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dimanche 5 juin 2022

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 155 Samuel Pepys ( Journal Angleter. Me. Un te

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                                                                                                                     16 Décembre 1665

            Levé. Nous réunîmes au bureau en présence de sir William Batten rentré du Portugal lundi dernier, mais qui a attendu aujourd'hui pour venir nous voir et parler de notre travail. A midi allâmes manger un morceau, puis pris une barque pour Westlinster, par un temps glacial et neigeux et accostai au débarcadère de Whitehall. Chez sur George Downing à qui j'annonçai l'heureuse nouvelle du contrat que nous avons signé ce matin avec sir William Warren, au sujet d'une cargaison de marchandises pour la Norvège au départ de Londres, et d'une autre au départ de Harwich, pour une valeur de plus de 3 000 livres. C'est le premier a avoir été signé selon les termes de la nouvelle loi. Au comble de sa joie il m'annonce qu'il me revaudra le plus grand bien possible auprès de la Cour. Quant à moi je me réjouis d'avoir à annoncer cette nouvelle à sir William Coventry dans la lettre que je lui écrirai ce soir. Il entreprit de me convaincre de prêter moi-même 200 £ aux termes de cette loi, mais je lui répondis que je souhaitais en être excusé, car cela ne nous servirait à rien à nous qui sommes proches du roi, et cette somme ne vaudrait au roi nul crédit et nul avantage.
            Pris congé et me rendis à pied au palais de Westminster où m'attendait sir William Warren venu avec moi.. Allai voir Betty Howlet de retour à Westminster après l'épidémie. Je ne pus lui donner un baiser comme j'en avais envie, mais eus plaisir à la voir, car elle est fort belle fille.
            Repartis par le fleuve, débarquai à l'Ancien Cygne, puis repris une barque à Billingsgate, puis à pied chez moi. Allongé tout au fond de mon bateau, et sans avoir à me servir de la main je me suis donné force plaisir. C'est la première fois que j'ai pu constater la puissance de mon imagination en ce domaine, car sans me servir de ma main j'ai joui pleinement avec la fille que j'ai vue au-jour-d'huy au palais de Westminster.
            A mon bureau, écrivis mes lettres. Rentrai souper et, au lit, car il gèle à pierre fendre. On raconte que notre flotte de la Baltique est arrivée aujourd'hui, mais j'ignore ce que William Warren a assuré.


                                                                                                              17 décembre
                                                                                             Jour du Seigneur 
            Une fois rasé on me fait dire que la voiture de Cutler m'attend, comme prévu, à l'île aux Chiens. Pris donc le bac et partîmes pour Hackney, dans sa voiture par un beau temps de gel, froid et clair. Chez lui avons pris une collation frugale et sans façon, bon vin et bon accueil. Il est toujours aussi volubile et plus je le connais plus je le trouve insipide. Il habite une fort jolie maison qu'il a lui-même fait construire, mais la présence de sa vieille mère à table, entre autres, m'empêcha d'apprécier le repas et, quand, après dîner, il fallut rendre visite à son épouse malade, je n'y pris guère davantage de plaisir. Mais il se montra fort aimable avec moi, non point qu'il soit homme à éprouver de l'amitié pour quiconque, mais parce que, m'est avis, je passe à ses yeux pour une personne dont il faut cultiver l'amitié
            Après dîner repartis et allai à Deptford chez Mr Evelyn qui était absent, mais j'avais demandé à mon cousin de Hatcham, Thomas Pepys, de m'y retrouver afin de discuter de la manière de recouvrer ses 1 000 £ en la possession de milord Sandwich, car j'ai à présent l'occasion de faire fructifier cette somme qui leur appartient. Il me parut toujours aussi borné dans la moindre de ses paroles, mais il est tout disposé à suivre mon conseil ; solliciter par écrit milord ainsi que moi-même, de manière puissante à ce sujet, et je m'occuperai du reste. Je lui ai dit et redit que je ne pouvais me porter garant pour une telle somme. Il m'accompagna à pied jusqu'à la partie haute de Deptford, car il a pour moi grand respect. Nous prîmes congé après qu'il m'eut dit que la ville pâtit encore grandement de la peste.
            A peine à Greenwich, en premier lieu pour rendre visite à milord Brouncker, en second pour me rendre chez Mrs Penington avec qui j'ai passé la soirée, en prenant les libertés accoutumées, ce qui fut fort plaisant. Restai jusqu'à plus d'une heure du matin, puis rentrai à mon logis.

            << 18 >> et me levai de bonne heure, par un beau temps de gel. A pied à Rotherhithe, fis une halte pour étancher ma soif à la taverne de la Demi-Etape, pensant trouver certains de nos gens, en particulier les servantes qui devaient suivre le même chemin, mais ne les vis point. Puis à Londres où je rendis visite à ma femme, et eus le déplaisir de la voir si soudainement s'enhardir à faire grand cas de son frère et de sa sœur, depuis que j'ai eu la bonté de trouver une place à celui-ci. Mais on se quitta en bons termes et me rendis à la Bourse, fis diverses allées et venues chez Kinngdon et les orfèvres afin de rencontrer Mr Stephens et pus régler au mieux mes affaires d'argent, à ma grande satisfaction.
            En passant par Cornhill aperçus la jeune Mrs Daniel et Sarah, les deux filles de ma logeuse qui, comme je l'espérais sont revenues en ville. Voyant qu'elles m'avaient aussi avisé  je ne les lâchai pas d'une semelle jusqu'à St Martin où je les dépassai car elles achetaient des chaussures, puis je descendis jusqu'à Duck Lane et demandai des livres espagnols. Revins sur mes pas, mais elles étaient parties. Derechef, à la Bourse avec l'espoir de les recroiser dans la rue. Ne les voyant point, revins de nouveau puis fis demi-tour pour la Bourse, mais ne les vis nulle part. Si bien que je retournai vaquer à mes affaires et, malgré l'heure tardive, sir William Warren, à qui on avait dit où j'étais, me fit dire qu'il m'invitait à venir dîner avec lui, ayant appris que je n'avais point mangé à la Tête du Pape ou en compagnie de Mr Hinton l'orfèvre et d'autres, on s'en donna à cœur joie. Mais Seigneur ! Quel spectacle que celui du Dr Hinton arrivant à sa suite un ou deux freluquets de la Cour, qui appellent celui-ci cousin, ce qui me fit bien rire en mon for intérieur, sachant quel gueux et quel fripon il fait.
            Après dîner allai un moment parler affaires en tête à tête avec sir William Warren dans une pièce voisine. Puis on se quitta et, la conscience satisfaite du travail de la journée, je rentrai chez moi, à Greenwich, par le fleuve qui commence à geler en divers endroits, si bien que je n'étais point rassuré. Mais arrivé chez moi, sauf, à la nuit tombée. N'ayant guère l'esprit à travailler rentrai à mon logis où je fis venir la petite demoiselle Tooker, ainsi que Mrs Daniel fille et Sarah dans mon cabinet, pour jouer aux cartes et souper avec moi, quand arriva Mr Pearse venu me dire que Will Howe avait été interrogé aujourd'hui même, à bord, par milord Brouncker et d'autres. Milord, par pure jalousie, l'a accusé d'avoir fait circuler des marchandises sous le sceau de milord et au nom de milord Brouncker; afin qu'on les laisse passer, ce qui, au dire de Pearse, est faux, car c'est mon nom qui a été utilisé à cette fin, et il l'a fait observer à milord Brouncker, tout en reconnaissant qu'il a bien usé du nom de Brouncker pour un ballot de marchandises. Me voilà fort contrarié d'apprendre que mon nom est impliqué dans ce genre d'affaires, encore que je pris garde de lui dissimuler mon mécontentement tant que je n'en avais point parlé avec milord Brouncker. Quand il fut parti, car il devait se rendre à Oxford le lendemain, nous reprîmes notre jeu de cartes, tard, puis on se quitta, après que j'ai eu grand plaisir avec ma petite amie Mrs Tooker.


                                                                                                                             19 décembre

            Levé et à mon bureau toute la matinée. A midi, comme convenu, le Pepys de Hatcham est venu dîner avec moi. Je pensai l'emmener chez sir John Mennes dîner d'un bon pâté de venaison avec le reste de mes collègues, car nous y étions invités, mais voyant qu'il y avait beaucoup de monde nous repartîmes tous les deux faire bonne chère à la maison. Il me donna les lettres qu'il avait écrites à milord et à Moore au sujet de l'argent de milord, afin que cette somme soit versée à mon cousin, et je saurai en faire bon usage. Je lui fis bon accueil, mais quel triple sot il fait, incapable de la moindre finesse, et pas l'ombre d'une amabilité ou d'un service à attendre de lui. Dès qu'il aura touché son argent je me désintéresserai de lui afin d'éviter d'avoir à me porter garant pour lui devant milord. Dire qu'il voudrait que je l'aide à trouver quelque emploi, lui rapportant ne serait-ce que 100 £ l'an, alors que sa fortune s'élève, au bas mot, à 20 000 £ !
            Me rendis chez sir John Mennes après son départ puis, accompagné de milord Brouncker, à bord du Bezan, afin d'interroger à nouveau Will Howe qui, dans ses réponses, m'avait paru faire preuve, contre toute attente, de beaucoup de finesse et d'intelligence, car en chacune d'elles il se montra fort circonspect, avisé et courtois dans ses paroles. Je ne me suis guère adressé à lui et n'ai presque rien dit le concernant. Mais Seigneur ! l'homme se sent si affligé et avili que dans ses lettres il s'adresse à moi par la formule " Votre honneur " afin de me flatter en pareille occasion.
            Milord et moi revînmes chez sir John Mennes où je pris congé des personnes présentes. Rentrai à mon bureau où j'écrivis des lettres jusqu'à très tard et, au lit.


                                                                                                                      20 décembre 1665

            Levé, rasé, mais ne pus être à l'heure pour partir dans la voiture de milord Brouncker ou celle de sir John Mennes, si bien que je dus aller à Lambeth à pied, mais la marche fut plaisante par ce beau temps de gel, encore que la glace rendait difficile la traversé de la Tamise.
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              Chez le duc d'Albemarle où tous mes frères étaient déjà arrivés, mais je n'étais point trop en retard. Nous tînmes réunion une heure à discourir de nos affaires de la Marine. Puis je pris, seul, la voiture de milord Brouncker qui partit à pied avant moi. Sir George Browning me retint un moment pour parler de cette loi et m'agaça au plus haut point, et me rendis à l'ancienne Bourse. Là emmenai sir Ellis Leighton dîner chez le capitaine Cocke où étaient aussi invités milord Brouncker et lady Williams. On rit beaucoup, ce sir Ellis Leighton est, à table, de la meilleure compagnie. Après dîner allai voir à la Bourse si ma jolie couturière était de retour, et elle l'était en effet, allai donc l'embrasser par-dessus le comptoir, là-haut dans la galerie, et fus ravi de revoir cette chère belle dame. Je dois avouer que je la trouve fort belle. Après m'être délesté de quelques menues monnaies pour l'achat de deux paires de bas en fil, à 8 shillings, me rendis à Lombard Street, chez l'orfèvre afin de régler diverses affaires, entre autres pour déposer chez Vyner les 1 258 £ destinées à milord Sandwich, sur le compte de Cocke. Milord Brouncker me prit au passage dans sa voiture où se trouvaient aussi sa maîtresse et Mr Cottle le greffier, une connaissance de Greenwich où on se rendit.
            A mon logis puis chez Mrs Pennington où je fis apporter un souper de la taverne de la Tête du Roi, et me divertis fort et très librement, comme j'ai coutume avec elle. Finalement, tard dans la soirée je la priai de mettre son déshabillé afin de voir comment on pouvait faire son portrait en négligé, l'idée lui tenant fort à cœur, tandis que je patienterai dehors, dans la rue, en attendant qu'elle soit prête. Je sortis donc et, est-ce parce que je fis trop longtemps les cent pas dans le noir, par cette nuit glaciale, entre les deux murs qui conduisent à la grille du parc, je l'ignore mais toujours est-il qu'elle était allée se coucher quand, prétextant que j'avais oublié des papiers, je revins, comme j'en avais le dessein, et avec son consentement. 
            Rentrai ensuite chez moi où j'étais attendu par la jeune Mrs Daniel venue me prier de dire un mot favorable de son mari pour l'aider à obtenir le poste de lieutenant. Je profitai de l'occasion pour lui donner moult baisers, et lui répondis que j'étais tout disposé à lui faire quelque faveur. Ainsi nous nous séparâmes et j'allai au lit, fort aise de ce qui m'est advenu en matière d'argent ces deux derniers mois, car il a plu à Dieu de me donner plusieurs fois l'occasion d'encaisser de jolies sommes que, de surcroît, j'ai effectivement touchées ou qu'il est en mon pouvoir d'obtenir.
            Je suis cependant inquiet à double titre : d'une part il y eut cette semaine plus de 80 morts de la peste, bien que personne ne soit mort dans ma paroisse, alors qu'il en était mort 6 la semaine précédente. Pis encore, mes comptes pour ces deux derniers mois sont si embrouillés, tant par mes divers débours pour le compte de Tanger que par mes diverses rentrées d'argent, que voilà trois ou quatre mois que je ne les ai point apurés. J'en suis fort contrarié car je crains de n'y point comprendre goutte, et de ne plus voir aussi clair que lorsque je les faisais régulièrement, chez moi, à Londres.


                                                                                                                                21 décembre

            Au bureau toute la matinée. A midi dînâmes tous chez le capitaine Cocke d'une bonne échine de bœuf et autres mets délicieux, à ceci près qu'une grande partie de la viande qui avait gelée n'avait point rôti. Mais on se divertit fort et préparâmes nous-mêmes un bon plat de volaille. Il y avait aussi Mr Evelyn, d'humeur fort enjouée. Tout l'après-midi, et jusqu'au soir, fut des plus plaisants, puis je pris congé et me rendis au bureau écrire des lettres, puis repartis chez moi, l'esprit empli de besogne, soucieux d'avoir tant négligé mes comptes. Aussi ai-je fait ce soir le serment de ne plus boire de vin, etc., sour peine d'amende, aussi longtemps que je n'aurai pas apuré mes comptes et tout mis à jour.
            Au moment où je rentrais me coucher, chez moi, arriva le petit valet m'annonçant que sa sœur, Mrs Daniel, m'a apporté à souper, des oisillons que son mari a tués. Je l'invitai à venir souper avec moi, après quoi nous restâmes seuls un long moment, et j'eus le plaisir de l'embrasser sur les lèvres. C'est une jolie femme et son ventre rebondi lui sied mieux qu'à quiconque. Après son départ, au lit.
            Reçus aujourd'hui la visite de Mrs Burrows, de Westminster, la veuve du lieutenant Burrows, mort depuis peu. Elle est fort jolie et je la connais de longue date. Je lui pris un ou deux baisers, c'est une fort honnête femme.


                                                                                                                      22 décembre
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            Levé tôt. Chez milord Brouncker pour examiner les instructions récemment reçues au sujet de la nouvelle manière de procéder en matière de signature et de paiement de nos lettres de change. Puis, comme convenu, arrivèrent bientôt sir John Mennes et sir William Batten. Les instructions furent lues publiquement et il fut question de les mettre en application, ce qui nous prit toute la matinée.  
      Comme il s'avérait nécessaire que le contrôleur eût un nouveau secrétaire, je lui suggérai d'engager Pointer, ce qui fut accordé. Me voilà ainsi débarrassé de celui qui, je le crains, ne m'aurait point convenu, encore qu'il ait une belle écriture.
            Mr Hill arriva en ville à midi, vint me trouver au bureau après avoir demandé à Mr Houblon de l'y rejoindre. Je dus donc laisser là milord, la compagnie et leur dîner pour les suivre à l'Ours où je dînai avec Hill. Mr Houblon et leurs frères, l'un est le frère du premier, les deux autres du second. Ce fut une compagnie fort gaie et fort plaisante que j'eus, quant à moi, plaisir à rencontrer. Je dus les quitter après dîner, ayant reçu la visite de Mr Andrews que j'avais envoyé chercher. Alléguant quelque habile prétexte je le convainquis d'accepter d'être payé en tailles pour les factures dont je lui étais redevable ainsi qu'à sa compagnie, au sujet des subsistances pour Tanger. L'opération me vaut d'empocher 210 £ sur leurs deux factures, ce qui accroît de manière non négligeable mes récents bénéfices, considérables ces deniers temps, encore que je ne puis en évaluer l'importance, tant que je n'aurai pas fait mes comptes. Un tel retard me pèse et j'ai résolu de ne rien entreprendre de nouveau tant qu'ils ne seraient pas à jour.
            Après son départ allai passer la soirée chez milord Brouncker, désireux que j'étais de voir milord démonter sa montre puis en assembler les pièces de nouveau, chose que je n'avais encore jamais vu faire et qui méritait d'être observée. Je me réjouis fort d'en avoir eu l'occasion. Je restai bavarder avec lui tard dans la nuit, quelque peu contrarié par la réponse acerbe que m'a faite à voix basse Madame Williams que j'avais, par plaisanterie, pris la liberté de traiter de sacrée garce. Elle me rétorqua que nous nous connaissions depuis trop peu de temps. Mais je le fus plus encore par cette lettre reçue aujourd'hui de milord le duc d'Albemarle qui nous presse de ne pas interrompre nos réunions pendant les fêtes de Noël, et m'inclut dans cette requête, alors que contrairement à tous les autres je n'avais nullement l'intention de cesser le travail. M'est avis qu'il me faudra rendre de fréquentes visites à milord le duc, à quoi, une fois mes comptes faits, rien ne s'opposera. Mais maintenant que le fleuve est gelé, je ne vois guère comment me rendre chez lui.
            De là chez moi où je mis à jour mon journal pour ces huit ou neuf jours puis, l'esprit ainsi apaisé, allai souper et, au lit.
            Depuis huit ou neuf jours le temps s'est remis au gel, et on espère que la peste régressera la semaine prochaine, faute de quoi Dieu ait pitié de nous ! car à n'en pas douter la peste sévira l'année prochaine, si elle ne régresse pas maintenant.


                                                                                                                    23 décembre 1665

            A mon bureau toute la matinée, l'esprit tout à mon travail, rentrai dîner chez moi où arriva ma femme à l'improviste. Mais, voyant que je n'étais point d'humeur à m'attarder ni à bavarder, elle prit une voiture pour descendre à Woolwich, pensant demander à Mrs Barbara de l'accompagner à Londres pour passer la Noël avec elle, et je retournai au bureau. Aujourd'hui on m'apporta quatre énormes dindes, un cadeau de Mr Deane, de Harwich. Le soir ma femme en emporta trois à Londres dans sa voiture. Mrs Barbara ne sera point disponible dans l'immédiat, mais elle viendra voir ma femme la semaine suivante. A mon bureau tard, puis à mon logis et, au lit.


                                                                                                                             24 décembre
                                                                                                                Jour du Seigneur
            Levé tôt. Chez milord le duc d'Albemarle par le fleuve. Parlâmes, fort satisfaits, des affaires du bureau, puis rentrai dîner en compagnie de ma logeuse et de ses filles. Mangeâmes des tourtes et on s'amusa fort de la mésaventure du jeune fils de ma logeuse qui s'était déchiré une des manches de son habit neuf sur toute l'épaisseur du drap, jouant de la malchance la plus étonnante qui soit. Puis à l'église où je m'assis sur le banc du pasteur, sous la chaire, pour entendre chanter Mrs Chamberlain de la rangée voisine. Elle est la fille de sir James Bunce, et on en dit grand bien. Le fait est qu'elle chante à ravir.. A la sortie rencontrai sir William Warren, fîmes quelques pas ensemble parlant en chemin de nos affaires respectives et du moyen de nous enrichir aussi honnêtement que possible. Puis, l'ayant raccompagné presque jusque chez lui, me rendis à pied chez milord Brouncker qui, me dit-on, est allé chez l'échevin Hooker, espérant voir et saluer Mrs Lethieuillier. Je ne la connais que de vue et n'ai point eu l'occasion de lier connaissance, mais c'est une fort belle dame, et ce sot d'échevin l'a obtenue en mariage.  Passâmes un long moment à bavarder en compagnie de sir Theophilus Biddulph et de Mr Vaughan, l'un des gendres de l'échevin Hooker. Puis repartis avec milord Brouncker, chez qui je restai un moment, puis chez moi et, au lit.


                                                                                                                      25 décembre
                                                                                                           Jour de Noël
            A l'église le matin, vis qu'on y célébrait un mariage. Voilà longtemps que je n'en avais vu un. Les jeunes gens paraissaient fort ravis l'un et l'autre.
            Comme il est étrange de constater avec quel plaisir nous autres gens mariés voyons ces pauvres innocents se laisser prendre comme nous au piège, et de remarquer que chaque mari et chaque épouse les contemple en leur souriant. Je revis ma belle Lethieuillier. Puis me rendis chez milord Brouncker où j'étais invité à dîner. Après quoi, à mon logis, m'affairant à mes papiers afin d'y mettre de l'ordre, que ce soit dans mes comptes personnels ou ceux de Tanger. J'ai si longtemps négligé de le faire que, si j'étais mort, nul n'y aurait pu entendre goutte et ne serait jamais parvenu à rien. Dieu fasse que je ne me laisse plus aller à un tel désordre !


                                                                                                                           26 décembre

            Levé et au bureau où nous tînmes réunion avec sir John Mennes et milord Brouncker, afin de mander à tous les capitaines de frégate de la Tamise de nous faire apporter des listes de leurs membres d'équipage, avec dates d'engagement, de débarquement etc., lors de leur dernier voyage en mer. Seul ce jeune et fier impertinent de Seymour, parmi la vingtaine de personnes se tenant nu-tête autour de lui avait gardé son couvre-chef.                                                                                   pinterest.com
            Allâmes ensuite tous trois chez Mr Cottle, où le dîner fut somptueux et bien présenté, dans une fort belle demeure, surmontée d'une tourelle à laquelle on accède par un escalier en colimaçon et d'où on a la plus magnifique vue sur Greenwich, mis à part celle que l'on a du haut de la colline, encore que celle-là soit à certains égards plus jolie. Vis également de belles pages de calligraphie avec des enjolivures de la main de Mr Hoare, le secrétaire de notre hôte. Je le connais d'ailleurs de longue date car il est ami avec Mr Thompson de Westminster. Ces planches racontent la vie de plusieurs évêques de Cantorbéry consignée sur feuille de vélin, destinées à remplacer les anciennes qui ornent les murs de la cathédrale de Cantorbéry et qui sont presque usées.
            Ensuite derechef au bureau, puis chez le capitaine Cocke où on bavarda, puis chez moi étudier mes papiers et, au lit.


                                                                                                                            27 décembre

            Levé et à Londres, avec Cocke, en voiture. Me rendis chez moi voir ma femme. Fâché qu'elle réclame déjà une servante, avant même que la peste n'ait complètement disparu. Mercer est, à ce qu'il paraît, contrariée de n'avoir personne sous ses ordres, mais je me refuse à mettre en danger la maisonnée, en l'accroissant plus tôt qu'il n'est prudent de le faire.
            Vaquai à diverses tâches, en particulier en compagnie de sir William Warren à la Bourse. Dînâmes ensemble, à la Tête du Pape, afin de régler nos comptes de Tanger, ce qui me vaut, pour l'heure, plus de 200 £ .
            Me rendis ensuite chez l'orfèvre, voir où en étaient mes affaires. Je le conviai ensuite chez moi, mais ma femme était partie chez Mercer, si bien que nous prîmes une barque. La nuit étant tombée et le dégel ayant commencé à faire fondre la glace, sans pour autant en venir complètement à bout, le bateau dut en traverser une telle quantité et avec de tels craquements et bruits divers, que je pris grand-peur, aussi forçai le batelier à nous débarquer près de Rotherhithe et on finit à pied avant de nous séparer, sir Warren et moi, devant chez lui. Je rentrai à travers champs à la lueur d'une torche portée par l'un de mes bateliers, tout en lisant ainsi éclairé, car c'était une belle nuit sèche et claire.
            Chez le capitaine Cocke où on discuta un moment des prises de guerre, en particulier avec son conseiller, ce dernier lui ayant rendu de fiers services, car il est dans l'équipage du capitaine Fisher, il se nomme Godderson. Soupai chez Cocke, puis rentrai me coucher satisfait d'apprendre que la peste n'a fait que 152 morts.


                                                                                                                               28 décembre

            Levé, au bureau, dînai seul avec Cocke, l'esprit tout à mes affaires, puis revins chez moi, seul, afin de ne m'occuper que de mes comptes. Ce fut un bon début, puis je fis mon courrier afin qu'il partît ce soir et, au lit.


                                                                                                                                   29 décembre

            Tôt levé et ne sortis point de chez moi de la journée, afin de m'atteler à mes comptes, privés et publics. J'ai pu constater combien il était pernicieux de les avoir si longtemps négligés, car nul autre que moi n'y aurait pu voir clair, et j'y ai moi-même grand-peine. Par chance je suis servi par la régularité de mes actions et de mes dépenses, et j'espère m'y retrouver. Travaillai tard puis, au lit.


                                                                                                                             30 décembre 1665

            Levé et à mon bureau. A midi rentrai dîner et me remis à mes comptes tout l'après-midi. A ma grande joie je constatai que ma fortune se monte à bien plus de 4 000 £. Béni soit le Seigneur ! La cause principale est que j'ai touché 500 £ de bénéfices de la part de Cocke, dans son affaire de prises de guerre et 500 autres reçues en cadeau de Mr Gauden, quand je lui ai payé ses 8 000 £ pour Tanger. A mon bureau écrire des lettres, puis derechef à mes comptes et, au lit, l'esprit fort aise.


                                                                                                                              31 décembre 1665
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            Resté à mon cabinet toute la matinée à mettre au propre mes comptes de Tanger, et ai donc dîner chez moi. L'après-midi chez le duc d'Albemarle, puis revins par le fleuve à mon cabinet. Achevai de mettre mes comptes au clair et songeai à la prochaine tâche qui m'incombe : réfléchir et ordonner mes conclusions sur le métier de commissaire de marine, afin de voir à quelles faiblesses attribuer notre présente situation et comment y porter remède. M'occupa tard puis l'esprit tout occupé à ces réflexions, au lit.
       
    Ainsi s'achève cette année, à ma grande joie :
            Ma fortune est passée de 1 300 à 4 000 £ cette année. Il convient, je crois de mettre l'accroissement de mes gains au compte de ma diligence. J'ai en outre obtenu les postes de trésorier de Tanger et de surintendant des subsistances.
            Il est vrai que la grande peste nous a valu de sombres heures et qu'elle m'a occasionné de lourdes dépenses, telles que l'installation de ma famille à Woolwich, de moi-même et d'une autre partie de ma famille, mes commis, à Greenwich, sans compter une servante restée à Londres. Mais j'espère que le roi nous revaudra quelque dédommagement.
            Maintenant que la peste ne fait presque plus de victimes, j'ai résolu de retourner à Londres au plus tôt, car ma famille, c'est-à-dire ma femme et mes domestiques y sont depuis deux ou trois semaines.
            La guerre contre la Hollande prend fort mauvaise tournure en raison du manque d'argent, et il ne faut guère espérer en obtenir, car une nouvelle loi est venue tout bousculer : c'est une expérience destinée à renflouer l'Echiquier, prévoyant que soient avancés argent et marchandises aux termes de cette loi.
            Jamais ma vie n'a été aussi gaie, outre que je n'ai jamais gagné autant d'argent, qu'en ces temps de peste, grâce à milord Brouncker et au capitaine Cocke qui ont été de bonne compagnie, et à la fréquentation de Mrs Knepp, de Mrs Coleman et son mari, et de Mr Lanier. J'ai organisé chez moi, à mes frais, tant et plus de sauteries, moi-même et ma femme voulions ainsi nous faire plaisir.
            Le grand malheur de l'année, et à vrai dire le seul, a été la disgrâce de milord Sandwich, dont le faux-pas concernant les prises de guerre fut, je crois, la cause de sa défaveur à la Cour. Bien que, à titre de petite compensation, on l'envoie en Espagne comme ambassadeur, ce à quoi il se prépare. Mais c'est le duc d'Albemarle qui prendra la mer avec le prince l'an prochain, tandis qu'on dénigre milord. Il faut avouer que sa faute, en ce qui concerne les prises de guerre, n'est guère excusable, car il a toléré qu'une bande de marauds partent en s'en mettant dans les poches dix fois plus que lui. C'est à juste titre qu'on rejette le blâme sur lui pour tout cela.
            Ma famille, au grand complet, est en bonne santé, ainsi que, à ma connaissance, tous mes amis, hormis ma tante Bell et des enfants de ma cousine Sarah, morts de la peste. Mais bon nombre de gens que je connaissais bien sont morts. Pourtant, à notre grande joie, la ville se repeuple à grand train et les boutiques recommencent à ouvrir.
            Dieu fasse que la peste continue à décroître ! car on assiste au naufrage des affaires publiques, tant que la Cour reste à l'écart du centre des affaires : loin d'elles elle n'y pense plus guère.


                                                                   à suivre............

                                                                     1666

                                                                                                                        1er Janvier 1666
                                                                                                               Jour de l'An
            Réveillé à........