà de l'issue c'est le palais bien nouveau et qui paraît ancien
          Le plafond est fait de traverses de chemin de fer
          Entre lesquelles il y a des morceaux de craie et des touffes d'aiguilles de sapin
          Et de temps en temps des morceaux de craie tombent comme des morceaux de vieillesse
          A côté de l'issue que ferme un tissu lâche qui sert généralement aux emballages
          Il y a un trou qui sert d'âtre et ce qui y brûle est un feu semblable à l'âme
          Tant il tourbillonne tant il est inséparable de ce qu'il dévore et fugitif
          Les fils de fer se tendent partout se servant de sommiers supportant des planches
          Ils forment aussi des crochets et l'on y suspend mille choses
          Comme on fait à la mémoire
          Des musettes bleues des casques bleus des cravates bleues des vareuses bleues
          Morceaux de ciel tissus des souvenirs les plus purs
          Et il stagne parfois de vagues nuages de craie
          Sur la planche des fusées détonateurs joyaux dorés à tête émaillée
          Noirs blancs rouges
          Funambules qui attendent leur tout de monter sur les fils de fer
          Qui font un ornement mince et élégant à cette demeure souterraine
          Ornée de six lits placés en fer à cheval
          Six livres couverts de riches manteaux bleus
          Sur le palais il y a un haut tumulus de craie
          Et des plaques de tôle ondulée qui sont le fleuve figé de ce domaine idéal
          Sans eau car ici il ne coule que le feu jailli de la mélinite
          Le parc aux fleurs de fulminate jaillit des troncs penchés
          Tas de cloches au doux son de douilles rutilantes
          Sapins élégants et petits comme en un paysage japonais
          Le palais s'éclaire parfois d'une bougie petite comme une souris
          Ô palais minuscule comme si on te regardait par le gros bout d'une lunette
          Petit palais où tout s'assourdit
          Petit palais où tout est neuf, rien d'ancien
          Et où tout est précieux où tout le monde est vêtu comme un roi
          Ma selle est dans un coin à cheval sur une caisse
          Un journal du jour traîne par terre
          Et tout y paraît vieux cependant
          Si bien qu'on comprend que l'amour de l'antique
          Le goût de l'anticaille
          Soit venu aux hommes dès le temps des cavernes
          Tout y était si précieux et si neuf
          Tout y est si précieux et si neuf
          Qu'une chose plus ancienne ou qui a déjà servi apparaît
                              Plus précieuse
          Que ce qu'on a sous la main
          Dans un palais souterrain creusé dans la craie si blanche et si neuve
          Et deux marches neuves elles n'ont pas deux semaines
          Sont si vieilles dans ce palais qui semble antique sans imiter l'antique
          Qu'on voit que ce qu'il y a de plus simple de plus neuf est ce qui est
                 Le plus près de ce que l'on appelle la beauté antique
          Et ce qui est surchargé d'ornements
          Ce qui a des ornements qui ne sont pas nécessaires
          A besoin de vieillir pour avoir la beauté qu'on appelle antique
          Et qui est la noblesse la force, l'ardeur,l'âme, l'usure
          De ce qui est neuf et qui sert
          Surtout si cela est simple simple
          Aussi simple que le petit palais du tonnerre
         



vendredi 27 avril 2012

Pensées d'hier pour aujourd'hui La Bruyère La Rochefoucauld et les autres

Myosotis                                                             10 avril 1902

            Je suis le prêtre des Noces de Cana. Je ne suis pas celui du jeûne au désert.

                                                                    ..........

                                                                                                 29 avril 1912

            Suis-je assez bête de vouloir regretter ce qui m'éreintait, de toutes manières ! J'étais, chaque jour sur la brèche. Il fallait parler, répondre, marcher sans arrêt. L'important est de ne pas mourir de faim, c'est tout.
            Mon enfance, ma jeunesse ont été craintives. La peur de pêcher me paralysait, et je pêchais tout de même, sans en avoir certains bénéfices.
            Enfin, hier, on a capturé Bonnot, cet anarchiste, ce bandit de l'automobile et du revolver dont les crimes terrifiaient l'opinion, depuis plusieurs mois. Après avoir tué un sous-chef de la sûreté, il avait pris la fuite et du Petit-Ivry, il était venu se cacher, dans un garage à Choisy-le-Roy. On en fît le siège. Il y eut une fusillade, dynamite, etc. On tua Dubois,le mécanicien, on trouva Bonnot blessé à mort. Il rendit son âme rouge à l'Hôtel-Dieu. Quelle est exactement la psychologie d'un assassin comme cet homme de 35 ans ? La gloire du crime leur tourne la tête.
            Nous avons besoin de morale et tout le monde tire dessus.
            Les républicains laissent croire qu'elle se confond avec le cléricalisme, les catholiques ont l'air de la monopoliser. Hors de l'église, pas de morale ! Les grands républicains ne sont pas des modèles...

                                                                  ..........

                                                                                                     28 avril 1925

            On n'imagine pas la grossièreté de l'Action française. Léon Daudet traite tout le monde d'assassins, d'abrutis, de péteux, etc. Et les suppositions les plus graves ! Et ça se dit chrétien ! Jugements téméraires, calomnies : tout est bon, pour soutenir les idées politiques et satisfaire les passions de même ordre. Charles Maurras se met de la partie et traite Briand de " poisson décomposé ". Je trouve que la France périt de ses divisions, périt de sa presse, périt de ses parlementaires, de ses bavards, périt de son orgueil, périt des jérémiades perpétuelles.


                                                                                                     Abbé Mugnier
                                                                                          ( extrait : journal 1879 - 1939 )                       

                                                                 

jeudi 26 avril 2012

Lettres à Madeleine 32 Apollinaire ( suite )

Le deuxième poème secret
monstre et boulingrin
            La nuit la douce nuit est si calme ce soir que l'on n'entend que quelques rares éclatements
            Je pense à toi ma panthère bien panthère oui puisque tu es pour moi tout ce qui est animé
            Mais panthère que dis-je non tu es Pan lui-même sous un aspect femelle
            Tu es l'aspect femelle de l'univers vivant c'est dire que tu es toute la grâce
                      toute la beauté du monde
            Tu es plus encore puisque tu es le monde même l'univers admirable selon la norme
                     de la grâce et de la beauté
            Et plus encore mon amour puisque c'est de toi que le monde tient  cette grâce et
                    cette beauté qui est de toi
            Ö ma chère Déité, chère et farouche intelligence de l'univers qui m'est réservé
                    comme tu m'es réservée
           Et ton âme a toutes les beautés de ton corps physique c'est par ton corps que m'ont été
                    immédiatement accessibles les beautés de ton âme
           Ton visage les a toutes résumées et j'imagine les autres une à une et toujours nouvelles
           Ainsi qu'elles me seront toujours nouvelles et toujours toujours plus belles
           Ta chevelure si noire soit-elle est la lumière même diffusée en rayons si éclatants que
                     mes yeux ne pouvant la soutenir la voient noire
           Grappes de raisins noirs colliers de scorpions éclos au soleil africain noeuds
                     de couleuvres chéries
           Onde, ô fontaines, ô chevelure, ô voile devant l'inconnaissable, ô cheveux
           Qu'ai-je à faire autre chose que chanter aujourd'hui cette adorable végétation
                   de l'univers que tu es Madeleine
           Qu'ai-je à faire autre chose que chanter tes forêts moi qui vis dans la forêt
           Arc double des sourcils merveilleuse écriture, sourcils qui contenez tous les signes
                   en votre forme
           Boulingrins d'un gazon où l'amour s'accroche ainsi qu'un clair de lune
           Mes désirs en troupeaux interrogatifs parcourent pour les déchiffrer ces runes
           Écriture végétale où je lis les sentences les plus belles de notre vie Madeleine
           Et vous cils, roseaux qui vous mirez dans l'eau profonde et claire de ses regards
           Roseaux discrets plus éloquents que les penseurs humains, ô cils, penseurs penchés
                   au-dessus des abîmes
           Cils soldats immobiles qui veillez autour des entonnoirs précieux qu'il faut conquérir
           Beaux cils antagonistes, antennes du plaisir, fléchettes de la volupté
           Cils anges noirs qui adorez sans cesse la divinité qui se cache dans la retraite
                    mystérieuse de vue mon amour
           Ö touffes des aisselles troublantes plantes de serres chaudes de notre amour réciproque
           Plantes de tous les parfums adorables que distille ton corps sacré
           Stalactites des grottes ombreuses où mon imagination erre avec délices
           Touffes, vous n'êtes plus l'âche qui donne le rire sardonique et fait mourir
           Vous êtes l'ellébore qui affole vous êtes la vanille qui grimpe et dont le parfum est si tendre
           Aisselles dont la mousse retient pour l'exhaler les plus doux parfums de tous les printemps
           Et vous toison, agneau noir qu'on immolera au charmant dieu de notre amour
           Toison insolente et si belle qui augmente divinement ta nudité comme à
                   Geneviève de Brabant dans la forêt
           Barbe rieuse du dieu frivole et si gracieusement viril qui est le dieu du grand plaisir
          Ö toison triangle isocèle tu es la divinité même à trois côtés, touffue innombrable
                  comme elle
                                       Ô jardin de l'adorable amour.
                  Ô jardin sous-marin, d'algues de coraux et d'oursins et des désirs arborescents
                      Oui, forêt des désirs qui grandit sans cesse des abîmes et plus que l'empyrée


                                                                                                  Gui aime Madeleine
                                                                                                      Je t'aime ma Madeleine
                                                                                                  Je t'aime Gui


          ..........
               (  troisième poème secret suit. Il n'est pas transcrit ici. La copie manuscrite du texte est ajoutée. Il suffit au lecteur de se procurer le livre " Lettres à Madeleine " éd. Gallimard  pour retrouver toutes les lettres qui ne seront pas sur le site. Quelques-unes fort intéressantes compléteront
cette partie consacrée au poète )
                  
           

mercredi 25 avril 2012

Le Chat le Chardonneret et les Etoiles Pirandello ( nouvelle Italie )

Le Chat le Chardonneret et les Etoiles


            Une pierre. Une autre pierre. L'homme passe et les voit l'une à côté de l'autre. Mais cette pierre que sait-elle de la pierre d'à côté ? Et de la rigole; l'eau qui y coule ? L'homme voit l'eau et la rigole ; il entend l'eau couler et arrive même à imaginer qu'en passant, cette eau confie qui sait quels secrets à la rigole.
            Ah, quelle nuit d'étoiles sur les toits de ce pauvre hameau parmi les monts !
            A regarder le ciel du haut de ces toits, on jurerait que, cette nuit, les étoiles ne voit que cela, tant elles scintillent vivement au-dessus.
            Or les étoiles ignorent même la terre.
            Ces monts, est-il possible qu'ils ne se sachent pas appartenir à ce hameau perdu au milieu d'eux depuis presque mille ans ? Tout le monde connaît leur nom : le mont Corno, le mont Moro. et eux ne se sauraient même pas montagnes ? Et alors, la plus vieille maison du hameau ignorerait aussi qu'elle est là, au coin de cette rue, la plus vieille de toutes les rues ? Est-ce dieu possible ?
            Et alors ?

            Alors croyez tout de même, si cela vous chante, que les étoiles ne voient rien d'autre que les toits de votre hameau perdu parmi les monts.
           J'ai connu deux petits vieux qui avaient un chardonneret. Comment ce chardonneret, de ses yeux vifs et ronds, voyait leurs visages, la cage, l'appartement avec tous les vieux meubles, et ce que sa tête de chardonneret pouvait penser de tous les soins et attentions dont il était l'objet, ça non, certainement, cette question ne s'était jamais présentée à ces vieux tant ils étaient sûrs que lorsque le chardonneret venait se percher sur l'épaule de l'un ou de l'autre et se mettait à leur picoter la peau ridée du cou ou le lobe de l'oreille, il savait très bien que l'endroit où il se posait était une épaule, et ce qu'il picotait, un lobe d'oreille ; que de plus, l'épaule et l'oreille étaient celles du monsieur ou de la dame. Était-il possible qu'il ne les connût pas tous les deux ? Lui le pépé et elle la mémé ? Qu'il ne sût pas que si tous les deux l'aimaient tant  c'était qu'il avait été le chardonneret de leur petite-fille décédée qui l'avait si bien dressé à venir se poser sur l'épaule, à becqueter ainsi l'oreille, à voleter hors de la cage dans l'appartement ?
            Dans cette cage suspendue entre les rideaux dans l'embrasure de la fenêtre il ne restait que la nuit et, le jour, seulement de courts instants pour picorer son millet et boire une goutte d'eau avec mille courbettes minaudières. C'était là somme toute son palais royal et la maison, son vaste royaume. Et perché souvent sur l'abat-jour de la lampe à suspension, dans la salle à manger, ou sur le dossier du fauteuil du grand-père, il prodiguait ses gazouillis et aussi... bien sûr, un chardonneret.
            - Petit sale ! grondait la grand - mère en le voyant faire.
            Et son chiffon toujours en main, elle courait nettoyer comme s'il y avait eu un bébé dans la maison dont on ne pouvait encore prétendre qu'il eût le jugement de faire certainement choses dans les règles et là où il faut. Et elle se souvenait d'elle, la mémé, elle se souvenait de sa petite-fille qui, pendant plus d'une année, lui avait imposé cette corvée, la pauvre chérie, jusqu'à ce qu'enfin,en brave enfant...
            - Hein, tu te souviens ?
            S'il se souvenait. Il la voyait encore là, à trotter par la maison, toute minuscule, pas plus haute que ça!
Il hochait longuement la tête.
            Ils étaient demeurés seuls, deux petits vieux seuls avec cette orphelines qui avait grandi à leur foyer, qui allait être la joie de leur vieillesse, et au contraire à quinze ans... Mais le souvenir d'elle - trilles et envols - s'était conservé très vif en ce chardonneret. Et dire que d'abord ils n'y avaient pas pensé ! Dans l'abîme de désespoir où le malheur les avait précipités, comment penser à un chardonneret ? Mais sur leurs épaules courbées, soulevée de sanglots, le chardonneret - mais oui ! - était venu se poser de lui-même doucement, tournant la tête à gauche à droite, puis il avait allongé le cou et, de derrière, un petit coup de bec à l'oreille comme pour dire que...dire qu'il était une part d'elle bien vivante.Vivante, oui, encore vivante, et qui avait encore besoin et e leurs soins et de l'amour - le même amour - qu'ils avaient éprouvé pour elle.
            Oh avec quels tremblements ils l'avaient pris,le pauvre vieux,dans sa grosse main pour le montrer en sanglotant à sa pauvre vieille ! Que de baisers sur cette d'épingle, sur ce mignon bec ! Mais lui ne voulait pas être pris, emprisonné dans cette main. Il se débattait de la tête et des pattes et répondait par des coups de bec aux baisers des deux vieux.
            La grand-mère était sûre et certaine qu'avec ses gazouillis le chardonneret appelait encore sa jeune maîtresse et qu'en voletant de-ci de-là dans l'appartement, il la cherchait, ne cessait de la chercher sans relâche, incapable de se résigner à ne plus la trouver ; et que ses gazouillis sans fin étaient autant de discours pour elle ; des questions, oui, exactement, que les mots n'auraient pas mieux posés, répétées trois, quatre fois de suite, attendant une réponse et exprimant la colère de n'en pas recevoir.
            Mais comment cela, s'il était également sûr et certain que le chardonneret n'ignorait rien de la mort ? S'il savait : qui appelait-il ? De qui attendait-il qu'on répondît à ses questions, que les mots n'auraient pas mieux posées ? Eh mon Dieu, ce n'était au fond qu'un chardonneret ! Tantôt il l'appelait, tantôt il la pleurait. Était-ce possible de mettre en doute que par exemple, en ce moment, il pensait à la jeune morte, ainsi tout pelotonné sur le perchoir de sa cage, la tête rentrée, le bec en l'air, les yeux mi-clos ? A de tels moments, de loin en loin, il laissait échapper de brefs petits cris étouffés, preuve évidente qu'il pensait à elle, qu'il la pleurait et se lamentait. Un vrai déchirement, ces petits cris.

                                chat et oiseau PAUL KLEE

                 Le vieux grand-père ne contredisait pas sa mémé.Lui aussi en était si sûr !Il n'en montait pas moins tout doucement sur une chaise comme pour chuchoter de tout près un ou deux mots de réconfort à cette pauvre petite âme en peine et en même temps, comme à son propre insu, il rouvrait la porte à ressorts de la cage qui s'était fermée.
            - Le voilà qui s'échappe, le voilà qui s'échappe, le coquin ! s'écriait-il en se retournant sur sa chaise et en le suivant des yeux, le regard rieur, les deux mains écartées devant son visage comme pour se protéger.
            Là-dessus le pépé et la mémé de se quereller: combien de fois le lui avait-elle répété qu'il fallait le laisser tranquille lorsqu'il était ainsi et ne pas l'importuner à vouloir le tirer de son chagrin. Tiens, il l'entendait, maintenant ?
            - Il chante, disait le vieux.
            - Ça, chanter ? répliquait-elle en haussant les épaules. Il t'en dit de toutes les couleurs. Fou de rage, qu'il est. !
            Elle accourait pour le calmer. Peine perdue ! Il sautillait par-ci, il sautillait par-là, fâché pour tout de bon ; et non sans raison car à ces moments-là, devait-il lui sembler,il aurait mérité plus de considération.
             Et le plus beau, c'est que le pépé non seulement acceptait tous ces reproches sans dire à la mémé que la porte à ressorts était fermée et que c'était sans doute pour cela que le chardonneret piaulait si lamentablement, mais il pleurait en entendant parler de la sorte sa vieille compagne à la poursuite du chardonneret,il pleurait et s'avouait à lui-même, hochant la tête, le visage en larmes :
             - Il a raison, le pauvre... Le pauvre, il a raison.Il ne se sent pas considéré. Il le savait bien, en effet, ne pas se sentir considéré. Pauvres vieux qu'ils étaient tous les deux, personne ne les considérait ; ils étaient la risée publique depuis qu'ils ne vivaient plus que pour ce chardonneret et se condamnaient à demeurer perpétuellement toutes fenêtres closes, le pépé également ne mettant plus le nez dehors parce qu'il était vieux, oh oui, et il pleurait là, chez lui, comme un gosse, mais les nasardes, il ne les  avait  jamais tolérées et si quelqu'un dans la rue avait eu la fâcheuse inspiration de le tourner en ridicule il aurait joué sa vie ( de quel prix était-elle désormais pour lui ? ), comme rien qu'il l'aurait jouée. Parfaitement, pour ce chardonneret-là, si quelqu'un avait eu la fâcheuse inspiration de lui dire quelque chose. Trois fois dans sa jeunesse il s'était trouvé à deux doigts de... oui : la vie ou la liberté ! Ah il lui en fallait peu,à lui, pour voir rouge !Chaque fois que ces intentions belliqueuses lui allumaient le sang, le vieil homme se levait avec souvent le chardonneret sur l'épaule et il allait jeter par la fenêtre des regards féroces sur les fenêtres des maisons d'en face. Que ce fussent-là des maisons, là en face, des fenêtres avec vitres enchâssées, barres d'appui, vases à fleurs et tout ; que les choses au-dessus fussent des toits avec cheminées, tuiles, gouttières, le pépé ne pouvait en douter, et il savait également à qui elles appartenaient, qui y habitait, comment on y vivait. Le malheur, c'est qu'il ne lui venait pas à l'esprit de s'interroger sur ce qu'étaient sa maison et ces autres maisons en face pour le chardonneret en boule sur son épaule ; et ce qu'elles étaient aussi pour ce magnifique gros chat de gouttière blanc qui se tenait tout pelotonné sur le rebord de la fenêtre d'en face à se prélasser au soleil, paupières closes. Des fenêtres ? Des vitres ? Des tuiles ? Ma maison ? Ta maison ? Pour ce gros chat blanc qui dormait là au soleil, ma maison ou ta maison ? Mais s'il pouvait s'y introduire, toutes les maisons étaient à lui ! Des maisons ? Tu parles ! Des lieux où chaparder, où dormir plus ou moins commodément. Ou faire semblant de dormir.
            Croyaient-ils vraiment, ces deux vieux, qu'en tenant toujours portes et fenêtres fermées, d'empêcher un chat, s'il le voulait de trouver un autre chemin pour venir dévorer ce chardonneret ?
            Et n'était-ce pas trop prétendre que d'attendre du chat qu'il sût que ce chardonneret était toute la vie de ces deux vieux pour avoir appartenu à la petite-fille décédée qui l'avait si bien dressé à voleter hors de sa cage dans l'appartement ? Qu'il sût encore que le pépé une fois qu'il l'avait surpris derrière une des fenêtres à épier de tous ses yeux à travers la vitre le vol insouciant du chardonneret, la pièce s'était rué chez sa maîtresse l'avertissant furieusement que gare ! gare ! s'il le surprenait une seconde fois... Le surprendre là ? Quand ? Comment ? Sa maîtresse... Ces deux vieux... la fenêtre... le chardonneret... Quoi ?
            Et un jour, il se l'envoya - mais oui, ce chardonneret qui pour lui pouvait tout aussi bien être un autre - il se l'envoya en pénétrant qui sait comment, qui sait par où dans la maison des deux vieux. La mémé, la nuit était sur le point de tomber - entendit tout juste à côté comme un léger cui-cui, un gémissement ; survenant, le pépé entr'aperçut une forme blanche qui s'esquivait par la cuisine et, éparses sur le sol, quelques petites plumes de la gorge, les plus douces, qui dans le courant d'air que son entrée provoquait palpitèrent légèrement sur le carreau. Quel cri ! Retenu en vain par sa compagne,il prit une arme, se précipita comme un fou chez la voisine. Non, ce n'était pas la voisine, mais le chat qu'il voulait tuer, ce chat, oui, sous ses yeux à elle ; et il tira dans la salle à manger lorsqu'il le vit tout tranquille assis sur le dressoir. Il tira un, deux, trois coups, fracassant la vaisselle, jusqu'au moment où lui aussi, une arme à la main, le fils de la voisine accourut et tira sur le vieillard.
            Une tragédie.Au milieu des cris et des pleurs, le pépé fut transporté chez lui auprès de sa vieille mémé, blessé à la poitrine, moribond.
            Le fils de la voisine s'était enfui dans la campagne. La ruine dans deux maisons et le hameau sens dessus dessous pour une nuit entière.
            Et le chat ? Sûr qu'il ne s'en souvenait pas, à peine un moment plus tard, de s'être envoyé le chardonneret, un chardonneret quelconque , sûr qu'il n'avait pas compris que c'était sur lui que le vieux tirait. Au bruit du coup, il avait fait un beau saut, pris la fuite et maintenant - regardez-le - il était là, bien sage, tout blanc sur le toit noir à regarder les étoiles qui des sombres profondeurs de la nuit sans lune ne voyaient absolument pas - on peut en être sûr et certain - les pauvres toits de ce hameau parmi les monts, mais elles scintillaient si vivement au-dessus qu'on aurait juré qu'elles ne voyaient que cela, cette nuit-là.


                                                                                          Luigi Pirandello
                                                                         ( première parution dans Penombra 1917 )
                                                                               
           


        


mardi 24 avril 2012

Natures mortes au Vatican Michèle Barrière ( policier France )

NATURES MORTES AU VATICANNatures mortes au Vatican
                                                                         Roman noir et gastronomique en Italie
                                                                                        à la Renaissance

            En ce temps-là bien manger, bien vivre, bien cuisiner, le tout dans la joie étaient dangereux. Scappi est cuisinier d'un pape très peu désireux d'agapes et qui réduisait chaque jour le nombre de plats, à la grande tristesse de Bartolomeo qui se consolait en compilant dans un livre mille recettes. Son titre, Opéra.
Son secrétaire n'était autre que François Savoisy, arrivé à Rome pour fuir ses mésaventures françaises ( voir précédent volume ). Mais François bon vivant fréquentait des peintres, des dessinateurs et les belles romaines. Il était aussi bavard. Invité à se présenter devant le cardinal de Granvelle proche de l'Inquisition. Interrogé sur ses activités François se laissa aller et dévoila le titre et l'état d'avancement du volume. François ignorait que le Cardinal était un grand collectionneur ce dernier exigea que lui soit remis le manuscrit qui serait parrainé par son maître à lui Philippe d'Espagne. Menacé de mort François participait cependant aux fêtes parfois sanglantes. Puis il apprit que le peintre Arcimboldo était à Rome et choisissait des oeuvres d'art pour l'empereur Maximilien et son fils Rodolphe " dévoreur d'objets précieux ". Le peintre officiel à la cour des Habsbourg un jour disparut.
Entre l'enquête et les recettes - fèves au safran - pigeons à la sauge - purée de carottes et de coings - rôti de thon farci au thon etc... environ 25 recettes en fin d'ouvrage - l'auteur nous raconte l'histoire, la vraie, et c'est agréable. Nombre de personnages ont vraiment vécu tels Scappi, Arcimboldo... Une courte visite à Naples qui fut espagnole. 1570 la campagne italienne est couverte d'arbres fruitiers, d'herbes et de légumes prêts à combler les voyageurs. Se distraire en apprenant, agréable.
                                                                        

lundi 23 avril 2012

Lettres à Madeleine 32 Apollinaire



HEBE par Carrier Belleuse

            ( Longues Lettres les 7 et 8 octobre. Apollinaire lui fait part de sa tristesse à l'annonce de la mort de Rémy de Gourmont "... qui était mon ami et m'avait amené au Mercure. C'est un grand esprit qui disparaît. Ses jugements allaient parfois de travers quand l'intérêt lui dictait mais au reste c'était un puits de connaissances littéraires et qui sait même biologiques. Défiguré par la lèpre ( disait-on, en tout cas il avait la face violette et comme brûlée ) il était persécuté par les Choses de l'amour et en parlait beaucoup - il y avait en lui de l'esprit de Pierre Bayle du dictionnaire, cet homme chaste qui écrivit pour réclamer le droit aux écrivains d'écrire des obscénités sans être pour cela appelés corrupteurs... et lui parle surtout de son amour de ses désirs et la voit comme Hébé. Son côté pratique revient... ici les allumettes sont rares.  On se sert de boîtes d'allumettes pr les envois parce qu'on n'a pas d'autres boîtes... Notre sotte diplomatie a laissé s'accomplir aux Balkans une comédie qui allonge la guerre, qui peut dire de combien... cette lettre s'achève sur un poème triste Plainte. )

                                                Lettre à Madeleine

                                                                                                                   9 8bre 1915

            Ci-inclus dix francs pour le contenu le couteau, les ciseaux, la lime.

            Mon amour adoré, Madeleine ma chère extase, Madelon mes délices. Roselys de toute pureté et de
toute volupté. Tu ne me dis pas ce qu'est, ce que fait la jeune femme à qui tu donnes des leçons - J'ai reçu les trois lettres du 31 8bre du 1er et du 2. Je les aime beaucoup. Toutefois, tu redeviens excessivement pudique avec moi et je veux que tu perdes cela avec moi complètement quitte à le redevenir sur mon ordre quand je jugerai que tu m'appartiens non seulement corps et âme comme tu m'appartiens mais même dans l'impondérable subtilité de tout ton être. Jµe veux que tu sois avec moi impudique comme la femelle avec le mâle, de même que je veux que ton esprit s'élève avec le mien aux plus hautes conceptions esthétiques, métaphysiques, religieuses et morales. Je veux que nous ne fassions qu'un et si ton cerveau m'obéit, si ton corps le fait aussi il y a encore des régions obscures de ton être où tu n'es pas devenue tout à fait ma Madeleine. Ta pudicité doit grandir et devenir infiniment farouche à l'égard de tout ce qui n'est pas moi elle doit au contraire tomber complètement ardemment devant moi; Pour l'exprimer en-dehors des actes il n'y a que les mots et le verbe situe donne une réalité à l'acte, c'est pourquoi le verbe est si important. Peu de gens se sont aimés ou ceux qui l'ont fait, ont agi illégitimement et dans le vice. Il importe que deux esprits comme nous agissent dans la vertu mais d'une façon aussi complète aussi passionnée que ceux qui sont dans le vice. Lis la vie des grandes Saintes et vois comme l'amour divin qui les enflamme leur faisait perdre toute pudicité. Ce n'était pas vice, c'était vertu et combien il faut plaindre ceux qui trouvent à redire à l'admirable passion qui palpite impudiquement dans les oeuvres de Ste Thérèse d' Avila. Je te préviendrai quand il faudra de nouveau être pudique tout ton esprit étant devenu mien ainsi que le consentement ainsi que le consentement de ton corps avant que j'aie son don véritable ô mon amour - Ce n'est pas la panthère que je préfère en toi je t'aime toute ma Roselys mais c'est la panthère que je veux connaître entièrement avec tout ce qui peut éveiller en elle l'amour qui se dévoile devant ses yeux. Pendant quelques jours, j'ai senti ton effort il se relâche maintenant. Encore un effort mon esclave ! et ferme à jamais l'admirable chaîne de mes sens à l'adorable enchaînements des tiens.
                                                      
Mais c'est de toi qu'il faut parler pour me montrer la profondeur de tes possibilités sensuelles. Je sais que tu es ardente. Je veux savoir combien par toute ton imagination dévoilée sans restriction de façon à ce que ton corps m'appartienne magnifiquement comme un champ fertile où je puisse moissonner. J'aime tes airs de volupté. Ils sont certainement de toi car je ne t'en ai pas parlé et me livrent une partie de ta vraie nature,ma Madeleine adorée. Il est vrai que nous nous aimerons magnifiquement. Il est vrai que tu es moi et que je te donne toutes tes pensées, n'oublies pas que tu dois me donner toutes les miennes et que je serai toi aussi complètement que tu seras moi. Remarque bien que je ne fais pas de reproche parce que je sais bien que tu m'appartiens de plus en plus mais j'ai remarqué que tu es un peu moins charnelle sans l'avoir encore été complètement  et que je veux pénétrer entièrement ta puissance charnelle et qu'il y a comme un retour de pudeur à mon égard dans ces restrictions verbales dont je ne veux pas. Tu es à moi comme une femelle à son mâle et je veux toute ton impudeur tout ton désordre toute ta folie, je veux pouvoir faire de toi ce que je veux sans que jamais tu te sentes avilie les mots non plus ne doivent pas t'avilir ils nous appartiennent mais le reste du monde n'a plus droit qu'à notre mépris amusé et à notre majesté cruelle. Songe que ce n'est pas pour rien que je t'ai dit que s'il me plaît je veux pouvoir fouailler ta chair, je veux que ma domination sur toi soit entière et que la schlague même si je te la donnais ne te rende que plus voluptueuse. Tu penses bien que je n'ai pas l'intention de te brutaliser, tu le penses bien, j'ai pour toi l'amour le plus tendre et je t'admire en ta beauté en ton esprit en tout toi, je t'aime plus que moi. Aussi je te veux à moi absolument. Ma Madeleine adorée, tu me donnes bien de la joie par les sensations fortes et subtiles que tu décris si admirablement. Tu m'aimes comme je veux et souffre, amour, que je réchauffe encore par mon autorité violente l'ardeur infinie de notre amour. Oui je suis aussi ta chose, mais toi tu es ardemment, infiniment, follement pas modiquement mon esclave. Je peux déchirer ta peau si je veux, zébrer de coups tes jambes et ta croupe de Bacchante et tu m'adores comme une idole adorablement cruelle. Et si je veux je peux te baigner avec une caresse infinie dans un fleuve de baume plus doux que tous les paradis. Après tout j'aime mieux que tu aies peu lu d'auteurs modernes. C'est moi qui te ferai lire. D'ailleurs moi aussi j'ai peu lu d'auteurs modernes. Je t'adore. Tu es exquise, tu es mon amour que j'adore et je mange ton ventre sucré comme un rayon de miel. Tu m'honores infiniment en me comparant à Racine. Pour toi il n'y a pas de femme à qui tu sois comparable tu es sans rivale. C'est curieux je trouve Bordeaux malsain  ( le peu que j'en ai lu ) c'est médiocre et jésuitiquement sensuel et vicieux, pouah ! Je te montrerai comment et tu comprendras bien toi qui es saine et honnête.Ton jugement sur Richepin est juste, j'ai lu La Mer aussi amplification de rhétoriqueur sur le thème marin. Cependant tu as gardé ton naturel à cause de ta famille exquise d'âme d'après ce que j'en sais, mon amour. Ce que tu m'as raconté des travaux de ton papa et de la grâce de ta maman m'a ravi. La fermeté de ton corps est une merveilleuse qualité de ta belle jeunesse. Je t'adore et te dévore toute. Oui l'hymen est une membrane, mais je ne sais pas si ça ressemble au tympan car je ne suis pas bien fort sur l'anatomie. Je ne sais pas de quel autre sang tu parles. Je ferai couler la première fois le sang de la déchirure, oh pas beaucoup et aussi l'humide radical de ta jouissance dont l'épanchement se renouvellera à chaque volupté. J'adore ton odeur exquise. La caresse secrète de la 9è porte te trouble violemment et je t'adore d'avoir honte, amour, et je comprends que ton trouble le plus précis soit celui de notre baiser parce que tu l'imagines plus facilement. Oui, c'est merveilleux que tu apprennes tout de moi. Je t'adore pour ta douceur exquise et j'adore ton baiser sur mon être intime jusqu'à ce que je te désires follement. Je comprends bien qu'il ait fallu du temps pour que tu comprennes et encore maintenant tu ne peux pas tout comprendre entièrement mais cela se précisera peu à peu. Tu as raison les pratiques solitaires sont vicieuses et il faut les éviter autant que possible. Nos filles seront élevées sainement et ne seront pas pensionnaires. Tu as bien raison de tout me dire, amour, et tu penses bien que je ne pense pas à ta petite aventure de train. Oui, j'adorerais que tu sois mon professeur d'amour que tu inventes, que nous inventons tous deux. Je te donne la caresse de ma langue qui te fait évanouir et après mes caresses, j'irai me reposer sur ton sein. J'aime comme tu me piges et tu me comprends merveilleusement ma Madeleine adorée, viens que je te donne l'étreinte profonde qui te fait vibrer comme un violon de Crémone.
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et des cliparts
            Oui le hargneux auteur du Racine ignoré, s'appelait Masson Forestier, j'ai même écrit un article contre lui dans l'Intransigeant ; il est mort il y a environ deux ans. Oui il y a une merveilleuse poésie si loin de la poésie conventionnelle dans l'amour exquis qui est le nôtre. Je suis content que tu veuilles être une jolie maman, je suis passionnément heureux que tu aies le bassin large et non pas vilainement étroit comme beaucoup de Parisiennes qui ne peuvent supporter l'amour. Toi, tu répondras superbement à mes étreintes et je t'adore ma lionne, ma chère impératrice. Je t'adore. Je prends tes dents ta langue et tout toi. Dis amour parfois, l'hiver on fera un grand feu, on brûleras de l'encens et du benjoin et toutes portes closes on s'aimera à la folie, nu et nue dans la lumière dont tu parles en lisant des vers pr se reposer en buvant des liqueurs douces en mangeant des fruits. Ce sera une grande fête à notre cour et non seulement nous nous aimerons divinement, mais encore nous deviserons adorablement. Je t'adore et je prends ta bouche en te serrant adorablement  contre moi et je mets un baiser sur la touffe exquise de ta toison.

                                                                                                                          Gui
                     ( à suivre ) .........



samedi 21 avril 2012

Pensées d'hier pour aujourd'hui La Bruyère La Rochefoucauld et les autres



                 HUGO                      Choses vues (  extraits )

                                                                                                             Avril 1849

            Tout se heurte et se mêle dans l'étrange moment que nous traversons. Le haut et le bas de la société
demandent aident à la fois. De là des rencontres inouïes des personnes les plus diverses frappant aux mêmes
portes. L'autre matin j'ai reçu dans l'espace de deux heures M Taylor, qui est réduit à vendre ses livres et qui demande la direction du Théâtre-Français, Alphonse Esquiros qui se cache étant poursuivi comme insurgé de Juin et qui venait me demander si je pensais qu'il dût se présenter au conseil de guerre, Mlle Georges, qui est sans pain et qui sollicite une pension, M. l'amiral de Mackau qui est inquiété dans son bâton de maréchal de France, et Vidocq, qui venait me remercier d'avoir aidé à son élargissement dans l'affaire Valançay.


                                                                 °°°°°°°°


                                                                                                            Avril 1849

            Un matin, au milieu de la tranquillité en apparence la plus profonde, Paris apprenait en s'éveillant que les troupes étaient restées sur pied toute la nuit dans les casernes avec ordre de se tenir prêtes à marcher  deux heures du matin.
            Un jour, vers la mi-avril Hello rencontrait Gouache, ancien rédacteur en chef de la Réforme. C'était
rue de Tournon, près du logis de Ledru-Rollin.
            " Hé bien, disait Gouache, cette fois ça va.
            - Quoi ?
            - La bataille.
            - Quand ?
            - Vous verrez.
            - Est-ce sûr ?
            - C'est décidé. Je viens d'en prévenir Ledru.
            - D'ici à deux ou trois mois ?
            - D'ici à quinze jours.
            - Et pourquoi ?
            - Nous ne voulons pas des élections. Nous aimons mieux nous battre dans la rue que dans une boîte
            - Et que ferez-vous ?
            - Ceci, je ne le dis pas. Pour le reste, quant à la résolution prise, je vous recommande l'indiscrétion. Je le dirais à Rébillot lui-même.
            - Combien êtes-vous ?
            - Soixante mille.
            - Mais enfin sera-ce des barricades, la nuit ? Sera-ce le massacre à domicile ? Sera-ce l'incendie ?
            - Tout ce que je puis vous dire " c'est que juin sera une farce."
            Voilà au milieu de quelles anxiétés nous vivions.


                                                                                                   Victor Hugo
           

                                                                                                           

vendredi 20 avril 2012

Pensées d'hier pour aujourd'hui La Bruyère La Rochefoucauld et les autres



Oiseau d'Ego  Guiotto

                                                                                                       13 octobre 1915
                                                                                                         journal

                                Pour moi, le grand mal c'est de vivre en société. Le mensonge est une nécessité sociale.
                               On ne peut pas être soi au milieu des hommes. Ils vous engagent, vous enrégimentent,
                               vous solidarisent, mettent la main sur votre liberté intérieure et extérieure. Toutes les
                               institutions font main basse sur le moi humain.


                                                                          °°°°°°°

                                                                                                        17 avril 1928
                                                                                                            journal

                              Qu'est-ce que le parti radical ? Qu'est-ce qu'un socialiste ? Qu'est-ce que le
                              communisme ? Qu'est-ce que le collectivisme ? J'ai trop vécu en-dehors des
                              questions politiques et sociales, très différent en cela des romantiques que
                              j'aimais. Sand, Hugo, Lamennais. Goethe lui n'a pas l'air de se soucier de la
                              politique. Radicalisme, " socialisme précisé " dit Herriot. Dans tout cela je sens
                              le besoin de changer, de bouleverser ce qui existe. On est mécontent de la
                              planète, de la situation qu'on y occupe, du pain qu'on y mange.


                                                                                       
                                                                                               Abbé Mugnier