1er Décembre 1665
Ce matin, à mon bureau, bien décidé à y passer toute la journée à travailler. Il fut entendu, entre autre, avec Pointer, qu'il serait mon commis aux subsistances, puis restai seul toute la journée, enfermé dans mon petit cabinet, à rédiger les instructions destinées à mes intendants des ports, chose que j'aurais dû faire depuis longtemps, car sir William Coventry souhaite fort les avoir et aurait été en droit de me les réclamer depuis fort longtemps. M'y attelai derechef après dîner. Dans la soirée eus un long entretien avec Gibson, chargé de Yarmouth, et qui m'a tant éclairé sur le service des subsistances et l'office de commissaire de marine, que j'eus honte de prétendre m'occuper d'une tâche à laquelle j'entends si peu, et en vins à douter de la qualité des instructions que j'avais rédigées. Je les remis donc au lendemain matin afin d'y repenser. Rentrai ensuite chez moi ayant promis à ma femme de faire la fête. On invita donc les voisines, la jeune Miss Tooker et Miss Daniels, à venir danser. Après souper montai me coucher, les laissant à leurs jeux qui les tinrent éveillées jusqu'à deux ou trois heures du matin.
2 décembre
Levé et, après discussion avec ma femme résolue à revenir définitivement à Londres dès aujourd'hui, nous convînmes de donner 10 £ à Mr Sheldon, et deux pièces de huit à Mrs Barbara. La laissai donc rentrer à Woolwich collecter le reste de nos affaires et payer Mr Sheldon, puis me rendis au bureau où j'eus fort à faire, et confiai à Mr Pointer la tâche de mettre au propre mes instructions de la veille au soir. qui, aujourd'hui me satisfont. Mais je trouve piquant d'avoir à ce point été décontenancé par mon entrevue avec Gibson, tant je craignais d'avoir dit des sottises. Mais elles plaisent à Pointer ainsi qu'à Mr Hayter, bien que je craigne encore qu'ils n'agissent que par flatterie, tant je suis conscient de mon ignorance.
A midi dînai avec ma femme, puis pris congé d'elle, car elle retourne s'installer à Londres. Derechef à mon bureaui où je travaillai jusqu'à une heure du matin passai, jour du Seigneur.
<< 3 >> Levé, habillé, puis à l'église, pensant m'asseoir aux côtés de sir James Bunce afin d'entendre chanter sa fille et son mari dont on dit grand bien, mais je ne le pus étant invité à partager le banc du colonel Cleggat. Eus pour voisin Mr Lanier avec qui je pus bavarder, et j'eus aussi la chance de voir, et de très près, ma belle brune gironde de notre paroisse, la femme du riche négociant, une splendeur, ainsi que Mrs Pearse. Bon sermon de Mr Plume, puis chez le capitaine Cocke, avec qui on dîna avec le colonel Wyndham, noble gentilhomme dont l'épouse fut jadis la nourrice de notre actuel roi, et qui, toute sa vie, le gouverna, au dire de Cocke, tout comme un ministre d'Etat, car le vieux roi lui faisant pleinement confiance. Il y fut beaucoup question des affaires de l'Etat et de ceux qui les gèrent.........
Nous dînions quand entra Mrs Owen, une parente de milord Brouncker, venue me demander de décharger un homme de son service, ce qui fut fait. Puis Mrs Pearse vint me parler, Mary, l'ancienne servante de ma femme est désormais placée chez eux, des affaires d'argent de son mari. Elle me dit qu'elle s'était opposée à ce que son mari achetât à son mari toutes les marchandises précieuses, perles et soieries, qu'il avait saisies chez un apothicaire de leurs amis. Elle y était allée, avait ouvert les coffres et tout emporté avant que le capitaine Fisher ne vînt les enlever le lendemain, ce qui le mit hors de lui.
Elle repartit chez elle et je rentrai à mon logis. Le soir, comme il avait été décidé, j'allai la prendre dans la voiture de Cocke. Il vint aussi et on bavarda, croyant que Mrs Coleman viendrait ainsi que mes chanteurs, son mari et Lanier, mais ils me firent faux bond. Nous soupâmes donc aussi gaiement que possible, ma jolie petite Miss à mes côtés. Après souper raccompagnai Pearse à pied et, au lit.Seigneur ! je n'ai pu m'empêcher d'admirer l'esprit de son petit garçon, le plus astucieux et le plus sûr de lui de tous les garçons de neuf ans ou moins que j'aie jamais connus, voire de ceux de deux fois son âge ou presque. Tout est rouerie et malice.
4 décembre
Plusieurs personnes me vinrent trouver pour affaires, dont le capitaine Taylor nommé garde-magasin à Harwich, que j'acceptai d'assister dans ses nouvelles fonctions, en lui prêtant de l'argent. Lui parti, me rendis à Londres, par le fleuve, puis à la Bourse pour diverses démarches. Après être allé regarder, Dieu me pardonne ! une ou deux hermosa moher de mes voisines revenues habiter en ville, ce qui fit grand plaisir, rentrai chez moi, près du bureau, où ma femme m'avait fait préparer à dîner. Quelle joie de nous retrouver ici, Dieu en soit remercié ! Il y avait aussi son frère, venu la voir et m'entretenir de ses affaires. Il semble que ma recommandation ne lui ait point seulement valu d'être immédiatement pris dans la garde du duc d'Albemarle et d'être à sa solde, mais aussi, sur décision du duc et de sir Philip Howard, d'avoir obtenu d'être considéré comme le bras droit du duc, entre autres marques de respect..
Voilà qui me réjouit, d'une part pour lui, et d'autre part de voir que mes recommandations sont de quelque poids, mais j'espère qu'il saura se montrer à la hauteur de manière à m'éviter toute disgrâce.
A la Bourse, puis dans la soirée ressortis pour diverses affaires, et allai voir le capitaine Cocke qui attendait Mrs Pearse, dont il est fort entiché, afin de recevoir d'elle les précieuses marchandises qu'elle avait, l'autre jour, réussi à préserver de la saisie, et de les mettre en sûreté chez lui.
A la Bourse, aujourd'hui, Colvill de retour d'Oxford m'apprend que le roi en personne a rendu justice à milord Sandwich, autant qu'i est possible, et qu'il a toute sa faveur.
Rentrai chez moi tard, par le fleuve, emportant une bourriche d'huîtres, puis à Greenwich où je suis resté chez Madame Penington, con laquelle je faisais presque tout ce que je voudrais, con mi mano, sino tocar la chose même, et je n'en n'étais pas loin. Je la fis se décoiffer et rester cheveux en désordre toute la nui, et elle s'ébattit avec moi jusqu'à deux heures du matin, puis revins chez moi, presque las de tant de plaisirs et, au lit.
< Je me sens tout gonflé de vent, sûrement d'être resté trop longtemps à jeun ce matin, ce qui me fait craindre des coliques. >
5 décembre
Levé et au bureau où plusieurs affaires m'occupèrent toute la matinée. A midi, à jeün, mais sans guère d'appétit, allai dîner car hier j'avais attrapé mal en ne mangeant point, ce qui m'avait valu des vents. L'après-midi, par le fleuve, allai voir Mr Stephens qui a les pires ennuis avec les matelots à Deptford, dont il doit payer les billets de solde. Puis à Londres trouver le capitaine Kingdon que nous trouvâmes chez lui vers 5 heures. Je lui fis ma cour et il nous promit de nous rejoindre sur le champ au bureau de la Compagnie des Indes orientales où il signerait le soir même les papiers permettant que me soit versé l'argent destiné à Tanger. On s'y rendit donc, après avoir empêché les officiers de garde de fermer les portes. On l'attendit plus d'une heure. Je l'envoyai chercher. Il arriva. On le trouva, non point chez lui, mais au-dehors occupé par quelque affaire, avec un papier, et nous raconte qu'il a passé cette heure à essayer de retrouver l'ordre de paiement de milord Ashley. Au moment où il va le chercher, il s'aperçoit que ce n'est point le bon, et fait mine de repartir le chercher, nous faisant ainsi attendre jusqu'à près de huit heures du soir, heure à laquelle il me fallait songer à m'en retourner chez moi par le fleuve, étant donné le sale temps et la nuit, écrire des lettres devant partir par la poste, outre que nous retenions indûment les officiers du bureau de la Compagnie des Indes orientales.
Derechef, je l'envoyai chercher. Le voici enfin, prétendant qu'il ne trouve point ce papier, ce qui est un peu fort quand on sait qu'il ne s'agit rien moins que d'ordres de paiement, pour une valeur de
100 000 £. Je me mis en colère et il me rétorqua que je ferais mieux de laisser les gens en paix la nuit, car c'est le jour qu'on travaille. Je lui répondis alors que, comme tout honnête homme, je ne faisais guère de différence entre la nuit et le jour lorsqu'il s'agissait de travailler au service du roi, qu'il n'en allait jamais autrement, et que milord Ashley méritait d'être mis au fait Il me fit une réponse sèche, et lui dis que je me souvenais d'un temps, je faisais allusion à l'époque du Parlement croupion, où il avait su se montrer plus diligent au service d'autrui. Il s'écria : " Non, ne dîtes point cela ", puis se tut et ne dit plus un mot. Nous réglâmes notre affaire, sans l'ordre de paiement, en moins de dix minutes, alors qu'il m'avait fait patienter plus de deux heures, en vain. Ce qui me rendit fou furieux. Nous échangeâmes des billets et j'en reçus pour la valeur de 14 000 £ à tirer sur la trésorerie de la Compagnie. Repartis par le fleuve à Greenwich, écrivis mes lettres puis, tard chez moi et, au lit.
6 décembre
Levé tôt aujourd'hui étant jour de jeûne. Par le fleuve chez le duc d'Albemarle, rentré hier soir d'Oxford, fort allègre, plein d'amabilités pour moi et prompt à me demander conseil en tout. A ma grande surprise il m'apprit que milord Sandwich part prochainement en Espagne où il est nommé ambassadeur, bien que j'en connaisse point le pourquoi, je m'en réjouis de tout coeur.
Il me donna plusieurs directives, puis retour chez moi par le fleuve, après être passé à l'église croyant trouver Mrs Pearse, afin de lui parler de notre réunion de ce soir. Comme elle n'y était point, chez moi, dîner puis, comme prévu, arriva ma femme.
L'après-midi me mis à cette chanson dans laquelle Soliman s'adresse à Roxelan et dont j'ai mis les paroles en musique. Après cela, ma femme, moi et Mercer, sommes allés à pied chez Mrs Pearse, où étaient réunis le capitaine Rolt, Mrs Knepp, Mr Colema, et sa femme, Lanier, Mrs Worship ainsi que sa fille qui sait chanter. Puis arrive peu après Mr Pearse, d'Oxford, à l'improviste. Il y avait là la meilleure compagnie d'amateurs de musique où je me sois jamais trouvé, à tel point que j'aurais voulu y vivre jusqu'à ma dernière heure, tant pour la musique que pour le minois de Mrs Pearse, de ma femme et de la Knepp, ma foi assez jolie mais dotée de l'humeur la plus extravagante qui soit et d'une voix admirable ensemble. Et j'ai passé la nuit à demi extasié.
Après les avoir invités à venir chez moi le lendemain ou le surlendemain, nous prîmes congé. Pearse m'a appris qu'il avait entendu dire que le roi avait pleinement rendu justice à milord Sandwich, en se montrant des plus reconnaissants envers lui en public, aussi fréquemment que l'occasion se présentait, ceci afin de dissiper toute méchante pensée, et me dit qu'il doit partir comme ambassadeur. Que le duc d'York est fait général de toutes les forces armées de terre et de mer, et le duc d'Albemarle lieutenant général. Qu'il n'est point en mesure de confirmer ces deux dernières promotions, mais qu'il l'a entendu dire. Quant à milord, il a toutes les faveurs du roi. Chacun rentra et, au lit.
shutterstock.com 7 décembre 1665
Levé et à mon bureau, fort occupé toute la journée. J'apprends par lettre de sir George Carteret, que milord Sandwich, comme on me l'avait dit, est nommé ambassadeur extraordinaire en Espagne où il doit se rendre en toute diligence, et que ses ennemis lui ont ainsi valu le plus grand bien qui soit.
Le midi dînai tard, puis passai la soirée à discourir avec Mr Gibson et Mr Hayter, afin de m'informer davantage du métier de commissaire de marine et des améliorations à y apporter. Puis à mon bureau jusqu'à minuit, à faire mon courier. Chez moi puis, après avoir soupé avec ma femme, vers une heure du matin, au lit.
8 décembre
Levé, l'esprit fort satisfait au sujet de milord Sandwich, j'en saurai bientôt davantage par sir George Carteret. Je me réjouis aussi de ce que les navires hambourgeois, après maintes difficultés, ont pu finalement prendre la mer. Dieu leur soit propice ! Une fois rasé me rendis par le fleuve au bureau de la Marine à Londres afin de dire à ma servante d'acheter des victuailles et de les envoyer à Greenwich en prévision du souper de ce soir. Allai aussi acheter diverses choses, des huîtres, des citrons ( 6 pence la pièce ) et des oranges ) 3 pence. Ensuite me rendis à la Bourse, entre autres, mais surtout en vue de toucher mon argent pour Tanger. Allai, sur rendez-vous, trouver Mr Gauden. Allâmes ensemble à la taverne de la Tête du Pape, où il m'offrit un fort bon dîner en tête à tête.
Parlâmes de ses affaires, de ses besoins d'argent et autres choses sur lesquelles il fallait nous entendre avant de rencontrer le duc d'Albemarle et sir George Carteret cet après-midi. Sur quoi j'offris de lui verser les 4 000 £ restantes sur les 8 000 dues pour Tanger. Ce qu'il accepta avec une vive reconnaissance, me priant spontanément de ne lui donner que 3 500 £ et de garder les 500 autres pour moi. Ce que, en toute honnêteté, je ne pus décemment accepter, n'espérant guère plus de 100 £. Quoi qu'il en soit il insista, me disant qu'il m'était fort obligé. J'avoue qu'il a toute mon affection, et la mérite.
La chose me satisfait fort, bien que remise à plus tard, lorsque nous aurons davantage le temps de la régler car, vu l'importance de la somme, je craignais être victime de quelque accident entraînant la mort ou quelque autre fâcheuse conséquence et je n'avais point alors le temps de modifier les documents. On se leva donc et, par le fleuve, à Whitehall où nous trouvâmes sir George Carteret et le duc, ainsi que sir George Downing que je n'avais point vu depuis de longues années. Il me salua fort chaleureusement, et moi de même, bien que je sois contrarié qu'on dise qu'il ait été autrefois mon maître, et il n'y manquera point. Parlâmes de nos affaires de la Marine, en particulier d'argent, que cette nouvelle loi ne nous permet guère d'obtenir, car des orfèvres préseents, auxquels s'était joint l'échevin Backwelle récemment rentré de Flandre, aucun ne nous en propose..
La séance fut donc levée sans que nous n'ayons rien pu faire, après que j'eus présenté le dossier de l'entrepreneur des subsistances. A savoir qu'entre les 80 000 £ qui lui sont dues au titre de l'exercice de l'année précédente et les frais de cette année, qui se montent à 42 000 £ et quelques, il faudra lui payer 150 000 £ d'ici à la fin du mois de janvier, et le reste en paiements hebdomadaires étalés sur 40 semaines, faute de quoi il sera en faillite.
Eus ensuite l'occasion de bavarder quelque peu avec sir George Carteret qui, bien qu'il se dise satisfait de la nomination de milord au poste d'ambassadeur qui, selon lui, est le plus bel avantage que ses ennemis aient pu lui valoir, n'est point à mon avis transporté de joie à cette nouvelle, et ajoute que les amis de milord n'avaient point la chose à dessein, que seuls ses ennemis ont prévalu et que, selon toute probabilité, le prince d'Albemarle et le prince Rupert prendront la mer ensemble l'an prochain. Je prie le ciel pour que, une fois milord parti, ils ne malmènent point trop le vice-chambellan, désormais seul à un poste envié, encore qu'avec les nouvelles lois et les nouvelles mesures qu'on nous prépare en matière de financement, la charge perde tout son attrait financier, et on n'en parlera plus.
Descendis ensuite à Greenwich, par le fleuve, où tous mes invités, à ce que je vois, sont arrivés. Il y a Mrs Knepp accompagnée de son mari, triste personnage à l'air malingre et aux regards soupçonneux et qui n'a point desserré les dents de la soirée, Pearse et sa femme, ainsi que Rolt, Mrs Worship et sa fille, Coleman et sa femme, et Lanier. Enfin, comble de notre gaieté, Mr Hill nous fit une visite imprévue, étant de passage en ville. Nous eûmes de l'excellente musique, tant et plus, ainsi qu'un bon souper où l'on dansa, et un plaisant impromptu où Mrs Knepp se leva de table avec la nausée, mais me dit dans le creux de l'oreille que c'était à cause d'une mauvaise parole que son mari avait eue pour elle à l'instant, puis elle éclata de rire et fut plus gaie que jamais. Nous la fîmes retrouver sa belle humeur.
Ce fut, jusqu'à deux heures du matin, l a soirée la plus réjouissante que j'aie passée. Ma joie étant accrue par la belle besogne que je fis ce jour avec Mr Gauden. Puis on prit congé et nous allâmes au lit, Mr Hill et moi, j'ai pour lui de plus en plus d'amitié, tout comme lui pour nous.
9 décembre
Eus de bonne heure la visite de milord Brouncker rentré hier soir à Londres de sa longue mission en mer, à Erith. Il était venu me prendre pour que je l'accompagne, dans sa voiture, chez le duc d'Albemarle, ce que je fis. Parlâmes du mauvais tour que prennent les choses du fait du manque d'argent. Chez le duc expédiâmes quelques afffaires, et m'est avis que milord vit d'un mauvais oeil le duc et tous les autres s'adresser à moi et rechercher mon conseil. Parfois également avec sir George Carteret des affaires du bureau, mais il n'y a point d'argent en vue. Milord et moi restâmes dîner chez le duc, après le départ du vice-chambellan.
A table, la duchesse, ma foi diablement laide, déplorant le départ en mer de son mari l'an prochain, eut ce mot détestable : " Mon mari, eût-il été un lâche, ne serait peut-être plus parti en mer, peut-être alors l'aurait-on excusé, et fait ambassadeur. " Allusion à milord Sandwich. A ces mots je perdis contenance et elle me vit, je crois, changer de couleur, puis rougir elle-même violemment. J'espérais que personne n'aurait relevé ces " qu. Mais, une fois dehors, milord Brouncker me confia son déplaisir d'avoir entendu de telles paroles.
Après dîner on repartit par le fleuve, après avoir fait nos adieux à sir George Carteret qui passait par Whitehall. Traversai le fleuve pour rejoindre Lambeth puis, en voiture, chez moi, puis à mon bureau où j'écrivis des lettres tard.
Après retrouvai Mr Hill chez moi. Avons chanté, entre autres, ma chanson : " Beauté, revenez ", qui lui plaît fort, mises à part deux notes dans la voix de basse qu'il trouve contestables, mais l'ensemble lui plaît. Ensuite, tard, au lit.
10 décembre
passeportsante.net/fr Jour du Seigneur
Restâmes couchés, Hill et moi, à bavarder plaisamment au lit, puis debout. Une fois prêts, à pied chez Cocke, aux nouvelles, mais il n'y en avait point. Ils voulurent seulement nous retenir à dîner et envoyèrent chercher ma femme qui arriva, et nous fîmes bonne chère. Il y avait aussi sir Edmund Pooley et Mr Evelyn. Mr Andrews, que nous avions envoyée chercher à Bow, arriva avant que nous ayons commencé puis, après le dîner, rentrâmes à la maison où on chanta diverses choses, mais sans grand plaisir, car Mr Andrews, dont la femme va être en couches d'un moment à l'autre, était fort pressé de rentrer chez lui. Lui parti, Hill et moi reprîmes notre musique et jouâmes un morceau après un autre, fort tard, jusqu'au souper puis, au lit, fort satisfaits.
11 décembre
Resté tard au lit à deviser plaisamment. Puis, ayant pris congé de lui, à la Bourse, à Londres. Après avoir parlé affaires avec diverses personnes, allai retrouver Mr Gauden à la Tête du Pape où il avait fait venir Mr Lewis et Tom Wilson afin de parler des subsistances et de la dégradation du métier de commissaire de marine, car il faut à la fois consolider le service du roi, tout en donnant aux commissaires de quoi vivre. Après dîner pris Gauden à part et, à ma grande satisfaction, pus conclure mon affaire avec lui, où il se montra homme de parole, car il apporta sa signature pour les 4 000 £ , mais ne voulut accepter de moi qu'un billet pour la valeur de 3 500 £ C'est une grande bénédiction, puisse le Seigneur m'en rendre très reconnaissant ! Restai avec lui jusqu'à la nui, à commettre par écrit nos observations sur les subsistances.
Pris congé et me rendis chez Vyner où l'on apura nos comptes, et je reçus mes billets à ordre, si bien qu'à ce jour tout est en ordre entre nous. Fis de même avec Colvill à qui j'ai réglé plusieurs factures que je lui devais sur les comptes de Tanger. Puis, tard, vis Cocke et Temple à la Tête du Pape. Parlai longuement avec Temple qui me dit que sur les 80 000 £ avancées par la Compagnie des Indes orientales, 45 000 ont déjà été dépensées. I s'étendit sur la quantité d'argent frappé, sur l'encaisse effective dont on peut supposer que le royaume dispose, et m'apprit également, bel exemple de parcimonie avec laquelle on gère les affaires du roi, que les droits et les intérêts que verse le roi au titre des sommes qu'il a empruntées lui coûtent 35 000 £, en attendant que le nouveau procédé de frappe de la monnaie fut mis au point. Il me dit en plaisantant que cette nouvelle monnaie ne serait bonne qu'à venir en aide au souverain car, s'il parvient à insérer secrètement du cuivre entre les feuilles d'argent, personne ne s'en apercevra jamais, du moins de son vivant.
Ensuite, Cocke et moi, allâmes chacun chez soi par le fleuve. Soupai avec Mr Hill et ma femme, puis avons bavardé et chanté jusqu'à minuit et, au lit.
< Afin de m'en souvenir dans le plus grand détail, j'ai jugé bon d'insérer ici, pour mémoire, ce que me confia Temple, dont j'ai noté les paroles de sa bouche même.
Avant que les écus frappés d'une harpe et d'une croix cessent d'avoir cours, il se livra, avec ses collègues orfèvres, à diverses évaluations afin de connaître la valeur de cette nouvelle monnaie par rapport à l'ancienne mnaie royales. Et il s'avéra que, l'un dans l'autre, selon leurs observations, il y avait 25 £ d'argent là où avant on en comptait 100.
Quand cette monnaie fut retirée, on en fit rentrer pour 650 000 livres à la Tour, d'où il s'ensuit que l'encaisse globale dont dispose le pays s'élève à 16 250 000 £, au bas mot, mais vraisemblablement
en dépit de ces calculs, il y a, en fait, plus de 30 millions de livres, car il soupçonne que lorsque le roi fit retirer l'ancienne monnaie de la circulation, date à laquelle il entreprit d'étudier la masse monétaire représentée par la nouvelle monnaie, les gens commencèrent à craindre que cet argent perde toute sa valeur, et s'empressèrent donc de la débourser et de la mettre en circulation aussi vite que possible, afin d'en être débarrassés. Selon lui 30 millions est le chiffre le plus probable, car si ce n'était pas 16 250 000 £ le roi, qui reçoit 2 millions chaque année, aurait en huit ans tout l'argent du royaume à sa disposition.
Il me dit qu'on avait frappé 350 000 livres sterling avec la monnaie française provenant de la vente de Dunkerque, si bien qu'en comptant l'ancienne monnaie qu'on a utilisée, on a battu de la nouvelle monnaie pour une valeur d'environ un million, outre l'or estimé à 500 000 £. Il ajoute que bien que le roi ait songé à mettre la monnaie française en gage, pour 350 000 $, il fut contraint cependant d'emprunter, tant que les outils qui permettaient la nouvelle frappe n'étaient point prêts. Les intérêts qu'il eût à verser pour cette période se montèrent à 35 000 £, car Vyner, à sa connaissance, touche 10 000 £ sur 100 000 qu'il prête. >
12 décembre
Levé et à mon bureau où milord Brouncker vint me trouver. Conclus, entre autres, un contrat avec Cocke pour la fourniture de chanvre qui, j'espère le convaincra de me payer maintenant l'argent qu'il me doit. A midi dînai chez moi, mais ne pris qu'une bouchée et fis mes adieux les plus chaleureux à Mr Hill qui s'en va aujourd'hui. Puis par le fleuve, après avoir traversé le Pont pour arriver à temps pour la marée, me rendis à Charing Cross, chez sir George Downing, sur rendez-vous.
Ce qu'il me dit, dans le détail, des vertus et de l'efficacité de la nouvelle loi me plut d'emblée. Il faut avouer que ce qu'il m'en dit est dix fois mieux que tout ce qu'à mon sens on aurait pu en dire. Mais quand il en vint à me laisser entendre que je devais tout bonnement user de mon crédit pour trouver des fournisseurs et leur prêter de l'argent en conséquence, car nul autre n'y réussirait mieux que moi, et le roi m'en saurait tout particulièrement gré, et que je ne pus le convaincre de me dispenser de ce service, mais qu'il fallut que je vienne le voir samedi, quoique inutilement, et qu'il ne doutait point que je lui apporterais quelque affaire conclue grâce à cette loi, voilà qui me fâcha au point de m'ôter tout le plaisir que j'avais éprouvé, car je devine qu'il m'importunera sans cesse, si je le laisse disposer de mon temps à sa guise. Pris congé de lui, tard, et revins à mon bureau dans le froid qui semble être arrivé pour de bon. Quand mon courrier fut écrit, chez moi, souper et, au lit. Ma femme est aussi repartie à Londres.
13 décembre
Levé de grand matin, rédigeai mon journal pour les cinq derniers jours. Une fois prêt chez milord Brouncker, sur rendez-vous, afin de convenir de la manière dont nous allions disposer des sommes que le bureau vient de recevoir. A ma vive satisfaction j'ai obtenu un billet d'avance de fonds de la part de Cocke, afin de me payer en partie les sommes qui me reviennent de sa part, ce qui réjouira milord Sandwich, tout comme moi, puis une ou deux autres sommes qu'on me doit. Sur ce me rendis chez Mr Pearse qui, avec sa femme, m'invita à boire du thé. Puis nous allâmes tous deux à Londres, par le fleuve, où, dans une taverne de Cornhill, tombâmes d'accord sur le fait que je cèderais une lettre de change du capitaine Cocke, qu'il m'avait donnée précisément pour que Pearse en eût l'usage, ce qui règle nos affaires de prises de guerre.
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Après cela à la Bourse où j'appris cette mauvaise nouvelle, qui m'afflige fort ainsi que tout le monde : il y a eu une recrudescence de la peste cette semaine, nonobstant les fortes gelées qui ont duré un ou deux jours. On espère que c'est seulement à cause du radoucissement de la température et du temps lourd de ces derniers jours, et que si les gelées persistent la semaine prochaine, l'épidémie décroîtra à nouveau d'ici une semaine. Mais il faut dire que la ville se repeuple d'une population si dense, qu'il ne faudrait point s'étonner de voir la peste causer de plus grands ravages parmi nous.
Puis chez le shérif Hooker, connu pour tenir des tables les plus médiocres, les plus misérables, les plus sales qui soient, et qui vit dans la maison la plus sale où, à ma connaissance, ait jamais vécu un shérif de Londres. L'homme est d'ailleurs, je crois, sot et sans qualités, si ce n'est qu'il est riche. J'apprécie, par contre, son fils, Mr Lethieullier, marchand fort courtois et avisé, et ceci d'autant plus qu'il se trouve être le mari de cette bonne dame gironde et généreuse de notre paroisse, que moi et ma femme admirons tant. Puis allâmes à la taverne de la Tête du Parc, où vîmes d'abord le capitaine Cocke, avec qui j'eus la satisfaction de régler toutes mes affaires, car il était tout disposé à me signer son billet d'avance de fonds de 2 000 £, et à me le donner en paiement partiel de ce qu'il me doit, ce qui me réjouit le coeur. Après son départ arriva Mr Warren qui avisa avec moi de diverses manières de me procurer de l'argent et me parla des 100 £ qu'il doit bientôt me donner. Nous optâmes pour une affaire d'assurance, où lui pourrait trouver quelque avantage et moi quelque bénéfice. Et on se rendit en voiture, de nuit, au Cockpit, tenter d'obtenir l'aval du duc d'Albemarle, concernant ce projet d'assurer nos marchandises de la Baltique transportées en Angleterre sous l'escorte de Harman. Mais il ne voulut point s'engager sans en aviser le duc d'York.
Nous repartîmes donc et, passant chez moi voir ma femme, qui va bien, mais je crains fort que notre pauvre petite paroisse n'ait les chiffres les plus élevés de la Cité intra-muros pour cette semaine, car nous comptons six morts contre un la semaine passée. Par le fleuve à Greenwich, après avoir déposé sir William Warren chez lui et être allé aussitôt après chez milord Brouncker, car il était tard. Avons fini par trouver quoi assurer et faire venir sir William Warren à notre bureau le lendemain matin, à ce sujet. Rentrai l'esprit fort apaisé et, au lit.
14 décembre 1665
Levé, au bureau un moment avec milord Brouncker, dont nous avons réglé quelques affaires et donné les consignes à sir William dans notre projet d'assurance, comme je l'entendais.
A Londres à midi, mais à la Bourse la séance était déjà terminée avant mon arrivée. A la taverne de la Tête du Pape je retrouve Mr Gauden; le capitaine Beckford et Nicolas Osborne qui s'y rendaient pour dîner, si bien que j'ai dîné avec eux, et le plus joyeusement du monde, ce qui ne m'était point arrivé depuis longtemps. Le dîner terminé me rendis au bureau de la Compagnie des Indes orientales où j'apprends que Temple devait me payer les 2 000 que me devait le capitaine Cocke, ce qui me réjouit le coeur.
Après avoir rendu visite à ma femme en chemin, rentrai à Greenwich par le fleuve, puis écrivis mes lettres et, au lit.
15 décembre
Levé, passai toute la matinée auprès de mes intendants des ports pour les approvisionnements et je leur fis lecture des instruction que j'avais rédigées à leur intention. Avons longuement discuté de nos affaires et du métier de commissaire. Les laissai aux soins de mes gens, pour le dîner, et me rendis chez milord Brouncker, chez qui je fis bombance, en compagnie de sir Thoma Teddeman, avec qui milord et moi devions parler du passage de Will Howe devant les tribunaux au sujet de ses pierres précieuses, ce qui nous occupa presque jusqu'à la tombée du jour. En chemin pour le bureau rencontrai sir James Bunce qui, après m'avoir demandé des nouvelles, s'écria, était-il sérieux ou non, je l'ignore :
" - Pour sûr, dit-il, les temps vous sont propices, à vous qui étiez jadis du parti d'Oliver. Les emplois ne manquent point, tandis que pour nous autres pauvres Cavaliers, nous restons là, désoeuvrés, sans pouvoir rien trouver. "
Un reproche cinglant, me dis-je, auquel je me gardai pourtant de faire la moindre réponse, craignant d'envenimer les choses. Pris congé et allai visiter Mrs Penington chez qui, comme elle attendait des invités, je ne restai point. Au bureau quelque temps, puis chez moi et, après avoir souper, au lit.
à suivre...........
16 décembre 1665
Levé, nous..................