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jeudi 17 novembre 2022

Passager pour Francfort Agatha Christie ( Roman Angleterre )

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                                                                Passager pour Francfort



            Exit Miss Marple et Mr Poirot dans cet opus, dans la longue liste des ouvrages d'Agatha Christie " Passager pour Francfort " parut en 1970, année du 80è anniversaire de l'auteure et son 80è livre. Rare sujet pour la très anglaise Agatha, l'espionnage. Une rencontre imprévue, le fut-elle vraiment ? dans un aéroport, Francfort, pour cause de brouillard. Retour à Londres, tout cela dans la haute société, diplomates et diplomatie, dîners mondains, et avançons vers le nœud de l'intrigue. Sir Stafford Nye, l'un des personnages de l'histoire retrouve sa comtesse, appelée aussi Mary-Anne, qui lui murmurera le nom de Siegfried. Garçon de bonne famille, revenu de Manille, agent diplomatique et aussi neveu d'une sympathique tante Mathilda aux relations aussi variées qu'anciennes, toujours diplomates ou financières, ou amie d'enfance qu'elle redécouvre, l'avouant à demi-mot, sous les traits excessifs, ils sont tous très appuyés, de l'effroyable Charlotte, richissime, recluse dans un château en Bavière, discrète habituellement elle avoue l'immense complot qu'elle et ses amis super riches espèrent et souhaitent voir aboutir : une nouvelle race pure. Réfugiés en Argentine d'anciens chefs de l'armée allemande et d'ailleurs accompagnent le projet. En 1970 les problèmes internationaux sont moins connus du grand public qu'en 2022, année de réédition de ce Passager pour Francfort, pourtant le réflexe est toujours, ce que nous vivons aujourd'hui, semble la répétition d'hier. Enrôler la jeunesse, la pousser vers la violence, l'anarchie, etc. Complotisme, force de l'immense pouvoir financier d'un petit nombre de complotistes très convaincus, et de Charlotte entre autres. Agatha Christie appartient à un monde noir et blanc, aussi quelqu'un, dans ce court roman pas du tout suranné, quelqu'un, un grand scientifique, détient un " Projet B ", B pour Bienveillant. Projet B deviendra inopérant, recherché par les complotistes et les gouvernements officiels, pour des raisons différentes, évidemment. " Dans quel monde vivons-nous, songea sir Stafford. Tout est fait pour créer l'émotion. La discipline ? La contrainte ? Plus rien de tout cela n'existait. - Ressentir - était devenu le fin mot de tour. Quel espèce de monde, s'était demandé sir Stafford Nye, cela pourra-t-il donner ? "  La grande Dame anglaise, dans une diatribe virulente contre la politique, les discours sans fin, apparaît digne de l'esprit de nos caricaturistes. C'est enlevé, des longueurs aussi parfois, mais actuel. Chacun trouvera des raisons ou le contraire dans ce roman. Bonne lecture, lue dans un rétroviseur.
























































dimanche 24 juillet 2022

Anatomie d'un scandale Sarah Vaughan ( Roman Angleterre )



                                            Anatomie d'un scandale

            Holly a obtenu le privilège d'étudier à Oxford. Venue de la région de Liverpool, elle est un peu empruntée, ronde et à peine jolie selon sa description puisque les chapitres passent de l'un à l'autre des principaux héros, et de ce passé 1993 à nos jours. Aujourd'hui Holly devenue Kate est avocate, ambitieuse et perfectionniste jusque dans le port de sa perruque et la robe de son rôle. Elle est célibataire, divorcée, mélancolique ou angoissée, selon son humeur du jour et aujourd'hui elle a perdu un procès mais reçoit avec joie un nouveau dossier. James Whitehouse est accusé de viol par une jeune femme, belle, Olivia. Il est sous-secrétaire d'état dans l'équipe de Tom premier ministre, et député, elle était sa principale aide. Il est marié à Sophie et père de deux enfants. Tous deux étaient élèves à Oxford. Et de chapitre en chapitre vont être dressés les portraits, les sentiments, ils seront disséqués, encore et encore. L'accusé, bel homme, champion d'aviron, contient difficilement une sexualité débordante, Sophie subira lors du procès le récit détaillé du viol, échange peut-être moins subi qu'accepté, de l'élastique de la petite culotte à la morsure. Détaillé au prétoire mais aussi dans la presse, à la BBC. Moeurs et coutumes des élèves des grands collèges anglais. James et Sophie n'ont pas reconnu Holly-Kate sous sa perruque et ses lunettes et sa silhouette amincie, Kate froide et déterminée dans ses accusations, sachant que les procès pour viol sont très difficiles à gagner. La position de Kate est délicate, et son amie Alistaire à Oxford la même année, a découvert le point litigieux qui pourrait nuire à la résolution du procès. Un épisode reste obscur jusque le dernier quart du livre, le rôle du club des Libertins au collège, il donne droit aux excès en tous genres. Holly-Kate se réfugiait, élève, à la bibliothèque :
             " Il y avait dix bibliothèques......... Holly s'émerveilla pour la énième fois, de la beauté exquise de cet endroit et de ses mystères : toutes ces vies......... le réfectoire et les clubs nautiques, les bars et les boîtes de nuit, les musées, les jardins.........
             Si l'université était un lieu de découverte, alors ici des milliers d'existence se réinventeraient ou trouveraient leur sens : histoires écrites puis réécrites, sexualités expérimentées puis rejetées, allégeances éprouvées, amendées puis abandonnées, le tout au fil d'un trimestre de huit semaines......"
            Sarah Vaughan était journaliste politique au Guardian. Le doute s'installe chez le lecteur, l'auteur semble pourtant avoir pris ses distances avec l'un des personnages et parti pour un autre.
Une dissection, répétitif trop appuyé parfois, mais bonne lecture.
             


            

            

mardi 28 janvier 2020

Le coeur de l'Angleterre Jonathan Coe ( Roman Angleterre )

Le cœur de l'Angleterre
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                                                        Le Coeur de l'Angleterre

            En 2010 l'Angleterre comme les autres pays de la communauté européenne était sans doute encore joyeuse, c'est tout au moins le titre de la première partie du livre de Jonathan Coe. Il nous conduit dans l'intimité de personnages tous attachants. Quadragénaires alors ils évoluent dans différents cadres de sociétés. A l'exception de Charlie élève de l'école publiques alors que Benjamin, Douglas et les autres intégraient collège et  lycée privés, leur principal but est la situation sinon brillante, fortunée. Jonathan Coe va détailler le destin de ce petit groupe de femmes et d'hommes, les travers de la société en général de ces dix dernières années pré-Brexit, et les luttes familiales féroces qu'ont engendrées les élections pour ou contre la sortie de l'Union européenne. Portraits à charge, croit-on au début, mais non. Femmes et hommes humains. Benjamin soutient son père après le décès de sa mère. Abandonné Londres, il a acheté un moulin au bord de la Severn, célibataire après une séparation assez mystérieuse et douloureuse, il vit dans les Midlands, sa soeur Loïs et son beau-frère à demi-séparés à Birmingham, sa nièce trentenaire enseigne à l'université et cherche avec beaucoup d'efforts un nouveau petit ami. Elle le trouvera dans la deuxième partie du livre, car parmi les défauts de la nouvelle société des années plus récentes, il y a les limitations de vitesse et les amendes ou autres brimades, écrit l'auteur, mais elle rencontre Ian, professeur de bonne conduite automobile. Le couple ne vivra pas les prochaines années sans heurts, car il y a entre autres la belle-mère Héléna, farouchement nationaliste. Puis à Londres il y a des manifestations, des casseurs, mais mouvement qui passionne Coriandre adolescente, fille d'une richissime anglaise; elle a  pour compagnon Doug, ami de longue date de Ben et chroniqueur politique. Coriandre va s'implanter dans des mouvements de gauche, soutenant les transgenres, ne pardonnant aucun propos pouvant porter à confusion, ce qui provoquera la mise à pied un temps de Sophie pourtant soutien elle aussi d'une gauche qui ne voit que des défauts à qui pense différemment, écrit toujours l'auteur, elle-même durant son séjour à Londres est recueillie par un ami gay, pakistanais, en couple avec un jeune londonien qui a fait fortune à la City en un temps record. Peut-être se marieront-ils. Tous se connaissent et se reconnaissent à un moment, le père de Ian très diminué ne reconnait pas son pays, sa région, mais néanmoins il réussira à porter son bulletin lors du vote pour ou no Brexit. Il vote, fier et heureux " leave ". Parcourant les années, Jonathan Coe donne son avis, à travers ses personnages devenus quinquagénaires et plus, sur David Cameron, bien décrié, et plus même. De Teresa May aucun commentaire. Nul ne sait ce qu'elle veut, très nationaliste, elle vote et pousse pourtant vers un Brexit inatteignable pour elle, mais consolation pour les féministes, elle est dite très intelligente. Et enfin Boris Johnson que Ben a croisé, simplement croisé, durant trois semaines en première, mais il venait d'Eton ce qui cloisonnait la petite société. Il avait dit Ben à une jeune journaliste, qui déformera ses propos, déjà la coiffure qu'on lui connaît. Les problèmes d'immigration "...... A l'entendre on était pleins à craquer......... " Jonathan Coe retrouve dans ce volume Benjamin Trotter héros d'un précédent livre " Le cercle fermé ". Le Brexit signé, 2020 sera un pas de côté pour " La vieille Angleterre " après " L'Angleterre profonde " et " La joyeuse Angleterre " de Jonathan Coe et de ses personnages si attachants. Sarcasmes, les réseaux sociaux font aussi un passage destructeur, sentiments, déshérence, la vie effleurée. Très bon livre sur les Anglais et le Brexit.


vendredi 17 août 2018

L'héritage des espions John Le Carré ( Roman policier Grande-Bretagne )


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                                           L'héritage des espions

            A l'abri dans sa ferme, quelque part dans un coin de Bretagne sud, proche de la mer, Peter Guillam, ex-espion, souvenons-nous de La Taupe, Les gens de Smiley, etc... retraité pense-t-il, est rattrapé par son passé. Guillam né de mère française et de père anglais,  présence épisodique mais mort en héros pendant la dernière guerre, Rappelé à Londres il est obligé de donner des éclaircissements sur certaines actions qui ont laissé des morts imprévues dans les rangs des espions infiltrés ou résidents à Berlin Est, au temps de la guerre froide. Le réseau décimé, restent des enfants prêts à intenter un procès afin de connaître le ou les noms des donneurs. Certains ont été tués alors qu'ils passaient à bicyclette le mur de Berlin Est vers l'Ouest ou ailleurs. Il faut à Guillam, affublé durant son activité de divers noms, répondre aux questions de " Bunny ", membre de la nouvelle génération et tenter de savoir ce que Smiley, personnage récurent dans plusieurs romans de John Le Carré, sait de l'affaire Windfall ou tout au moins jusqu'où peuvent aller ses révélations.  Éviter le scandale d'un procès et le versement de sommes importantes. " Bon, on arrête les conneries.......1° une piste quand au déroulement et à l'objet de l'opération Windfall 2° un moyen de nous défendre dans le cadre d'une procédure civile ou d'une citation directe..... " Mais Guillam prudent ".... Quand on est le dos au mur, quand on a usé en vain de tous les subterfuges qu'on avait en stock...... on peut broder....... " Et Le Carré fait revivre les différents personnages, dans ces années 60 derrière le mur de Berlin. Pour Guillam ce retour en arrière s'éclaircit "..... Je me rappelle mon pèlerinage à moto jusqu'à un cimetière berlinois battu par la pluie, journée d'hiver noire comme la poix en 1989, et tout devient clair....... " Dans ce dossier, où partout se lit la mention " Top Secret Ne pas diffuser " où Smiley est tant cherché où l'ombre de la taupe tue, John Le Carré décrit le long parcours d'une vie d'espionnage à l'époque de " la guerre froide ", dans un va-et-vient entre présent et passé. Un bon livre pour espion en chambre et inconditionnel de John Le Carré.

dimanche 27 mai 2018

Mémoires d'un estomac écrits par lui-même 6 fin extraits Sydney Whiting ( Roman Angleterre )

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                                                         Mémoires d'un estomac
                                                                          écrits par lui-même
                                          pour le bénéfice de tous ceux qui mangent et qui lisent

            Il y avait un autre inconvénient dont je souffrais : c'est la disparité des goûts entre notre jeune épouse et moi. Elle, pauvre, délicat estomac, était incapable de jouir des plats plus sérieux d'un solide ordinaire, de sorte qu'on me persuadait, par des caresses, d'ingurgiter des friandises et d'insipides potages que j'abhorrais. Mais enfin cela n'arrivait qu'à l'occasion et, je trouvais la vie matrimoniale favorable à ma santé et à mon confort.
            Sur ces entrefaites notre beau-père était devenu un grand personnage de la cité. Il était déjà membre de la corporation et, avec le temps, il avait la chance probable d'atteindre le sommet de son ambition, le trône civique, c'est-à-dire la dignité de Lord-Maire. Entre lui et mon entière personne, l'homme vivant et pensant dans l'intérieur de qui j'étais claquemuré, il n'y avait jamais eu cette cordialité parfaite qui doit exister entre parents et alliés. Les goûts de mon maître tournés vers les arts et la littérature répugnaient instinctivement à l'esprit du père de sa femme. Tous ces beaux sentiments qui s'épanchent sur le papier et trouvent leur refuge dans les livres ne s'accorderont jamais avec la profession dont la poursuite de l'argent est le but, et qui mettent en jeu des facultés toutes différentes. Cela est très naturel......... Le dédain que M. Ledger ( registre ) manifeste pour ce pauvre M. Bookworm ( bibliothèque ) prend parfois une forme proche du ridicule. Ces antipathies entre le père et le mari de la jeune femme n'avaient pas assez d'intensité pour détruire l'aménité des rapports de famille, et nos bombances civiques furent très nombreuses.
            Ma conviction est que si je n'avais jamais passé les limites de Temple-Bar je serais maintenant de dix ans plus jeune, mais, pour le présent, ma constitution est minée et menace, non d'explosion, mais d'effondrement..........J'étais un véritable dromadaire pour le poids que je pouvais porter et, bien que je pensasse souvent qu'Aquare la dernière bouchée me ferait crever d'une manière ou d'une autre, tout cela se trouvait logé, par le tassement, comme des voyageurs serrés dans un omnibus. Je ne veux pas dire que je ne grommelais jamais car j'avais un grognement pour chaque paquet que je trouvais trop lourd. Tout ce que je gagnais c'était un coup d'aiguillon sous forme d'un verre d'arak, stimulant comme un coup de fouet. Après je ne manquais jamais de bouder ..........
            Maintenant que j'ai vieilli et blanchi au service je ne puis que déplorer la folie de mon maître obstiné à éperonner ainsi une monture de bonne volonté par constantes applications d'alcool. Celles-ci contribuaient bien plus à me détraquer que la surcharge d'aliments et elles affectaient en M. Head de manière à me faire croire qu'il ne jouissait plus de sa raison.                    
Résultat de recherche d'images pour "caricaturistes 19è siècle anglais"            Permettez-moi de vous le dire, quand il se trouve un fou au dernier étage de la maison il ne fait pas beau jeu pour les autres logeurs. La familiarité engendre le mépris............
            D'abord des petites doses de liqueur stimulèrent et accrurent mon énergie, jusqu'à ce que j'en vinsse à m'accoutumer à leurs effets incendiaires. Alors on me les envoya plus fortes et plus fréquentes.
            Au bout d'un certain temps je refusai net de travailler sans le coup de fouet spiritueux, et le mal prit de telles proportions que mon maître était devenu un fieffé ivrogne. Il fut préservé de ce malheur par un médecin hydromatique, mais il faillit mourir par ce retour aux lois de l'hygiène.
          Aquarius n'y allait pas de main morte, et au lieu de m'amener doucement à son régime débilitant, il retrancha tout d'un coup ma ration d'eau-de-vie. Par réaction je tombai donc dans une inertie absolue, et j'imagine ce que mon entourage eut à en souffrir. Puis un traitement plus prudent me rendit lentement un peu de mes forces. Mais au moindre dérangement je soupirais derechef après la rasade alcoolique et menaçais une rechute.
            Cependant le temps s'écoulait et M. Hosier, le bonnetier, devenu un honorable Lord-Maire....... alla rejoindre ses aïeux. Il laissa à sa fille, la femme de mon maître, un gros héritage.
            Je vis alors ceux qui avaient blâmé le plus haut notre " mésalliance " être les premiers à nous faire leurs civilités et à nous envoyer leurs compliments de condoléance.........
            Cette nouvelle bonne fortune tourna tout à mon profit. Je n'avais qu'à exprimer un désir pour qu'il fût satisfait. Toutefois une insurmontable envie d'eau-de-vie se montrait quelquefois, et cette inclinaison perverse causait à mon maître une profonde anxiété. D'un caractère assez décidé, il lutta en se tournant vers les discussions théologiques. disputes qui faisaient rage alors parmi les sectes religieuses. Ces passions farouches mirent un frein à mes appétits de spiritueux.........
            Tant d'acrimonie bilieuse, tant de mauvais vouloir, d'ignorance, de superstition et de bigoterie caractérisait ces disputes qu'un estomac indifférent ordinairement, éprouvait du dégoût et du chagrin
            Cela dura quelque temps, puis le flot des mauvaises passions s'apaisa de notre côté.........
            De la particularité de ma position, tout à la fois comme écrivain, commentateur, acteur et viscère, on verra jaillir de tous ces faits, au moins je le pense, un intérêt indépendant du simple récit.
Résultat de recherche d'images pour "coq et moineau"*            Je me hâte d'en finir, pourtant je remplirais mal la tâche que je me suis imposée si, avant de prendre congé du lecteur, je ne m'efforçais de lui communiquer, aussi brièvement que possible, les connaissances que je possède sur les moyens de conserver par mon entremise, le corps tout entier en santé et bien-être, afin que, lorsque l'auteur souverain de la vie nous retirera celle-ci, le souvenir des faveurs passées parle éloquemment à notre coeur et que la reconnaissance et l'amour puissent détacher doucement l'esprit de ce corps avec lequel il composait la merveille de notre existence terrestre.
            On reconnaîtra dans la narration précédente que j'ai passé par les vicissitudes communes de la vie, et que si ma carrière n'a point connu ces péripéties extraordinaires qui charment les amateurs de romans, cependant j'ai joui des agréments de la variété. J'ai eu, pour ainsi dire, le gras et le maigre des choses qui se consomment, salubres ou insalubres, vivant quelquefois comme un coq de combat et quelquefois comme un moineau de Londres...................
             Je n'avais nulle idée du sombre spectre de la faim hormis ces petits retards de mes repas, et les légères irrégularités de ma pitance concernaient plus la qualité que la quantité des aliments.
            J'ai dîné dans des gargotes dont les effluves....... me rendirent malade tout le jour suivant J'ai joui de la vie dans quelques-uns des premiers clubs de Londres, j'ai fait bombance dans plusieurs de meilleurs restaurants de l'Europe. J'ai descendu dans les hypocaustes de Fleet-Sreet et dîné dans des tavernes véritables cavernes, où je me prenais à désirer être cent milles au loin, lorsqu'on découvrait sur la table l'éternel roastbeef, j'ai été régalé à la table d'hôte des premiers hôtels de Londres et nos villes d'eaux où les garçons sont de beaux messieurs qui vous servent avec un air de condescendance magnifique, qui glissent sans bruit, comme de vrais disciples d'Harpocrate, sur le tapis doublé des parquets. Ils devraient en vérité porter des roses à leur boutonnière, avec leur cravate blanche comme la neige. Ils ont l'apparence de gentlemen loués pour dire les grâces et n'accepteront rien au-dessous d'une pièce d'argent pour leur pourboire.......... Quant à cette dernière liqueur j'en ai eu de toutes les espèces, depuis le Johannisberg, au cachet d'or et au Sherry appelé " Per Alta ", si je me rappelle bien, à quatre guinées la bouteille, jusqu'au pauvre Marsala à neuf pence l'humble demi-pinte. Les vins doux mais peu corsés d'Italie, les vins aigrelets de la Suisse, les vins légers mais aromatiques du Rhin et de la Moselle, les vins généreux de France, spécialement le rubis de Bourgogne qui a reçu les baisers du soleil, les vins puissants de l'Espagne, ceux astringents du Portugal, sans omettre les fortes boissons du Nouveau Monde. Il a été dans ma destinée de leur donner asile tour à tour, et je puis dire que j'ai fait de mon mieux pour les accueillir avec cet intérêt amical, chaleureux d'un estomac anglais.
             Je crois pouvoir dire que je connais toutes les nuances chromatiques du goût, depuis les notes délicates de l'alto, jusqu'à celles plus robustes mais moins savoureuses de la basse. ladyphoto.canalblog.com
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            Tout alla de travers avec l'introduction de ce " maudit esprit " aussi appelé " eau de feu ", qui avait aidé à exterminer ces pauvres Indiens. Sitôt qu'il eût franchi le seuil de ma porte, tout alla de travers, mais il avait un tel pouvoir de fascination que sa présence me charmait toujours. Pour leurs bienfaits, leurs mérites, ces articles de consommation quotidienne, le café, le thé, la bière, le cacao, le chocolat, lorsqu'ils étaient de bonne qualité méritaient de ma part une réception polie...............
            Les questions les plus puériles peuvent embarrasser le plus savant Hipporate :
            Pourquoi l'opium, par exemple, agit-il d'une manière diamétralement opposée sur deux constitutions différentes ? Pour l'un il est un sédatif et pour l'autre un excitant...........
            Pourquoi la morsure d'un cobra tue-t-elle un homme ?
             Qu'est-ce que l'Hydrophobie ?
             Pourquoi l'écorce du Pérou, dans la plupart des cas, guérit-elle la fièvre intermittente ?                        Pourquoi le mercure produit-il la salivation ?
            Pourquoi l'iode agit-il sur les glandes ?
            Dîtes-nous même pourquoi les sels d'Epsom sont cathartiques ?
            La Faculté entière est en querelle sur beaucoup des plus simples questions en médecine. De même qu'avant Sir Isaac Newton les gens voyaient tomber les pommes sur le sol sans en connaître la raison, ainsi les médecins ont reconnu certains phénomènes ou résultats patents à tous les yeux, sans en connaître le pourquoi et le comment..............
            Je suis bien loin, humble estomac que je suis, d'attacher le moindre degré de culpabilité à ce genre d'ignorance.....................
            La résolution des nébuleuses dans les mondes lointains du système de l'univers n'est pas plus merveilleuse que les secrets que nous peut révéler encore l'inspection minutieuse de la matière.........
            Un estomac condamne la profession qui inonde les gens de drogues et de nostrums, prescrits en hiéroglyphes dignes tout au plus des tablettes de quelque astrologue du vieux temps.
            Est-ce que la nécessité du gain est au fond de tout cela ?.........
            Existerait-il entre le médecin et le pharmacien-préparateur un pacte tacite, si compliqué et si mêlé aux intérêts de l'un et de l'autre, qu'une réforme médicale fût impossible ? Nos praticiens de premier ordre sont peut-être, à tout prendre, la classe de citoyens la plus humaine, abstraction faite de leurs médecines, bien entendu, et la plus utile qui existe. La nature de leurs études affranchit leurs esprits et bien qu'ils tâtonnent en ce qui concerne la matière médicale, ils s'initient nécessairement aux mystères des sciences collatérales et acquièrent un degré d'instruction qui rend leur compagnie la plus agréable du monde.................
            La règle que je recommande ensuite à l'attention du valétudinaire c'est le Choix judicieux du Régime à Suivre.........La régularité des repas est un autre point essentiel, car je puis travailler avec beaucoup de vigueur quand je suis appelé à le faire à des intervalles fixes et convenablement espacés.
L'exercice est une condition " sine qua non ". La machine s'embarrasse à moins qu'une salutaire dépense, la marche par exemple, ne soit produite.
            J'ai toutefois horreur de l'excès de fatigue, car alors mon attention est distraite de mes devoirs particuliers.   pinterest.fr 
Résultat de recherche d'images pour "caricature daumier homme de lois"            La mastication est un autre item d'une haute importance et les organes dentaires peuvent être considérés comme les pointes de cette merveilleuse meule intérieure........ Ce procédé préliminaire de broyer l'aliment de le mêler avec la salive est pour moi l'objet d'un intérêt profond, car mon travail propre est considérablement accru ou diminué selon qu'elle est bien ou mal exécutée. Mieux les dents remplissent leur rôle, meilleure est mon humeur pendant la digestion..........
            A l'occasion, pendant le dîner, je me sentais soudainement secoué par un piètre éclat de rire, sans savoir de quelle plaisanterie il s'agissait......... Je n'aime pas un rire sournois, à moitié honteux de lui-même, mais donnez-moi une bonne et robuste octave de notes joyeuses. Même un " sourire " franc et de bon aloi répand une sorte de lumière dans mon intérieur, et me réchauffe comme un cordial.....................
            Comme l'office de sermonneur de l'humanité n'est pas le rôle qui m'a été attribué, je m'abstiendrai d'infliger au lecteur l'ennui d'une digression sur des matières obscures.
            Toutefois, je puis dire ceci, c'est que l'estomac d'une vache digère d'une manère particulière, admirablement adaptée aux besoins d'une vache. Un gésier remplit la fonction masticatoire ou triturante dans presque toute la tribu des oiseaux. L'appareil digestif du boa constricteir, dont le travail est si lent et si puissant, est excellemment adapté à cet aimable animal, et l'intérieur de beaucoup d'insectes est aussi compliqué que leur mode de vie est varié...........
            Or l'estomac d'un être humain est également conforme à la nature de l'homme et plus ses facultés intellectuelles sont élevées, plus délicate et plus sensible est son organisation intérieure. La structure du corps est, comme de raison, la même chez tous les hommes......... mais le consensus des énergies nerveuses marque ici la subtile différence.
            J'affirme donc ici que le moral agit sur le physique, et vice et versa, par les plus délicates sympathies et les lois les plus admirables.
            Des avis si simples ressemblent à des truismes portant avec eux leur évidence. Mais pourquoi les néglige-t-on si constamment ? La plus grande partie des maux est occasionnée par des erreurs d,s le régime. Et, quoiqu'il existe des maladies héréditaires dans lesquelles je ne suis absolument pour rien, mais sont uniquement dues à mes ancêtres, cependant ces maladies peuvent être mitigées et, dans le cours d'une ou deux générations, complètement déracinées par une attention scrupuleuse à ce qui passe des lèvres à l'intérieur................
            La création est un tout, et l'homme ne peut savoir si son esprit n'est pas prédestiné à habiter un de ces mondes lointains qui, vus de notre planète, nous apparaissent comme de petites étincelles dans la vaste étendue de l'éther. Il est possible qu'ici-bas il prépare, en quelque sorte qu'il façonne, son sort futur dans l'un de ces mondes...................                                                               artetpatrimoinepharmaceutique.fr
Résultat de recherche d'images pour "caricature daumier homme de lois"            Dans les siècles passés, quand la science cherchait à sortir de ses langes entre les mains des astrologues et des alchimistes, ceux-ci avaient une si haute idée du principe vital de l'homme, qu'ils plaçaient la matière animale sur le même trône que son esprit et son âme..............
            Au risque de paraître traiter un sujet au-dessous du commun des lecteurs, je prendrai congé d'eux en soumettant à leur considération un petit tableau diététique approprié aux besoins de mes frères de toutes les classes mais surtout aux friands et aux difficiles.
            Dans mon esquisse d'un petit dîner on peut m'objecter qu'il serait impossible à la moitié des gens de se procurer les délicatesses dont je parle. A ceux-là je réponds : " choisissez parmi mes règles celles qui conviennent à votre inclination et à votre bourse. "
            Je parle aussi d'une tranche de roastbeef ou d'aloyau, malgré les anathèmes lancés contre les grosses pièces de tout genre, mais je ne faisais allusion qu'à leur disgracieux abus, alors que, servies seules, elles forçaient le repas à 'être composé que de ces énormes quartiers de viande..................
            Voici ce que j'ai l'honneur de proposer :

                                     Règles spéciales et pratiques
                                                   de la
                                           COUR DE SANTE

            1 - Levez-vous suffisamment matin et faites vos ablutions avec de l'eau tiède. Essuyez-vous bien sec et frictionnez-vous vivement à devenir rouge comme un homard bouilli. Marchez ensuite d'un pas gaillard pendant 1/2 heure. Si l'estomac crie la faim, grignotez un biscuit sec pendant votre promenade................
            II - Pour déjeuner prenez une grande tasse d'infusion de thé noir avec beaucoup de lait et très peu de sucre. Le café est plus échauffant mais extraordinairement sain s'il est fait à la française, c'est-à-dire si une petite quantité de la vraie essence de café est coupée de bon lait bouillant de manière à avoir trois parties de lait et une partie de café. Le cacao et le chocolat peuvent être pris, si on y a goût, et pourvu qu'ils ne produisent pas d'éructations. Mais l'huile concrète, beurre de cacao qu'ils contiennent est pour moi difficile à digérer. Le thé noir, fort, est en principe mon breuvage préféré.
Un petit pain français grillé et qu'on a laissé refroidir, ou du pain bien fermenté et convenablement cuit, avec une tranche de jambon, sont les solides que j'approuve le mieux.
Image associée**          Mais le déjeuner est le repas où l'on doit prendre le plus de liquides, jamais, toutefois, au-delà d'une pinte..........
            III - Un léger lunch au milieu du jour me va bien, car les absorbants ont aidé à la diffusion nutritive de mes recettes du matin. Une côtelette de mouton ou un sandwich sans beurre, un seul verre d'ale amer ou un simple verre de sherry peuvent et doivent être pris, car il est nécessaire d'éloigner une faim excessive jusqu'à un dîner un peu tardif........ Notez que si une personne peut jeûner depuis le matin jusqu'à six sept heures le soir sans éprouver le besoin de nourriture, ne pas s'inquiéter.
            IV - Avant tout, attrapez à la course, c'est-à-dire gagnez votre dîner. Ce repas, le principal de la journée, réclame toute votre attention, non pour satisfaire la gourmandise mais pour adapter sa quantité et sa qualité à ma puissance pour le digérer. Comme je l'ai déjà dit, la variété est essentielle. Il n'est cependant pas bon de commencer par la " soupe " !  Quand l'estomac est armé de pied en cap, et prêt au combat, il demande quelque chose de solide sur lequel il puisse exercer sa force, et il fait la grimace aux liquides. En premier, donc, il aime un petit morceau de poisson bouilli, avec une petite quantité de beurre fondu et quelques gouttes de sauce aux anchois. Après cela il reçoit complaisamment un verre de sherry. Il est alors tout attention, ayant une oreille pour un peu  conversation agréable, en même temps qu'il a l'oeil à ses devoirs. Ensuite, il aimera une portion de quelques entremets français, pourvu qu'ils aient été préparés par un adepte. Autour ou à l'intérieur de ce plat il pourra se trouver une agréable variété de légumes choisis et bien accommodés. Ou, si sa composition ne le permet pas, une simple purée de pommes de terre formera une couche douce et molle, préparée pour recevoir ce mets friand, quand il arrivera à sa destination comme un passage  de l'intérieur. Pas mal de pain cuit de la veille est ce que notre estomac attend avec confiance à cette partie intéressante du repas. Un autre verre de sherry, un rire franc, un petit speech où brille l'humour ou quelque piquant on-dit., lui plairont beaucoup....... Ensuite une tranche ou deux d'aloyau avec abondance de jus de rôti et il se peut que l'addition d'un peu de céleri cuit à l'étuve ou d'un artichaut de Jérusalem bien bouilli reçoive son entière approbation. Vienne un autre verre de sherry, il l'accueillera à bras ouverts avec un doux sourire, et commencera à se sentir extrêmement confortable.
            ................ C'est le moment pour l'homme sage de considérer si son bien-être intérieur n'a point atteint le point culminant, s'il croit qu'il en est ainsi, qu'il se dise :
            " - Arrête, c'est assez ! "
            Mais s'il sent qu'il n'a pris qu'avec une discrète mesure de chaque plat jusque-là servi et qu'il a encore une petite niche qu'on puisse judicieusement remplir, alors l'estomac, avec un sourire caressant, se comportera de manière à recevoir cordialement une aiguillette ou deux de la poitrine d'un canard sauvage, assaisonnées de quelques gouttes de jus de citron. ( A ce propos, n'oubliez jamais de prendre un peu d'un acide quelconque avec votre dîner. Au lieu de ce plat de grâce, l'estomac accepte avec courtoisie la patte et l'aile, non divorcées, d'une perdrix assaisonnées de sauce au pain , pour adoucir les angoisses de l'opération subie par la pauvre bête, quand on la découpait. En l'absence de cette aimable volaille, une bécasse ou une bécassine la remplaceront admirablement, ou même une tranche d'une poule faisane bien grasse, quoique les chasseurs en pensent, ou un pluvier, ou une caille dodue. Mais, malheur à l'indiscret qui ose faire suivre ces mets, aussi bienvenus qu'ils sont délicats, d'aucune espèce de pâtisserie quelconque. Le fromage lui-même sera dédaigné et, après un soupçon de céleri ( ne l'avalez pas )  pour éclaircir et parfumer le palais, il vaudra beaucoup mieux terminer ici la cérémonie.................. Le fruit est excellent dan s la saison, mais non après un repas copieux.......................... Quant à moi je ne digérais jamais si bien que lorsque, après un léger dîner j'étais transporté au salon aussitôt que l'étiquette anglaise le permettait et qu'on laissait descendre dans mon intérieur une tasse de moka sans lait. Pendant ce temps l'aimable babil des langues féminines, ou un peu de musique, pas trop savante., une partie d'échecs ou de whist, ou quelqu'autre amusement sociable, occupaient agréablement la soirée.......................                             
Image associée            VI - Supposons que la soirée s'est passée gaiement et que votre lever a été matinal, il n'y a aucune difficulté à ce que vous alliez vous coucher de bonne heure, et surtout abstenez-vous d'un souper quelconque. Il est vrai que l'activité de l'esprit la nuit se manifestera quelquefois désagréablement par l'insomnie, à moins que ces préoccupations ne soient détournées par un léger exercice de ma part. A ceux incommodés de la sorte il est bon d'avoir en réserve un biscuit auprès du lit. Si avant d'y entrer vous avez le courage de boire un grand verre d'eau froide, tant mieux pour vous, car l'eau est un excellent dissolvant et son usage modéré, à l'extérieur ou à l'intérieur est de la plus grande valeur......................
            Et maintenant, cher lecteur, après avoir veillé à votre table pendant le jour, après vous avoir consigné, comme je l'espère, à des songes heureux où la forme des objets aimes flotte dans le vague charmant autour de vous,
            Je vous fais ma révérence, et vous tire mon chapeau, d'une manière digne, je m'en flatte, de l'estomac d'un CHESTERFIELD


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                                                            Sydney Whiting 
                                                                                               
                                               1è édition en Angleterre 1853
                                                            en France 1874
         
 

                                 
            

dimanche 20 mai 2018

Mémoires d'un estomac par lui-même 5 extraits Sydney Whiting ( Roman Angleterre )

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                                                          Prescription

            Mercure saline ( b-2 )  6 onces
            Vin de semences de colchiques, esprit de nitre dulcifié, de chaque 4 scrupules
            Sirop d'écorce d'orange, 2 gros
            Mêlez
            1/4 à prendre de 6 heures en 6 heures.
         
            Oh ! Dieux, il fallait prendre cela toutes les six heures ! La nature humaine ne pouvait supporter cette épreuve, et un estomac humain repousse également ce qui lui porte préjudice. Ainsi, sans autre façon, je rejetai toute offre de réconciliation, même une nouvelle dose de quinine, et refusai de recevoir soit liquide, soit solide, excepté un peu de pain grillé et de thé.
            Rien ne put me décider à faire la paix. Et, aussitôt que je recouvrai un peu de force, je devins plus obstiné que jamais, jusqu'à ce qu'une députation formelle de tous les membres de corporation vint me supplier de reprendre mes fonctions, ne fût-ce que pour un peu de temps. A la fin, j'y consentis, mais d'assez mauvaise grâce.
            Si un moraliste sévère se sent disposé à condamner mon ressentiment, qu'il veuille bien, un instant, se mettre à ma place  J'étais là, un estomac de haute lignée, d'humeur naturellement réservée et hautaine, condamné à travailler comme un galérien, à toute heure du jour et de la nuit. Je supportai cela avec une résignation fière, jusqu'à ce qu'un fardeau impitoyable me rompît, métaphoriquement parlant, le dos et que je fusse incapable de mouvoir les pieds et les mains. Contre ce déplorable état ils emploient le fouet et l'aiguillon et, quand ce moyen échoue, alors ils ont recours à l'administration des composés les plus horribles qu'ils pussent arracher à la nature et contre lesquels les savants eux-   mêmes témoignent leur aversion par les plus laides grimaces.
Image associée            Représentez-vous, ô homme trop prompt à condamner les autres, alors que vous souffrez de débilité générale et d'une tristesse profonde, représentez-vous vous-même enlevé sans cérémonie et forcé de vous asseoir dans la chambre de torture du suspens et de l'attente, pendant qu'un toxicologiste diplômé vous prescrit ses nostums que vous vous savez condamné à avaler............
            Le tyran de Syracuse ou le musicien couronné de Rome n'aurait pu inventer rien au-dessus des tourments exquis auxquels je fus si impitoyablement soumis.....................
            Quelque temps après cet épisode de mon existence survint un événement qui, s'il n'eut pas d'autre avantage eut au moins celui d'une diversion complète à mes ennuis ordinaires.
            Lecteurs, je devins amoureux !
            Je vous prie de ne pas rire de cet aveu, et permettez-moi de vous dire qu'un estomac a un coeur , et même un coeur très tendre. Le pire de l'affaire c'est que, comme les grands potentats de la terre, je fus obligé d'engager mon affection à un objet que je n'avais jamais vu. Il est vrai que M. Brain me donna un aperçu de son portrait........ Cet incident m'intéressa si vivement que je brûlais de rompre ma cloison costale pour jeter un coup d'oeil sur la dame. Toutefois comme ce procédé aurait été nuisible et injurieux aux autres, je restai, comme Pyrame, assis derrière ma muraille, sans même y avoir la faveur d'une fente pour regarder Thisbé ! Je découvris bientôt la demoiselle cause de cette commotion interne. En effet, pas une seule partie du corps qui n'en subit l'influence, je découvris dis-je que cette demoiselle n'était  ni plus ni moins que la fille d'un marchand bonnetier demeurant près de l'université.
             Je crains que cette déclaration ne fasse évanouir le peu d'intérêt que quelque belle lectrice aurait d'ailleurs pu prendre à ma narration. Mais je suis obligé d'adhérer strictement à la vérité. J'aurais voulu, de tout mon coeur, pourvoir introduire une héroïne dans ces simples et véridiques mémoires mais, hélas ! Celle à qui mon maître prodiguait sa tendresse vendait des bas et des cravates, et ses aspirations psychologiques ne s'élevaient pas au-dessus du commerce de la mousseline et du calicot !
            En ma qualité de principal représentant d'une longue lignée d'estomacs, jadis de Sternum Hall, et maintenant d'Eaton Moor, je ressentis personnellement l'abaissement, la dérogation d'une alliance avec une famille qui ne pouvait ajouter qu'un bas à la jarretière ornant déjà notre écusson. Quoiqu'il en soit ma passion était sincère, ou peut-être peut-on dire notre passion......... L'origine douteuse de la personne ne m'empêcha pas de désirer partager les affections de la structure mouvante et pensante dans laquelle j'étais enfermé.
            En restant au pluriel, notre passion était donc sincère. et ce perpétuel fabricant de soupirs,
M. Poumon, se mit, plus que' jamais, à ventiler la flamme d'amour. Mon étroite proximité de son courant d'air n'était rien moins qu'agréable : une résidence près d'une paire de soufflets, alors même qu'ils travaillent pour la cause de Cupidon n'est pas très enviable. Ajoutez à cela que ma nourriture restait constamment indigérée dans mon intérieur comme une boulette de pâte dure et compacte, car j'étais si absorbé par des sensations toutes nouvelles pour moi, que je négligeais la routine ordinaire de mes devoirs.                                                                                                   francetvinfo.f
Résultat de recherche d'images pour "peynet raymond"            Le plus mauvais de l'affaire c'est que l'amour transforma mon gentleman en poète, pas moins que cela. Et ses sentences sortirent bientôt de sa bouche en rythmes cadencés.
            Ce résultat ordinaire de l'amour sur les êtres humains est vraiment curieux. Est-ce que la somme anticipée de leur bonheur ne peut être additionnée qu'en nombres poétiques ? " Balbutier des chiffres " est une expression commune que je croyais jusqu'alors ne s'appliquer qu'à Messieurs de la finance.                                                                                               
            Quoiqu'il en soit voilà mon bon maître tout à coup changé en buveur d'eau à la fontaine castalienne, et en une sorte d'animal herbivore, broutant les gazons du Parnasse.    
            Qu'y a-t-il dans l'amour, je le demande encore, qui puisse produire cet étrange état ? Touche-t-il certaines clefs de la nature de l'homme et le transforme-t-il en instrument quasi-musical ? Mais il ne joue qu'un duo égoïste dont son absorbante passion est l'unique thème. Pour moi c'est tout un mystère. Peut-être aurais-je pu envisager la chose d'une autre manière. Seulement il arriva que j'étais constamment réveillé au milieu de la nuit et que je me trouvais parcourant rapidement la chambre de long en large, mon maniaque récitant tout le temps ses stances amoureuses, ou très incommodément pressé contre le bord d'une table pendant qu'il exhibait sa folie sous une autre forme, en griffonnant des bouts rimés, ou quelque chose ne valant guère mieux. je suppose, car je n'en puis juger.
            Concevez combien je fus outré par ces perturbations nocturnes. Il semblais vraiment que le destin prît plaisir à m'insulter et à me nuire. Puis, pour varier ces amusements, il se mettais à chanter, oui, à chanter pendant les premières heures du jour. Ce dernier grief , que mes plus proches voisins ne ressentaient pas moins vivement que moi, éveilla en moi des sentiments du plus profond mépris.
            Une nuit, alors que nous aurions tous dû reposer en sûreté dans les bras du Dieu couronné de pavots, mon turbulent gentleman donna essor à son exubérante sensibilité sous la fore d'un chant........
Je n'ai point d'oreilles pour la musique, d'ailleurs le bruissement de ce soufflet appartenant à un certain organe est toujours trop près de moi pour que je sois capable d'apprécier ce qu'il peut y avoir de mélodieux dans la voix humaine. Cependant, les veilles continuelles m'avaient tellement exaspéré que, pour ma récréation je composai ce qui suit :

                                                      Le Poète et l'Estomac

                    Quand la froide nuit au sommeil
                         Doucement nous enchaîne,
                            Lui souvent se démène,
                              Son amoureuse veine
                                Le tenant en éveil ;
            Et au pâle flambeau qu'allume le phosphore,
              Saisit plume, encrier, rime jusqu'à l'aurore,
                                      Tandis qu'ainsi,
                                       Sans nul souci
                       De mon repos il se livre à sa muse ;                                        pixers.fr
Résultat de recherche d'images pour "amour erosse"                    Moi, qui suis étranger au poétique émoi,
                                         Je me tiens coi
                                       Soupire et muse.

                        Quand la froide nuit au sommeil 
                             Doucement nous enchaîne,
                                Lui souvent se démène,
                                  Son amoureuse veine
                                     Le tenant en éveil ;
                 Et au pâle flambeau qu'allume le phosphore,
                   Saisit plume, encrier, rime jusqu'à l'aurore.

                                     Ces morceaux délicats
                                      De mes meilleurs repas
                                     Tournés en bile amère :
                                     Ces moments précieux
                     Follement gaspillés par un maître ennuyeux,
                                        Tout cela m'exaspère,
                                          Provoquant le dépit
                                           Qui me tourmente.
                         Oui, c'est avec raison que l'estomac maudit
                                        Tous ces vers qu'à minuit
                                           Un vain délire enfante.

                    Quand la froide nuit au sommeil; etc......

                       ( note des traducteurs : l'édition originale comporte également deux textes plus longs non traduits )

            Après avoir composé ce qu'on vient de lire je me sentis l'esprit plus à l'aise et j'ai la vanité de croire que ce petit essai surpassa les efforts abortifs de mon maître. Je me souviens de quelques-unes de ses misérables effusions, et j'en parle au lecteur pour avertir quiconque en aurait besoin que, pendant qu'il croit déclamer au vent ses balivernes poétiques, il peut se trouver là un estomac qui écoute tout, avec le mépris sur les lèvres et la rancune dans le coeur. Voici les circonstances :
            Il arrivait maintes fois que après nous être retirés pour la nuit, au lieu de dormir, nous nous retournions et agitions dans notre lit. Tous les amoureux témoigneront de la chose. Pendant que les cloches, les coqs et les watchmen se chargeaient à l'envie de nous dire les heures. Oui, le sommeil avait été effectivement banni de chez nous par le petit dieu ailé et le vieux Morphée n'osait approcher ses pavots de la Torche brillante de l'autre. Au lit, j'avais chaud, j'étais confortable, j'étais content. N'importe il fallait déloger........ on nous jetait sur le dos une robe de chambre bien chaude, on se rendait au cabinet adjacent, on ranimait le feu et nous nous asseyions à une table couverte de ces innocentes causes de ma misère, les matériaux pour écrire.                         caffeeuropa.it  
Image associée            L'oeil d'un poète peut rouler dans sa tête en proie à un délire fort beau, mais son  estomac pendant ces élucubrations est dans une situation fort différente et sa frénésie est d'une toute autre espèce. Les excentricité du poète........ Sous une douche, une matinée d'hiver, il chanterait probablement les délices de l'édredon, une autre fois, étendu sur une couche molle, il déclamerait sur le glorieux et fortifiant plaisir d'une course à pied, avant déjeuner par une vive gelée............
            Un voyage fut une heureuse diversion. Il était temps : le corps entier était lugubrement émacié. Or, mon voisin d'en haut ayant pris son degré de bachelier nous partîmes pour le Rhin, puisqu'on prétend qu'un voyage est le seul remède contre une tendre passion.............. à propos de celle-ci, je dois dire que l'une de mes particularités c'est une aversion intense et j'exprimais ma répugnance avec tant d'énergie que généralement mon maître la respectait.
            La nature, j'en suis bien certain, n'a jamais entendu que la partie animale ou charnue de nos aliments fût mangée autrement que bien cuite, d'autant plus que les matériaux crus ne sont jamais aussi bien appropriés à notre organisme que lorsqu'ils ont été chimiquement modifiés par l'action du feu et que leurs principes azotés, coagulés par la chaleur deviennent ainsi l'élément le plus précieux de notre nourriture. Quoi qu'il en soit, tout ce que je puis dire, c'est qu'aucun raisonnement n'a jamais pu vaincre mon horreur de la viande rouge, dont les sucs d'une entière crudité sont appelés par les gens simplement de la sauce, mais que ma sincérité indignée s'obstine à appeler du sang........... C'est d'après ce principe qu'une personne pourrait rendre grâces au ciel de n'être point née parmi les Anthropophages.......... Ces derniers manifestent leur soumission au précepte de la charité par une méthode particulière " de s'aimer les uns les autres ". " Oh, je pourrais vous manger - Cet enfant est gentil à croquer ", ce sont des expressions de la civilisation la plus raffinée........... Cette forme de logique est fort en vogue dans le monde médical et ailleurs.........
            Mais, je suis maintenant sur les bord du Rhin............ ce changement de régime m'allait parfaitement bien. Je fus seulement une fois révolté par l'administration d'un morceau de jambon cru que je m'empressai de rejeter avec un vigoureux dédain. Les vins légers du Rhin me procurèrent d'abord quelques malaises, dont je ne fis pas mystère, j'eus droit alors à un vin plus léger appelé  " Asmanhaüser ". En somme je vivais très agréablement lors que l'on servait une nourriture très variée, et non ces monceaux de viande d'une seule sorte, comme on les sert dans cette chère vieille Angleterre.
            La légèreté de l'air me rendait joyeux, influait sur mes sensations, ma santé, par l'intermédiaire du sang qu'il purifie grâce à l'intermédiaire de mes voisins, les poumons.
            ......... Nous n'avions cependant pas oublié notre passion pour la belle bonnetière et plus d'un verre de " Liebfrauenmilch " fut vidé en son honneur.
            Passant en Suisse les petits vins du pays me changèrent presque en une burette au vinaigre et je fus enchanté quand, revenant sur nos pas nous franchîmes la frontière à Kehl. Après avoir dîné à l'excellente table d'hôte de l'hôtel de France, à Strasbourg, je fus régalé pour la première fois d'un Bourgogne tellement délicieux que si j'avais eu des lèvres je les aurais léchées par sympathie pour celles de la bouche, et j'en absorbai un peu trop, et en envoyai, par un messager, une coupe de l'excédent à M. Brain qui inspira d'étranges façons d'agir à tout l'individu....... Le lendemain me sentant très mal je suggérai la nécessité de libations moins fortes à l'avenir. Je suis heureux de pouvoir affirmer que l'avis fut écouté, à mon plus grand profit. Or je demanda ici qu'on ne me confonde pas avec ce gredin fallacieux, ce vieux pêcheur à peine digne d'un toit qui le recouvre,
M. Palais.                                                                                                   visitnewportbeach.com
Résultat de recherche d'images pour "libations"            Nous allâmes ensuite résider à Paris et je fus l'objet de quelques délicates attentions...........
            Je remarque avec une certaine surprise que, malgré la réputation de M. John Bull d'être un grand glouton, les Français dépensent sans façon bien plus d'argent que nous pour leur dîner..........
de sorte qu'avec un substantiel déjeuner, un dîner fin à sept heures, café, liqueurs, cigares, glaces, sorbets, comme accessoires gastronomiques, avec peut-être un plat de pluviers et une bouteille de champagne à minuit, un gentleman français peut prétendre aussi bien qu'un Anglais au titre d'amateur des bonnes choses de cette vie.
            Et puis le gourmet gallique est un artiste : chaque plat est en rapport chromatique avec le précédent, chaque condiment a un objet spécial bien étudié et chaque bouteille de vin est en harmonie ou discordance avec les entremets particuliers.
            .................................
            Comme s'il ne nous devait rien arriver que d'agréable à Paris, quelle rencontre croyez-vous que nous fîmes au Louvre ? - Celle du bonnetier de Bridgecam et de son aimable fille.
            Je reçus le premier indice sous la forme d'un mouvement accéléré du coeur dont j'éprouvai le contrecoup et j'entendis bientôt une voix s'écrier : " Oh ! papa, voilà Mr... "
            Le papa, j'imagine, s'éloignait à la hâte avec la pauvre tremblante tourterelle, mais mon propriétaire, sans songer aux conséquences, obéit à son impulsion et j'avoue que les serrements de mains, les paroles entrecoupées, les aimables quiproquos et les questions incohérentes, avec les réponses à l'avenant, me divertirent. Pour couper court, nous fûmes invités à la maison, ou plutôt au logement du papa, rue des Comédiens, le coeur encore tout trémoussé. La vérité m'oblige à dire que lorsque le vieux Monsieur tourna le dos, je sentis un doux estomac féminin mollement pressé contre moi alors que plus haut s'échappait des lèvres une nouvelle protestation d'attachement mutuel.
            Tout cela était très bien et très agréable mais ne compensait nullement pour moi la privation de mon dîner et je pris soin d'assurer ma revanche si cela se répétait......... Ce qui arriva et tandis que les heures glissaient inaperçues dans un doux échange de sentiments, je fus encore oublié.
            Ceci me rendit très morose. Dans ces circonstances je secrétai certains acides morbides, communiquai le dégoût à tout le système et produisis tant d'irritation qu'une querelle s'éleva entre le couple, et pour la seconde fois ils furent sur le point de se séparer.               pupamag.com                         
Image associée            Mon conseil aux amoureux est, en conséquence, qu'ils               doivent prendre soin de leur estomac.
            ........ Je suis tout à fait convaincu que beaucoup de mariages ont été rompus à cause de ce respectable organe............ Le dérangement des fonctions digestives rend les hommes et les femmes pétulants, susceptibles, soupçonneux, difficiles, et engendre une foule de misères de tout genre dont on rend faussement le cerveau ou le foie responsables............. L'Estomac est la source réelle de cette sublime passion, l'Amour, et cet aveu me gonfle d'un orgueil légitime et d'une satisfaction intime.
            .......... Nos amoureux firent la paix et prirent le parti de se marier. Ici finit tout le roman de cet épisode. C'est Schiller, je crois qui déclare que  " la partie psychologique de l'amour commence avec le premier soupir et finit avec le premier baiser ".
            Peu de temps après notre union ( je ne fus plus ennuyé d'effusions poétiques ), nous reportâmes nos pas vers le foyer domestique. Sur le sol de la vieille Angleterre nous accueillirent le brouillard, déjà présent quand je la quittai, et une terrible explosion d'indignation de la part de nos amis, pour avoir contracté une alliance si fort au-dessous de nous. Mais, comme le mal était fait, nous nous courbâmes sous l'orage, et nous nous établîmes dans la vie respectable du mariage.
            Cet état, je dois le dire, m'allait à ravir et je crois que cette période de ma vie en aurait été la plus heureuse, sans le changement incessant de nos cuisinières. Ces pourvoyeuse de nos appétits étaient imparfaites, quelque chose venait toujours à clocher au point culminant de la perfection relative. Je regardais ces grandes prêtresses de la cuisine comme mes bons ou mauvais génies et je crois à l'incisive justesse du proverbe : "Dieu nous a envoyé la viande, et le diable les cuisinières ".



                                                                      ( à suivre........... 6 suite et fin )

            Il y avait encore un autre..............

                                                                          Sydney Whiting

           

         
         


               

                                       




























































































vendredi 18 mai 2018

Mémoires d'un estomac par lui-même 4 extraits , Sydney Whiting ( Roman Angleterre )

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                                                       Mémoires d'un estomac
                                                                    racontées par lui-même
                                                                          IV

                                                   Prescription

            2 onces de décoction d'aloès composé,
            3 onces de teinture thébaïque
            10 gouttes de ditto de houblon, 11,2 gros
             6 gros eau de cerises noires
             Mêlez, deux cuillerées à soupe par jour.

            Notez que dans la recette précédente la confection aromatique était un des ingrédients. Ici l'aloès est prescrit, les deux substances produisant des effets diamétralement opposés. Les amers toutefois, quoique sous une autre forme, étaient encore administrés et les docteurs s'accordaient au moins quant à l'amertume.
            Malgré cette délicate mixture je continuai à être de mauvaise sorte car, pour mon malheur, mon maître, le patient, trouvait que la pénalité attachée à l'absorption des drogues l'absolvait de la nécessité d'un régime strict : j'allais donc de plus en plus mal, et l'on me conduisit chez un autre Esculape.
            Je fatiguerais le lecteur le plus patient si j'exposais les opinions diverses émises sur la cause de mon indisposition. Qu'il suffise dire qu'un docteur prescrivit les alcalins, et qu'un autre déclarait que leur usage me serait fatal et insista sur les acides. Voici ce que ce dernier m'ordonna :

                                                     Prescription

            1gros de sulfate d'alumine et 1de ditto de zinc
            4 onces d'acide sulfurique dilué
             Mêlez
             30 gouttes dans une demi-pinte d'eau sucrée, 3 ou 4 fois par jour.

            Ces acides forts, par leur qualité antiseptique, eurent certainement quelque bon effet, ils contribuèrent à me débarrasser de certaines saburres. Mais le jus d'un simple citron aurait infiniment mieux agi.
            Quand ce remède fut montré à un autre médecin, il branla la tête et ordonna :

            3    drachmes de potasse liquide
            13 drachmes teint de Colombo

            Comme celle-ci ne fut pas plus efficace que les autres, on résolut de me transporter dans le pays de ces médecins pygmées, le Homéopathes, ainsi nommés, je suppose, parce qu'ils sont toujours chez eux pour les consultations.
            Je dois dire que leur manière d'administrer les médicaments, tout en me faisant sourire un peu, me réjouit autant que le permettait l'état de faiblesse où j'étais.
            Quand j'entendis pour la première fois parler de la doctrine homéopathique, je m'attendais à voir dans ceux qui la professent de petits personnages diminutifs, semblables à ceux que nous voyons dans les " fanticini ", servis par de petites poupées, dans de petites maison de verre.
            Quelle ne fut pas ma surprise quand un grand et massif docteur me prescrivit une dose exprimée par une fraction dont le dénominateur était l'unité suivie de 60 zéros ! On peut bien supposer que je traitai le décillionième de grains avec un profond mépris.Que le lecteur ne condamne cependant pas cette race de médecins, sous plusieurs rapports très utiles car, si leur doctrine est entièrement absurde au point de vue curatif, elle possède au moins une sorte d'excellence négative.
            Oui, je maintiens que l'administration des drogues devrait approcher de zéro autant que possible, et ces Messieurs sont, quant à leur posologie, à une très petite distance de ce but désirable.
            Les Allopathes et les Homéopathes doivent, bien entendu, se battre entre eux, et ils n'y manquent pas. Les Lilliputiens livrant bataille aux Brobdingnags nous représenteraient l'image de combats de ces géants et de ces nains médicaux, et je me figure qu'un dialogue pourrait avoir lieu entre un allopathe et un homéopathe, et à peu près dans ces termes.

                                       L'Allopathe et l'Homéopathe se rencontrent

            A. - Monsieur, vous êtes un charlatan.                  bbc.co.uk
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            H. - Et vous un imposteur ! Vous empoisonnez en gros.
            A. - Et vous en détail, Monsieur, mais je ne veux point vous parler.
            H. - Mais vous me parlerez. Vous n'êtes pas si grand personnage que vous puissiez ignorer notre existence, quand vos malades vous quittent par douzaines pour venir à notre établissement.
            A. - Cela est tout-à-fait faux. Et un mensonge est la seule chose que vous n'administrez pas infinitésimalement.
            H. - Je puis garder mon sang-froid. Là, avouez-le, ne vous avons-nous pas privés de centaines de vos malades ?
            A. - Oui, les sots nous délaissent pour aller à vous.
            H. -Les sots paient mieux.
            A. - ( à part ) Cela est très vrai. - ( Haut )  Alors j'ose dire, Monsieur, que vous êtes un homme riche. Bonjour.
            H. - Pas si vite. Je suis aujourd'hui d'humeur accommodante. Dites-moi franchement, voudriez-vous prendre vos propres médecines ?
            A. - ( grimaçant ). Pas toutes. Mais nous sommes obligés d'expérimenter sur les malades pour l'avancement de la science.
            H. - Oh ! Oh ! Est-ce cela ? Les chirurgiens traitent de même les chiens. Puisque vous êtes si candide, auriez-vous quelque objection à prendre nos remèdes ?
            A. - Certainement, ils sont inertes !
            H. - Pourquoi ?
            A. - Parce que la matière ne se divise ni ne se fractionne au degré où vous l'administrez dans vos prescriptions.
            H. - Que pensez-vous de l'aqua tofana et des empoisonneurs du 14è siècle ?
            A. - Il y mettaient trop de temps. Vous en prendriez encore plus.
            H. - Et vous, vous faites la chose du premier coup.
            A. - Monsieur, cette insolence...
            H. - Bah ! ne vous fâchez pas ! Nous sommes tous deux dans la même barque.
            A. - C'est possible, mais comme nous ramons en  sens contraire elle ne bouge pas.
            H. - Ah ! ah ! Très bon. Combien des personnes envoyées à leurs boutiques ont-elles été tuées par les droguistes de Londres ? Vous ne pouvez pas me poser la même question.
            A. - Allons donc, Monsieur, voudriez-vous supprimer la chimie ? ( l'auteur signale ici une note d'humour : le goût anglais pour les pharmacies soit : pour 1 sur le continent 12 en Angleterre ) 
            H. - La chimie ! Osez-vous confondre votre système avec cette splendide science ? Il faut au boiteux un bâton solide.
            A. - Comment qualifiez-vous l'action de vos médecines ? Est-elle mécanique ?
            H. -Vous avez prétendu qu'elles n'en avaient aucune . En sorte que d'après votre dire, si nous ne faisions pas de bien, nous ne faisions pas de mal.
            A. - Vous êtes pointilleux, Monsieur. Comment supporterais-je ma famille et maintiendrais-je mon établissement sans donner des médicaments ?
            H. - Ah ! voilà le " hic " ! Prescrivez le régime et des simples et demandez autant que vous le faites pour vos avis actuels.
            A. - Pourquoi ne pratiquez-vous pas ce que vous prêchez ?
            H. - Parce que je mourrais de faim.                                                               etsy.com
Résultat de recherche d'images pour "aqua tofana"            A. - Je serais dans le même cas.
            H. - Nous prospérons donc par l'ignorance de la multitude.
            A. - Ayez la bonté de parler au singulier. Il y a pourtant beaucoup de vrai là-dedans. Si, lorsqu'un malade vient me trouver avec des organes digestifs en désordre j'allais lui prescrire une diète sévère, le lever matinal, et lui recommander une demi-douzaine de simples, il me mettrait au nombre de ces derniers et courrait prendre les conseils d'hommes tels que feu Sir W. Farquha qui écrivit une formule contenant treize différentes substances dans l'espoir que si l'une ne convenait pas une autre pourrait faire du bien.
            H. - Alors vous avouez que le public est à blâmer ?
            A. - Certainement. La dignité de la profession gagnerait à ce que le peuple fût moins ignorant.
            H. - Serrons-nous donc la main, et devenons riches tous deux.
            A.  - Je vous souhaite bonne chance, mais je ne puis vous donner la main. Prétendez-vous donc dire que vous feriez une razzia complète de tous les médicaments ?
            H. - Non, mais je me bornerais aux simples, et je sarclerais si bien ce champ sauvage de la pharmacopée que j'en ferais un net et joli jardin.
            A. - Quels médicaments laisseriez-vous ?
            H. - Dame ! Je ne laisserais que ceux dont les effets certains sur l'économie animale sont bien établis.
            A. - Bon ! il ne resterait rien, ou pas grand-chose. Il serait difficile de trouver une douzaine de composés qui produisent dans toutes les circonstances des résultats assurés et identiques.
            H. - Eh bien ! Fondez sur ce " dodcka " la base de votre matière médicale.
            A. - Au fait, ce serait mettre en banqueroute notre dispensaire officiel.
            H. - On ne pourrait rien désirer de mieux. Je voudrais être à la tête de la commission chargée de juger cette tourbe frauduleuse de drogues. Il y en a bien peu, je vous assure, qui obtiendraient un certificat de première classe.
            A. - Auxquels en accorderiez-vous un ?
            H. - A ceux seulement qui pourraient donner devant la commission un compte clair et satisfaisant de leur actif et de leur passif, et qui pourraient prouver que insolvabilité n'a point pour origine la spéculation
            A. - Je voudrais vous voir dans cette position. Continuez.
            H. - Voici l'ébauche de ce qui pourrait être publié :
           " ............ Sels et Séné, poursuivant un trafic cathartique très étendu dans Apothicaries Hall, a introduit une demande pour sa dissolution selon les termes de son contrat. Aucune opposition..........   son honneur a exprimé l'opinion que la banqueroute avait eu pour origine les fautes des ordres plutôt que les siennes, et qu'elle conduisait ses affaires selon ses méthodes......... Dans ces circonstances, l'honorable commissaire lui accorderait un certificat de seconde classe mais......... leurs chances de succès ne pouvaient reposer que sur le patronage de ceux qui cultivent la gastronomie et la gourmandise. "                                                                                                   aminoapps.com
Résultat de recherche d'images pour "bismuth"            A. - C'est très beau........ Je suppose que les Blackdoses, les sels d'Epsom, l'aloès et toutes les autres drogues drastiques obtiendraient de vous un jugement favorable.
            H. - Probablement, car nous ne pouvons pas dire que nous ignorons leurs effets, et la gloutonnerie a besoin de traîner à sa suite des composés horribles, pour le cas où le monstre horrible tomberait dans une de ses transes.................
             .................................
            A. - Si vos idées sur la médecine ne sont pas meilleures que votre connaissance de la loi, j'ai pitié de vous. Comment traiteriez-vous le bismuth et cette nombreuse classe de médicaments que l'on donne pour améliorer les fonctions digestives ?
            H. - A peu près de la même manière, et je parierais ma meilleure boîte de globules que je les prendrais tous en défaut............................ Quant à la quinine j'examinerais d'abord les témoignages produits sur ce que ces remèdes ont fait, puis sur la manière dont ils ont agi, et j'aurais beaucoup de soupçons et de doutes s'ils ne pouvaient répondre à la deuxième question. Si j'étais satisfait sur le premier point, je le prescrirais me réservant le droit de révoquer cet ordre si je les surprenais causant le mal de tête ou les maux de coeur. J'assignerais toute la faculté et pousserais mes investigations sur la matière.................
            .....................................
            A. - Vous êtes un drôle de corps. Saigneriez-vous ?
            H. - Jamais.
            A. - Alors, dans certains cas, vos malades mourraient.
            H. - C'est possible. Mais il vaut mieux qu'un individu meure faute de saignée que d'en voir tuer des centaines par la phlébotomie.
            A. - Au fait, vous n'useriez ni de médicaments ni de la lancette ?
            H. - Exactement. Et voilà pourquoi je suis Homéopathe. Les gens veulent avoir quelque chose, je ne leur donne rien et, cependant, je satisfais à leurs demandes.
            A. - Vous êtes un original. Je suis sûr que des centaines d'individus seraient morts entre vos mains s'ils avaient eu la chance d'être traités par vous.
            H. - Ne pensez-vous pas que des milliers ont été tués par la médecine ?
            A. - Mais oui, peut-être.
            H. - Pensez-vous que beaucoup de centaines sont morts par son absence ?
            A. - Non....... Je maintiens que nous vivons d'une manière si artificielle que des remèdes artificiels sont nécessaires.  
            H. - Je vous concède cette proposition. Pourtant......... en admettant que nous vivons dans une condition artificielle, je soutiens que cette artificialité de nos moeurs n'est pas telle qu'elle réclame, pour l'entretien de la santé, qu'on recoure à la science la plus compliquée.............Si notre régime alimentaire consistait dans l'emploi de substances puisées dans les secrets les plus mystérieux de l'art, je vous accorde qu'alors nous réclamerions des remèdes également subtiles. Mais si nous vivons conformément aux lois de la nature, alors nous avons besoin de remèdes également simples.........
            Quand l'aliment ordinaire est adultéré c'est alors que nous approchons le plus du degré extrême de l'artificialité. Alors des mesures proportionnelles et appropriées sont nécessaires pour rétablir la balance de la santé. Mais si nous ne consommons que les produits de la terre sans recourir à aucun procédé très élaboré, j'affirme que nous n'avons pas besoin de remèdes compliqués........ la nature fera sa part avec un surcroît d'activité.                                                leftytyer.blogspot.fr                         
Image associée            A. - Mais...... vous concluez qu'il nous faut des des remèdes de même nature que nos aliments ne différant que par le mode de combinaison, etc., etc. ?
            H. - Certainement.
            A. - Mais notre nourriture contient presque tous les composants de la chimie........ Ainsi quoi de plus naturel que de recourir à la science médicale qui possède la composition ultime et prochaine de ces matières...........
            H. - Ces faits n'ébranlent nullement ma thèse. Si, comme vous le dites, la nourriture contient une telle variété de composés, minéraux, acides, alcalis, substances neutres, gaz, etc., alors certainement la nourriture sous les différentes variétés de forme, de combinaison ou de proportion de ces éléments constitutifs est le moyen propre de rétablir la santé............
            A. - Si je vous comprends bien, d'abord, si nous vivons simplement, comme dans les âges primitifs, mâchant des glands de chêne et buvant de l'eau, nous n'aurions besoin que de simples en cas de maladie. Par contre si nous vivons artificiellement il nous faut des remèdes aussi artificiels. Et, si notre vie est tellement artificielle qu'il faille explorer les secrets les plus profonds de la nature pour nous procurer nos aliments, mais seulement alors, il nous faudra des remèdes également difficiles à obtenir. Mais vous affirmez que nous ne vivons pas d'une manière aussi artificielle.......aminoapps.com
            H. - Précisément. La science médicale aurait besoin d'être plus serrée et plus compacte...........
            A. - Je reconnais qu'un régime est souvent préférable aux drogues....... Je ne puis cependant m'empêcher de reconnaître que le mal a produit du bien. Considérez les bienfaits du chloroforme.
           ................................
            H. - Si..... les efforts s'étaient concentrés sur les recherches anatomiques, les dissections, l'analyse, l'induction scientifique et surtout le microscope, je ne doute pas que des découvertes d'une vaste importance nous auraient mis en possession de vérités et de faits que nous ne pouvons attendre que de l'avenir.............................
            Je crois que les meilleures recettes sont perpétuellement changeantes dans leur manière d'agir, de sorte que ce peut être bon aujourd'hui, mauvais demain, et que la disposition d'esprit du sujet, les influences atmosphériques, ou quelque altération temporaire dans les forces du système nerveux, peuvent faire varier complètement les effets des médicaments sur le corps.
            A. - Mais comment arriverons-nous à connaître leur modus operandi, à moins de les essayer.
            H. - Si vous vous croyez autorisé à faire des êtres humains les sujets de vos expériences, je vous accorde qu'il peut en résulter des découvertes précieuses...............................
            .................. Vous arriverez forcément à ma manière de voir et " jetterez les drogues aux chiens ", à moins que votre compassion n'intervienne en faveur de ces fidèles créatures.
            A. - En tous cas, vous êtes un homme hardi d'avouer de pareils sentiments. Dîtes-moi franchement vous considérez-vous comme un charlatan ?
            H. - Oui, vis-à-vis du monde, mais non pour la science. Vous êtes, vous, un charlatan pour tous les deux.
            A. - Bien obligé. Mais vous n'êtes pas un méchant garçon, et je vous promets........ que je diluerai copieusement mes médecines avec le plus pur fluide.
            H. - Bravo ! Je donne des doses infinitésimales mais vous en donnerez de diluées. Nous sommes tous deux dans le bon chemin. - Vive la Bagatelle !
            A. - Je suppose que je dois, moi, crier : " Vive l'Eau des Puits ".
                                                                                                             
                                                       ( Ils sortent chacun de son côté )

            Revenons cependant à notre histoire. Les globules de mon ami furent, comme de raison, tout à fait inefficaces, de sorte qu'en dernier ressort l'un des premiers chirurgiens du jour fut consulté. Celui-ci, pour le plaisir d'une agréable variété, entre en liste, et espère vaincre avec la mixture saline. Il s'avance donc avec cette


                                                           ( à suivre ................. )

                                                                      Prescription
            .............

                                                                      Sydney Whiting