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vendredi 12 juin 2020

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui Samuel Pepys 121 ( Journal Angleterre )

Le Siècle de la raison — Wikipédia


                                                                                                                16 Juillet 1664

            Levé le matin la tête tout embrouillée par la quantité de travail qui m'attend aujourd'hui, mais au bureau où expédiai assez bien l'affaire de Mr Creed au sujet de son mémoire. C'est alors que Will Howe vient chercher l'ordre d'avance de fonds de 500 livres que milord doit emporter en s'embarquant. Je ne sus quelle attitude prendre en présence de Creed, mais comme il n'y avait point de remède, je le leur remis à tous les deux et les laissai se le disputer. Je vois bien qu'ils s'efforcèrent tous les deux de le prendre, mais Will Howe le saisit et l'autre eut la sagesse de le laisser faire. Mais je crois m'être justifié aux yeux de Creed qu'il n'y avait aucune machination de ma part. A midi je me levai et fis un travail nécessaire à la Bourse. De là à Trinity House pour un dîner donné par sir George Carteret en temps que grand maître cette année, puis à Whitehall pour la commission de Tanger où, mieux que je ne l'espérais, je fis enlever le marché des subsistances par mes gens, à savoir Alsop, Lanyon et Yeabsley.
            Selon leur promesse j'y gagne 300 livres par an, pour moi, ce qui me met en joie. De plus, c'est à moi que revient de rédiger le contrat. Mr Lewis était dans la galerie et s'en amuse fort. Je crois que Mr Gauden va faire quelque bruit à ce sujet, car il a écrit aujourd'hui à Mr Coventry pourquoi la bienséance à l'égard du roi voulait qu'il l'emportât. Mais Mr Coventry parla fort justement et sans détours en faveur de ceux dont les services étaient le moins coûteux.
           Me promenai un moment avec Mr Coventry dans la galerie et je m'aperçois qu'il est d'une grande froideur dans son jugement présent de Mr Peter Pett à cause du relâchement de son zèle et de sa manière indolente de travailler là-bas, et il me surprit aussi en me demandant pourquoi Deane n'avait pas présenté leur rapport sur le lois de Clarendon. Ce qu'il veut dire par là, je ne sais, mais pour le moment je trouvai une excuse. Je ne sais pas non plus comment me conduire, il faudra que j'y songe et que je consulte milord Sandwich.
            Avec Creed en voiture chez milord Sandwich où j'obtins de Mr Moore qu'il me procurât la signature de milord pour recevoir de sir George Carteret encore 109 livres de mon argent, de telle sorte que sa dette envers moi sera, je crois, de moins de 500 livres. Cela aussi me tranquillise l'esprit.
            Ramené Creed et Will Howe à Londres, déposés chez sir George Carteret pour recevoir quelque argent. A la maison où je travaille très tard, rentré chez moi, souper et, au lit, l'esprit rasséréné, mes affaires étant partout en assez bonne passe.


                                                                                                                        17 juillet
                                                                                                     Jour du Seigneur
            Travaillé toute la matinée à mon bureau, et il pleut à verse. Dîné chez moi tout seul. Allai ensuite à pied chez milord. Je le trouvai en train de dîner avec une foule d'autres invités. Il paraît qu'ils ont baptisé son jeune fils aujourd'hui, du nom de James. J'eus un morceau de gâteau. J'obtins la signature et le sceau de milord pour la vente de la terre de Brampton, quoique l'affaire ne fût pas tout à fait conforme à mes souhaits, il était impossible de faire mieux pour le moment. 
            Rentré chez moi à pied et me mis à lire. Arrivent tantôt mon oncle Wight, le Dr Burnet et un autre, et nous avons bavardé et bu. Le Dr me montra comment prendre la térébenthine , ce qui me plaît beaucoup, car c'est très facile. Eux partis, souper et, au lit.


                                                                                                                           18 juillet

            Levé et allé à pied chez milord où je pris congé de lui. Il me paraît très amical à mon égard, avec autant de gravité que jamais, et je crois qu'il a grande confiance en moi. Il part ce matin pour Deal
            De là à St James pour voir le Duc et travailler avec lui comme à l'accoutumée. Il parle sans détours d'une guerre contre la Hollande, qui commencerait cet hiver, de telle sorte que je crois que nous y viendrons. Avant de monter voir le Duc, sir George Carteret et moi causâmes dans le parc de l'affaire des arbres de milord le chancelier, et il me dit, sans détours, que jamais milord le chancelier n'avait été aussi irrité contre lui que dans cette affaire, dans une grande fureur et que, quand il m'avait vu là, il savait de quoi il s'agissait. Et maintenant il conspire avec moi pour savoir comment servir milord, ce dont je suis bien aise, et j'espère qu'ensemble nous y parviendrons.
            A Westminster chez mon barbier, pour qu'il nettoie de ses lentes la perruque qu'il me fit dernièrement. Ce qui me fut une cruelle contrariété, qu'il m'eût remis une chose pareille. Rencontrant sa servante Jane qui vit chez eux depuis si longtemps, je devisai avec elle, puis l'envoyant faire une course chez le Dr Clerke, je la rejoignis et l'emmenai dans une petite taverne de la cour des Brasseurs. Je lahennin: bonnet pointu (néerlandais : henninck ‘cock’ Hans Memling, Portrait de jeune fille coiffée d'un hennin conique, vers 1480      pinterest.fr                                         Exposed again: The restored version of the 1680 portrait of King Charles II's mistress Nell Gwyn by Simon Verelst which shows the breasts which had been previously covered over

lutinai sans toutefois aller jusqu'au déduit. C'est une charmante enfant innocente.
            Puis chez milord le chancelier mais, comme il était occupé, je partis vers la Bourse et ensuite chez moi pour dîner. Sur ces entrefaites arrive Creed et je sors avec lui pour aller vers Fleet Street et lui chez Mr Povey. Moi chez milord le chancelier. N'ayant encore pu le rencontrer, je m'en fus chez Povey où je vis son nouveau trompe-l’œil dans son cabinet. Povey, à ma grande surprise et stupéfaction, m'attaqua en son nom et en celui de Mr Bland, afin que j'agisse en leur faveur auprès des nouveaux fournisseurs de la garnison. J'ai honte qu'il me demande cela, car je ne croyais pas homme à chercher profit dans des choses si mesquines. Outre qu'il prétendait ne pas croire que j'eusse moi-même quelque part dans ce marche et pourtant voilà qu'il déclare qu'il voudrait lui-même y trouver son bénéfice. Et c'est lui-même qui m'avait poussé à ce que sir William Rider et Ford pussent s'associer à Gauden. Je lui dis que je n'avais aucun crédit auprès d'eux, mais je crains qu'ils ne doivent faire quelque chose pour lui, car il me dit que les entrepreneurs du môle lui promettent une gratification.
            Rentré chez moi avec Creed, qui profita de l'occasion pour reconnaître ses obligations envers moi et déposa vingt pièces d'or sur l'étagère de mon cabinet, que je ne refusai point, mais je voulais et j'attendais davantage. Cependant, c'est mieux que rien, et maintenant je n'ai plus rien à attendre et je saurai, dorénavant, comment me comporter envers lui.
            Après avoir causé du règlement de ses affaires nous sortîmes en voiture. Il descendit au Temple où il prit congé de moi avant de partir demain rejoindre milord. 
            J'allai voir milord le chancelier et causai avec lui de son affaire. Je vois bien, et il dit clairement qu'il ne veut que personne puisse dire que milord le chancelier a fait en sorte de léser le roi de son bois, mais je me rends compte qu'il serait bien aise qu'on lui rendît service, et il me dit que sir George Carteret lui a dit que lui et moi nous occuperions de cette affaire, pour veiller à ce qu'elle se termine au mieux pour lui. J'en fus fort aise et je partis.
            Rentré chez moi et resté tard avec mes fournisseurs de Tanger pour rédiger notre accord. Je trouve beaucoup de difficulté. Après avoir fait autant que nous pouvions ce soir, nous nous séparâmes, et je vais au lit.


                                                                                                                          19 juillet 1664

            Levé, au bureau réunion toute la matinée. A midi dîné seul à la maison. Après dîner descends par le fleuve à Woolwich avec sir William Batten. A notre arrivée à la corderie on nous annonce que Mr Falconer, qui avait fait une rechute ces deux derniers jours, vient juste de mourir. Nous fûmes voir sa veuve, elle aussi alitée. La pauvre femme en grande détresse implore notre amitié, que nous lui manifesterons en tout, je le crois, pour moi, j'en suis sûr.
            Au bureau, travaillé jusqu'à 9 heures sur le contrat de sir William Warren pour les mâts. Puis chez moi avec Lanyon et Yeabsley jusqu'à minuit passé, à considérer leur contrat pour Tanger. Nous fûmes en désaccord, car je voudrais le libeller à l'avantage du roi, autant qu'il se peut. Ce qui ne leur plut point, mais nous nous séparâmes bons amis. Cependant, après leur départ je regrettai de n'avoir point évité tout différend, tant que je n'avais pas leur promesse écrite.
            Eux partis, au lit.


                                                                                                                                20 juillet

            Levé et quelque temps à mon bureau. Puis chez moi avec Mr Deane à causer jusqu'au dîner de l'affaire des arbres de milord le chancelier dans Clarendon Park et de la manière de faire un rapport à ce sujet sans le mécontenter. Rapport qu'à la fin je rédigeai, espérant qu'il lui plairait. Mais plût au Ciel que ni lui ni moi n'eussions jamais rien eu à faire de tout cela !
            Dîné ensemble d'un bon cochon de lait, puis en voiture à Whitehall pour la commission des pêcheries. Mais rien de fait, car c'est un grand jour, celui de la loterie de sir Arthur Slingsby.
            J'entrai et me tins auprès des deux reines et de la duchesse d'York, juste derrière milady Castlemaine, que j'adore de tout mon cœur. Et ce fut fort divertissant de voir tous ceux qui donnaient leurs livres repartir avec seulement une paire de gants en guise de lot et une dame, une certaine Mrs Fish, tirer le seul billet blanc. Quelqu'un que je restai voir tira un jeu de tapisseries évalué à 430 livres, et on dit qu'elles les valent bien, ou presque. Il y a un autre ensemble encore plus beau que celui-là, mais force lots de soixante à quatre-vingts livres. J'observe que le roi et les reines tiraient d'aussi maigres lors que les autres. 
            Mais l'homme le plus avisé que je vis fut Mr Cholmley qui assurait tous ceux qui voulaient contre la tirage du seul billet blanc pour 12 pence, dans ce cas, cela faisait le nombre entier des présents, 3 ou 400, je crois, contre un. Il en assura quelque 200 de cette façon pour 200 shillings, de telle sorte qu'il n'aurait pu y perdre si l'un d'entre eux l'avait tiré, car il y avait assez pour payer les 10 livres. Mais il se trouva que ce fut quelqu'un d'autre qui le tira, il gagna donc tout l'argent qu'il avait pris.
            Je quittai la loterie et m'en fus à la comédie voir une pièce, en partie seulement. C'était au Théâtre du Duc, " De mal en pis ", tout à fait la même sorte de pièce, écrite, je crois, par le même auteur que " Cinq heures d'aventures ", fort plaisante. Et je commence à admirer plus que jamais Harris ( nte de l'éd. comédien )
             A Westminster pour voir Creed, et nous nous promenâmes dans le parc. Il est malade et ne peut encore rejoindre milord, mais il le fera demain. Rentré à la maison et resté tard à mon bureau, puis à la maison et, au lit.
            Comme il y a ce soir un clair de lune, je suis resté un peu tard dans le jardin à jouer de mon flageolet.
            Mais au palais de Westminster je reçus une grande nouvelle : Mrs Lane est mariée à un certain Martin, qui est au service du capitaine Marsh. Elle est sortie avec lui aujourd'hui, fort bien mise. Il faudra que j'aie une passe avec elle d'ici peu, pour voir ce que lui semble du mariage.


                                                                                                                21 juillet

            Levé et au bureau, réunion toute la matinée, occupé, entre autres, à un contrat avec sir William Warren pour presque 1 000 mâts de pin de Göteborg, le plus gros contrat jamais conclu dans la marine, entièrement de ma composition, et, je l'espère, un bon contrat pour le roi.  lecourrierderussie.com  
 Sur la photo : "caricature le premier baiser ce dix ans ! Par James  Gillray, 1803, à la main, à l'aquatinte et la gravure. L'exposition  "Bonaparte et les Britanniques : imprime et           Dîné chez sir WilliLes victimes de la débauche : Souvenirs d'un pianiste de maison publiqueam Batten, chez qui je n'ai pas pris de repas depuis des mois. Seuls présents, sir George Carteret, Mr Coventry, sir John Mennes et moi, et milady. Bon pâté de venaison. Je me fis fort enjoué et aimable auprès de milady, et elle avec moi.
            Ce matin, au bureau, Nicolas Osborne, le commis de Mr Gauden, est venu me prier de dire quelle pièce d'argenterie j'aimerais recevoir en présent, d'une valeur de quelque 100 livres. C'est la somme qu'il a ordre de dépenser et il vient de son propre chef, en raison de familiarité avec moi, me poser cette question.. Je protestai pendant longtemps de ma répugnance à accepter quoi que ce fût, ne sachant comment je pourrais obligé Mr Gauden, mais lui laissai la décision.
            A midi je vois donc apporter chez moi, dans d'élégants étuis de cuir, la plus magnifique paire de brocs à vin que j'aie vue de ma vie. Si je les garderai, je ne saurais le dire, car c'est afin de me lier à lui dans cette affaire des subsistances pour Tanger, dans laquelle je crains bien de ne point m'engager. Mais je suis fort aise de voir que je suis sûr de recevoir quelque chose d'un côté ou de l'autre, quel que soit celui qui l'aura.. C'est donc le cœur gai que je les contemplai, et les renfermai.
            Après dîner chez milord le chancelier. Bien rendu compte de son affaire et il en est très satisfait. Il se comporte à mon égard avec une grande réserve, sans trop laisser paraître son contentement, ni sa reconnaissance. Mais je sais qu'il trouve que je le sers bien.
            A Westminster et chez Mrs Lane pour la mettre en joie. Elle me laissa en user avec elle comme devant. Son mari arrive tantôt, un pauvre benêt, et la lettre qu'il lui adressa, qu'elle me montre fièrement, une niaiserie sans queue ni tête. Un homme sans conversation qui, je le crains l'a épousée pour faire une aubaine, en quoi il se leurre. Elle sera une triste épouse pour lui, car elle me pressa de fixer un moment sitôt qu'il aura quitté la ville, pour lui donner rendez-vous la semaine prochaine.
            Par le fleuve, avec deux cousines de Mrs Lane. Je les dépose à Queennhithe et rentre chez moi par le Pont. Travaillé tard, puis à la maison, souper et, au lit.


                                                                                                                   22 juillet 1664

            Levé et à mon bureau, affairé toute la matinée. A midi à la Bourse, puis à la maison pour dîner et descendu en bateau à Deptford. Arrivé trop tôt, je passai une heure à visiter le chantier et à mettre Mr Shish à mesurer une ou deux billes de bois, ce qu'il fit en se trompant outrageusement au détriment du roi, de 12 ou 13 shillings sur une bille de 28 pieds cubes. Puis chez le vérificateur des rôles d'où Mr Falconer était emporté pour être enterré aujourd'hui. Sir John Mennes et moi étant les seuls officiers de haut rang présents.
            Nous le suivîmes à l'église puis je les quittai sans attendre le sermon et tout droit chez moi en bateau. Je trouvai, comme prévu, Mr Hill et Andrews avec un homme laid et mal soigné, le signor Pedro qui chante à ravir des chansons italiennes en s'accompagnant au théorbe. Ils passèrent toute la soirée à chanter le meilleur morceau de musique selon les suffrages du monde entier, composé par le signor Carissimi, le célèbre maître romain. Ce fut beau en vérité, trop beau pour que j'en pusse juger.
            Ils ont engagé Pedro à se joindre à nous toutes les semaines et je crains que cela ne devienne pour moi un ennui si nous nous mettons à inviter des gens à se joindre à nous, en particulier des musiciens désœuvrés, ce qui ne me plaît guère quand j'y songe.
            Eux partis arrive Mr Lanyon. Il me dit que Mr Alsop est tombé gravement malade et craint de ne s'en point remettre, ce qui ébranle mes espoirs de 300 livres par an dans cette affaire. Je bénis le Ciel, par conséquent, pour ce que Mr Gauden m'a envoyé. Aujourd'hui, selon une conversation avec  Mr Osborne qui jure qu'il ne sait rien de cette affaire de subsistances, mais au contraire que ce n'est pas cela qui a poussé Mr Gauden à m'envoyer le présent, car il avait eu ordre de le faire n'importe quand depuis deux mois. Si c'est vrai ou non, je ne sais, mais je n'en garderai ce présent qu'avec plus de confiance.
            Souper, au bureau un moment et promenade dans le jardin par un brillant clair de lune et un beau temps chaud. Rentré et, au lit. 


                                                                                                                  23 juillet

            Levé, au bureau toute la matinée. A midi à la Bourse où je saisis l'occasion de m'ouvrir de l'affaire du bois de milord le chancelier à Mr Coventry du mieux que je pus. Il m'affirma que jusqu'à ce que George Carteret lui en parlât à table après que nos officiers furent partis faire le relevé, il ne savait pas que milord le chancelier fût en rien touché. Mais maintenant il dit que le duc l'avait informé que sir George Carteret lui en avait parlé et qu'il avait dit au Duc que s'il était à la place de milord le chancelier,
s'il était son père, il enverrait ce gain de 2 ou 3 000 livres au diable, plutôt que l'on pût prétendre que ce bois qui aurait été au roi s'il était resté aux mains du duc d'Albermarle, nous l'avions dissimulé au profit de milord le chancelier. 
            " - Car, dit-il, c'est un grand et tous ceux qui sont comme lui, et lui en particulier, ont une foule d'ennemis qui seraient bien aise d'acquérir cet avantage sur lui. "
            Quand je lui dis qu'il était étrange que sir George Mennes et sir George Carteret, qui savaient que milord le chancelier était concerné, ne nous en eussent point informés dès l'abord, il me répondit que pour ce qui est du vieux sir John on le tient pour un bon compagnon, mais personne à l'autre bout de la ville ne le tient pour un homme qui s'entend dans ses affaires et que, selon lui, milord le chancelier ne lui en a jamais rien dit. Seul sir George Carteret, à ce qu'il croit, le sait sûrement, car lui et sir John Shaw sont les meilleurs confidents qu'il ait au monde.
            Quant à lui, dit-il, il n'avait l'intention d'y aller par quatre chemins, mais était déterminé à faire ce qui convenait et à garder son indépendance dans cette affaire. Il en parlerait au Duc afin que lui-mêle et sir George Carteret fussent désignés pour servir en cela milord le chancelier.
            Tout ceci m'inquiète fort. Je ne sais plus que dire, ni comment me comporter. Car la complaisance me vaudra d'être déconsidéré aux yeux de Mr Coventry et le manque de complaisance à ceux de milord le chancelier. Mais je pense ne plus m'en occuper que le moins possible.
            De là parti à pied vers Westminster et me sentant d'humeur frivole et vagabonde je traversai Fleet Alley où, à l'une des portes se tenait une très jolie fille. Je fis un petit tour, mais à cause de mon sens de l'honneur et de ma conscience, je ne me décidai point à entrer. Mais, bien malgré moi, je pris un fiacre pour la Grand-Salle de Westminster où je tombai sur Mrs Lane, avec qui je projetai de traverser le fleuve. Nous nous rejoignîmes donc à l'appontement de White dans Cannon Row pour traverser et aller dans la vieille maison du marais de Lambeth, où nous mangeâmes et bûmes et où je pris mon plaisir avec elle deux fois. Elle est la femme la plus étrange en paroles, tantôt déclarant son amour pour son mari, et tantôt ne se souciant pas de lui, et pourtant me laisse volontiers la liberté d'en user avec elle à mon gré.
            En dépensant 5 ou 6 shillings pour elle, je pus en user à mon gré, et après plus d'une heure nous repartîmes. Je la déposai de nouveau à l'appontement et je continuai vers Fleet Street pour me rendre dans Fleet Alley, ne sachant comment me dominer. J'entrai et je vis là ce que j'ai connu autrefois, la perversité de ces maisons où un homme est forcé de dépenser son argent sur-le-champ. La femme, en vérité, est très belle, mais je n'eus pas le courage d'avoir affaire avec elle, de crainte qu'elle ne fût pas saine. Je feignis donc de n'avoir pas assez d'argent. Ce fut plaisant de voir l'habileté de cette drôlesse qui ne souffrit pas que je fisse quoi que ce fût avec elle dès lors qu'elle vit que je n'avais point d'argent, mais elle me dit alors que je ne reviendrais pas, tout en étant désormais bien sûre que je reviendrai, quoique j'espère que Dieu me préservera de le faire car, bien que ce soit l'une des plus jolies femmes que j'aie jamais vues, je crains qu'elle ne m'abuse.
            En priant Dieu de me pardonner ces vanités, je rentrai chez moi en prenant au passage quelques livres chez mon libraire et en emmenant avec moi son petit commis à qui je remis 10 £ pour les ouvrages pour lesquels j'avais mis de côté de l'argent, que j'ai dépensé en moins de trois semaines, ce qui ne m'arrivera plus de longtemps, j'espère.
            A mon bureau, à écrire des lettres, puis à la maison et, au lit, épuisé par mon plaisir d'aujourd'hui et tout honteux d'y penser.


                                                                                                                    24 juillet
                                                                                                 Jour du Seigneur
            Levé, un peu endolori tout le jour à cause de mon commerce d'hier. C'est d'avoir pris froid, Je suppose. Gardé la maison tout le jour, lus deux ou trois bonnes pièces de théâtre. Le soir, un moment à mon bureau, puis rentré, et après souper, au lit.


                                                                                                                        25 juillet

            Levé et avec sir John Mennes et sir William Batten en voiture jusqu'à St James. Mais le Duc était sorti. Nous allons au cabinet de travail de milord Berkeley où se trouve Mr Coventry. Nous vîmes là, entre autres, un exemplaire imprimé de la commission du roi pour les réparations de St Paul, qui est très étendue et donne de grands pouvoirs pour ramasser de l'argent et recouvrer celui de tous ceux qui ont auparavant acheté ou vendu quoi que ce soit qui ait appartenu à la cathédrale.
            Je trouve le lord-maire de la Cité placé avant l'archevêque et tous les nobles, bien que tous les plus grands officiers de l'Etat y soient.
            Cependant, milord Berkeley, qui en est, ne me semble pas dire qu'il en sortira grand-chose.
            Reparti vers la maison et sir William Batten et moi au café. Mais point de nouvelles, si ce n'est que la peste fait des ravages et s'aggrave chez les Hollandais.      
            Rentré dîner et ensuite sorti me proUntitled Documentmener. Quoique je fisse je ne pus m'empêcher de passer par Fleet Lane. Mais j'eus assez de prudence et d'honneur pour ne point entrer, d'autant plus, puisque c'était fête, que je craignais de rencontrer des gens de connaissance.
            Allé à Charing Cross et m'arrêtai chez Unthak pour voir ce que je lui devais, mais je ne lui devais rien. Comme il y avait là deux jolies dames, des pensionnaires, dans la cuisine, je m'attardai un moment. Puis chez Jervas mon barbier qui, aujourd'hui enterre l'enfant qu'il eut récemment qui, paraît-il, est né sans orifice au derrière, de telle sorte qu'il n'évacua jamais rien pendant la semaine ou deux qu'il vécut.
            De là chez Mr Reeves, car il me vient tout à coup à l'esprit d'acheter un microscope, mais il n'était pas chez lui. Je me promenai alors dans tout ce quartier, parmi ces personnes et ces maisons dégoûtantes. Mais, Dieu merci, je n'eus point envie d'en visiter aucune. Rentré chez moi, trouvé Mr Lanyon qui me dit que l'état de Mr Alsop est désespéré, ce qui va décevoir grandement mes espérances de ce côté, et pourtant peut-être pas. Il faudra que je réfléchisse pour savoir s'il serait prudent de m'aventurer à entrer dans l'affaire en y engageant mon capital.
            Lui parti, Mr Cole, mon vieux Jack Cole, vint me voir et parler. En bref, le but de sa visite est de me dire qu'il laisse là son état. Il n'y fait rien de bon et va vendre tout ce qu'il a et prendre la mer, son père étant mort sans rien lui laisser, ou presque. Je fus chagriné de l'entendre, car c'est un homme de talent mais, je le crois, débauché.
            Je lui promis toute l'amitié possible, ce qui n'ira guère loin, quoique je le dise sincèrement. Je le gardai avec moi jusqu'à 11 heures du soir, à raconter de vieilles anecdotes de l'école, très amusantes. A vrai dire, je trouve que nous employions alors notre temps et nos pensées autrement que ne font les jeunes garçons de nos jours, et aussi bien, à ce que je crois, que mes pensées d'aujourd'hui dans les meilleurs moments. Il soupa avec moi, puis partit et j'allai, au lit.
            C'est chose singulière que de nous voir tous séparés, qui fûmes élevés si longtemps ensemble à l'école, et de voir les fortunes diverses que nous avons rencontrées, soit bonnes, soit mauvaises.


                                                                                                                      26 juillet

            Toute la matinée au bureau. A midi chez Anthony Joyce pour le dîner des compères et commères. J'avais envoyé une douzaine et demie de bouteilles de vin et, en outre, payé mon double écot de 18 shillings. Ce fut un repas fort joyeux et quand les femmes furent gaies et se levèrent de table, je montai avec elles, le seul homme de la compagnie. Je me mets à parler de ce que je n'ai pas d'enfants et les priai de me donner leur avis et leurs conseils, et, à elles toutes, elles me donnèrent gaiement et sans façons les dix conseils suivants :
            1° Ne pas étreindre ma femme trop fort et trop souvent.
             2° Ne pas souper trop tard.
             3° Boire de l'eau de sauge.
             4° Pain grillé dans du vin rouge.
             5° Porter de frais caleçons de toile de Hollande.
             6° Me tenir l'estomac au chaud et le dos au frais.
             7° A ma question de savoir s'il fallait le faire soir ou matin, elles me répondirent : ni l'un, ni l'autre, mais quand nous en avons envie.
            8° Ma femme ne doit point trop serrer son corset.
            9° Je dois boire de la bière de froment sucrée.
            10° Mrs Ward me répondit de changer de position dans le lit.
             Les 3è, 4è, 6è, 7è et 10è règles elles les proclamèrent toutes sérieusement et insistèrent beaucoup dessus, comme sur des règles vraiment dignes d'être suivies, surtout la dernière : coucher avec la tête à la place des talons, ou du moins que le lit soit haut aux pieds et bas à la tête.
            Tout cela fort joyeusement, autant que je pouvais être joyeux en si piètre compagnie.
            On fait grand bruit de l'échauffourée d'hier à Moorfields. Comme les bouchers battirent d'abord les tisserands, car il y a entre eux, depuis toujours une vieille rivalité, mais à la fin les tisserands se reprirent et les rossèrent.  Au début les bouchers assomment comme tisserands tous ceux qui avaient des tabliers verts ou bleus, tant et si bien qu'ils étaient obligés de les ôter et de les cacher dans leurs chausses. A la fin, les bouchers étaient obligés d'ôter leurs manches pour ne pas être couverts de blessures et de coups, si bien que les tisserands firent une marche triomphale en criant : " Cent livres pour un boucher ! " Vers le soir je m'en fus chez Mr Reeves voir un microscope, car il m'a rendu visite ce matin, et j'en choisis un que je veux acheter.
            Reparti en emmenant la jeune Mrs Harman, femme d'éducation et d'humeur charmantes, que je pourrais aimer beaucoup, quoiqu'elle ne soit pas belle, pour la grâce de sa personne et de son maintien, et son œil noir. En chemin rencontré son mari venu la chercher et les ai déposés chez eux. Rentré chez moi, à mon bureau un moment, puis souper et, au lit.


                                                                                                                    27 juillet

            Lever. Après avoir causé avec Mr Duke qui va être nommé secrétaire des Pêcheries et est maintenant secrétaire de la commission du Commerce, homme que je trouve fort habile, je fus chez Mr Povey où j'entendis de ces propos creux. Voilà qu'il aurait aimé que Mr Gauden fût chargé des subsistances pour Tanger, ce que nul autre qu'un sot ne me dirait alors qu'il sait bien qu'il m'a sollicité de lui obtenir quelque chose de ceux qui en ont maintenant la charge. Puis à St James, mais Mr Coventry étant malade, je ne restai pas, mais m'en fus à Whitehall un moment, m'y promenai de ci, de là, rentré chez moi afin de préparer des papiers pour l'après-midi. Après dîner à la Bourse un moment, puis à Whitehall où bientôt arriva le duc d'York, et nous voilà en commission de Tanger où je lus mon projet de contrat pour les subsistances et leur fis part de la mort de Mr Alsop, que Mr Lanyon m’avait apprise ce matin, ce qui est triste à considérer de voir combien notre vie est incertaine et qu'on n'y peut guère compter dans les plus grandes entreprises.
            Les termes du contrat étant approuvés rentré chez moi où Mr Lanyon arriva amenant mon voisin Mr Andrews qu'il proposa de prendre pour associé à la place de Mr Alsop. Cela ne me déplaît point. 
            Nous lûmes ensemble le contrat, le discutâmes sérieusement et prîmes congé. Je suis bien aise de le voir revenir à cette étape, car Mr Lanyon et moi avions discuté aujourd'hui de la part que j'y pourrais prendre, et j'ai bon espoir, si cela continue, d'avoir les 300 livres par an que j'espérais d'abord.
            Eux partis, souper et, au lit.
            Cette après-midi est rentrée ma grande provision de charbon, de six voies et demie, afin de voir combien de temps elle me durera.


                                                                                                                        28 juillet

            Au bureau toute la matinée. Après la Bourse dîné à la maison, puis sorti et, voyant L'Esclave à l'affiche, j'examinai mes vœux et trouvai que je pouvais y aller cette fois sans crainte de les rompre. J'y fus, nonobstant mon grand désir de retourner à Fleet Alley, que Dieu me pardonne ! Je vis jouer cette pièce. Il est vrai que par manque d'exercice beaucoup d'entre les acteurs avaient un peu oublié leur rôle,
mais Betterton et ma pauvre Ianthe sont les meilleurs du monde. Il n'y a rien au monde que je trouve plus prenant que cette pièce.
  Quelques aspects de la contrebande à travers les âges – Association pour  l'Histoire de l'Administration des Douanes          A Westminster cLecture recommandée en temps de confinement : les romans | L'Histoire en  citationshez mon barbier. C'est chose singulière que, quand je m'aperçus que c'était Jervas lui-même qui comptait m'apporter ma perruque et non pas Jane sa servante, je priai qu'on ne me l'apportât pas du tout, car j'avais envie que ce fût elle. J'allai aussi chez Mr Blagrave pour lui parler de sa parente qui viendrait avec ma femme, mais ils ne sont pas encore en ville et donc je rentrai chez moi en voiture, puis à mon bureau et enfin souper et, au lit.
            Voici ma situation présente. Ma femme à la campagne, ma servante Bess avec elle et tout va bien de ce côté. Je m'efforce de lui trouver une dame de compagnie à mon goût, une surtout qui s'y entende en musique, en particulier à chanter. J'en prendrai une d'autant plus volontiers que j'ai bon espoir d'avoir 2 ou 300 £ de revenu extraordinaire dans l'affaire des subsistances pour Tanger, quoique Mr Alsop, en qui je mettais mes principaux espoirs, soit mort depuis que je m'en occupe et que Mr Lanyon, je le crains, soit lui aussi en train de tomber malade.
             Ma santé est assez bonne, si ce n'est que je suis sujet à avoir des vents au premier coup de froid et j'en souffre alors tout de suite et beaucoup.
            Il n'est bruit que d'une guerre contre la Hollande, et il me semble probable qu'on en viendra là, car ils le prennent de haut et, selon ce qu'on me dit, ne désirent nullement  nous faire des civilités, mais envoyer une belle flotte en Guinée pour nous y affronter. Milord Sandwich, nouvellement parti en mer et ayant, je crois, à nouveau très bonne opinion de moi, avant son départ, du moins, et dans sa lettre reçue depuis il me marque toute sorte de respect et de confiance.
            L'espoir que dans les comptes de ce mois je me verrai possesseur de 1 000 £ me met en joie outre ce riche présent de deux brocs de vermeil que me fit Mr Gauden l'autre jour.
            Je vis maintenant chez moi fort plaisamment, servi très sérieusement, tranquillement et proprement par les deux servantes, Jane et la petite Sue, dont je suis fort content.
            Mon plus grand souci est de régler la question du domaine de Brampton, afin que je sache qu'attendre et comment pouvoir le laisser à ma mort de façon à être fidèle à ma promesse envers mon oncle Thomas et son fils. Le suivant ce maudit embarras où mon frère Tom va sans doute nous mettre par sa mort, en nous forçant à un procès contre ses créanciers, entre autres le Dr Tom Pepys avec autant de honte que d'embarras. Et le dernier est de savoir comme vit mon père quant à ses économies et à ses dépenses, de peur qu'on ne me fasse faire des dettes en tant que je suis l'un des exécuteurs testamentaires de mon oncle, sans que j'en sache rien ni n'en sois plus avancé. Mais j'espère avoir bientôt le loisir de considérer tout cela et de bien m'en informer.


                                                                                                                        29 juillet 1664

            Au bureau toute la matinée, expédié mon travail. A midi, après dîner à la Bourse et de là chez Tom Trice pour l'affaire du Dr Pepys. Puis, à cause de la pluie, passé dans Fleet Alley où resté avec Cocke une heure à peu près. Cette drôlesse, pensant que je ne lui donnerais pas d'argent, ou pas assez, ne fit pas mine de m'inviter à quoi que ce fût, mais au contraire dit qu'elle était indisposée. Ce dont je fus bien aise car je n'avais pas envie d'avoir affaire avec elle. Mais je vis ce que je voulais, l'habileté de cette drôlesse, l'impudence de ses ruses et de ses façons d'obtenir de l'argent, de faire monter la note en commandant sans cesse autre chose, de telle sorte qu'elle s'éleva bientôt à 6 ou 7 shillings.
            Rentré donc chez moi bien aise de m'en tirer sans dommage.
            Arrivèrent Mr Hill, Andrews et le signor Pedro, et nous fîmes abondance de musique. Mais je commence à être las d'un musicien parmi nous, car il me semble gâter la liberté de nos exercices.
            Après leur  Mr Bland vint me voir et resta avec moi jusqu'à 11 heures du soir, à parler de la garnison de Tanger et de son approvisionnement en pièces de huit (( nte de l'éd. des pesos espagnols valant huit réaux ). Il aurait bien envie d'y être employé, mais n'ose me demander une faveur. Pourtant il voudrait bien me faire promettre de le soutenir car, à ce que je vois, ils comprennent tous que je suis l'homme qui fait en sorte que le roi reçoive son dû, en recherchant de nouveaux soumissionnaires. Tout à fait las de sa compagnie je le congédiai et, au lit.


                                                                                                                      30 juillet

            Toute la matinée au bureau. A midi à la Bourse où il n'est bruit que d'un riche présent apporté par un bateau de la Compagnie des Indes orientales et envoyé par l'un des princes de l'Inde, deux pierres précieuses d'une valeur pour le roi de 70 000 £. Après dîner, au bureau tout l'après-midi, finir diverses choses en vue de la fin du mois, pour que je puisse mettre tous mes comptes au clair demain. Aussi cet après-midi, avec une grande satisfaction, je terminai le contrat des subsistances pour Tanger avec Mr Lanyon et les autres, et, à mon soulagement, j'obtins sa signature et celle d'Andrews sur l'engagement de me donner 300 £ par an, ce qui, je l'espère, me fera 100 ou 200 livres de profit net.
            Ecrit et mis à la poste plusieurs lettres afin de me délivrer l'esprit de certaines affaires et d'être à jour de mes tablettes, puisque je me suis obligé dernièrement à tout régler pour la fin du mois. 
            Ainsi, le soir, l'esprit content et en repos, au lit. Ce jour, j'ai envoyé une flèche de venaison et six bouteilles de vin à Kate Joyce.


                                                                                                                          31 juillet 1664
                                                                                                           Jour du Seigneur
            Levé et à l'église, où je ne suis pas allé depuis maintes semaines. Rentré chez moi, arrive Mr Hill que j'ai invité hier, ce qui me contraria un peu, mais j'arrangeai cela très bien en l'emmenant chez sir John Mennes où j'étais invité avec toutes nos familles autour d'un pâté de venaison. Bonne chère et bonne conversation. Après dîner, à la maison avec Mr Hill et musique tout l'après-midi. 
            Lui parti, le soir à mes comptes. A ma grande joie, et en rendant grâces à Dieu tout puissant, je me vois, sans conteste, possesseur de 1 014 £. La première fois que j'ai jamais eu 1 000 livres. Ce qui est le sommet de tout ce à quoi j'aspirais depuis longtemps. 
            Mais avec la bénédiction de Dieu sur ma diligence, j'espère en mettre de côté davantage d'ici peu, si cette affaire des subsistances pour Tanger va comme je l'espère.
            Ainsi, louant Dieu pour l'état de richesse que j'ai atteint, et ma situation étant telle que je la détaillai il y a deux jours dans ce journal, à la maison, souper et, au lit, en priant Dieu de m'accorder la grâce de faire bon usage de ce que j'ai et de persévérer dans mes soins et ma diligence pour en gagner encore davantage.


                                                                  à suivre...........

                                                                                                                 1er Août 1664

            Levé l'esprit.........
                       

















            






























































dimanche 7 juin 2020

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 120 Samuel Pepy fait fais ( Journal Angleterre )


Jeune femme jouant du virginal — Wikipédia
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                                                                                                                        1er Juillet 1664

            Levé et chez moi toute la matinée. D'abord descendu mon virginal dans mon cabinet de travail où j'ai fait faire un châssis neuf pour le mettre dessus. Tantôt arrive le Dr Burnet. Il m'assure que j'ai un ulcère, soit dans les reins, soit dans la vessie car dans mon urine, qu'il a vue hier, il est sûr que le sédiment n'est pas une boue formée par la chaleur, mais directement du pus. Il me composa une prescription pour y remédier, sans que j'en fusse aussi content que je pensais l'être. Je lui donnai une pièce, espérant toutefois que son conseil me sera utile, quoiqu'il soit étrange que Mr Hollier ne m'ait de sa vie jamais dit mot de cet
ulcère.
            Lui parti, à la Bourse, puis rentré dîner. Ensuite à mon bureau à travailler jusqu'au soir. Puis, comme convenu, arrivèrent Mr Hill, Andrews et un certain Cheswick, un musicien qui joue fort bien de l'épinette, pour chanter des psaumes jusqu'à 9 heures du soir, puis on se sépara avec grand plaisir. Ce sont de très bons compagnons et j'espère avoir de temps en temps leur compagnie. Eux partis au bureau jusque vers minuit et rentré chez moi et, au lit.
            A la Bourse, aujourd'hui, j'ai vu combien l'humeur du peuple est inconstante. Parce que nous avons débarqué quelque 200 hommes qui demeuraient oisifs, leur travail fini sur certains des navires qui devaient être équipés pour le service, on dit en ville que le roi débarque tous ses hommes : 200 hier et 800 aujourd'hui, et que maintenant qu'il a 100 000 livres à sa disposition il se soucie peu de faire la guerre aux Hollandais. Mais j'en détrompe un grand nombre en leur disant ce qu'il en est.


                                                                                                                   2 juillet

            Levé et au bureau toute la matinée. A midi à la Bourse où, ce qui est surprenant, je ne rencontrai personne que je puisse inviter chez moi à goûter mon pâté de venaison, à part Mr Alsop et et Mr Lanyon que j'avais invités hier soir, et un ami qu'ils amenèrent avec eux. 
            A la maison, donc, et avec notre pâté de venaison nous eûmes d'autres bonnes viandes et une agréable conversation. Après dîner, à huis clos, causer de notre affaire de subsistances pour la garnison de Tanger. Je note les prix de toutes leurs fournitures. J'espère bien arranger les choses de sorte qu'ils y trouvent leur compte et moi aussi. Ce qui me plaît fort, car j'espère gagner noblement et honnêtement, le roi ayant son profit. 
            Eux partis arriva sir William Warren. Nous causâmes longuement de mâts. Le soir venu, au bureau où restai tard à écrire des lettres, puis à la maison pour parcourir certains papiers concernant Brampton, que j'ai fait serment d'expédier avant de passer une demi-heure à aucun plaisir ou d'aller au lit avant minuit, serment auquel, avec l'aide de Dieu je serai fidèle puis, au lit.
            Rentré chez moi je vis que, puisque c'est demain dimanche, je ne gagnerais rien à le faire ce soir et que demain ce sera mieux. J'allai donc au lit avant l'heure dite, mais bien résolu à le faire demain plus utilement.


                                                                                                                        3 juillet
                                                                                                    Jour du Seigneur
            Levé et dispos, toute la matinée dans mon cabinet de travail à parcourir et à régler quelques-unes des affaires de Brampton. A midi dîner des restes de la venaison d'hier et d'une couple de beaux oisons qu'il nous faut bien manger seuls, parce qu'ils ne se garderont pas, ce que nous trouvâmes fâcheux.
            Après dîner enfermé à mon travail. Je terminai avant le soir à ma grande satisfaction et l'esprit en paix. Puis je me levai et passai la soirée à me promener et à deviser avec ma femme. Grand fracas de tonnerre et d'éclairs toute la soirée. Il y a eu plus de tonnerre et d'éclairs cette année, à ce qu'on dit, qu'en aucune autre de mémoire d'homme. Et il en est de même, paraît-il, en France et partout ailleurs. Sur ce, prières et, au lit.                                      
                                                                                               4 juillet               
  Actualités - Les Sorbonne Scholars                       pinterest.fr Les Créations de L'épinette (lauramaudef) sur Pinterest
     Levé et beaucoup de monde autour de moi pour affaires. Sorti ensuite, allé en plusieurs endroits et à midi chez milord Crew, où je dînai, milord Crew se montrant tout à fait aimable. Il offrit de me vendre une de ses terres dans le Cambridgeshire, un achat de quelque 1 000 livres que, si j'en trouve le moyen, je ferai. Après dîner je rentrai chez moi à pied, faisant encore quelques courses en chemin.
             A la maison je trouve ma femme qui a aujourd'hui, de son propre chef dépensé 23 shillings pour s'acheter une paire de pendants d'oreilles. Ce qui me contraria et nous échauffa l'un contre l'autre très fort, elle m'adressant des paroles très grossières, telles qu'il me chagrine de penser qu'elles puissent sortir de sa bouche, et rappelant notre vieille querelle, dont je déteste qu'on me fasse me ressouvenir.
( note de l'éd. :  " Le couple se sépara quelque temps avant le début du Journal qu'entreprit Samuel Pepys en 1661 ). Je jurai de les briser à moins qu'elle ne les revende pour ce qu'elle pourrait en tirer.
            Sur cette résolution je sortis. La pauvre femme, un moment plus tard, envoya sa servante les rendre et reprendre son argent. Je suivis Bess; sa messagère, à la Bourse et là, après considération, je la renvoyai. Je ne voulus pas qu'elles fussent rendues, étant satisfait que ma femme eût cédé. Rentré donc et, réconciliés, mais les paroles je ne pus les chasser de mon esprit et m'en fus donc au lit le soir, mécontent. Elle vint se coucher avec moi, mais rien ne put me radoucir. Je dormis et me réveillai le matin en colère.
            Aujourd'hui le roi et les reines ont visité milord Sandwich et la flotte à l'appareillage, dans le Hope.


                                                                                                                      5 juillet

            Levé et au bureau toute la matinée. A midi un moment à la Bourse. Puis rentré avec Will Howe et dîné. Ensuite à mon bureau où restai tard travailler dans la soirée, ayant eu, entre autres, une longue conversation avec Gregory le jeune au sujet de l'affaire de la Caisse des Invalides, dans laquelle sir William Batten se montre si grand scélérat. Aussi, avec Alsop et Lanyon à propos des subsistances pour Tanger, dont j'espère tirer quelque profit.
            Rentré tard, souper et, au lit. L'esprit tout rempli d'une résolution aujourd'hui prise à la Bourse, de descendre demain jusqu'au Hope.


                                                                                                               6 juillet 1664

            Levé très tôt, ma femme aussi, et nous nous préparons. Vers 8 heures, ayant pris quelques bouteilles de vin et de bière, et des langues de boeuf, nous rejoignîmes notre barque à la Tour où Mr Pearse, sa soeur, sa femme et une parente, avec Mr Clerke, sa soeur et sa cousine, devaient nous attendre. Nous voilà partis vers le Hope, jouant tout le long du chemin aux cartes et à d'autres jeux, passant le temps assez joyeusement. Arrivés à Hope vers une heure, je leur montrai tous les navires et nous prîmes une collation d'anchois, de lard fumé, etc.
            Après être restés une heure ou plus, embarquement pour rentrer et jeux de cartes et autres jusqu'à l'arrivée à Greenwich où Mrs Clerke, ma femme et moi descendons dans une taverne pour faire leur commission, puis nous remontons dans la barque après que je leur ai montré le bateau de plaisance du roi.
            Retour donc au pont où nous amenons la nuit avec nous, et il pleut à averse, mais nous les conduisons à pied à la taverne de l'Ours où nous les mettons dans un bateau. Je retrouvai ma femme dans la barque et nous revenons à l'appontement de la Tour, et puis chez nous, fort content aujourd'hui de la compagnie et surtout de Mrs Pearse, qui garde un teint aussi beau que jamais, et possède, à ce jour je crois, le plus joli teint que j'aie jamais vu de ma vie, à une femme jeune, vieille ou enfant. La parente de Mrs Clerke chante très joliment, mais elle a trop d'assurance. Mrs Clerke elle-même a de l'esprit, mais le gâte à être si affectée et à papillonner de la sorte, avec quelques jolis atours et des ornements de pacotille qu'elle porte avec.
            Mais la location de la barque est bien lourde pour moi, ce qui me contrarie. Mais ce n'est que pour une fois et je puis inciter Pearse à me rendre la politesse.
            Rentré à la maison très las, au lit, restant assis un moment. Le Dr Clerke était absent parce que le roi était malade hier soir et dut être saigné et n'osa donc pas s'éloigner aujourd'hui.


                                                                                                                                                                                                                                                                   7 juillet

            Levé. Pour la première fois cette année, j'enlève aujourd'hui mon gilet de toile, mais comme c'était une journée fraîche, j'eus peur d'attraper froid, ce qui me chagrine et qui est ce qui m'afflige le plus au monde, de songer au mauvais état de ma santé.
            Au bureau toute la matinée. Dîner à la maison. A mon bureau afin de prendre quelques dispositions pour la réunion de la commission de Tanger cet après-midi. Puis à Whitehall où je trouvai le Duc et vingt autres lisant leur mandat pour les Pêcheries royales, j'en suis et on m'a aussi envoyé quérir. Il est fort étendu et c'est une charte fort sérieuse. et je crains bien que cela n'aboutisse qu'à peu de chose.
            Après quoi, incapable de rien entreprendre, faute d'un serment à faire prêter au gouverneur et à ses assistants, nous levâmes la séance.
            Puis notre commission des subsistances de Tanger se réunit mais ne fit pas grand chose. On se leva et Mr Coventry et moi nous promenâmes une demi-heure dans le jardin, conversâmes au sujet de nos mâts, puis je partis et me promenai une demi-heure ou plus dans le parc avec Creed. Ensuite à la nouvelle Bourse pour boire de la crème, mais il n'y en avait plus. Nous prenons congé et je rentre à la maison, prenant, chemin faisant, les livres que j'avais commandés, à savoir, le glossaire complet de sir Henry Spelman, le Lexicon de et les pièces de Shakespeare, que je paie grâce à un rabais que j'ai obtenu sur mes notes de libraires. Rentré chez moi, au bureau quelque temps, puis à la maison et, au lit, me sentant assez bien quoique j'ai ôté mon gilet aujourd'hui.
            Le roi va assez bien aujourd'hui, quoique saigné avant-hier soir.


                                                                                                       8 juillet

      Répertoire Léonard Terry & Léopold Chaumont      Levé etLe Joueur De Luth - Patachou | Parole de Chanson NET envoyé quérir par le valet de lord Peter Borough pour me rendre chez Mr Povey afin de discuter sur comment il recevra son argent, ce qui me concerne avec l'espoir que j'ai des 50 livres que milord m'a promises mais, en pensée, je n'ose me croire certain de les avoir tant que je ne les ai pas, car on ne peut guère compter sur ces grands seigneurs, quoique je les mérite bien. J'attends Povey chez lui et je visitai ses écuries et tout le reste. Nonobstant toutes les fois que j'y ai été, je trouve encore maintes choses à admirer.
            A Whitehall un moment pour savoir comment va le roi qui a été un peu indisposé ces trois derniers jours. On me dit qu'il est assez bien rétabli. Puis à l'enclos de Saint-Paul pour mes livres et chez les relieurs où je donnai mes instructions pour la reliure de mon Chaucer, quoiqu'ils n'aient pas été assez soigneux pour moi, mais c'est assez bien, et ensuite chez le bossetier pour y mettre fermail et bosselages. A la Bourse puis à la maison pour dîner et à mon bureau jusqu'à 5 heures, puis vinrent Mr Hill et Andrews, et nous avons chanté une heure ou deux. Puis on se sépara et Mr Alsop et son compagnon vinrent consulter sur nos subsistances pour Tanger et faire bien avancer l'affaire. Ils prirent congé et j'allai souper et, au lit.


                                                                                                         9 juillet

            Levé et au bureau toute la matinée. L'après-midi en voiture à Whitehall avec sir John Mennes pour la commission des pêcheries, mais il fallait d'abord jurer fidélité à la compagnie et on nous fit tous jurer. Mais il y eut grande dispute, ce qui me parut de mauvaise augure pour la compagnie. Certains voulaient jurer fidélité dans la mesure de nos moyens, et d'autres dans la mesure de notre entendement, et c'est le dernier qui l'emporta, quoique ce soit de cette façon que nous sommes le moins capables de servir la compagnie, parce que nous ne voulions pas être tenus de vaquer à cette affaire quand nous le pouvions, mais quand il nous semblait bon. C'est une réflexion qui me parut fâcheuse, mais cela fut voté et donc passa. 
            Nous ne fîmes rien d'autre mais levâmes la séance jusqu'à ce qu'une réunion de la commission de Guinée fût finie. Puis nous nous réunîmes de nouveau pour Tanger et je fis ce qu'il fallait au sujet de l'ordre de paiement pour milord Peterborough et du mien pour mes récentes dépenses concernant la garnison.
            Rentré chez moi en passant prendre mon Chaucer et d'autres livres, et cela est fait à mon goût, ce dont je fus bien aise. A mon bureau jusqu'à une heure tardive, à écrire des lettres, puis rentré à la maison rejoindre ma femme, souper et, au lit, où nous ne couchons pas ensemble depuis un bon moment à cause du temps chaud, mais aujourd'hui nous le faisons parce qu'elle va partir pour la campagne.


                                                                                                             10 juillet
                                                                                           Jour du Seigneur
            Lever. Vers midi, par le fleuve, à Somerset House et à pied chez milord Sandwich où nous dînons avec milady et les enfants. Après avoir bavardé avec milady de choses et d'autres, nous prîmes congé, et ma femme prit congé pour aller à la campagne demain. Mais milord ne dit à aucun moment mot de mon père ou de ma mère au sujet des enfants, ce qui me surprend, mais je n'en parlerai pas le premier.
            Milady nous montra un portrait de milady Castlemaine, admirablement peint, donné à milord, et c'est un très beau portrait.
            Avec milady Jem et Mr Sidney à l'église St Giles où entendu un long et médiocre sermon. Nous les déposons et allons dans leur carrosse au baptême de Kate Joyce, où grand concours de gens et friandises en abondance. Après être restés une heure retour chez nous dans le carrosse, le somptueux carrosse, de milord, et ma femme commença à ranger en vue de son départ demain. Moi à lire et puis au lit, où je ne me sentis pas bien et n'eus donc aucun plaisir au lit, cette nuit, avec ma pauvre femme.


                                                                                                         11 juillet 

            Mais levés de bonne heure et une fois prêts en voiture jusqu'à Holborn où, à 9 heures, le coche se mit en route, et avec Will, mon valet, je l'accompagnai à cheval jusqu'à Barnet, une journée très agréable. Là dîné avec ses compagnons de voyage qui étaient aimables, une jolie femme de qualité qui ne va pas plus loin que Huntingdon et un de nos voisins de Londres. Nous demeurons là deux heures, puis nous nous séparons pour de bon. Ma pauvre femme me manquera bientôt, j'en suis sûr.
            Allé avec Will voir la Source à un quart de lieue de là. Je bus trois verres, partis marcher, puis revins en boire deux autres. La femme voulait m'en faire boire encore trois, mais je ne pus, ayant le ventre plein, mais cela eut fort bon effet. Nous rentrâmes en faisant le tour par Kingsland, Hackney et Mile-End, au point d'être très fatigués, mon eau faisant son effet au moins sept ou huit fois, ce dont je suis fort aise. Rentré fatigué, ne me sentant pas très bien au lit de bonne heure.
            Et dans la nuit, vers 11 heures, je me mets à suer furieusement puis, sachant tout l'argent que j'ai dans la maison et entendant un bruit, je commence à suer de plus en plus, au point de fondre presque tout entier. Je sonnai et ne pus pendant une demi-heure me faire entendre d'aucune des servantes, ce qui accrut ma peur qu'elles ne fussent bâillonnées. Puis je pense que c'était à dessein qu'une pierre avait été lancée contre la fenêtre au-dessus de notre escalier, ce soir, les voleurs cherchant à savoir si on leur prêterait attention et combien nous étions.
            J'eus ces pensées et ces craintes, et je conçois donc les frayeurs des hommes riches et cupides qui ont quantité d'argent chez eux. Enfin Jane se leva, et je constatai que ce n'était que le chien qui voulait rentrer et qui avait aboyé. Au lit donc, mais ne dormis guère. M'endormis enfin jusqu'au matin.


                                                                                                           12 juillet 1664
       tweeter                                                                                                                                      pinterest.fr
 Christophe Trivalle on Twitter: "C'est @NasseraMeziane et ...           Et me levai appelé par le vDecent Image Scraps: Animation | Formes de coeur, Animation et Coeuralet de milord Peterborough, afin de recevoir aujourd'hui de Mr Povey l'argent de son maître. Je pris les dispositions pour que cela fût payé, et on m'apporta mes 50 livres, ce qui me réjouit le cœur.
            En réunion au bureau toute la matinée, puis dîné seul à la maison, triste de ne pas avoir de compagnie, ne me sentant pas très bien, et puis je ne sais pas manger seul. 
            Après dîner descendu inspecter avec sir George Carteret, sir George Mennes et sir William Batten. Trouvé un endroit près du chantier de Deptford bien propre à entreposer des mâts. Mr Coventry arrive tantôt et, après un moment nous descendons tous les deux à Blackwall, car il a envie de voir ce chantier. Il y a là de beaux entrepôts et de bons bassins, mais, à ce que nous en voyons, de peu de profit pour leur propriétaire.
            Rentré chez moi en bateau avec lui, devisant fort bien, puis au bureau un moment et tard à la maison pour souper et, au lit.


                                                                                                       13 juillet

            Levé et à mon bureau. A midi, après avoir discuté dans une taverne proche avec un voisin nommé Mr Tyler et un certain capitaine Saunders sur la découverte que des commissaires de bord ont vendu leur provisions de vivres, chez milord Sandwich, croyant y dîner, mais comme ils ne dînent pas chez eux, avec le capitaine Ferrer chez Mr Barwell, sellier attitré du roi où, il y a à peu près un an, j'avais dîné d'un bon pâté de venaison. Nous en eûmes cette fois-ci un semblable et une excellente compagnie, Mr Tresham et d'autres.
            Allé à Whitehall pour les Pêcheries. Je ne fis pas grand-chose. Rentré par le fleuve à la maison, je rencontrai Lanyon etc, à propos de Tanger, allai tard à mon bureau et de là à la maison et, au lit.
            Mr Moore vint me voir tard pour me prier de me rendre chez milord Sandwich demain matin. J'irai, mais je me demande de quoi il s'agit.


                                                                                                            14 juillet

            Inquiet de savoir de quoi il pouvait s'agir, je me levai peu après 4 heures, et dehors. A pied chez milord où personne n'est levé, sauf le portier qui sortit de son lit pour moi. Retourné donc dans Fleet Street où achetai un petit livre de droit puis, entendant chanter un psaume j'entrai dans l'église St Dunstan où j'entendis lire des prières, ce qui se fait ici, paraît-il, tous les matins à 6 heures, chose que de ma vie je n'ai jamais faite dans une chapelle, sauf celle du collège.
            Retourné chez milord qui, étant levé, fut envoyé quérir et lui et moi seuls : il commença par protester solennellement de la constance de son amitié et de sa confiance envers moi, puis il me dit le malheur qui nous accable moi et lui. Moi en raison du courroux dont milord le chancelier lui fit part hier soir contre moi sur le ton le plus irrité et le plus échauffé qui se puisse prendre, au point de ne rien vouloir entendre. Mais il m’assura qu'il avait dit tout ce qui se pouvait dire en faveur d'un homme sur ma loyauté et sur mon respect envers Sa Seigneurie et qu'il m'avait rendu toute la justice imaginable. Et de quoi s'agissait-il, sinon que j'avais eu le front de faire marquer pour l'abattage les arbres de Clarendon Park qu'il avait, paraît-il, achetés à milord Albemarle, alors que Dieu sait que dans tout cela je suis l'homme le plus innocent du monde et que je n'ai rien entrepris de mon propre chef, ni ne savais que cela le touchât en rien, mais n'ai fait qu'obéir aux ordres de milord le trésorier général. Il dit aussi que je m'étais conduit envers lui de la manière la plus discourtoise, que j'avais pris la défense des coquins qui avaient abattu un de ses arbres et que j'avais envoyé le plus grand fanatique d'Angleterre les marquer, tout exprès pour le narguer. Tout ceci,  assurai-je à milord était complètement faux et à mille lieues de la vérité, et je lui contai toute l'histoire.
            Milord paraît en être très profondément affecté, en partie pour moi, à ce que je crois, et en partie pour lui-même. Il me conseilla donc de me présenter sur-le-champ à milord, et de me justifier du mieux que je pouvais, en toute humilité et en l'assurant que j'étais son serviteur en ceci comme en toute chose, et que je reconnais que tout ce que je possède me vient de Sa Seigneurie par milord Sandwich. J'y fus donc, rempli d'horreur, et le trouvai occupé à rendre la justice dans sa grande salle. Comme c'était jour de session je n'osai rester et revins voir milord pour le lui dire. Il me recommanda de prendre milord chancelier au sortir du dîner. Je repartis chez moi, laissant milord fort soucieux pour moi.
            Au bureau, affaire toute la matinée. A midi à la Bourse et de là à la taverne de la Tête du Pape avec Alsop et les autres. Restai un quart d'heure pour conclure le marché suivant : si je ne leur obtiens pas plus de 3 shillings 1,5 penny par semaine chacun, je ne recevrai d'eux que 150 livres par an, mais sans investissement ni frais. Mais si je leur obtiens 3 shillings et 2 pence, alors ils me donneront 300 livres dans les mêmes conditions. Je leur recommandai donc de libeller leur soumission en une ou deux lignes pour cet après-midi et de me retrouver à Whitehall. 
            Je les quittai et chez milord le chancelier. Je l'accostai au sortir du dîner, lui disant que j'étais cet infortuné Pepys qui avait suscité son courroux et que je venais le prier de me permettre de me faire mieux comprendre de Sa Seigneurie, en l'assurant de mon respect et de mon dévouement. Il me répondit d'un ton fort amène qu'il en était sûr, grâce au portrait que fait de moi milord Sandwich, mais qu'il avait des raisons de penser ce qu'il pensait et qu'il me priait de le visiter un prochain soir. Je proposai ce soir même et il accepta.
            Le cœur léger donc, à Whitehall où, après avoir par une ruse, pris connaissance du prix de Mr Gauden, tout en feignant de ne pas vouloir le connaître quand il fit mine de me le montrer, je descendis et ajustai si bien notre soumission que tantôt, à la réunion, avec celle de Mr Gauden et celle d'Alsop qu'ils m'ont adressées dans des lettres, j'étais prêt à remettre les deux soumissions à la commission, mais comme il n'y avait là que le général Monck, Mr Coventry, Povey et moi, je ne jugeai point à propos de les montrer maintenant, remis la chose à samedi, sur ce me levai fort satisfait.
            A la Demi-Lune, près de la Bourse pour mettre Lanyon et ses amis au courant de ce que nous faisons, puis chez milord le chancelier où j'entendis plusieurs jugements qui me firent penser que milord est un homme fort capable et à l'esprit prompt.
            Ayant terminé, c'est lui qui m'appela : 
            -  Venez, Mr Pepys, vous et moi, nous allons faire un tour dans le jardin. 
            Il se fit conduire en bas, à cause de la goutte, et se promena avec moi plus d'une heure, en bavardant très amicalement, mais avec beaucoup d'adresse. Je lui dis clairement ce qu'il en était. L'ignorance où je me trouvais que Sa Seigneurie était touchée. Que je n'avais rien fait ni dit tout seul, mais que ce qui avait été fait était l'oeuvre du Conseil tout entier. Il me dit, en le nommant, qu'il était plus en colère contre George Carteret que contre moi et aussi contre l'ensemble du Conseil. Mais c'est en réfléchissant à qui dans le Conseil le connaissait le moins que ses craintes s'étaient portées sur moi. Il voit qu'il n'a de dette envers aucun de ses amis qui y siégeait. Je crois que je l'apaisai complètement, au point qu'il me remercia de mon désir de le satisfaire et de la peine que j'avais prise pour cela. Et comme je le priai de m'indiquer avec lequel de ses serviteurs je devais aviser dans cette affaire, il me répondit " aucun ", mais qu'il serait heureux d'en avoir des nouvelles par moi directement. Il me dit qu'il ne me commanderait en rien, afin que l'on ne pût dire que le lord chancelier travaille à abuser le roi, ni, comme je le lui suggérai, n'ordonne de suspendre le rapport du service de l'approvisionnement. Mais je vois ce qu'il veut dire et ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour lui rendre ce service.
            Mon Dieu ! Il faut voir comme il est irrité contre ce pauvre Deane, un fanatique, un coquin, que sais-je encore ? et ce qu'il a fait c'était par malignité envers Sa Seigneurie, parmi tous ses amis et tenanciers. Il dit fort clairement qu'il ne me commanderait en rien, parce qu'il ne voulait pas que quiconque eût pouvoir sur lui de dire qu'il avait fait ceci ou cela. Mais ses paroles signifiaient clairement qu'il serait aise que je fisse quelque chose.
            Mon Dieu ! Quelle pitié de voir que nous autres pauvres misérables n'osons bien servir le roi par crainte de ces grands seigneurs !
            Il nomma sir George Carteret et sir John Mennes et d'autres, et qu'il était aussi fâché contre eux tous que contre moi.
            Mais c'était plaisir de songer que pendant qu'il causait avec moi, sir George Carteret arrive dans le jardin et que milord évita de lui parler, et le fit attendre, lui et bien d'autres, tandis que je marchais de long en large plus d'une heure, et il me pria de rester couvert.
            Pourtant, après tout ceci, il y avait si peu de raison à cette irritation contre moi, que je crains par moments qu'il n'agisse ainsi que par politique, pour me mettre de son parti en me faisant peur, ou encore, ce qui serait pire, pour éprouver ma fidélité envers le roi. Mais je crois que c'est le premier cas.
            Je pris congé avec les plus grandes assurances que je savais bien devoir tout ce que j'avais à Sa Seigneurie, assurances qu'il ne parut point rejeter, mais prit congé avec de grandes marques de bonté et de considération.
            Rentré à la maison en voiture, m'arrêtant chez milord Sandwich, mais il n'était pas là.
            Tard à mon bureau, puis à la maison pour manger avec milord quelque chose, presque mort de faim de n'avoir point dîné aujourd'hui et, au lit, la tête pleine de nombreuses et grandes affaires qui sont pour moi de conséquence.


                                                                                                      15 juillet 1664
Jean-Henry D'Anglebert – Pièces de Clavecin par Brigitte Tramier ...                         le figaro.fr
            Levé et chez milord Sandwich. Il me fit monter et je lui rendis compte de ce qui s'était passé avec milord le chancelier hier. Il en fut satisfait et me conseilla de porter tous mes soins à le servir au mieux dans cette affaire. Ensuite il me dit qu'il avait maintenant choisi le jour où il prendrait la mer, lundi prochain et qu'il voulait m'exposer sa propre situation. Il me dit que sa tâche dans le monde n'est plus désormais que de maintenir son crédit à la Cour, n'ayant que peu d'espoir de l'accroître considérablement. Il dit qu'il a maintenant environ 8 000 livres par an ( nte de l'éd. revenu moyen de la noblesse 3 200 livres ). Il est vrai, dit-il, qu'il en doit environ 10 000. Mais il a dû faire de grandes dépenses pour amener sa fortune à ce point, outre ce qu'il a construit et les biens meubles qu'il a achetés. Il me dit qu'il a ajusté ses comptes à la Garde-Robe jusqu'à la Saint-Michel passée et qu'il espère les régler jusqu'à l'Annonciation avant de partir. Il me dit qu'on lui doit à la Garde-Robe 7 000 livres. S'il savait comment se les faire payer, sans compter les 2 000 livres que lui doit Mr Montagu. Pour ce qui est de son crédit, il dit que tout le mal qui fut jamais fait à un homme par un ami qui sait tous ses secrets, lui a été fait par Mr Montagu. Mais il dit que le pire est passé et que Montagu est parti, haï personnellement par le roi et, croit-il, d'autant plus à cause de sa conduite envers lui, et que le duc d'York dit, il y a quelque temps dans son cabinet qu'il le haïssait pour son ingratitude envers milord Sandwich. Il me dit qu'il a la faveur du chancelier, autant et plus que jamais. Qu'il en est de même du roi, et me donna pour exemple que, tandis qu'il était autrefois du Conseil privé du roi avant sa dernière maladie, et qu'à cause de cette maladie il avait interrompu son service auprès de lui, le roi ne le convoquait plus régulièrement comme devant à son Conseil privé, mais seulement pour les affaires maritimes ou semblables. Mais récemment le roi lui avait envoyé un message par sir Henry Bennet, afin de présenter à milord les excuses du roi pour ne pas l'avoir fait quérir comme devant pour son Conseil privé ces derniers temps, car ce n'était pas par aversion, mais afin de ne point déplaire à d'aucuns, qu'il ne nomma point, mais milord suppose que ce pourrait être le prince Rupert, ou peut-être que le roi préfère que cela passe avec une excuse plutôt que d'être cru sans bienveillance. Mais que désormais il le priait de le suivre constamment, ce qu'il a fait ces derniers temps, et le roi jamais plus bienveillant de sa vie que maintenant. Et dans cette affaire récente où je devais parler à milord de son départ en mer, il me dit........... que le Duc lui-même a fait mettre sur son brevet qu'il serait amiral de la présente flotte et de celles, ou des navires qui s'y ajouteraient par la suite, ce qui est généreux de sa part. Il me dit que dans ces circonstances, avec Mr Montagu et tous les autres, il voit bien que le mieux est d'endurer patiemment, sans bruit ni tracas, et que les choses passent d'elles-mêmes et s'arrangent.
            -  Mais, dit-il, croyez-m'en, ne vous fiez jamais trop à aucun homme au monde, car vous vous mettez à sa merci. Et l'ami qui vous paraît le meilleur, celui qui est aujourd'hui un véritable ami, peut avoir ou trouver sujet de se brouiller avec vous, et alors tout se découvre.
            Puis il me parla de sir Henry Bennet. Quoiqu'ils aient toujours été amis, leurs relations sont maintenant devenues d'une familiarité qui sort de l'ordinaire, que ces derniers mois sir Henry n'a rien fait sans prendre conseil de milord en privé, qu'il lui promet amitié fidèle et dévouement en toutes occasions.
            Milord dit qu'il a l'avantage d'être capable, en raison de son expérience, de l'aider et de le conseiller, et il croit que c'est cela principalement qui incite sir Henry à le traiter ainsi.
            - Or, dit milord, le seul et le plus grand embarras que j'ai au monde est de savoir comment me comporter envers sir Henry et milord le chancelier au cas où quelque chose couverait encore sous la cendre à propos de milord Bristol, ce que nul ne saurait dire. Car alors, dit-il, il faudra que je prenne parti pour l'un ou pour l'autre et je perdrai tout ce que j'ai au monde plutôt que de déserter milord le chancelier......... L'amitié de sir Henry en est venue à ce point, de même que sa confiance, qu'il a donné un code secret à milord et veut l'obliger à correspondre avec lui.
            Voilà, dit-il, l'état complet de ma fortune et de mon crédit, que je vous décris parce que je ne sais pas si je vous reverrai.
             Pour ce qui est de son séjour en mer, il croit que ce sera pour lui une occasion de dépenses et non de profit, mais qu'il ne doit plus désormais veiller à s'agrandir, ni l'espérer, mais mettre ses soins à assurer ce qu'il a, que ce qu'on lui doit à la Garde-Robe ou ailleurs lui soit payé, ce qui sinon ne serait pas fait et tout ce qu'il a ne serait que piètre contentement.
            Alors nous prîmes, à ce qu'il semblait, congé l'un de l'autre, milord me priant de lui écrire pour l'informer en toute occasion de ce qui le touche. Ce qui, ajouté à son préambule, me donne à croire que milord me tient toujours vraiment en grande estime et désire se conserver mon dévouement. Dieu soit béni !
            Au milieu de notre conversation milady Crew entra pour lui annoncer qu'il avait un nouveau fils, milady venant tout juste d'accoucher. Je ne pensais pas que son terme était si proche, mais tout s'est bien passé, Dieu soit loué, et veuille pousser milord à mettre ses soins  à amasser quelque chose de plus.
            Allé à St James avec Creed. Ne trouvant pas Mr Coventry à Whitehall où, comme je l'attendais dans une des galeries, voilà que sort de la salle du Trône Mrs Stewart, plus belle que jamais, avec ses cheveux tout autour des oreilles, venant de poser pour son portrait. Le roi était là avec vingt autres, je crois, ayant assisté debout à toute la séance, et dans cette robe elle paraissait une fort aimable personne.
            A la Bourse en voiture, puis à la maison pour dîner, puis à mon bureau. Le soir, Mr Hill, Andrews et moi dans mon cabinet de travail pour chanter fort agréablement, puis encore à mon bureau où je reste très tard, et à la maison, avec, Dieu soit béni, l'esprit à l'aise et le corps en bonne santé, si ce n'est qu'en ces circonstances j'ai la tête tout occupée à trouver comment obtenir quelque chose, entre autres, que fera ce coquin de Creed avant de prendre la mer ? J'aimerais bien être débarrassé de lui et voir ce qu'il entend faire, car alors je me déclarerai son ami fidèle ou son ennemi.


                                                        à suivre................
                                                                                          
                                                                                                     16 juille 1664

            Levé le matin............