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Caractères et Anecdotes
Fontenelle avait été refusé trois fois de l'Académie, et le racontait souvent. il ajoutait :
" J'ai fait cette histoire à tous ceux que j'ai vus s'affliger d'un refus de l'Académie, et je n'ai consolé personne. "
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Lorsque Mme Du Barry et le duc d'Aiguillon firent renvoyer M. de Choiseul, les places que sa retraite laissait vacantes n'étaient point encore données. Le roi ne voulait point de M. d'Aiguillon pour ministre des Affaires Etrangères, M. le prince de Condé portait M. de Vergennes qu'il avait connu en Bourgogne, Mme Du Barry portait le cardinal de Rohan qui s'était attaché à elle. M. d'Aiguillon, alors son amant, voulut les écarter l'un et l'autre, et c'est ce qui fit donner l'ambassade de Suède à M. de Vergennes, alors oublié et retiré dans ses terres, et l'ambassade de Vienne au cardinal de Rohan, alors le prince Louis.
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Le duc de La Vallière voyant à l'Opéra la petite Lacour sans diamants, s'approche d'elle et lui demande comment cela se fait .
- C'est lui dit-elle, que les diamants sont la croix de Saint-Louis de notre état.
Sur ce mot il devint amoureux fou d'elle. Il a vécu avec elle longtemps. Elle le subjuguait par les mêmes moyens qui réussirent à Mme Du Barry près de Louis XV. Elle lui ôtait son cordon bleu, le mettait à terre et lui disait :
" - Mets-toi à genoux là-dessus, vieille Ducaille. "
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Mme Du Barry étant à Lucienne eut la fantaisie de voir le Val, maison de M. de Beauvau. Elle fit demander à celui-ci si cela ne déplairait pas à Mme de Beauvau. Mme de Beauvau crut plaisant de s'y trouver et d'en faire les honneurs. On parla de ce qui s'était passé sous Louis XV. Mme Du Barry se plaignit de différentes choses qui semblaient faire voir qu'on haïssait sa personne.
- Point du tout, dit Mme de Beauvau, nous n'en voulions qu'à votre place.
Après cet aveu naïf on demanda à Mme Du Barry si Louis XV ne disait pas beaucoup de mal d'elle ( Mme de Beauvau ) et de Mme de Gramont.
- Oh ! beaucoup.
- Eh bien ! quel mal, de moi par exemple ?
- De vous, Madame, que vous étiez hautaine, intrigante, que vous meniez votre mari par le nez.
M. de Beauvau était présent. On se hâta de changer de conversation.
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Dans les dernières années du règne de Louis XV, le roi étant à la chasse et ayant peut-être de l'humeur contre Mme Du Barry, s'avisa de dire un mot contre les femmes. Le maréchal de Noailles se répandit en invectives contre elles, et dit que quand on avait fait d'elles ce qu'il faut en faire, elles n'étaient plus bonnes qu'à renvoyer. Après la chasse le maître et le valet se retrouvèrent chez Mme Du Barry à qui M. de Noailles dit mille jolies choses.
- Ne le croyez pas, dit le roi.
Et alors il répéta ce qu'avait dit le maréchal à la chasse. Mme Du Barry se mit en colère, et le maréchal lui répondit :
- Madame, à la vérité, j'ai dit cela au roi. Mais c'était à propos des dames de Saint-Germain, et non pas de celles de Versailles.
Les dames de Saint-Germain étaient sa femme, Mme de Tessé, Mme de Duras, etc. Cette anecdote m'a été contée par le maréchal de Duras, témoin oculaire.
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C'est un fait certain et connu des amis de M. d'Aiguillon que le roi ne l'a jamais nommé ministre des Affaires Etrangères. Ce fut Mme Du Barry qui lui dit :
" - Il faut que tout ceci finisse, et je veux que vous alliez demain matin remercier le roi de vous avoir nommé à la place. "
Elle dit au roi :
" - M. d'Aiguillon ira demain vous remercier de sa nomination à la place de secrétaire d'Etat des Affaires Etrangères. "
Le roi ne dit mot.
M. d'Aiguillon n'osait pas y aller. Mme Du Barry le lui ordonna, il y alla.
Le roi ne lui dit rien, et M. d'Aiguillon entra en fonction sur-le-champ.
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Fontenelle avait fait un opéra où il y avait un choeur de prêtres qui scandalisa les dévots. L'archevêque de Paris voulut le faire supprimer.
- Je ne me mêle point de son clergé, dit Fontenelle, qu'il ne se mêle pas du mien.
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Le roi de Pologne Stanislas avait des bontés pour l'abbé Porquet et n'avait encore rien fait pour lui. L'abbé lui en faisait l'observation ;
- Mais, mon cher abbé, lui dit le roi, il y a beaucoup de votre faute. Vous tenez des discours très libres. On prétend que vous ne croyez pas en Dieu, il faut vous modérer. Tâchez d'y croire. Je vous donne un an pour cela.
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Louis XV ayant refusé vingt-cinq mille francs de sa cassette à Lebel, son valet de chambre, pour la dépense de ses petits appartements, et lui disant de s'adresser au Trésor Royal, Lebel répondit :
- Pourquoi m'exposerais-je au refus et aux tracasseries de ces gens-là, tandis que vous avez là plusieurs millions ?
Le roi lui répondit :
- Je n'aime point à me dessaisir, il faut toujours avoir de quoi vivre.
( Anecdote contée par Lebel à M. Buscher ).
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On s'étonnait de voir le duc de Choiseul se soutenir aussi longtemps contre Mme Du Barry. Son secret était simple : au moment où il paraissait le plus chanceler, il se procurait une audience ou un travail avec le roi et lui demandait ses ordres relativement à cinq ou six millions d'économie qu'il avait faite dans les départements de la guerre, observant qu'il n'était pas convenable de les envoyer au Trésor Royal. Le roi entendait ce que cela voulait dire et lui répondait :
" - Parlez à Bertin, donnez-lui trois millions en tels effets. Je vous fais présent du reste. "
Le roi partageait ainsi avec le ministre et, n'étant pas sûr que son successeur lui offrît les mêmes facilités, gardait M. de Choiseul malgré les intrigues de Mme Du Barry.
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Je causais un jour avec M. de V... qui paraît vivre sans illusions dans un âge où l'on en est encore susceptible. Je lui témoignais la surprise qu'on avait de son indifférence. Il me répondit gravement :
- On ne peut pas être et avoir été. J'ai été dans mon temps tout comme un autre, l'amant d'une femme galante, le jouet d'une coquette, le passe-temps d'une femme frivole, l'instrument d'une intrigante. Que peut-on être de plus ?
- L'amie d'une femme sensible.
- Ah! nous voilà dans les romans.
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M...., homme de lettres connu, n'avait fait aucune démarche pour voir tous ces princes voyageurs qui, dans l'espace de trois ans, sont venus en France l'un après l'autre. Je lui demandai la raison de ce peu d'empressement, il me répondit :
- Je n'aime, dans les scènes de la vie, que ce qui met les hommes dans un rapport simple et vrai les uns avec les autres. Je sais, par exemple, ce que c'est qu'un père et un fils, un amant et une maîtresse, un ami et un ami, un protecteur et un protégé et même un acheteur et un vendeur, etc.. Mais ces visites produisant des scènes sans objet, où tout est comme réglé par l'étiquette, dont le dialogue est comme écrit d'avance, je n'en fais aucun cas. J'aime mieux un canevas italien qui a du moins le mérite d'être joué à l'impromptu.
Chamfort
extraits de Maximes et Pensées