samedi 21 décembre 2019

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 104 Samuel Pepy s ( Journal Angleterre )

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                                                                                                            1er Novembre 1663
                                                                                                   Jour du Seigneur
            Ce matin le domestique de mon frère m'apporta un nouveau justaucorps de serge noire, à revers de soie, que je mis sur le champ. A compter d'aujourd'hui et pour tout cet hiver                           je range mes camisoles. Il m'apporta aussi ma nouvelle robe de chambre de panne violette, galonnée d'or, et fort belle. Et, également, offert par mon frère, un chapeau de velours parfait pour monter à cheval et à la mode, qui me fait grand plaisir. Je crois que c'est dans ce dessein que mon frère me l'a envoyé, car il savait que j'avais été en colère contre lui ces derniers temps.
           Lever et à l'office avec ma femme. A midi dînâmes seuls à la maison d'une bonne tête de veau bouillie avec des boulettes de pâte, un excellent dîner à mon avis. Puis derechef à l'office. Nous vîmes sir William Penn, c'était la première fois qu'il s'y rendait depuis plusieurs mois, car il a été longtemps malade.
            A la maison et à mon bureau. Donnai là à ma femme une leçon sur les soustractions, puis mis de l'ordre dans mes comptes d'hier soir, et rentrai souper à la maison. Après souper encore un peu d'arithmétique avec ma femme, puis à nouveau à mon bureau où finis de ranger mes papiers. A la maison, prière, relus mes résolutions et, au lit.


                                                                                                                2 Novembre
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Zarathustra, esta adorable y gordita bola de pelo no es un gato como los demás. El amor de su dueña le ha elevado a obra de arte.            Lever et en fiacre à Whitehall. Je retrouve sir George Carteret dans la Grande Galerie, et sir John Mennes et sir William Batten. Bientôt le roi vint s'y promener accompagné de trois ou quatre personnes, et dès qu'il nous vit :
            " - Oh, fit-il, voici le bureau de la Marine ", puis il parcourut vingt fois la longueur de la galerie, ne parlant, ce me semble, que de choses banales. Puis arriva le Duc et le roi fit quelques pas avec lui, puis finalement entra dans les appartements du Duc. Le roi resta si longtemps que nous ne pûmes nous entretenir avec le Duc, et nous nous quittâmes donc. J'entendis le Duc dire qu'il allait commencer à porter perruque, et l'on dit que le roi va en faire autant. Je n'avais jamais remarqué jusqu'ici que le roi a les cheveux tout gris.
            Ensuite, ayant rencontré Creed, j'allai avec lui jusqu'au Palais de Westminster, puis en fiacre allâmes chercher Mrs Hunt et reprîmes le chemin de la maison. Creed et moi descendîmes à la Bourse et elle continua jusqu'à chez moi. Nous allâmes au café puis à la Bourse et rentrâmes à la maison avec une bourriche d'huîtres, puis dînâmes. Après un bon dîner laissâmes Mrs Hunt et ma femme occupées à faire de la confiture de coings, tandis que Creed et moi allions chez mes perruquiers, mais comme il faisait sombre nous ne prîmes aucune décision et Creed s'en alla. Je rentrai à la maison avec sir William Penn qui m'avait aperçu dans a rue, dans son fiacre.
            Là, je les trouvai toujours occupées et je montai jouer de la viole. Alors qu'il était presque neuf heures du soir, la confiture étant bien prise, ma femme et moi raccompagnâmes Mrs Hunt chez elle en fiacre et je lui donnai une boîte de sucre et un cuissot de chevreuil que m'avait offerts Meplesden l'autre jour. Nous ne descendîmes pas mais, après l'avoir vue entrer dans sa maison, retournâmes directement chez nous.
            Après souper au cours d'une conversation ma femme pensa avoir surpris Jane en flagrant délit de mensonge, ce qu'elle me rapporta d'un air tout à fait triomphant. Mais comme je ne voyais aucune raison de conclure au mensonge de Jane, je me fâchai et ma femme et moi eûmes une violente querelle. Je montai dans mon cabinet où elle me suivit peu après et m'injuria, m'appelant perfide et homme sans conscience, bien que je veuille paraître le contraire, et je ne sais quoi encore, ce qui me chagrina beaucoup. Quoique sa colère expliquât pour partie ses reproches, je vis bien, pourtant, à maintes reprises qu'elle ne disait que certaines des choses qu'elle pense dans son for intérieur. Mais je me dominai fort bien et quoique nous nous fussions couchés mécontents, je parvins à l'amadouer et elle commença de se montrer tendre, si bien qu'étant moi-même disposé à faire la paix, nous redevînmes fort bons amis avant de nous endormir, à minuit passé. Et donc repos, le coeur content et joyeux.


                                                                                                             3 Novembre

            Lever et au bureau et travaillai toute la matinée. A midi au café, entendis un long débat fort passionné entre deux docteurs en médecine, dont le docteur Allen que j'ai connu à Cambridge, et deux apothicaires. Les premiers soutenaient la chimie contre la médecine galénique des seconds et, en vérité, un des apothicaires qu'ils attaquaient avec le plus de violence parla fort bien. Il s'exprimait bien et raisonnait juste quoique, peut-être, il ne fût pas assez savant médecin pour tenter de se mesurer à eux. Ils finirent sur des propos plus modérés et se quittèrent.
            Je rentrai chez moi où Mr Moore, à qui j'avais donné rendez-vous, dîna avec moi. Ensuite arriva Mr Goldsborough et nous parlâmes de l'affaire de sa mère, mais ne pûmes parvenir à un accord et nous nous séparâmes mécontents. Un peu plus tard arriva Chapman, le perruquier, et comme la perruque me plaisait, sans barguigner plus avant, je montai et il me coupa les cheveux. Il m'en coûta un peu de m'en séparer sur le moment, mais quand tout fut fini et que j'eus mis ma perruque, je lui payai ses trois livres, et il s'en alla avec mes cheveux pour m'en faire une autre.
            Un peu plus tard, quand je l'eus montrée à toutes mes servantes et qu'elles eurent toutes conclu que cela m'allait bien, quoique Jane fût fort chagrine de la perte de ma chevelure, ainsi que Bess, je sortis et allai au café. En revenant je me rendis chez sir William Penn et restai avec lui et le capitaine Cocke jusque tard le soir. Cocke nous parla très bien d'histoire romaine, car il a fort bonne mémoire. Sir William Penn fit force commentaires et remarques sur le fait qu'on m'avait coupé les cheveux, selon son habitude pour tout ce qui me concerne. Mais c'est fini et, à ce que je vois, après un jour ou deux on n'en parlera plus guère.
            A la maison où j'appris que ma femme et ma petite servante Susan s'étaient querellées et qu'elle l'avait frappée, et la petite fille avait couru se réfugier chez Griffith. Mais comme ils ne la reçurent point ni ne l'encouragèrent, je l'envoyai chercher et elle tomba à genoux et demanda pardon.
Je les réconciliai donc, elle et sa maîtresse et tout alla bien de nouveau. Elle deviendra une fille bien gentille, si l'on ne lui laisse pas trop la bride sur le cou.
            Souper puis un moment à ma viole, donnai ensuite sa leçon d'arithmétique à ma femme et, au lit.


                                                                                                            4 Novembre
                                                                                                  cuisinealafrancaise.com
            Lever et à mon bureau où me montrai à sir William Batten et à sir John Mennes. Ils n'accordèrent que peu d'attention à ma perruque, contrairement à ce que je craignais. Entre autres Shales de Portsmouth vint me voir comme je le lui avais commandé, et nous parlâmes des arriérés de provisions dépendant du bureau des subsistances de là-bas. Ce qu'il me dit me permet d'espérer que si je parviens à obtenir du roi une certaine partie de ce que je découvrirai, je pourrai peut-être trouver un moyen de me faire quelque argent de ce côté, et cette seule pensée m'est fort agréable.
            A la maison pour dîner et fort aimable avec ma femme qui, aujourd'hui, confectionne elle-même de la confiture de coings, ce qu'elle fait maintenant fort bien toute seule. Je la laissai à son chaudron et en fiacre à la nouvelle Bourse et ailleurs pour faire des achats et ramener certaines choses chez moi, notamment une boîte que j'achetai chez mon layetier pour ranger ma perruque, puis à la maison et restai tard à mon bureau. Écrivis une lettre à l'oncle de Will afin qu'il hâtât le départ de son neveu de chez moi, puis à la maison souper et, au lit.
            Ce matin le capitaine Cocke m'a fait un rapport intéressant sur le commerce de Guinée. La reine est en bonne voie de guérison. Ce midi John Angier est venu me trouver, sa situation est bien mauvaise. Cela m'attrista de le voir me demander une recommandation afin de partir comme soldat à Tanger, mais je lui fis la leçon et le renvoyai avec de bons conseils, mais pas d'encouragement pour le moment. Je reçus peu après une lettre de son pauvre père qui est à Cambridge : il semble qu'il ait fait faillite et il me demande de lui trouver une protection, une place ou un emploi. Hélas pour le pauvre homme je doute de pouvoir l'aider, mais je vais m'y efforcer.


                                                                                                    5 Novembre

            Grasse matinée, puis me levai car le capitaine Cocke me fit appeler au sujet d'un de ses contrats pour du goudron. Au bureau et avec lui chez sir William Penn où causâmes. Après son départ arriva sir William Warren et parlâmes de notre affaire avec Field.
            A midi, comme convenu, allâmes dîner à la Mitre où Tom Trice devait dépenser ses 40 shillings selon les termes de notre récent accord. Le dîner était des plus médiocres et l'assemblée nombreuse : tous les hommes de loi des deux parties, plusieurs de ses amis et quelques-uns des miens................
            Je me trouvai en piètre compagnie, sans aucune satisfaction ni aucun plaisir et à la fin comme notre dû dépassait de 15 shillings les 40 convenus, il voulut que j'en payasse 10 tandis qu'il donnerait les 5 restants, ce qui témoignait d'une telle petitesse que cela me fit honte, et je m'exécutai seulement pour ne point me quereller avec lui. Après avoir fixé un jour pour nous voir et sceller notre accord, je pris congé et rentrai à la maison. Au bureau, comme prévu, arriva Mr Shales et nous parlâmes longuement de l'aide qu'il pourrait m'apporter pour dénicher des provisions et nourritures non utilisées par les magasins de Portsmouth, affaire qui pourrait me rapporter de l'argent tout en ménageant les deniers du roi. Je vais donc essayer de rendre quelques services à cet homme, en arrangeant quelque chose à son avantage, entre Mr Gauden et lui.
            Après son départ, ma femme et moi à sa leçon d'arithmétique, et elle me donne grande satisfaction. Ensuite au bureau où rédigeai mon journal, puis à la maison, souper et, au lit.
            Un peu tourmenté par le désordre que provoque la présence de Will parmi mes servantes et d'apprendre que ma femme n'est pas aussi satisfaite de Jane que je l'espérais et que j'aurais pu l'espérer.


                                                                                                            6 Novembre 1663

            Ce matin, au réveil, ma femme voulut absolument me persuader que j'aurais bientôt la preuve qu'elle était grosse depuis hier soir. Si c'est le cas, que cet enfant soit le bienvenu !
            Montai à mon bureau où je reçus le commissaire Pett qui vient de rentrer de la campagne. Nous nous promenâmes longtemps dans le jardin, à causer d'affaires. Il m'apparaît que grâce au soutien que nous lui accordons, il se montre plus résolu et va accomplir, je l'espère, de bonnes choses à l'arsenal. Après son départ, à mon bureau, expédiai les affaires de nombreux visiteurs.
            A midi au café de la Bourse. Entendis sir John Cutler dire que, d'après son expérience, lorsque le temps est à l'orage, des tonneaux de bière sur lesquels on a fixé un morceau de fer ne bougeront pas, alors que les autres bougeront. Puis à la Bourse, causai avec de nombreuses personnes. J'espère me remettre à mes affaires et retrouver ma réputation d'homme dévoué à sa tâche, qui s'est quelque peu ternie depuis un moment, car ma maladie et mes dépenses m'ont un temps détourné de mon travail.
            A la maison où je trouvai Mrs Hunt qui dîna fort gaiement, la brave femme, avec nous. Puis arriva le capitaine Grove. Nous nous retirâmes pour parler entre autres des Pêcheries, pour lesquelles il me donne de telles espérances à un moment où j'ai la tête pleine de projets pour gagner un peu d'argent honnêtement..... je résolus d'aller consulter milord Sandwich à ce sujet.
            Comme je devais reconduire Mrs Hunt chez elle, je l'emmenai en fiacre avec ma femme, les laissai à Axe Yard et me rendis chez milord. J'envoyai chercher Creed et en parlai avec lui. Nous allâmes à Whitehall et, par un heureux hasard, nous rencontrâmes sir George Carteret et milord. Ils s'étonnèrent d'abord de me voir en perruque, et je suis content que cela soit terminé. Après le départ de sir George Carteret je pris milord à part. Il me donne les meilleurs conseils qu'il peut. Il me dit qu'il existe certains entrepreneurs, tel sir Edward Ford, qui voudraient obtenir le droit de fabriquer des quarts de penny, et verseraient dessus un pourcentage au roi pour le financement des Pêcheries. Mais ce projet déplaît à milord qui préférerait qu'il fût fait comme on l'a proposé l'année dernière. Et donc, à ma demande, il me promet, au moment opportun, de me faire entrer à la commission, si d'autres projets aboutissent. Je vois que lui et Mr Carteret sont résolus à suivre cela de très près.
            Après nous être promenés longuement dans la Grande Galerie retournai chez milord. Il me dit que mon père l'avait prié de me parler au sujet de l'argent qu'il voudrait me voir donner à ma soeur. Je suis fâché qu'il ait importuné milord avec cette affaire. Cependant c'est, pour moi, une bonne occasion d'exposer à milord ma situation, et j'en fus content. Nous parlâmes ensuite de la Cour. Il me dit que Mr Edward Montagu recommence à lui témoigner du respect, après s'être efforcé de le salir tant qu'il pouvait, mais il est résolu à ne plus jamais lui rendre son amitié. Il me dit aussi que son cousin faisait partie, avec sir Henry Bennet, le duc de Buckingham et sa femme et quelqu'un d'autre d'un comité pour procurer au roi les faveurs de Mrs Stuart. Mais la belle s'avère fort rusée. Elle est conseillée depuis l'hôtel de Somerset  par la reine-mère et sa propre mère. Toute l'intrigue a échoué et le comité s'est donc dissous..............
            Milord me fait remarquer que le duc d'York suit et entend fort bien les affaires......... Je pris congé et appelai ma femme et sa servante Jane et nous rentrâmes en fiacre à la maison, et tard à mon bureau  pour écrire des choses pour demain et à la maison, souper et, au lit.
            Ce matin Mr Blackborne est venu me dire qu'il avait trouvé un logement fort commode pour son neveu Will, et que celui-ci attend donc mon bon plaisir pour partir quand je lui en donnerai l'ordre. Je lui dis donc que je l'enverrai chercher pour lui parler dans un jour ou deux, et que nous parlerons à Will et le conseillerons sur ce qu'il devait faire, ce dont je suis fort content.


                                                                                                             7 Novembre
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LE REPAS DE NOCE ou LA NOCE PAYSANNE - Pieter Brueghel l'Ancien, 1566-69 - Kunsthistorisches, Vienne            Lever et au bureau réunion toute la matinée. Sir William Penn et moi eûmes des mots, car je lui tins tête en refusant d'annuler une amende infligée à un commissaire de marine du James absent de son poste, d'après lui sur son ordre et pour son travail. Il se mit dans une grande colère et sortit du bureau comme un âne dépité, et je n'en ai pas le moindre regret. Je ne voudrais pas lui laisser croire que je n'ose pas l'affronter quand je vois de bonnes raisons pour cela.
            A la maison pour dîner, puis en fiacre pour différentes affaires. Entre autres à la Grand-Salle de Westminster. Voyant la fille de Howlett sortir de l'autre côté, je la suivis dans le dessein, si c'était possible, de lui parler et de badiner un peu avec elle, mais je ne pus la rattraper.Puis je m'arrêtai chez Unthank pour chercher une commande de ma femme qui n'était pas prête, ce que vint m'annoncer une jolie petite dame qui loge dans la maison. Tout fâché que j'étais j'en profitai quand même pour lui prendre la main par-dessus la malle du fiacre et trouvai des prétextes pour parler un peu plus longuement avec elle, mais j'aurais volontiers ri de moi-même en voyant ma colère frappée d'impuissance, car ma déception était due à un tel messager. J'allai ensuite à Doctors'Commons où consultai le Dr Turner sur certains différends qui nous opposent aux officiers de la Compagnie des Indes, au sujet de marchandises qu'ils ont ramenées sans payer le fret.
            Retour à mon bureau jusque tard à écrire des lettres, puis à la maison, souper et, au lit. J'ai attrapé un rhume affreux en dormant la nuit dernière sans rien sur la tête
            Aujourd'hui le capitaine Taylor m'a apporté un plat d'argent, un petit plat d'apparat, car il espère que je lui obtiendrai des indemnités de surestaries pour son navire, le William, longtemps retenu à Tanger. Ce que je vais faire, car ce n'est que justice.


                                                                                                             8 Novembre
                                                                                             Jour du Seigneur
            Lever et, comme il était tard, à l'office sans ma femme. Je vis Pembleton entrer dans l'église accompagné de son épouse, une femme gentille, simple et avenante. Ma femme vint me retrouver un peu plus tard, toute seule, ce qui me chagrina un peu. Il m'apparaît que mon arrivée en perruque n'a pas paru si étrange aux gens que je le craignais. Je craignais que toute l'assemblée eût les yeux fixés sur moi, mais il n'en fut rien. Entendis Mr Milles prononcer un sermon ordinaire et nonchalant, puis à la maison pour dîner. Tom vint dîner avec nous. Après le repas parlâmes d'un nouvel habit de drap noir que je lui ai commandé. Puis retour à l'église où prêcha l'Ecossais, et je dormis presque tout le temps. Ensuite à la maison, passai presque toute la soirée à lire l'Histoire de l'Église de Fuller et Argenis de Barclay. Après souper, prières et, au lit, légèrement indisposé et craignant un retour de mes douleurs car je suis toujours aussi constipé et je n'ai plus de purgatif, mais j'avais envoyé aujourd'hui un messager en chercher et on me l'apporta avant mon coucher et donc fort content au lit


                                                                                                                 9 Novembre 1663
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Top 35 des incrustes de Zarathustra le gros chat roux dans des peintures classiques             Lever me sentant fort bien et en fiacre à Whitehall où retrouvai tous mes collègues officiers, puis allâmes voir le Duc qui, quand nous entrâmes dans son cabinet nous dit que Mr Pepys était si changé par sa nouvelle perruque qu'il ne l'avait pas reconnu. Puis notre discussion commença, notamment et surtout le retour de sir John Lawson qui vient d'arriver à Portsmouth. Le Dr Berkeley est arrivé à Londres porteur d'une lettre du Divan d'Alger pour le roi. Ils exigent à nouveau de faire fouiller nos vaisseaux et d'en faire débarquer les étrangers et leurs marchandises, et les vaisseaux anglais qui seront pris sans le sauf-conduit du Duc seront retenus, quoique contraire au traité de paix, jusqu'à l'arrivée, rapide, recommandent-ils, d'un message de notre roi.
            Cela ils l'ont fait dès le lendemain du jour où ils avaient, dans la liesse, appris du capitaine Berkeley la confirmation de la paix envoyée de Constantinople par le Grand Turc. Vraiment avec ces gens-là aucun ordre n'est respecté, et l'on ne peut jamais être assuré de rien.
            Le roi a résolu d'envoyer une flotte porter sa réponse. Et l'on pense que la meilleure et la plus rapide solution est de renvoyer là-bas ces mêmes vaisseaux qui venaient de rentrer, cinq bons bâtiments, après les avoir nettoyés, ravitaillés et payés. Mais il est plaisant de penser que leur pacha, Shavan Aga, s'est arraché les cheveux en voyant les soldats prendre cette décision. Car ( de même pour feu son prédécesseur ) quand ils verront quel mal représente pour eux une guerre avec l'Angleterre alors, assurément, ils se plaindront de leur pacha au Grand Turc et lui couperont la tête. Cela il en est assuré et le tient pour certain.
            Ensuite au palais de Westminster. Je rencontrai Mr Pearse, le chirurgien. Il me demanda, entre autres, si milord avait perdu la faveur du roi et si je savais quoi que ce fût à ce sujet. Il me donna pour certain que le roi a fort bien remarqué que milord vit de façon obscure et retirée, indigne de son rang et des honneurs qu'il a acquis. Je fus fort marri de l'entendre et, à la vérité, parmi les propos que tient milord parmi ses gens, et que l'on me rapporte, sur l'incertitude de la faveur des princes et la mélancolie qu'il éprouve à rester éloigné de la Cour, je redoute quelque chose, cependant je feignis devant Mr Pearse de ne rien savoir, mais j'en tirerai la leçon.
            Il me dit aussi combien la Cour est dissolue, nul ne s'occupant des affaires de l'Etat, mais chacun de servir sa luxure et son profit, et combien le roi est maintenant assoté de Mrs Stuart, au point qu'il l'entraîne dans les encoignures et reste avec elle toute une demi-heure à l'embrasser à la vue de tout le monde. Et elle, maintenant, reste toute seule à attendre sa venue, comme le faisait autrefois milady Castlemaine, envers qui, dit-il, le roi reste aimable, de sorte que de temps en temps il va un peu bavarder avec elle, à ce qu'il croit, mais sans l'affection qu'il lui témoignait autrefois. Mais il paraît que cette nouvelle favorite est si subtile qu'elle ne le laisse rien faire de plus que ce qui est sans danger pour elle. Il en est pourtant si follement épris que, me dit Pearse, l'on pense qu'il l'aurait réellement épousée si la reine était morte.
            Une partie du théâtre du Cockpit doit être transformée en appartement pour le duc de Monmouth, et l'on dit qu'il va être nommé capitaine des gardes à la place de milord Gerard.
            Après cette conversation, Creed et Ned Pickering entrèrent dans la Grand-Salle et, après m'être un peu promené avec eux, comme il était midi, je les accompagnai tous les deux à la table d'hôte de la Tête du Roi où nous dînâmes. Conversation banale dans l'ensemble, sauf sur le duc d'York qui est un chasseur des plus téméraires. Mais j'avais honte de Pickering qui ne pouvait s'empêcher de mentionner de temps en temps le nom de milord Sandwich au sujet des affaires les plus viles et les plus abominables.
            Je les quittai et après avoir été chercher quelque chose chez le tailleur de ma femme, je rentrai à la maison en fiacre et à mon bureau...... Le soir au café où comme convenu, Will vint m'annoncer que son oncle Blackborne était prêt à me parler. J'allai donc le retrouver et nous allâmes dans une taverne voisine. Je commençai à parler amicalement à Will et lui donnai des conseils sur la façon dont il doit se conduire maintenant qu'il ne va plus loger sous mon toit, sans faire aucune réflexion sur la cause de son départ. Son oncle renchérit et, après lui avoir exposé ses devoirs envers moi et ce que j'attends de lui, en un discours d'environ un quart d'heure ou plus, nous convînmes qu'il partirait vers la fin de la semaine, et le laissâmes s'en aller. Puis causai avec Mr Blackborne. Je lui parlai avec si peu de retenue, étant sur bien des points d'accord avec son jugement, qu'il se montra sur tout très ouvert avec moi.
            Premièrement en matière de religion il pense que c'est pour le roi et le Conseil une grande question de prudence que de tolérer la liberté de conscience. Il impute la perte de la Hongrie au profit des Turcs au refus de l'Empereur d'accorder aux Hongrois la liberté de pratiquer leur religion.
            Il dit que maints pieux ministres de la parole de Dieu, plusieurs milliers d'entre eux sont maintenant réduits à la mendicité. Et il me conta avec quelle hauteur les membres du clergé d'aujourd'hui se conduisent partout, si bien que tout le monde les hait et se moque d'eux, notamment pour leurs excommunications prononcées à la moindre occasion ou presque. Je suis convaincu, dans mon for intérieur...... que le clergé d'aujourd'hui ne sera jamais profondément accepté par l'ensemble du peuple d'Angleterre, tant celui-ci a l'habitude de la liberté, et tant il connaît l'orgueil et la débauche de ce clergé. Il me cita maints exemples d'affronts que reçoit le clergé partout en Angleterre, des gentilshommes comme des paroissiens ordinaires.
            Il me dit que la Cité tient le général Monck pour un homme des plus perfides, qui a trahi tout le monde, même le roi, et il pense, ainsi que ceux de son parti......qu'il eût peut-être été préférable que le roi eût les mains un peu liées dans l'immédiat plutôt que d'être contraint de s'entourer d'une telle troupe d'indigents, et de se trouver obligé de satisfaire les demandes de chacun d'entre eux.
            Il me dit qu'à sa connaissance, car il a assisté à toutes les négociations ayant conduit au traité de l'île de Wight, le précédent roi avait reconnu se soumettre aux vues du Parlement et être convaincu dans son for intérieur de retirer son soutien aux évêques, et qu'il aurait été disposé à tolérer, et avait même accepté, que fût banni le service anglican des églises et même de sa propre chapelle, et qu'il avait toujours dit qu'il ne concédait pas cela sous la contrainte, car nulle violence ne le ferait jamais reculer d'un pouce, mais que sa décision lui était dictée par sa raison et son jugement. Il me dit que ceux qu'on appelle fanatiques prient aussi sincèrement et avec autant de ferveur pour le roi, qu'ils désignent par son nom et avec tous ses titres, que n'importe quels membres d'autres églises de meilleure réputation. Et que le roi peut bien penser ce qu'il voudra, ce sont eux qui l'aideront en temps de guerre, car comme ce sont les plus nombreux, ce sont aussi généralement les plus riches et les plus sérieux. Et il me demanda de faire remarquer à milord Sandwich, entre autres, que de tous les soldats de l'ancienne armée, l'on ne peut en voir un seul mendier aujourd'hui dans les rues. Mais quoi ? On verra tel capitaine devenu cordonnier, tel lieutenant boulanger, celui-ci brasseur, celui-là mercier, ce simple soldat courrier, et chacun porte blouse et tablier et, comme s'il n'avait jamais rien fait d'autre de sa vie, alors que les autres se promènent avec leur baudrier et leur épée, jurant, sacrant, volant, pénètrent chez les gens, souvent de force, pour leur dérober quelque chose.
            Et voilà la différence entre leurs caractères. Et il conclut, avec quelque raison je crois, que les anciens soldats du Parlement sont dans de si pacifiques dispositions et si aptes à se contenter de la providence divine, que le roi a mille fois moins à craindre d'eux, que du mécontentement de ses propres Cavaliers.
            Quant à la gestion des affaires publiques elle se fait avec si peu de rigueur et de soin que le royaume ne pourra jamais s'en trouver heureux, chacun ne se souciant que de lui-même........... De sorte qu'entre le mendiant et le coquin le roi est floué de la plus grande partie de son revenu.
            Après cela nous commençâmes à parler de la Marine et en particulier de sir William Penn, car j'avais envie de savoir comment il avait été élevé au poste d'amiral. Il me dit qu'il avait toujours été un homme imbu de lui-même, toujours soucieux de se montrer sous son meilleur jour, même que c'était sa feinte sainteté qui avait joué en sa faveur. Lawson, Portman et les hommes de la Cinquième-Monarchie, dont il était un membre important, usèrent de leur influence pour qu'il devînt amiral, et il était fort plaisant de voir Blackborne mimer tout cela........... la façon dont capitaines et amiraux disaient, soupirant et levant les yeux au ciel :
            " - C'est un homme qui craint le Seigneur, "                   in Fr Culture
Le roi autorise le 27 avril 1696 la création de la National Land Bank of England, véritable alternative Tory à la Banque d’Angleterre. Auteur :
            ou
            " - J'espère qu'il est animé par l'esprit de Dieu, " et d'autres choses semblables. Mais il me dit que de cruelles accusations de lâcheté furent portées contre Penn après un certain combat. On lui reprochait de s'être caché dans un rouleau de cordages. Il eut bien du mal à en être lavé et ne le fut que par l'intervention d'amis importants, non sans qu'il demeurât quelque trace de culpabilité, et parce que ses frères de religion désiraient fermer les yeux...........
            Il me dit aussi que ce que Penn raconte sur Cromwell qui l'aurait mandé et supplié d'aller en Jamaïque, est entièrement faux. Il sait que c'est tout l'opposé.............
            Nous avions parlé de maintes autres choses quand des personnes, dans des pièces voisines, commencèrent à chanter à trois voix fort joliment, et à jouer du flageolet si plaisamment que notre conversation ne fut plus qu'une gêne...... Nous demandant soudain quelle heure il était, nous vîmes qu'il était 11 heures, alors que je pensais qu'il s'en fallait de deux heures, mais nous étions absorbés par notre conversation. Nous nous levâmes donc. Il avait bu du vin et moi de la bière sucrée, et par un beau clair de lune retour à la maison et, au lit. Ma femme est tourmentée par un mal de dents............


                                                                                                             10 Novembre

            Lever et au bureau, réunion jusqu'à midi, puis à la Bourse où je causai à plusieurs personnes, m'évertuant à trouver des moyens de gagner quelque argent, et j'espère y parvenir. Puis à la maison où Mr Moore, comme convenu, dîna avec moi. Ensuite passai tout l'après-midi à rédiger un billet à ordre et une cession des droits sur des terres en prévision de demain afin de conclure cette affaire entre Tom Trice et moi. Je n'avance là-dedans qu'avec de grandes craintes et beaucoup de méfiance, car je sais que c'est un coquin et qu'il a maintenant, j'en ai peur, trop grande prise sur moi à cause de la négligence de mes hommes de loi.
            Mais j'ai, entre autres, réglé avec Mr Moore une affaire de 32 livres d'honoraires dus par milord du Sceau privé, dont je ne m'étais pas occupé depuis un bon moment. Mr Moore me donne un billet à ordre en garantie pour prix des 7 livres restantes, après que j'ai obtenu 25 livres en argent comptant.
            Après son départ, au bureau jusque tard où notai la remarquable conversation d'hier. Puis à la maison, souper tard et, au lit.


                                                                                                               11 Novembre 1663

            Lever et à mon bureau toute la matinée. A midi au café où intéressante conversation avec le Dr Allen sur la physique et la chimie. Entre autres, comme je lui parlai de l'invention pour couler les navires de Drebbel, le docteur allemand, il me conta ceci qui est plus étrange encore : il s'agit d'une chose qui est faite à partir d'or et que l'on appelle en chimie fulminans. Un grain, a-t-il dit je crois, posé dans une cuillère et auquel on met le feu, produit une détonation comme un mousquet et fait un trou dans la cuillère vers le bas, sans que la moindre force ne s'exerce vers le haut. Et, dit-il, il peut faire la même expérience à moindre frais avec du fer ainsi préparé.
            Ensuite à la Bourse. Je dus remettre mon entretien avec Tom Trice, car il ne vint pas, et rentrai dîner à la maison. Allai ensuite en fiacre chez mon perruquier chercher ma seconde perruque, mais elle n'est pas terminée. Après m'être arrêté dans un ou deux endroits, à la maison. A mon bureau donnai à ma femme une nouvelle leçon d'arithmétique, puis la renvoyai à la maison. Je vaquai à différentes affaires, puis souper à la maison et, au lit, fort incommodé par un rhume à l'estomac et au cerveau, avec une toux fort douloureuse.


                                                                                                              12 Novembre

            Levé tard, trop tard car fis attendre plusieurs personnes, ainsi que les officiers au bureau et mon cousin Thomas Pepys, l'exécuteur testamentaire qui était en bas. Je descendis le rejoindre et lui présentai le détail de ce que nous lui devons pour l'argent qu'il a jusqu'ici versé à mon oncle Thomas sur ordre du capitaine. Je ne le payai pas mais je le ferai bientôt, si je le peux.
            Au bureau toute la matinée. Sir William Penn, en sot prétentieux, était fort désireux de faire échouer une proposition que j'avais faite sans me méfier, de faire entrer un homme aux ateliers de Chatham. Je fus fâché de le voir si plein de fiel, mais content d'en comprendre la cause et de voir que ce n'était pas plus grave, car cela ne me touchait en rien personnellement.
            A la Bourse expédiai plusieurs affaires, puis à la maison avec Mr Moore pour dîner, ma femme ayant aujourd'hui dîné avec Mr Hollier venu la conseiller au sujet de cette ulcération dans ses parties intimes.
            Après dîner, causant avec Mr Moore du peu d'assiduité de milord à la Cour et de ce que le monde en dit avec trop de raison je crois, je me décidai à prendre un fiacre pour me rendre chez lui, dans l'intention de parler avec milord sans plus tarder.
            Je rencontrai Mr Howe avec qui je parlai longuement sur ce sujet. Il m'apprit, en termes fort simples, où en était milord : il ne fait rien de ce qui sied à son rang, mais se laisse porter par sa folie et passe son temps à jouer aux cartes à la Cour avec les dames, ou à Chelsea avec cette catin, à son grand déshonneur. Et je vois bien que son crédit diminue aussi à la Cour.
            Milord arriva et je commençai à parler avec lui. Mais j'eus le pressentiment que milord ne prendrait pas la chose en bonne part,  de plus je vis qu'il n'était pas d'humeur à causer, et donc, après avoir échangé quelques paroles ordinaires, et voyant que milord ne parlait pas de sa manière habituelle, je pris congé et retournai vers Mr Howe un moment. Je lui dis que je n'avais pu mettre à exécution ce que j'étais si résolu à faire, mais que je pensais préférable de m'en acquitter par écrit, ce qu'il approuve, et je pris donc congé et rentrai en fiacre à la maison, l'esprit tout occupé de cette douloureuse affaire. A mon bureau embesogné jusqu'à une heure avancée, les soirées passant plus vite que l'on ne croit. Et à la maison souper et, au lit.


                                                                                                      13 Novembre
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Famous Paintings Improved With Fat Cats            Lever, à mon bureau occupé toute la matinée avec le commissaire Pett. A midi à la Bourse, rencontrai Shales, l'accompagnai au café et causâmes de notre affaire de subsistance.........
            Dînai à la maison, attendant la venue du commissaire Pett. Le dîner fut bon, mais il ne vint pas. Puis arriva mon perruquier qui m'apporte une deuxième perruque faite de mes propres cheveux, de sorte qu'elles me reviennent en tout à 4 livres et 1 shilling et 6 pence. Il prétend qu'elles me dureront deux ans, mais j'en doute.
            Après son départ allai à mon bureau et revêtis ma nouvelle robe de chambre de panne pourpre à boutons et festons d'or, car j'avais un peu peur de prendre froid. Terminai une lettre difficile mais qui me faisait valoir par rapport à sir William Batten, et dans laquelle je présentai à sir George Carteret notre dernier contrat avec sir William Warren pour l'achat de mâts et, grâce à cela, je crois avoir rendu un service au roi de 600 livres.
            Cela fait retournai auprès de ma femme pour prendre un clystère. Il produisit beaucoup d'effet et me fit évacuer quantité de vents, ce qui est la seule cause, à ce que je vois, de mon indisposition. Ensuite, vers 9 ou 10 heures, soupai dans le petit salon de ma femme et vers minuit, au lit.


                                                                                                                  14 Novembre

            Lever et au bureau réunion............ A midi à la maison et dînai avec ma femme, ensuite Will me dit que, si cela me convenait, il était prêt à emporter ses affaires, et donc, devant ma femme je lui donnai de bons conseils et lui dis que son départ ne diminuerait pas mon affection pour lui s'il se conduisait bien. Je lui donnai ma bénédiction et laissai le pauvre garçon en pleurs emporter ses effets. Mais je pense que les choses irons mieux, grâce à son départ, pour lui et pour nous.
            Ensuite au bureau où restai tard à travailler. Ce soir, Mr Moore est venu me dire qu'il n'avait pas eu l'occasion d'avoir une conversation sincère avec milord hier, et je suis résolu à lui écrire très prochainement.
            Je suis resté au bureau presque jusqu'à minuit pour terminer une lettre à sir George Carteret au sujet du récent contrat pour l'achat de mâts, dans laquelle je me suis justifié, sans faire de tort à sir William Batten.
            Cette nuit, je crois, est la première que je passe sans qu'il y ait dans cette maison un seul homme autre que moi depuis que j'ai des serviteurs, car Will a déménagé ce soir..........


                                                                                                                 15 Novembre
                                                                                                      Jour du Seigneur
             Resté tard au lit avec ma femme, puis à mon bureau pour mettre au propre ma lettre à sir George Carteret. Peu après, fort opportunément, un de ses laquais arriva pour une autre affaire, et je lui fis porter la lettre par son propre domestique. J'espère qu'elle aura l'heur de le satisfaire. A midi dîner à la maison, ma femme toujours au lit, car elle attend Mr Hollier, le chirurgien. Je dînai donc seul, et l'après-midi derechef à mon bureau où je rédigeai une lettre à milord, lui exposai ce que dit le monde à son sujet, et le laisse décider de ce qu'il convient de faire, et penser de moi ce qu'il voudra, mais je n'ai fait là que mon devoir. Je vais attendre de voir Mr Moore pour lui demander s'il pense que je dois l'envoyer.
            Retour auprès de ma femme pour souper. Je commence moi aussi à ressentir des douleurs à cause du rhume que j'ai attrapé hier soir. Ce qui me cause bien du chagrin voyant dans quel état de faiblesse je suis réduit. Comme c'était aujourd'hui l'anniversaire de notre reine on tira tous les canons de la Tour, et le soir le lord-maire envoya des messagers d'église en église pour ordonner aux sergents de ville de faire allumer des feux de joie dans toutes les rues. C'est, me semble-t-il, une chose qu'il n'est guère possible de faire sur ordre.
            Après un bon souper avec ma femme, et avoir écouté nos servantes lire un passage de la Bible, nous fîmes nos prières et, au lit.


                                                                              à suivre...............

                                                                                                                16 Novembre 1663

            Lever. Après m'être...........
         



         




jeudi 19 décembre 2019

Antonie Villiers de l'Isle-Adam ( Nouvelle France )

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                                                            Antonie

                                                                          Nous allions souvent chez la Duthé :
                                                          nous y faisions de la morale et quelquefois pis.
               
                                                                                              Le Prince de Ligne

            Antonie se versa de l'eau glacée et mit son bouquet de violettes de Parme dans son verre.
            - Adieu les flacons de vin d'Espagne ! dit-elle.
            Et, se penchant vers un candélabre, elle alluma, souriante, un papelito roulé sur une pincée de phëresli. Ce mouvement fit étinceler ses cheveux, noirs comme du charbon de terre.
            Nous avions bu du Jerez toute la nuit. Par les croisées ouvertes sur les jardins de la villa, nous entendions le bruissement des feuillages.
            Nos moustaches étaient parfumées de santal et, aussi, de ce qu'Antonie nous laissait cueillir les roses rouges de ses lèvres avec un charme tour à tour si sincère, qu'il ne suscitait aucune jalousie. Rieuse, elle se regardait ensuite dans les miroirs de la salle. Lorsqu'elle se tournait vers nous, avec des airs de Cléopâtre, c'était pour Se voir encore dans nos yeux.
            Sur son jeune sein sonnait un médaillon d'or mat, aux initiales de pierreries ( les siennes ), attaché par un velours noir.
            - Un signe de deuil ? Tu ne l'aimes plus.
            Et comme on l'enlaçait :                                                                                                         
            - Voyez !... dit-elle.                                                                                                                     
            Elle sépara, de son ongle fin, les fermoirs du mystérieux bijou : le médaillon s'ouvrit. Une sombre fleur d'amour, une pensée, y dormait, artistement tressée en cheveux noirs.
            - Antonie !... d'après ceci, votre amant doit être quelque enfant sauvage enchaîné par vos malices ?                                                                                                                   pinterest.fr 
Résultat de recherche d'images pour "vase bouquet de violettes"            - Un drille ne vous bâillerait point, aussi naïvement, pareil gage de tendresse !
            - C'est mal de les montrer dans le plaisir !
            Antonie partit d'un éclat de rire si perlé, si joyeux, qu'elle fut obligée de boire, précipitamment, parmi ses violettes, pour ne point se faire mal.
            - Ne faut-il pas des cheveux dans un médaillon ? en témoignage ?... dit-elle.
            - Sans doute, sans doute !
            - Hélas ! mes chers amants, après avoir consulté mes souvenirs, c'est l'une de mes boucles que j'ai choisie, et je la porte... par esprit de fidélité.



                                                             Villiers de l'Isle-Adam
                                                                                              

dimanche 15 décembre 2019

Broumpristoche W et J Grimm ( Conte - Nouvelle Allemagne )

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                                                 rO       pr       ChE
                                              B      um    IsTo

            Il était une fois un meunier pauvre, mais dont la fille était jolie.
            Un jour qu'il avait à parler au roi il dit, pour se rendre intéressant :
            - J'ai une fille qui, lorsqu'elle file de la paille, la transforme en or.
            Le roi dit au meunier :
            - Voilà un art qui me plaît ! Si ta fille est aussi habile que tu le dis, amène-la demain au château, je la mettrai à l'épreuve.
            Quand la jeune fille arriva, il la conduisit dans une chambre pleine de paille, lui donna un rouet et un dévidoir et dit :- Maintenant, mets-toi au travail. Si tu n'as pas transformé cette paille en or d'ici demain matin, tu mourras !
            Sur quoi il ferma lui-même la chambre et la laissa toute seule.

            Voilà donc la pauvre fille du meunier qui se demande ce qu'elle va faire. Elle ne savait pas du tout comment s'y prendre pour changer la paille en or. Et sa peur grandissait. Elle fondit en larmes. Tout à coup, la porte s'ouvrit et un tout petit bout d'homme apparut. Il dit :
            - Bonsoir, mademoiselle la meunière. Pourquoi pleurez-vous tant ?
            - Ah ! répondit la jeune fille, je dois filer cette paille pour en faire de l'or et je ne sais comment m'y prendre !
            Le petit homme dit :                                                                    bnf.fr
            - Que me donneras-tu si je le fais à ta place ?
            - Mon collier, répondit-elle. Le lutin le prit, s'assit au rouet et, déjà, la bobine était pleine. Il en mit une seconde en place, et, en deux temps trois mouvements, elle se remplit également. Et ainsi de suite jusqu'au matin. Toute la paille était tressée et les bobines couvertes de fil d'or.
            Au lever du soleil le roi était déjà là. Quand il vit l'or, il s'étonna et se réjouit. Mais son coeur était avide d'or. Il fit conduire la fille du meunier dans une autre chambre, bien plus grande encore que la première, et lui ordonna de tresser la paille qui s'y trouvait en l'espace d'une nuit, si elle tenait à la vie.
            La jeune fille  ne savait que faire. Elle pleurait. La porte s'ouvrit à nouveau, le lutin apparut et dit :
            - Que me donneras-tu si je change cette paille en or ?
            - Ma bague, répondit-elle.
            Le petit homme prit la bague et se remit à filer.
            Au matin il avait transformé toute la paille en or étincelant.
            Le roi se réjouit énormément en voyant cela, mais il n'était pas encore rassasié d'or. Il fit conduire la fille du meunier dans une chambre pleine de paille, plus grande encore que les autres, et dit :
            - Il te faut la filer pendant cette nuit ! Si tu y parviens, je t'épouserai.
            Il se disait :
            " Elle a beau n'être que la fille d'un meunier, je ne trouverai nulle part une femme aussi riche".
            Quand la jeune fille se retrouva seule, le lutin vint pour la troisième fois auprès d'elle et dit :
             - Que me donneras-tu si je fais ton travail cette fois encore ?
             - Je n'ai plus rien à te donner, répondit-elle.
             - Alors, promets-moi de me donner ton premier enfant quand tu seras reine.
             " Qui sait ce qui peut arriver ", se dit la meunière qui ne voyait pas comment se tirer d'embarras.
            Elle promit donc au lutin de faire ce qu'il demandait. Et le petit homme transforma une fois encore la paille en or.
            Quand au matin le roi se présenta et qu'il trouva ce qu'il avait espéré, il épousa la jolie fille du meunier, qui devint reine.

            Un an plus tard elle mit au monde un bel enfant.
            Elle ne pensait plus du tout au lutin. Il entra brusquement dans la chambre et dit :
            - Eh bien, donne-moi ce que tu m'avais promis !.
            La reine eut bien peur et elle offrit au petit homme toutes les richesses du royaume en échange de son enfant. Mais le lutin dit :                                                            pinterest.fr
Honoré Daumier            - Non ! Je préfère quelque chose de vivant à tous les trésors du monde. "
            La reine commença à gémir et à pleurer si fort que le lutin eut pitié d'elle.
            - Je te laisse un délai de trois jours, dit-il. Si, d'ici là, tu peux me dire comment je m'appelle, tu pourras garder ton enfant.
            Toute la nuit la reine se remémora les noms qu'elle avait entendus. Elle envoya un messager par le pays qui devait se renseigner de toutes les manières sur tous les autres noms existants.
            Quand, le lendemain, le lutin vint auprès d'elle, elle commença son énumération par Gaspard, Melchior, Balthazar et dit tous les noms qu'elle connaissait, l'un après l'autre.
            Mais à chaque fois le lutin disait :
            - Je ne m'appelle pas comme ça.
            Le second jour, elle fit demander aux voisins tous les noms qu'ils connaissaient et dit au lutin les plus inhabituels et les plus rares :
            - T'appelles-tu Côtes-en-long, Queue-de-mouton ou Jambe-de-bois ?
            Mais il répondait toujours :
            - Je ne m'appelle pas ainsi.
            Le troisième jour, le messager revint et raconta :
            - Je n'ai pas pu trouver un seul nouveau nom. Mais, comme j'étais arrivé au sommet d'une haute montagne, au coin d'un bois où un renard et un lièvre se disaient bonsoir, j'ai vu une petite maison devant laquelle brûlait un feu et un tout petit homme très drôle sautillait sur une seule jambe en criant :
            " Aujourd'hui des gâteaux, demain de la bière,
               Et après-demain, le joli fils d'une reine !
               Ah ! Ah ! quel bonheur que personne encore ne sache
               Que Broumpristoche est mon nom ! "                                                       pinterest.fr

            Vous pouvez vous imaginer la joie de la reine quand elle entendit cela.
             Quand, peu de temps après, le lutin arriva et demanda :
             - Alors, madame la reine, quel est mon nom ?
             Elle répondit d'abord :
             - T'appelles-tu Kuntz ?
             - Non!
             - T'appelles-tu Heinz ?
             - Non !
             - T'appelles-tu Broumpristoche ?
             - C'est le diable, c'est le diable qui te l'a dit ! s'écria le lutin en frappant le sol du pied droit avec tant de force qu'il s'y enfonça jusqu'au ventre. Et, dans sa colère, il saisit son pied gauche à deux mains et tira si fort qu'il se déchira le corps par le milieu.


                                                              Grimm
         
         
                   

samedi 14 décembre 2019

Le Défenseur John Fairfax ( Policier Angleterre )

Le Défenseur : Benson & De Vere #2 (Benson & De Vere) par [Fairfax, John]c
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                                                  Le Défenseur

            Londres 2015. Benson affronte un procès dont il est l'avocat de la défense. Pourtant Benson, fils de pêcheur à Douvres est confronté à un passé de " peut-être " meurtrier, et à plusieurs années d'incarcération. Un doute subsiste mais il a avoué sa culpabilité pour améliorer son internement et pour certaines questions de droit. Après onze ans d'enfermement, libéré, il décide de devenir avocat, ce malgré tous les motifs en sa défaveur. Une seule personne croit en sa réhabilitation et finance ses études et son installation dans une ancienne pêcherie elle aussi réhabilitée. Une seule condition rester inconnu, un notaire bienveillant mais strict sera le contact. Très troublé par son passé qu'il revit par séquences, Benson avance néanmoins dans cette nouvelle procédure, avocat imposé par un prisonnier accusé du meurtre d'une jeune femme, dans des conditions qui peuvent faire conclure soit à un suicide soit à un meurtre. De plus la jeune femme est retrouvée avec une orange sanguine dans la bouche. Benson est haï selon ses termes par tous sauf ses associés, un ancien taulard et Molly ex-secrétaire d'un cabinet d'avocat. Tess avocate en titre ne sait que penser, elle le défendit lors de son procès, mais que penser de l'homme qui avoue sa culpabilité au tribunal et son innocence en privé. Et l'on suit la petite société des pêcheurs en crise avec les problèmes liés au Brexit d'un côté, de l'autre le milieu très conservateur et bourgeois d'un ministre de la justice qui se montre un ennemi caché, féroce du jeune avocat et de son tout jeune cabinet car son fils admirateur des efforts de Benson veut abandonner la philosophie et suivre des cours de droit et pour cela demander un stage à cet avocat hors norme. Il est prudent de noter les noms de tous les protagonistes car dans ce très bon roman on s'aperçoit que tous ont un rapport avec la jeune femme, des chefs de la mafia anglaise, française et même quelque part italienne, des policiers véreux. Benson reçoit des menaces, de la part de l'accusé s'il ne le fait pas libérer, de ceux qui veulent voir l'accusé interné à vie. La personnalité de Benson, de la femme assassinée ou suicidée, et d'autres sont bien rendus. John Fairfax fait le tour des problèmes actuels, tel le passage de clandestins de la côte française aux côtes anglaises, à 3 000 livres par passager, des passagers sans moyens, écrit l'auteur, qui seront sous la coupe des mafieux. Bien écrit, bien traduit, le roman de John Fairfax nous plonge en pleine actualité, des personnages divers à la dérive à divers degrés. De l'importance d'un mégot de cigarette, d'un cheveu et d'une orange Très anglais, tasses de thé, biscuits et tourte aux pois cassés. Bonne lecture, avec ou sans Brexit.

jeudi 12 décembre 2019

Une maison hantée Virginia Woolf ( Nouvelle Angleterre )

Solche lustigen Geister von Cheesecloth und Kleiderbügeln werden nicht beängst... - #beängst #Cheesecloth #Geister #Kleiderbügeln #lustigen #nicht #Solche #und #Von #werden             
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                                                           Une maison hantée

            Quelle que fût l'heure où on s'éveillait, une porte se refermait. Ils allaient d'une pièce à l'autre, main dans la main, soulevant par-ci, ouvrant par-là, vérifiant : couple fantomatique.
            - Nous l'avons laissé ici, disait-elle.
            Et lui d'ajouter :
            - Mais là aussi !
            Elle murmurait :                     
            - C'est à l'étage.
            Lui, dans un souffle :
            - Et au jardin.                                                                                    denis.joye.free.fr
Image associée            Et tous deux :                                                                         
            - Doucement, sinon nous les réveillerons."
            Mais nous n'étions pas endormis. Non. On se disait peut-être :
            - Ils le cherchent : ils tirent le rideau.
            Puis on lisait encore une ou deux pages.
            - Maintenant ils l'ont trouvé.
            C'était sûr, et l'on arrêtait le crayon sur la marge. Puis, fatigués de lire, on se levait peut-être pour constater soi-même : la demeure vide, les portes ouvertes, seulement les pigeons ramiers roucoulant de plaisir et le lointain bourdonnement de la batteuse de la ferme.
            - Pourquoi être venue ici ? Pour y trouver quoi ?
            - J'avais les mains vides.
            - Alors, peut-être à l'étage ?           
             Au grenier il y avait les pommes. Redescendre : le jardin toujours silencieux, le livre avait seulement glissé dans l'herbe.
             Mais dans le salon ils avaient trouvé. Non qu'ils fussent jamais visibles. Dans les vitres, des reflets de pommes, des reflets de roses. Toutes les feuilles étaient vertes dans le verre. S'ils bougeaient dans le salon, la pomme montrait seulement sa face jaune. Mais un instant plus tard, si l'on ouvrait la porte, étendu sur le sol, accroché aux murs, suspendu au plafond... quoi donc ? J'avais les mains vides. L'ombre d'une grive traversait le tapis, des plus silencieuses profondeurs s'exhalait le roucoulement du ramier.
             " - Plus rien à craindre ", scandait doucement le pouls de la demeure.
             - Le trésor enfoui, la pièce...
             Le pouls s'arrêtait. Oh ! Était-ce le trésor enfoui ?
             Un instant plus tard la clarté avait disparu. Alors, dans le jardin? Les arbres tissaient des ténèbres pour un rayon de soleil égaré. Si ténu, si fugace, fraîchement lové sous la surface, le rayon que je cherchais brûlait toujours derrière la vitre. La mort était cette vitre, la mort nous séparait, venue d'abord à la femme, voici des siècles, abandonnant la demeure, scellant toutes les fenêtres. L'ombre avait empli les pièces. Il avait abandonné la demeure, abandonné la femme, gagné le nord, gagné l'est, vu les étoiles inversées du ciel austral, recherché la demeure, l'avait retrouvée nichée dans les Downs.
             " - Rien à craindre ", scandait joyeusement le pouls de la demeure. " A vous le trésor ".
              Le vent gronde dans l'avenue. Les arbres ploient, courbés en tous sens. Des rayons de lune giclent et jaillissent furieusement sous la pluie.
              Mais le rayon de la lampe tombe à la verticale de la fenêtre. La bougie brûle d'une flamme ferme. Parcourant la demeure, ouvrant les fenêtres, chuchotant pour ne pas nous réveiller. Les deux fantômes recherchent leur jubilation.
               - Nous dormions ici, dit-elle. Et il ajoute :
               - D'innombrables baisers.
               - Le matin au réveil...
Résultat de recherche d'images pour "pommes grenier"               - Des feuillages d'argent...
               - A l'étage...
               - Au jardin...
               - Quand venait l'été...
               - L'hiver quand il neigeait...
               Les portes ne cessent de se fermer au lointain, leur doux battement pareil à celui d'un coeur.
               Il se rapprochent, pausent sur le seuil. Le vent se calme. Sur la vitre la pluie verse des larmes d'argent. Nos regards s'assombrissent, nous n'entendons aucun pas près de nous, nous ne voyons aucune dame déployer sa cape fantomatique.. De ses mains il protège la lanterne.
               - Vois, murmure-t-il, profondément endormis. L'amour aux          lèvres.
               Penchés, tenant leur lampe d'argent, longtemps ils nous contemplent. Ils s'attardent longtemps. La bise souffle, la flamme s'incline. De furieux rayons de lune sillonnent le sol et le mur, marquant au passage les visages penchés, les visages méditatifs, les visages qui tentent de déceler la joie secrète des dormeurs.
                " - Rien à craindre ", scande fièrement le coeur de la demeure.
                Il soupire :
                - De longues années... Tu m'as retrouvé.
                - Ici, murmure-t-elle,
                -  Endormie, au jardin en train de lire, riant, faisant rouler des pommes au grenier. C'est ici que nous avons laissé notre trésor...
                Ils se penchent et leur clarté m'entrouvre les paupières.
                " - Rien à craindre ", scande à tout rompre le pouls de la demeure.
                Je m'éveille et m'écrire :
                - La clarté du coeur ! Est-ce donc là votre trésor enfoui ? 


                 

lundi 9 décembre 2019

Mozart Lettres à sa soeur ( extraits ) 2 ( Correspondance Allemagne



es.unifrance.org



                               Correspondance W.A. Mozart
                                          

            Leopold Mozart à Lorenz Hagenhauer à Salzbourg

             Francfort, le 13 août 1763
                                       Correspondance W.A. Mozart

             .............. Nous sommes descendus au Roi d'Angleterre, avons entre-temps donné un concert au Roi de Rome, puis laissé la voiture et quelques bagages à notre logis et avons pris le bateau-marché pour Francfort. Nous sommes ici depuis quelques jours. Jeudi prochain nous donnerons sans doute un concert et retournerons ensuite à Mayence car les bateaux-marchés font chaque jour le trajet entre Mayence et Francfort............ Le jour de la Saint-Gaétan nous avons déjeuné chez un certain chanoine Starck. L'après-midi nous sommes allés à La Favorite en compagnie de la famille de M. Urspringer, qui est valet de chambre ou plutôt valet de pied du prince électeur et est né à Salzbourg, et le soir nous avons fait une promenade sur le Rhin. La Favorite est une résidence d'été du prince électeur, avec un jardin ouvert à tout le monde. La situation est la plus belle qu'on puisse souhaiter. l'Électeur voit de sa chambre, et s'il en a envie, de son lit, non seulement le Rhin mais aussi le Main et leur confluent, tous les bateaux et un panorama infini de vignobles, jardins, champs et petits villages. Francfort est une ville vieillotte et je m'étais fait une tout autre idée du " Römer ", ni la place ni le Römer n'ont d'intérêt. Il y a bien quelques beaux bâtiments, mais très peu. En revanche on voit de très belles boutiques et des milliers de Juifs..............


            Leopold Mozart à id.

            Francfort, le 20 août 1763                                                                            mymozart.free.fr

            ... Notre concert eut lieu le 18. Il a été bien. Le 22 il y en aura un autre, ainsi que le 25 ou le 26. L'envoyé de l'empereur, le comte von Pergen et sa femme, etc, étaient également présents. Tout le monde a été émerveillé. Dieu, dans sa miséricorde, nous conserve la santé, Dieu merci, et nous accorde de susciter partout l'admiration. Wolfang est extraordinairement gai mais un peu polisson. Nannerl ne souffre plus de la comparaison avec son frère car elle joue si bien que tout le monde parle d'elle et admire sa virtuosité. J'ai acheté chez M. Stein à Augsbourg un bon petit clavier qui nous rend bien service pour faire des exercices pendant notre voyage. J'en ai mandaté le montant chez M. Calligari.............
            Un jour, au cours du voyage, je crois que c'était à Augsbourg, Wolfang se mit à pleurer le Hagenauermatin à son réveil. Je lui en demandai la raison, il répondit qu'il regrettait de ne plus voir M. Hagenauer....... et d'autres bons amis. Nous adressons donc tous nos compliments à vous et à tous les vôtres...........
            P.S. Nannerl met pour se promener un chapeau anglais, car c'est la mode pour les femmes dans cette région. Si nous nous promenions ainsi dans les rues de Salzbourg il y aurait un rassemblement comme pour voir passer un rhinocéros. Elle l'a reçu en cadeau à Mayence, ainsi qu'un porte-parfums. Le chapeau coûte 1 ducat, les flacons " d'eau sans pareille " 3 ducats... Wolfang a aussi reçu en cadeau une tabatière de porcelaine. Nannerl une en " Lac Martin " et une garniture de palatins, etc.

.......................


            Leopold Mozart à id..

            Paris, le 8ème de Décemb. 1763

            Monsieur mon très cher ami !
            Après avoir donné un grand concert à Bruxelles, auquel assista le prince Karl, nous partîmes le jour de ma fête à 9 heures avec 4 chevaux de poste, en prenant tristement congé de tant de bons amis. Le soir nous sommes arrivés à Mons alors qu'il faisait encore grand jour, le 2è jour, de bonne heure également, à Bonavis, le 3è à Gournay, et le 4è à 3 heures et demie à Paris......... La route de Bruxelles à Paris est étonnamment chère...                                                          encyclopedisque.fr
            Plus on approche de Paris, plus le paysage est beau, car on voit de nombreux châteaux et allées. Ma femme s'est fort amusée à observer les paysans avec leurs cheveux noués, les gardiens de bétail en manteau blanc avec de grands manchons, les paysannes en coiffe de fourrure, un petit manchon à la main et un bâton sous le bras avec lequel elles poussent un âne devant elles. ---- Nous sommes donc arrivés le 18 novembre à l'hôtel du comte van Eyck et avons heureusement trouvé chez eux M. le comte et la comtesse, qui nous ont réservé un accueil amical et nous ont montré notre chambre où nous sommes installés commodément et fort bien. Nous avons le clavecin de madame la comtesse dans notre chambre, car elle n'en a pas besoin. Il est bon et a comme le nôtre 2 claviers. Si j'avais reçu plus tôt votre lettre j'aurais pu économiser 100 livres que j'ai dû payer à mon arrivée à Paris pour l'appartement que j'avais fait réserver avant, car, actuellement, on ne trouve que rarement de logis à Paris, à cause de tous les étrangers qui viennent ici en hiver........
Maintenant je peux vous dire que Paris est un endroit ouvert, qui n'a pas de portes....... Les bâtiments sont construits de façon incroyablement commode.......  L'hôtel particulier dans lequel nous habitons est bâti de manière si pratique que même le plus petit recoin sert à quelque chose. Rien n'est bon marché ici, sauf le vin.......... La chose la plus repoussante ici est l'eau potable que l'on tire de la Seine ( qui est répugnante. Il y a quelques porteurs d'eau qui ont un privilège et doivent payer un droit au roi........ Nous la faisons bouillir pour qu'elle devienne plus belle. Presque tous les étrangers ont au début un peu de diarrhée............
            Une commodité non négligeable à Paris est ce que l'on appelle la " petite poste ", par laquelle je peux envoyer toute la journée des lettres dans toutes les rues de Paris et en recevoir........ Le moyen de transport, le fiacre, misérables voitures qui portent un numéro, afin que l'on sache qui nous transporte.......
            Ma femme, mon Wolfgängerl et Nannerl vous font leurs compliments ainsi qu'à votre chère épouse, à toute la maison et à tous nos amis, et je suis le vieux...........


            Leopold Mozart à id..

            Versailles, décembre 1763

            ......... Aujourd'hui la princesse de Carignan a donné une petite tabatière transparente tapissée d'or à ma fille, et à Wolfang un écritoire de poche en argent, avec des plumes d'argent pour composer. Il est si petit et joliment fait qu'il m'est impossible de le décrire..............
            Pour ma part, ma femme et mes enfants, nous vous saluons et vous souhaitons ainsi qu'à madame votre épouse et toute votre famille une joyeuse nouvelle année. Nous sommes, Dieu soit loué, tous en bonne santé.
            Vous devriez voir Wolfang en costume noir avec un chapeau à la française

                                           
                                                                                            à suivre.............

         


samedi 7 décembre 2019

Satire II à M.de Molière Nicolas Boileau ( Poème France )

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artnet.com


                                              Satire II à
                                                                 M. de Molière

            Rare et fameux esprit, dont la fertile veine
            Ignore en écrivant le travail et la peine,
            Pour qui tient Apollon tous ses trésors ouverts,
            Et qui sçais à quel coin se placent les bons vers,
            Dans les combats d'esprit sçavant maistre d'escrime,
            Enseigne-moi, Molière, où tu trouves la rime.
            On diroit, quand tu veux, qu'elle te vient chercher.
            Jamais au bout du vers on ne te voit broncher,
            Et, sans qu'un long détour t'arreste ou t'embarrasse,
            A peine as-tu parlé qu'elle-même s'y place.
            Mais moi, qu'un vain caprice, une bizarre humeur,
            Pour mes pechez, je croi, fit devenir rimeur,                                               
            Dans ce rude métier, où mon esprit se tuë,
            En vain, pour la trouver, je travaille et je suë.
            Souvent j'ai beau réver du matin jusqu'au soir,
            Quand je veux dire blanc, la quinteuse dit noir.
            Si je veux d'un galant dépeindre la figure,
            Ma plume pour rimer trouve l'abbé de Pure ;
            Si je pense exprimer un auteur sans defaut,
            La raison dit Virgile, et la rime Quinaut.
            Enfin, quoique je fasse ou que je veüille faire
            La bizarre toûjours vient m'offrir le contraire.
            De rage quelquefois, ne pouvant la trouver,
            Triste, las et confus, je cesse d'y réver :
             Et, maudissant vingt fois le demon qui m'inspire,                     
             Je fais mille sermens de ne jamais écrire.                                        nouvelobs.com   
détail du portrait de Molière attribué à Charles-Antoine Corpel, XVIIe siècle             Mais quand j'ai bien maudit et Muses et Phebus,
             Je la voi qui paroist quand je n'y pense plus.
            Aussi-tost, malgré moi, tout mon feu se rallume ;
            Je reprens sur le champ le papier et la plume,
            Et, de mes vains sermens perdant le souvenir,
            J'attens de vers en vers, qu'elle daigne venir.
            Encor si pour rimer, dans sa verve indiscrète
            Ma muse au moins souffroit  une froide epithete,
            Je ferois comme un autre, et, sans chercher si loin,
            J'aurois toûjours des mots pour les coudre au besoin.
            Si je loüois Philis, en miracles feconde,
            Je trouverois bientost à nulle autre seconde.
            Si je voulois vanter un objet nompareil,       
            Je mettrois à l'instant : plus beau que le soleil.
            Enfin, parlant toûjours d'astres et de merveilles,
            De chef-d'oeuvres des cieux, de beautez sans pareilles,                
            Avec tous ces beaux mots souvent mis au hazard,
            Je pourois aisément, sans génie et sans art,
            Et transposant cent fois et le nom et le verbe,
            Dans mes vers recousus mettre en pieces Malherbe.
            Mais mon esprit, tremblant sur le choix de ses mots,
            N'en dira jamais un, s'il ne tombe à propos,
            Et ne sçauroit souffrir qu'une phrase insipide
            Vienne à la fin d'un vers remplir la place vuide.
            Ainsi, recommençant un ouvrage vingt fois,
            Si j'écris quatre mots, j'en effacerai trois.
                     Maudit soit le premier dont la verve insensée
            Dans les bornes d'un vers renferma sa pensée,
            Et, donnant à ses mots une étroite prison,
            Voulut avec la rime, enchaîner la raison.
            Sans ce métier, fatal au repos de ma vie,
            Mes jours pleins de loisir couleroient sans envie ;
            Je n'aurois qu'à chanter, rire, boire d'autant,
            Et, comme un gras chanoine, à mon aise et content,
            Passer tranquillement, sans souci, sans affaire,
            La nuit à bien dormir, et le jour à rien faire.
            Mon coeur exempt de soins, libre de passion,
            Sçait donner une borne à son ambition,
            Et, fuiant des grandeurs la présence importune,
            Je ne vais point au Louvre adorer la Fortune.
            Et je serois heureux si, pour me consumer,
            Un destin envieux ne m'avoit fait rimer.
                        Mais depuis le moment que cette frenesie
            De ses noires vapeurs troubla ma fantaisie;
            Et qu'un démon, jaloux de mon contentement,
            M'inspira le dessein d'écrire poliment,
            Tous les jours malgré moi, cloüé sur un ouvrage,
            Retouchant un endroit, effaçant une page,
            Enfin, passant ma vie en ce triste métier,
            J'envie en écrivant le sort de Pelletier.
                       Bienheureux Scuderi, dont la fertile plume
Résultat de recherche d'images pour "molière"             Peut tous les mois sans peine enfanter un volume !
                       Tes écrits, il est vrai, sans art et
             Semblent estre formez en dépit du bon sens ;
              Mais ils trouvent pourtant, quoiqu'on en puisse dire,
              Un marchand pour les vendre, et des sots pour les lire.
              Et quand la rime enfin se trouve au bout des vers, 
              Qu'importe que le reste y soit mis de travers ?
              Malheureux mille fois celui dont la manie
              Veut aux regles de l'art asservir son genie !
              Un sot en écrivant fait tout avec plaisir ;
              Il n'a point en ses vers l'embarras de choisir,
              Et, toûjours amoureux de ce qu'il vient d'écrire,
              Ravi d'étonnement, en soi-mesme, il s'admire.
              Mais un esprit sublime en vain veut s'élever
              A ce degré parfait qu'il tâche de trouver,
              Et, toûjours mécontent de ce qu'il vient de faire,
              Il plaist à tout le monde, et ne sçauroit se plaire.
              Et tel, dont en tous lieux chacun vante l'esprit,
              Voudroit pour son repos n'avoir jamais écrit.
                          Toi donc, qui vois les maux où ma muse s'abîme
               De grâce, enseigne-moi l'art de trouver la rime ;
               Ou, puisqu'enfin tes soins y seroient superflus,
               Molière, enseigne-moi l'art de ne rimer plus.
              
            

                                   Nicolas Boileau Despreaux