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Lettre
à
Amy Hughes
( 1871 ? )
Ma chère Amy,
Où en êtes-vous, je me le demande, dans la recherche de la solution de ces puzzles du Pays des Merveilles ? Si vous pensez avoir découvert quelques-unes des réponses, vous pouvez me les envoyer ; et si elles sont erronées, je ne vous dirai pas qu'elles sont justes !
Vous m'avez demandé des nouvelles de ces trois chats, Ah ! Les chères créatures ! Savez-vous que depuis la nuit de leur arrivée, ils ne m'ont pas quitté un seul instant ? N'est-ce pas gentil à eux ? Dites-le à Agnes. Ca l'intéressera beaucoup. Et ils sont si gentils et prévenants ! Savez-vous que l'autre jour, alors que j'étais allé faire un tour de promenade, ils ont retiré de ma bibliothèque tous les livres qu'elle contenait, et ils les ont ouverts sur le plancher afin qu'ils fussent tout prêts à être lus. Ils les ont tous ouverts à la page 50, parce qu'ils se sont dit que ce serait une page bien commode pour commencer la lecture. Néanmoins, ce fut une initiative assez malencontreuse : car ils prirent mon flacon de colle et tentèrent de coller au plafond des images ( qui me feraient plaisir, pensaient-ils ) et, accenditellement, répandirent sur les livres une grande quantité de colle. Si bien que lorsque je les eus refermés et remis en place, touts les feuillets se collèrent les uns aux autres et que je ne pourrai plus jamais lire la page 50 d'aucun d'eux.
Pourtant, comme ils l'avaient fait dans une bonne intention, je ne me fâchai pas. Je leur donnai, à chacun, pour les régaler, une cuillérée d'encre : ils ne m'en surent aucun gré, et firent d'horribles grimaces. Mais, naturellement, comme je leur avais donné l'encre pour les régaler, il fallut bien qu'ils le bussent. L'un d'eux, depuis, est devenu noir : à l'origine, c'était un chat blanc.
Faites mes amitiés à tous les enfants que vous pouvez rencontrer. En outre, j'envoie deux baisers et demi, pour que vous les partagiez avec Agnes, Emily et Godefrey. Ayez soin de les répartir équitablement.
Votre affectionné
C. L. Dodgson.
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Lettre
à
Helen Feilden
Oxford, le 15 mars 1873
Ma chère Helen,
Ta maman m'a fait une telle description de la vie triste et solitaire que tu mènes à Torquay ( si elle est effectivement solitaire, car elle n'a pas employé le mot, je crois, mais c'est bien l'impression que j'en ai retirée ), en ajoutant que tu aimais recevoir des lettres pour te réconforter un petit peu au milieu de cette vie désespérante. A vrai dire elle n'a pas parlé exactement d'une vie désespérante, mais je pense que c'est ce qu'elle voulait dire. Je lui ai dit que j'essaierais de t'envoyer une lettre, j'ai été très prudent en disant cela, parce que je n'ai encore jamais réussi à envoyer une lettre, mes lettres s'arrêtent toutes au bas de la première page, mais tout le monde peut essayer. Dans ton cas c'est ma première tentative, mais je crains qu'elle n'échoue, car de quoi vais-je bien pouvoir t'entretenir ?
Tu ne connais guère Oxford, j'en ai peur, si bien que tu n'as pas de raison de t'intéresser à ce qui se passe ici, c'est tant mieux, car je crois qu'il ne se passe jamais rien ici ! Jamais je n'ai vu de lieu plus propice aux non-évènements ! De mon côté je ne connais guère Torquay, quand bien même j'aimerais savoir à quoi ressemble ta vie là-bas. Si tu as un peu de temps pour écrire, raconte-moi un peu ta vie à Torquay.
Je suis allé près de Torquay il y a deux ans, à Babbacombe, ou à Mary Church, je ne sais plus, mais peut-être n'est-ce qu'un seul et même lieu, toujours est-l que c'était chez Mr Argles, au bord de la plus belle baie qu'il soit possible d'imaginer, avec des falaises rocheuses très abruptes. Je me demande si tu es déjà allée par là ? Nous allions parfois à Torquay, je pense que c'est à trois kilomètres au plus de l'endroit où tu te trouves. Il est très possible que j'y retourne en juillet ou en août, mais je suppose, n'est-ce pas que tu n'y seras plus ?
Mais cela nous écarte du sujet. Je suis très content que le volume des Phantasmagoria t'ait plu, et l'une des raisons qui me font t'écrire est que je voudrais savoir si tu as déjà lu un petit conte de fées que j'ai écrit, intitulé " La vengeance de Bruno " et que Aunt Judy's Magazine a publié il y a quelques années. Si tu ne l'as pas lu et que tu aies envie de le lire, mais c'est une histoire pour tout petits, je t'en prêterai une copie. Malheureusement je ne puis t'en offrir un exemplaire pour l'instant.
Je ne suis pas très friand de fées en règle générale, et c'est la seule fois que j'ai essayé d'écrire un texte qui parle d'elles. Elles y apparaissent bien plus comme des enfants que comme des fées !
Je ne sais pas si tu aimes les devinettes et les énigmes. Si oui, essaye de percer celle-ci, sinon cela ne fait rien.
" Un homme, disons un aristocrate, pour rendre la chose plus intéressante, avait un salon qui ne possédait qu'une seule fenêtre, une fenêtre carrée de trois pieds de haut et trois pieds de large. Or il avait les yeux fatigués, et la fenêtre donnait trop de lumière, si bien ( tu n'aimes pas trouver - si bien dans une histoire ? ) qu'il demanda à un maçon de venir la modifier pour qu'elle lui donne deux fois moins de lumière. Mais il fallait que la fenêtre reste carrée, il fallait qu'elle ait trois pieds de haut, il fallait qu'elle ait trois pieds de large. Comment a-t-il réussi à le faire ? Mais attention, il n'avait pas le droit d'utiliser de rideaux, ni de volets, ni de verre teinté, ni rien de ce genre. "
Il faut que je te raconte une histoire affreuse qui m'est arrivée l'autre jour, quand j'ai essayé de poser une devinette à une petite fille. C'était lors d'un dîner au moment du dessert. Je ne l'avais jamais rencontrée auparavant mais, comme elle était assise à côté de moi je lui proposai, un peu imprudemment, d'essayer le problème, que tu connais sans doute, " du renard, de l'oie et du sac de blé "
et à l'aide de biscuits je tentai de représenter le renard et les autres éléments. Sa mère était assise près d'elle, de l'autre côté, et elle lui dit :
Les conséquences furent terribles ! Elle se mit à hurler :
" - Je ne peux pas ! Je ne peux pas ! Oh, maman, maman ! "
Se jeta dans les bras de sa mère, et eut une crise de larmes qui dura plusieurs minutes ! Voilà une bonne leçon pour moi, à me dégoûter de poser des devinettes aux enfants.
J'espère que la fenêtre carrée ne va pas provoquer chez toi des effets aussi dramatiques !
Très affectueusement,
C. L. Dodgson.
J'ai donné une photo de toi à Mr Owen, et je vais en envoyer une au directeur du New College, puisqu'il m'a dit qu'il en voulait une. Tour le monde semble la trouver réussie. Ce fut une bonne idée de la prendre par ce temps un peu maussade.