youtube.com
Prescription
Mercure saline ( b-2 ) 6 onces
Vin de semences de colchiques, esprit de nitre dulcifié, de chaque 4 scrupules
Sirop d'écorce d'orange, 2 gros
Mêlez
1/4 à prendre de 6 heures en 6 heures.
Oh ! Dieux, il fallait prendre cela toutes les six heures ! La nature humaine ne pouvait supporter cette épreuve, et un estomac humain repousse également ce qui lui porte préjudice. Ainsi, sans autre façon, je rejetai toute offre de réconciliation, même une nouvelle dose de quinine, et refusai de recevoir soit liquide, soit solide, excepté un peu de pain grillé et de thé.
Rien ne put me décider à faire la paix. Et, aussitôt que je recouvrai un peu de force, je devins plus obstiné que jamais, jusqu'à ce qu'une députation formelle de tous les membres de corporation vint me supplier de reprendre mes fonctions, ne fût-ce que pour un peu de temps. A la fin, j'y consentis, mais d'assez mauvaise grâce.
Si un moraliste sévère se sent disposé à condamner mon ressentiment, qu'il veuille bien, un instant, se mettre à ma place J'étais là, un estomac de haute lignée, d'humeur naturellement réservée et hautaine, condamné à travailler comme un galérien, à toute heure du jour et de la nuit. Je supportai cela avec une résignation fière, jusqu'à ce qu'un fardeau impitoyable me rompît, métaphoriquement parlant, le dos et que je fusse incapable de mouvoir les pieds et les mains. Contre ce déplorable état ils emploient le fouet et l'aiguillon et, quand ce moyen échoue, alors ils ont recours à l'administration des composés les plus horribles qu'ils pussent arracher à la nature et contre lesquels les savants eux- mêmes témoignent leur aversion par les plus laides grimaces.
Représentez-vous, ô homme trop prompt à condamner les autres, alors que vous souffrez de débilité générale et d'une tristesse profonde, représentez-vous vous-même enlevé sans cérémonie et forcé de vous asseoir dans la chambre de torture du suspens et de l'attente, pendant qu'un toxicologiste diplômé vous prescrit ses nostums que vous vous savez condamné à avaler............
Le tyran de Syracuse ou le musicien couronné de Rome n'aurait pu inventer rien au-dessus des tourments exquis auxquels je fus si impitoyablement soumis.....................
Quelque temps après cet épisode de mon existence survint un événement qui, s'il n'eut pas d'autre avantage eut au moins celui d'une diversion complète à mes ennuis ordinaires.
Lecteurs, je devins amoureux !
Je vous prie de ne pas rire de cet aveu, et permettez-moi de vous dire qu'un estomac a un coeur , et même un coeur très tendre. Le pire de l'affaire c'est que, comme les grands potentats de la terre, je fus obligé d'engager mon affection à un objet que je n'avais jamais vu. Il est vrai que M. Brain me donna un aperçu de son portrait........ Cet incident m'intéressa si vivement que je brûlais de rompre ma cloison costale pour jeter un coup d'oeil sur la dame. Toutefois comme ce procédé aurait été nuisible et injurieux aux autres, je restai, comme Pyrame, assis derrière ma muraille, sans même y avoir la faveur d'une fente pour regarder Thisbé ! Je découvris bientôt la demoiselle cause de cette commotion interne. En effet, pas une seule partie du corps qui n'en subit l'influence, je découvris dis-je que cette demoiselle n'était ni plus ni moins que la fille d'un marchand bonnetier demeurant près de l'université.
Je crains que cette déclaration ne fasse évanouir le peu d'intérêt que quelque belle lectrice aurait d'ailleurs pu prendre à ma narration. Mais je suis obligé d'adhérer strictement à la vérité. J'aurais voulu, de tout mon coeur, pourvoir introduire une héroïne dans ces simples et véridiques mémoires mais, hélas ! Celle à qui mon maître prodiguait sa tendresse vendait des bas et des cravates, et ses aspirations psychologiques ne s'élevaient pas au-dessus du commerce de la mousseline et du calicot !
En ma qualité de principal représentant d'une longue lignée d'estomacs, jadis de Sternum Hall, et maintenant d'Eaton Moor, je ressentis personnellement l'abaissement, la dérogation d'une alliance avec une famille qui ne pouvait ajouter qu'un bas à la jarretière ornant déjà notre écusson. Quoiqu'il en soit ma passion était sincère, ou peut-être peut-on dire notre passion......... L'origine douteuse de la personne ne m'empêcha pas de désirer partager les affections de la structure mouvante et pensante dans laquelle j'étais enfermé.
En restant au pluriel, notre passion était donc sincère. et ce perpétuel fabricant de soupirs,
M. Poumon, se mit, plus que' jamais, à ventiler la flamme d'amour. Mon étroite proximité de son courant d'air n'était rien moins qu'agréable : une résidence près d'une paire de soufflets, alors même qu'ils travaillent pour la cause de Cupidon n'est pas très enviable. Ajoutez à cela que ma nourriture restait constamment indigérée dans mon intérieur comme une boulette de pâte dure et compacte, car j'étais si absorbé par des sensations toutes nouvelles pour moi, que je négligeais la routine ordinaire de mes devoirs. francetvinfo.f
Le plus mauvais de l'affaire c'est que l'amour transforma mon gentleman en poète, pas moins que cela. Et ses sentences sortirent bientôt de sa bouche en rythmes cadencés.
Ce résultat ordinaire de l'amour sur les êtres humains est vraiment curieux. Est-ce que la somme anticipée de leur bonheur ne peut être additionnée qu'en nombres poétiques ? " Balbutier des chiffres " est une expression commune que je croyais jusqu'alors ne s'appliquer qu'à Messieurs de la finance.
Quoiqu'il en soit voilà mon bon maître tout à coup changé en buveur d'eau à la fontaine castalienne, et en une sorte d'animal herbivore, broutant les gazons du Parnasse.
Qu'y a-t-il dans l'amour, je le demande encore, qui puisse produire cet étrange état ? Touche-t-il certaines clefs de la nature de l'homme et le transforme-t-il en instrument quasi-musical ? Mais il ne joue qu'un duo égoïste dont son absorbante passion est l'unique thème. Pour moi c'est tout un mystère. Peut-être aurais-je pu envisager la chose d'une autre manière. Seulement il arriva que j'étais constamment réveillé au milieu de la nuit et que je me trouvais parcourant rapidement la chambre de long en large, mon maniaque récitant tout le temps ses stances amoureuses, ou très incommodément pressé contre le bord d'une table pendant qu'il exhibait sa folie sous une autre forme, en griffonnant des bouts rimés, ou quelque chose ne valant guère mieux. je suppose, car je n'en puis juger.
Concevez combien je fus outré par ces perturbations nocturnes. Il semblais vraiment que le destin prît plaisir à m'insulter et à me nuire. Puis, pour varier ces amusements, il se mettais à chanter, oui, à chanter pendant les premières heures du jour. Ce dernier grief , que mes plus proches voisins ne ressentaient pas moins vivement que moi, éveilla en moi des sentiments du plus profond mépris.
Une nuit, alors que nous aurions tous dû reposer en sûreté dans les bras du Dieu couronné de pavots, mon turbulent gentleman donna essor à son exubérante sensibilité sous la fore d'un chant........
Je n'ai point d'oreilles pour la musique, d'ailleurs le bruissement de ce soufflet appartenant à un certain organe est toujours trop près de moi pour que je sois capable d'apprécier ce qu'il peut y avoir de mélodieux dans la voix humaine. Cependant, les veilles continuelles m'avaient tellement exaspéré que, pour ma récréation je composai ce qui suit :
Le Poète et l'Estomac
Quand la froide nuit au sommeil
Doucement nous enchaîne,
Lui souvent se démène,
Son amoureuse veine
Le tenant en éveil ;
Et au pâle flambeau qu'allume le phosphore,
Saisit plume, encrier, rime jusqu'à l'aurore,
Tandis qu'ainsi,
Sans nul souci
De mon repos il se livre à sa muse ; pixers.fr
Moi, qui suis étranger au poétique émoi,
Je me tiens coi
Soupire et muse.
Quand la froide nuit au sommeil
Doucement nous enchaîne,
Lui souvent se démène,
Son amoureuse veine
Le tenant en éveil ;
Et au pâle flambeau qu'allume le phosphore,
Saisit plume, encrier, rime jusqu'à l'aurore.
Ces morceaux délicats
De mes meilleurs repas
Tournés en bile amère :
Ces moments précieux
Follement gaspillés par un maître ennuyeux,
Tout cela m'exaspère,
Provoquant le dépit
Qui me tourmente.
Oui, c'est avec raison que l'estomac maudit
Tous ces vers qu'à minuit
Un vain délire enfante.
Quand la froide nuit au sommeil; etc......
( note des traducteurs : l'édition originale comporte également deux textes plus longs non traduits )
Après avoir composé ce qu'on vient de lire je me sentis l'esprit plus à l'aise et j'ai la vanité de croire que ce petit essai surpassa les efforts abortifs de mon maître. Je me souviens de quelques-unes de ses misérables effusions, et j'en parle au lecteur pour avertir quiconque en aurait besoin que, pendant qu'il croit déclamer au vent ses balivernes poétiques, il peut se trouver là un estomac qui écoute tout, avec le mépris sur les lèvres et la rancune dans le coeur. Voici les circonstances :
Il arrivait maintes fois que après nous être retirés pour la nuit, au lieu de dormir, nous nous retournions et agitions dans notre lit. Tous les amoureux témoigneront de la chose. Pendant que les cloches, les coqs et les watchmen se chargeaient à l'envie de nous dire les heures. Oui, le sommeil avait été effectivement banni de chez nous par le petit dieu ailé et le vieux Morphée n'osait approcher ses pavots de la Torche brillante de l'autre. Au lit, j'avais chaud, j'étais confortable, j'étais content. N'importe il fallait déloger........ on nous jetait sur le dos une robe de chambre bien chaude, on se rendait au cabinet adjacent, on ranimait le feu et nous nous asseyions à une table couverte de ces innocentes causes de ma misère, les matériaux pour écrire. caffeeuropa.it
L'oeil d'un poète peut rouler dans sa tête en proie à un délire fort beau, mais son estomac pendant ces élucubrations est dans une situation fort différente et sa frénésie est d'une toute autre espèce. Les excentricité du poète........ Sous une douche, une matinée d'hiver, il chanterait probablement les délices de l'édredon, une autre fois, étendu sur une couche molle, il déclamerait sur le glorieux et fortifiant plaisir d'une course à pied, avant déjeuner par une vive gelée............
Un voyage fut une heureuse diversion. Il était temps : le corps entier était lugubrement émacié. Or, mon voisin d'en haut ayant pris son degré de bachelier nous partîmes pour le Rhin, puisqu'on prétend qu'un voyage est le seul remède contre une tendre passion.............. à propos de celle-ci, je dois dire que l'une de mes particularités c'est une aversion intense et j'exprimais ma répugnance avec tant d'énergie que généralement mon maître la respectait.
La nature, j'en suis bien certain, n'a jamais entendu que la partie animale ou charnue de nos aliments fût mangée autrement que bien cuite, d'autant plus que les matériaux crus ne sont jamais aussi bien appropriés à notre organisme que lorsqu'ils ont été chimiquement modifiés par l'action du feu et que leurs principes azotés, coagulés par la chaleur deviennent ainsi l'élément le plus précieux de notre nourriture. Quoi qu'il en soit, tout ce que je puis dire, c'est qu'aucun raisonnement n'a jamais pu vaincre mon horreur de la viande rouge, dont les sucs d'une entière crudité sont appelés par les gens simplement de la sauce, mais que ma sincérité indignée s'obstine à appeler du sang........... C'est d'après ce principe qu'une personne pourrait rendre grâces au ciel de n'être point née parmi les Anthropophages.......... Ces derniers manifestent leur soumission au précepte de la charité par une méthode particulière " de s'aimer les uns les autres ". " Oh, je pourrais vous manger - Cet enfant est gentil à croquer ", ce sont des expressions de la civilisation la plus raffinée........... Cette forme de logique est fort en vogue dans le monde médical et ailleurs.........
Mais, je suis maintenant sur les bord du Rhin............ ce changement de régime m'allait parfaitement bien. Je fus seulement une fois révolté par l'administration d'un morceau de jambon cru que je m'empressai de rejeter avec un vigoureux dédain. Les vins légers du Rhin me procurèrent d'abord quelques malaises, dont je ne fis pas mystère, j'eus droit alors à un vin plus léger appelé " Asmanhaüser ". En somme je vivais très agréablement lors que l'on servait une nourriture très variée, et non ces monceaux de viande d'une seule sorte, comme on les sert dans cette chère vieille Angleterre.
La légèreté de l'air me rendait joyeux, influait sur mes sensations, ma santé, par l'intermédiaire du sang qu'il purifie grâce à l'intermédiaire de mes voisins, les poumons.
......... Nous n'avions cependant pas oublié notre passion pour la belle bonnetière et plus d'un verre de " Liebfrauenmilch " fut vidé en son honneur.
Passant en Suisse les petits vins du pays me changèrent presque en une burette au vinaigre et je fus enchanté quand, revenant sur nos pas nous franchîmes la frontière à Kehl. Après avoir dîné à l'excellente table d'hôte de l'hôtel de France, à Strasbourg, je fus régalé pour la première fois d'un Bourgogne tellement délicieux que si j'avais eu des lèvres je les aurais léchées par sympathie pour celles de la bouche, et j'en absorbai un peu trop, et en envoyai, par un messager, une coupe de l'excédent à M. Brain qui inspira d'étranges façons d'agir à tout l'individu....... Le lendemain me sentant très mal je suggérai la nécessité de libations moins fortes à l'avenir. Je suis heureux de pouvoir affirmer que l'avis fut écouté, à mon plus grand profit. Or je demanda ici qu'on ne me confonde pas avec ce gredin fallacieux, ce vieux pêcheur à peine digne d'un toit qui le recouvre,
M. Palais. visitnewportbeach.com
Nous allâmes ensuite résider à Paris et je fus l'objet de quelques délicates attentions...........
Je remarque avec une certaine surprise que, malgré la réputation de M. John Bull d'être un grand glouton, les Français dépensent sans façon bien plus d'argent que nous pour leur dîner..........
de sorte qu'avec un substantiel déjeuner, un dîner fin à sept heures, café, liqueurs, cigares, glaces, sorbets, comme accessoires gastronomiques, avec peut-être un plat de pluviers et une bouteille de champagne à minuit, un gentleman français peut prétendre aussi bien qu'un Anglais au titre d'amateur des bonnes choses de cette vie.
Et puis le gourmet gallique est un artiste : chaque plat est en rapport chromatique avec le précédent, chaque condiment a un objet spécial bien étudié et chaque bouteille de vin est en harmonie ou discordance avec les entremets particuliers.
.................................
Comme s'il ne nous devait rien arriver que d'agréable à Paris, quelle rencontre croyez-vous que nous fîmes au Louvre ? - Celle du bonnetier de Bridgecam et de son aimable fille.
Je reçus le premier indice sous la forme d'un mouvement accéléré du coeur dont j'éprouvai le contrecoup et j'entendis bientôt une voix s'écrier : " Oh ! papa, voilà Mr... "
Le papa, j'imagine, s'éloignait à la hâte avec la pauvre tremblante tourterelle, mais mon propriétaire, sans songer aux conséquences, obéit à son impulsion et j'avoue que les serrements de mains, les paroles entrecoupées, les aimables quiproquos et les questions incohérentes, avec les réponses à l'avenant, me divertirent. Pour couper court, nous fûmes invités à la maison, ou plutôt au logement du papa, rue des Comédiens, le coeur encore tout trémoussé. La vérité m'oblige à dire que lorsque le vieux Monsieur tourna le dos, je sentis un doux estomac féminin mollement pressé contre moi alors que plus haut s'échappait des lèvres une nouvelle protestation d'attachement mutuel.
Tout cela était très bien et très agréable mais ne compensait nullement pour moi la privation de mon dîner et je pris soin d'assurer ma revanche si cela se répétait......... Ce qui arriva et tandis que les heures glissaient inaperçues dans un doux échange de sentiments, je fus encore oublié.
Ceci me rendit très morose. Dans ces circonstances je secrétai certains acides morbides, communiquai le dégoût à tout le système et produisis tant d'irritation qu'une querelle s'éleva entre le couple, et pour la seconde fois ils furent sur le point de se séparer. pupamag.com
Mon conseil aux amoureux est, en conséquence, qu'ils doivent prendre soin de leur estomac.
........ Je suis tout à fait convaincu que beaucoup de mariages ont été rompus à cause de ce respectable organe............ Le dérangement des fonctions digestives rend les hommes et les femmes pétulants, susceptibles, soupçonneux, difficiles, et engendre une foule de misères de tout genre dont on rend faussement le cerveau ou le foie responsables............. L'Estomac est la source réelle de cette sublime passion, l'Amour, et cet aveu me gonfle d'un orgueil légitime et d'une satisfaction intime.
.......... Nos amoureux firent la paix et prirent le parti de se marier. Ici finit tout le roman de cet épisode. C'est Schiller, je crois qui déclare que " la partie psychologique de l'amour commence avec le premier soupir et finit avec le premier baiser ".
Peu de temps après notre union ( je ne fus plus ennuyé d'effusions poétiques ), nous reportâmes nos pas vers le foyer domestique. Sur le sol de la vieille Angleterre nous accueillirent le brouillard, déjà présent quand je la quittai, et une terrible explosion d'indignation de la part de nos amis, pour avoir contracté une alliance si fort au-dessous de nous. Mais, comme le mal était fait, nous nous courbâmes sous l'orage, et nous nous établîmes dans la vie respectable du mariage.
Cet état, je dois le dire, m'allait à ravir et je crois que cette période de ma vie en aurait été la plus heureuse, sans le changement incessant de nos cuisinières. Ces pourvoyeuse de nos appétits étaient imparfaites, quelque chose venait toujours à clocher au point culminant de la perfection relative. Je regardais ces grandes prêtresses de la cuisine comme mes bons ou mauvais génies et je crois à l'incisive justesse du proverbe : "Dieu nous a envoyé la viande, et le diable les cuisinières ".
( à suivre........... 6 suite et fin )
Il y avait encore un autre..............
Sydney Whiting
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire