Affichage des articles dont le libellé est 142 Samuel Pepys ( Journal Angleterre ). Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est 142 Samuel Pepys ( Journal Angleterre ). Afficher tous les articles

mardi 22 juin 2021

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 142 Samuel Pepys ( Jourrnal Angleterre )

 leparisien.fr






                                                                                                            1er Juin 1665

            Levé. Travaillé à mon bureau toute la matinée. A midi à la Bourse, vaqué à mes affaires, rentré dîner chez moi rejoint par Creed puis me vêtis de mon habit de camelot de soie, ma foi le plus bel habit que j'aie jamais porté et qui m'a d'ailleurs coûté plus de 24 £. Ainsi vêtu me rendis à la maison des Orfèvres, à l'enterrement de sir Thomas Vyner. Il y avait là tant de monde, comme dans la maison des merciers, que nous dûmes, pour avoir un peu d'aise et de fraîcheur aller jusqu'à Paternoster Row, choisir de la soie pour me confectionner un costume de ville tout simple. Sur ce, à pied, à Cornhill et là chez Mr Cade, nous nous sommes mis au balcon pour voir passer le cortège funèbre, les orphelins en bleu et les vieillards, ainsi que les échevins au grand complet, le lord-maire et une très nombreuse assistance, la plus grande que j'aie jamais vue se rendre dans une taverne. Fûmes rejoints sur le balcon par le Dr Allen, puis Mr Povey et Mr Fox. Le défilé terminé ainsi que mon entrevue avec Mr Povey, je pris une voiture pour la Grand-Salle. Cueillis là la plus jolie fleur, puis en voiture à Tothill Fields pour prendre l'air jusqu'à la nuit. Avons mis pied à terre, puis la jolie fleur et moi allâmes manger un gâteau, et je pris avec elle autant de plaisir que je jugeai prudent de le faire et suffisamment en ce qui me concerne. Après nos ébats, partîmes sans qu'on nous vît. Puis, ayant reconduit la rose là où il fallait, j'allai au Temple, où je descendis, descendis jusqu'à la porte centrale et de là pris une seconde voiture pour rentrer, écrire des lettres mais, Dieu m'est témoin, n'en écrivis guère, étant d'humeur fort oublieuse, distrait par mon plaisir. Mais le cocher qui nous a conduits ne pourra point me reconnaître, ni les gens de la maison où nous sommes allés.
            Chez moi au lit. Avons appris de source certaine que notre flotte est en vue des vaisseaux hollandais.


                                                                                                                      2 juin

            L'esprit inquiet suis resté longtemps au lit préoccupé par mon affaire de ravitaillement pour Tanger qui, je le crains, va échouer.
            Levé, puis chez le duc d'Albemarle, mais ne le vis pas. De là à la taverne de la Harpe et la Balle puis au palais de Westminster faire la tournée des fleurs qui s'y trouvaient. Vis Mr Creed, allâmes boire chez Mrs Croft, mais ne vis point sa fille, la Burrows. Rentrai dîner chez moi où je vaquai à mes occupations. L'après-midi sortis muni de mes tailles et obtins un règlement équitable avec Colvill et Vyner, ayant remis à chacun 5 000 livres en tailles et obtenu le plus simplement du monde 2 000 £ de crédit contre d'autres tailles de Mr Colvill ainsi que de lui et Mr Vyner la promesse d'en recevoir davantage. Puis me rendis auprès du duc d'Albemarle, puis auprès de milady Sandwich et de milord Crew.
            Rentrai chez moi où je trouvai un pli urgent de sir William Batten, de Harwich, me disant que la flotte venait de quitter Solebay, ayant repéré la flotte hollandaise au large, ajoutant : " que si le calme plat ne les avait pas retardés, ils devraient être à présent en train de livrer bataille. "
            Une seconde missive me parvint également de Mr Hayter, écroué cet après-midi à la prison de Gatehouse sur ordre du Conseil privé, pour avoir reçu de la poudre qu'il avait achetée, ayant eu la malchance de voir son nom utilisé, malgré lui et à son insu. Me rendis à la Cour à propos de ces deux lettres. S'agissant de la première fus conduit aux appartements de milady Castlemaine où le roi, elle et d'autres étaient attablés. Leur lus ma lettre et partis. 
            Allai voir sir George Carteret au sujet de Hayter que je ferai libérer demain, me portant garant de sa comparution. Sir George Carteret se rendit tout exprès auprès du roi pour lui faire cette requête, qui fut accordée. Chez moi à minuit passée, près d'une heure. A mon bureau jusqu'à plus de deux heures, puis rentrai, souper et, au lit.


                                                                                                                   3 juin

            Levé et à Whitehall. Sir George Carteret m'accompagna chez le secrétaire Morris qu'il persuada de relaxer Mr Hayter, à condition qu'on se portât garant de sa comparution. Ne sachant qui trouver d'autre que moi, je fis venir Mr Hunt qui attendit patiemment avec moi toute la matinée dans l'antichambre du secrétaire Morris, tandis qu'on avait envoyé chercher Mr Hayter accompagné de son gardien. A midi arriva le secrétaire, les cautions furent signées, à concurrence de 200 £ pour lui et de 100 £ pour Mr Hunt et moi, moyennant quoi il comparaîtrait sur requête. Il fut alors relâché et dû payer, je crois, plus de 3 £.
            Rentrai chez moi, mécontent d'avoir dû m'absenter de mon bureau toute la matinée, ce qui ne m'était pas arrivé depuis des mois, voire des années. Rentrai dîner, à mon bureau tout l'après-midi, jusqu'à une heure tardive. Fis force besogne, puis rentrai, souper et, au lit.
               Tous les habitants des bords de la Tamise et environs ont entendu tonner le canon toute la journée. Nos deux flottes ayant à présent, très certainement engagé le combat. Ce qui a été confirmé par lettres de Harwich, mais sans plus de détails. Nous sommes sincèrement inquiets pour le Duc et moi, tout particulièrement, pour milord Sandwich et Mr Coventry, après son Altesse Royale.


                                                                                                                     4 juin
                                                                                                           Dimanche
            Levé. Restai dans mon cabinet tout le matin à équilibrer mes comptes, ce que je n'ai pu faire plus tôt, depuis le mois dernier. Dieu en soit loué ! ma fortune s'élève à environ 1 400 £, plus que jamais
A midi dînai fort bien, puis à mon bureau, puis dans le parc. Parlai affaires avec plusieurs personnes, entre autres Mr Howell, le tourneur, qui me fit un compte rendu si édifiant des pratiques du payeur, John Fenn, que je crus bon m'en ressouvenir après son départ et en pris bonne note afin qu'elles ne fussent jamais oubliées. 
            Revins à mon cabinet préparer mes comptes de Tanger et autres, en prévision du lendemain. A ma grande joie achevai ce travail et allai souper d'une bonne volaille et d'une tanaisie et, au lit. 
            Avons appris que notre flotte avait pris le Hollandais en chasse, lequel, est-ce feinte ou défaite ? cède le pas, mais on n'en sait guère davantage avec certitude. Au lit, très tard, après avoir tout réglé.


                                                                                                                       5 juin 1665
                                                                                                                              leblogdecata.com     
            Levé fort matin afin de revoir d'autres papiers, puis à Whitehall à une séance de la commission de Tanger, où je soumis mes comptes auxquels il fut fait accueil. En retirai même quelques compliments et quelque honneur, sans compter un ou deux avantages, à ma grande satisfaction, dans mon affaire de Tanger. Mais je vois clairement que nous allons perdre notre affaire de subsistance. Sir Thomas Ingram a en effet décidé d'en confier la charge à des personnes se trouvant sur place, pour aussi bon marché qu'ici, tout en versant aux marins la totalité de leur solde, ce qui nous donne pleinement l'assurance de voir le contrat honoré. On ne saurait refuser de tels termes. Je suis sans inquiétude puisque j'envisage, par ailleurs, au cas où ce projet viendrait à échouer, quelque autre manière d'occuper mon temps de façon lucrative. Je m'en remets donc pour tout au bon plaisir de Dieu tout-puissant.
            Dînai chez moi, après la Bourse où on entendit dire de toutes parts que les Hollandais sont en déroute, et que nous les poursuivons. On raconte que notre Charity est perdu. Notre capitaine, Wilkinson, et son lieutenant s'étant rendus. Mais la nouvelle est sans garantie, étant colportée par certains matelots du Charity, malades, placés à bord d'un canot à la dérive, puis retrouvés et ramenés à terre hier à Solebay. L'information ensuite rapportée par sir Henry Felton.
            Rentrai dîner avec Creed. Descendîmes ensuite à Deptford, traitâmes quelques affaires, revînmes le soir, lui chez lui et moi à mon bureau. Puis souper et, au lit.
            Eus ce matin une grande conversation avec milord Berkeley au sujet de Mr Hayter, envers qui celui-ci est animé d'un furieux ressentiment, car il voit en lui un fanatique et me prévient du danger qu'il y a à l'employer. Je parvins à l'apaiser complètement et le fis s'excuser auprès de moi pour les pensées qu'il avait eues à son sujet, puis l'amenai à désirer que je demandasse à Hayter de lui pardonner les paroles injurieuses qu'il avait eues à son endroit l'autre jour en tête à tête à Whitehall, à savoir qu'il avait toujours vu en lui un homme qui n'était pas l'ami sincère du roi, mais qu'il était loin de songer que son inimitié se manifesterait de la sorte. Je lui conseillai donc de le déclarer innocent auprès du Conseil et de prier pour qu'il soit interrogé et sa conduite justifiée, à quoi je m'avisai de ne rien ajouter. Mais je me souvins d'un compliment qu'il m'avait fait une fois dans sa grande bonté, louant mon soin et ma diligence, me témoignant son affection sincère et, en outre, m'assurant qu'il me suivait en tous points dans mon affection pour Mr Coventry car, bien que le monde les prît pour les pires ennemis et dans les pires termes qu'on puisse imaginer, il lui vouait pourtant une franche amitié, ce qui revient à me faire, d'une singulière manière, un compliment fort noble, voyant en moi l'un des confidents et des favoris de Mr Coventry.


                                                                                                                          6 juin

            Réveillé à 4 heures du matin pour douloureuse envie de pisser. Vive douleur en pissant, parce que j'ai sans doute bu trop froid avant de me coucher, puis me rendormis aussitôt. Levé, à mon bureau où j'eus fort à faire toute la matinée. A midi dîner chez George Carteret avec le Conseil au grand complet, d'un fort bon pâté. La conversation fut fort plaisante, mais nous redoutions fort d'apprendre quelque mauvaise nouvelle fraîchement arrivée de la flotte. Mais n'apprîmes rien, tout étant, dit-on, pour le mieux puisque les Hollandais sont en déroute, mais je n'y crois guère, d'ailleurs la nouvelle émane de sir William Batten à Harwich et écrite en des termes si naïfs que nous en avons bien ri.
            Au bureau où, au dire de sir George Carteret, à mon grand désarroi, rien n'a été fait par le contrôleur pour réparer le tort causé au roi. Me rendis alors à mon bureau où j'écrivis des lettres tout l'après-midi, et le soir, en voiture, chez sir Philip Warwick pour mon affaire de Tanger, afin d'obtenir de l'argent. 
            Chez milady Sandwich qui, la pauvre, espère à chaque heure des nouvelles de milord. Mais elle est de la meilleure disposition qui soit, ni trop confiante, ni rongée par la peur. Elle me dit que milord Rochester a manifestement perdu tout espoir au sujet de Mrs Malet et qu'elle s'attend, d'ici un jour ou deux, à être avisée des intentions du roi au sujet de l'autorisation qu'il doit donner à milord Hinchingbrook de s'occuper d'elle, puis, lorsque ce sera fait, d'amener l'affaire rondement à sa conclusion. Rentrai en voiture, à mon bureau quelque temps, puis rentrai quelque peu avant minuit me coucher.


                                                                                                                           7 juin

            Ce matin, ma femme et ma mère se levèrent vers 2 heures et, comme prévu, avec Mercier, Mary, le petit valet et Will Hewer, prirent une barque et descendirent le fleuve pour prendre le frais jusqu'à Gravesend. Resté couché jusqu'à 7 heures, levé, au bureau, afin de retravailler aux comptes de sir George Carteret, eus fort à faire. Et repartis. A la Bourse, aucune nouvelle sûre n'est parvenue de la flotte. Puis à la taverne du Dauphin où nous avons dîné, John Mennes et quelques autres, aux frais de sir George Carteret, fort gaiement, sir Thomas Harvey étant un joyeux gaillard.
            A mon bureau où; ayant rencontré Creed, allâmes tous deux chez milord le trésorier général, chez qui nous pensions trouver les orfèvres, à moins qu'ils ne fussent à Whitehall. Mais en vain, si bien que nous fixâmes un autre rendez-vous afin que milord pût les voir et leur demander de nous avancer quelque argent. Après cela, par une chaleur comme je n'en ai jamais connue, et d'ailleurs tout le monde dit qu'il n'y a jamais eu journée aussi chaude en Angleterre au début du mois de juin, allâmes à la nouvelle Bourse et là nous bûmes du petit lait, après avoir beaucoup insisté pour l'obtenir et en le payant de nos deniers, et on refusa, malgré notre insistance, de nous en servir un autre verre.
            Par le fleuve aux jardins de printemps de Vauxhall, où on se promena une heure ou deux avec grand plaisir, à ceci près que nous avions quelque inquiétude au sujet notre flotte et de milord Sandwich dont nous sommes sans nouvelles et sur qui des fausses rumeurs circulent, disant qu'il est mort. Mais elles sont sans fondement. Restâmes à nous promener jusqu'à 9 heures du soir et ne dépensâmes que 6 pence. Puis par le fleuve à Whitehall où je m'arrêtai prendre des nouvelles de la flotte, mais il n'y en avait point, ce qui est singulier. Chez moi en canot, éprouvé par la marche et la forte chaleur, et inquiet de voir que ma femme n'était pas rentrée. Flânai dans le jardin jusqu'à minuit, la chaleur étant alors si forte que le ciel fut envahi d'éclairs. Désespérant de la voir rentrer, au lit.
            Aujourd'hui, et bien contre mon gré, vis dans Drury Lane deux ou trois maisons marquées d'une croix rouge sur la porte, avec l'inscription " Seigneur, ayez pitié de nous ! ", spectacle affligeant et, autant qu'il m'en souvienne, c'était la première fois que j'en voyais un de la sorte. J'en vins à me méprendre sur mon état et sur ce que je sentais, à tel point que je dus acheter un rouleau de tabac à priser et à chiquer, ce qui dissipa mes appréhensions.


                                                                                                          8 juin

            Ma femme rentra vers 5 heures, après une nuit traversée d'une multitude d'éclairs et d'une forte averse. Elle vint se coucher. Me levai, puis à mon bureau toute la matinée. Rentrai dîner seul à la maison, ma femme, ma mère, Mercier étant allées dîner chez William Joyce. Je l'enjoignis de faire le détour par la taverne de la Demi-Lune, à cause de la peste. Me rendis chez milord le trésorier général, sur rendez-vous pris par sir Thomas Ingram, pour rencontrer les orfèvres. Appris cette grande nouvelle, qui nous fut enfin rapportée par Bab May de la bouche du duc d'York : nous avons mis les Hollandais en déroute complète. Le Duc, quant à lui, ainsi que le prince milord Sandwich et Mr Coventry, sont sains et saufs. Ma joie fut si grande que j'en oubliai presque tout le reste. Je donnerai bientôt de plus amples détails. Bientôt arrivèrent l'échevin Maynell et Robert Vyner à qui milord le trésorier général demanda de bien vouloir me fournir de l'argent en échange de mes tailles. Sir Philip Warwick, en présence de milord, déclara que le roi avait ôté la charge des mains de Povey pour me la confier, disant que j'étais quelqu'un d'extrêmement sérieux et aux yeux de milord le trésorier tout à fait digne de traiter en affaires. Ils répondirent qu'il leur était tout à fait impossible, dans l'immédiat, d'octroyer des fonds. Milord redoubla d'insistance, j'espère que nous obtiendrons quelque chose d'eux, une fois qu'ils auront réfléchi.
            Me rendis ensuite à la taverne du Cockpit, empli d'allégresse. Là, le duc d'Albemarle fou de joie me raconta tout à nouveau. Lui parvint ensuite une lettre de la main de Mr Coventry, qu'il n'ouvrit pas, ce qui est singulier, mais qu'il me tendit afin que je me charge de l'ouvrir, de la lire, d'aviser de la conduite à suivre, puis de la remettre à sir William Clarke. Je trouve étrange et à peine pardonnable autant d'indifférence en pareille occasion. Je recopiai la lettre et pris aussi des notes d'après d'autres lettres de sir William Clarke. Voici en résumé les nouvelles :

                                        Victoire sur les Hollandais, le 3 juin 1665

            Ils ont livré bataille ce jour, les Hollandais ayant commis la grave erreur de laisser passer l'occasion de nous prendre le vent, si bien que leurs brûlots ne leur ont été d'aucune utilité.
            Le comte de Falmouth, le vicomte Muskerry et Mr Richard Boyle ont été tués à bord du vaisseau du Duc, le Royal Charles, d'une seule décharge. Le Duc reçut en plein visage leur sang et leur cervelle et, au dire de certains, la tête de Mr Boyle l'aurait fait tomber.
           Tués également le comte de Malborough, le comte de Portland...... Sir Joseph Lawson a été blessé au genou, on lui enleva plusieurs os et il devrait être bientôt rétabli. Quand il fut blessé il fit demander au Duc de désigner un autre commandant pour le Royal Oak. Le Duc envoya Jordan du Saint George qui avait fait preuve de bravoure. Le capitaine Jeremy Smith du Mary secondait le Duc et s'interposa entre ce dernier et le capitaine Centen de l'Urania, 76 canons et 400 hommes, qui s'était juré d'aborder le bâtiment du Duc. Il le tua lui et 200 hommes et captura son navire. Lui-même perdit 99 hommes. Aucun officier ne réchappa, sauf lui et son lieutenant, ce dernier est en effet sauf, mais on l'a amputé d'une jambe.
            L'amiral Obdam fut déchiqueté par un boulet de canon. Tromp tué, au dire de Holmes. Tous les autres amiraux, dit-on, sauf Evertsen, dont on met en doute l'affection qu'il porte au prince d'Orange, ont été tués. On rapporte que nous avons capturé et coulé environ 24 de leurs meilleurs bâtiments, tué ou fait prisonniers entre 8 et 10 000 hommes et que nos pertes sont estimées à moins de 700 hommes. Jamais il n'y eut plus belle victoire au monde. Ils sont tous en déroute. 43 navires environ se sont réfugiés à l'abri de l'île de Texel, d'autres ailleurs et nous avons pris le reste en chasse.
            Rentrai, le cœur en fête, à mon bureau quelque temps, puis chez milady Penn, tous fort réjouis et pas peu fiers du beau succès de leur père. A ce qu'on dit, il a fort bien servi.
            On fit un grand feu de joie à la Grande Entrée ( Whitehall ) avec les gens de milady Penn et d'autres. Allai trouver Mrs Turner dans sa chambre, et on descendit dans la rue. Ai donné aux valets 4 shillings à partager entre eux, ce qui leur fit grand plaisir, puis rentrai me coucher, l'humeur sereine et apaisée, encore que la pensée de la victoire me paraisse si extraordinaire qu'il m'est impossible actuellement d'y croire.


                                                                                                                 9 juin
         lescarnetsdeviviane.blogspot.com
            Tardé au lit avec un mal de tête causé, je crois, par les trop nombreuses pensées qui m'ont hier soir agité l'esprit. Levé puis à Whitehall et chez milord le trésorier général, puis chez Philip Warwick, au sujet de l'affaire de Tanger. Chemin faisant ai rencontré Mr Moore qui m'a rassuré sur un point qui me chagrinait, à savoir que j'étais sans nouvelle de milord Sandwich. Il m'apprend que Mr Cooling, secrétaire de milord le chambellan, a entendu le roi chanter les hauts faits et la bravoure de milord.
            Il semble que le roi soit fort peiné de la perte de milord Falmouth. Mais, à part lui, je ne connais personne qui voudrait le voir ressuscité. Aux yeux du monde il passait trop pour un homme qui aimait trop le plaisir pour bien servir la cause du roi. Mais j'apprends de toutes parts qu'on le déclarait homme d'honneur, ce qu'il prouva en suivant le Duc, et cela mieux que quiconque.
            Chez moi où mes gens s'affairent aux préparatifs d'un souper pour ce soir, car nous attendons quelques invités pour fêter le souvenir de mon opération de la pierre, reportée à ce jour.
     
      A midi dînai légèrement chez moi, sortis faire quelques achats. Allai, entre autres, chez mon tailleur acheter un costume de soie, bien que j'en ai fait faire un autrefois, mais celui-ci est pour fêter la bonne et joyeuse nouvelle de notre victoire sur les Hollandais, car celle-ci me donne envie de m'offrir un vêtement qui sorte de l'ordinaire. Ayant, après force délibérations, décidé que je ne désirais que du noir, je finis par choisir une ferrandine de couleur. Puis à l'ancienne Bourse et là chez ma jolie couturière achetai à son mari une paire de bas.
             Rentrai chez moi où bientôt arrivèrent Mr Honywood, Mrs Wiles et Roger Pepys, et beaucoup plus tard Mrs Turner, Theo et Joyce. Soupâmes d'un délicieux pâté de venaison..... Fûmes fort gais. Plus je le fréquente plus j'apprécie la conversation de Mr Honywood. Après un bon souper ils allèrent à pied à la Bourse prendre une voiture, où je les accompagnai. Chez moi et, au lit, heureux que ce soit terminé.


                                                                                                                   10 juin 1665

            Au lit tard, levé et à mon bureau toute la matinée. Dînai chez moi à midi, puis derechef au bureau occupé tout l'après-midi. Le soir, rentrant souper, j'apprends à mon grand tourment que la peste a fait son apparition dans la Cité, pourtant complètement épargnée jusque-là, depuis que le mal est apparu il y a trois ou quatre semaines dans les faubourgs, et ce précisément dans Fenchurch Street, chez mon bon ami et voisin le Dr Burnet. Voilà qui m'inquiète à double titre.
            Au bureau, achevai mes lettres et rentrai me coucher, préoccupé par l'épidémie et tourmenté à d'autres chefs. En particulier par le souci de mettre mes affaires et ma fortune en ordre, au cas où il plairait à Dieu de me rappeler à ses côtés. Que la volonté du Seigneur soit faite !
 

                                                                                                                         11 juin
                                                                                                     Jour du Seigneur
            Levé. Après avoir longtemps attendu livraison de mon nouveau costume. Comme il ne venait pas revêtis mon tout dernier habit de camelot de soie noir, et au moment où j'étais fin prêt arriva mon nouveau costume de ferrandine de couleur, à quoi ma femme trouva à redire. Ce qui me contrarie, mais me semble-t-il c'est parce que je n'ai point l'habitude de porter de la couleur qu'il paraît assez curieux sur moi. A mon cabinet, passai la matinée à lire. A midi arrivèrent nos invités, mes deux cousins Joyce et leurs épouses, ma tante James et le cousin Harman dont la femme est souffrante. Leur ayant fait préparer un bon dîner je fus aussi gai qu'il est possible en pareille compagnie. Après leur départ, sortis quelque peu afin, je le confesse, d'arborer mon nouveau costume, puis revins. Au passage vis qu'on avait condamné la porte du pauvre Dr Burnet. A ce qu'on dit il est fort estimé de ses voisins, c'est en effet lui qui le premier a diagnostiqué le mal et a fait condamner sa portes, sur ses propres ordres, ce qui est fort courageux.
            Dans la soirée Mr Andrews, sa femme et Mr Hill sont venus. Ils restèrent chanter, jouer de la musique et souper, compagnie des plus agréables, si gaie, facétieuse et sans malice, que je n'en puis désirer de meilleure. Après leur départ allâmes nous coucher l'esprit en paix.


                                                                                                                   12 juin

            Levé et chez le duc d'Albemarle dans mon costume neuf. Après un détour par Whitehall et le palais de Westminster, revins et allai avec mon tailleur à Paternoster Row acheter du galon doré pour le bord des manches. Chez moi, dîner puis à mon bureau et par le fleuve à Deptford.. Revins puis chez milord le trésorier général, puis fis quelques démarches afin de veiller à mes affaires de la commission de Tanger. Rentrai à mon bureau, puis souper et, au lit.
            On envoya chercher le duc d'York hier soir et il est attendu dans la journée de demain.


                                                                                                                         13 juin

            Levé et travaillai toute la matinée à mon bureau. A midi allai dîner chez milord le maire avec sir George Carteret où nous étions trop serrés dans un espace trop étroit. La table fut bonne, mais sans plus. Il se nomme sir John Lawrence, son père, vieil homme tout à fait quelconque, mais qu'on dit fort riche, était parmi les convives. Il y avait aussi à la table trois personnes : sir Richard Browne, secrétaire au Conseil privé, l'échevin et son fils, ainsi qu'un petit-fils aussi prénommé Richard, qui sera plus tard sir Richard Browne. L'échevin clama avec forfanterie qu'il avait fait enfermer plusieurs personnes dont il se méfiait, en cas de mauvaises nouvelles de la bataille navale, et qu'il soupçonnait simplement d'être des fauteurs de trouble, que ce n'était pas la première fois et qu'il n'hésiterait pas à recommencer et qu'il n'accepterait pas de caution quand il estimerait la chose risquée pour le roi. Puis il nous dit qu'il était maintenant poursuivi à la Cour de l'Echiquier par un homme pour l'avoir fait emprisonner à tort, et qu'il avait fait incarcérer pour la même raison lorsqu'il était maire il y a quatre ans, et nous demanda conseil à ce sujet  Je lui dis qu'à mon avis il n'y avait rien à faire, et lui racontai mon histoire avec Field, ce qui l'inquiéta et lui fit dire qu'il était risqué de servir la cause du roi. M'est avis qu'il est fort désemparé. Sir Richard Browne lui a conseillé d'en parler à milord le chancelier.
            Milord le maire se montra plein de respect envers moi. Après dîner repartis et trouvai sir John Mennes qui m'attendait avec sa diligence tirée par quatre chevaux à la porte de notre bureau, afin que nous partissions ensemble de Londres au-devant du Duc qui rentre de Harwich ce soir. Allâmes jusqu'à Ilford, où nous descendîmes. Arrivèrent bientôt sir John Shaw et Mr Neal, celui qui a épousé la riche veuve Gold, venus pour les mêmes raisons que nous.
            Après avoir mangé de la crème, repartîmes en voiture sans nouvelle du Duc. Chez moi au terme d'une bonne soirée et d'une plaisante sortie. A mon bureau où j'écrivis mes lettres, puis souper et, au lit. Ai surtout parlé en route avec sir John Mennes qui m'a décrit les voyages en mer de feu notre roi et de son père, ce que, pour ma gouverne, je fus enchanté d'entendre, bien que le récit de la façon dont l'orgueil de certains et la vilénie du plus grand nombre causèrent la perte de tout le royaume et du roi, fut affligeante.


                                                                                                                14 juin

            Levé et chez sir Philip Warwick et d'autres pour mon affaire de Tanger, mais sans grand résultat. Allai, entre autres, m'entretenir avec milord le trésorier, ce pour quoi je fis antichambre pendant trois longues heures et ce dont ma patience fut fort éprouvée, mais en vain, si bien que je dus repartir bredouille. Voilà qui m'apprendra peut-être à savoir faire attendre
            Rentrai dîner avec Mr Hayter, puis j'établis une requête à propos de son inquiétante affaire de poudre à canon, afin qu'il la présentât devant le Conseil privé pour solliciter un jugement, de sorte qu'on ne l'accusât pas de refuser de comparaître. Nous rendîmes donc à Whitehall, mais ce n'était pas opportun de la soumettre aujourd'hui. Rencontrai Mr Cooling qui me fit part du silence qu'il avait observé de toutes parts au lieu de louanges à l'endroit de milord Sandwich, ceci afin de faire valoir le Duc prince. Mais le Duc a vanté les mérites et les loyaux services de milord dans des lettres adressées à la fois au roi et à milord le chancelier. Reçus ce jour une lettre du capitaine Ferrer. Il me dit que milord sur son bâtiment était au plus fort de la bataille, et fit preuve de la plus grande bravoure.
            Vis Creed et allâmes ensemble à Westminster où on apporta la dépouille de milord Marlborough afin qu'il soit enterré, porté par plusieurs lords du Conseil privé, précédé des hérauts en tenue d'apparat. M'en fus, mécontent à la pensée d'avoir si peu avancé mes affaires de Tanger. Chez moi puis, après souper, au lit.


                                                                                                                 15 juin 1665

            Levé, mis mon costume d'étoffe neuf serré au genoux qui, de l'avis de ma femme, me va à la perfection. A mon bureau toute la journée. A midi mis mon premier tour de cou ajouré tout en dentelle, et allai dîner chez Kate Joyce où se trouvaient aussi ma mère, ma femme et nombre de leurs amis. On y fut fort bien traité, puis avec Mercier et ma femme à l'ancienne Bourse où l'on acheta deux nouveaux tours de cou en dentelle, dont un chez ma couturière qui, ma femme me le concède, est fort jolie. Puis descendis à Deptford et à Woolwich avec mon petit valet. Parlai là avec Mr Sheldon de mon projet de faire venir ma femme un mois ou deux chez lui, ce dont il est d'accord. Ce sera, je crois très commode. Revins tard, puis à mon bureau, écrivis des lettres, puis rentrai, souper et, au lit.
            Aujourd'hui la gazette, après que Mr Moore a montré à L'Estrange sa lettre du capitaine Ferrer, a rendu un grand hommage à milord Sandwich au sujet de la récente victoire.
            Le duc d'York n'est toujours pas de retour à Londres. La ville est de plus en plus touchée par l'épidémie, que chacun redoute. Cette semaine on a dénombré 112 morts de la peste, contre 43 la semaine précédente, dont un dans Fenchurcn Street et un autre dans Broadstreet, près du bureau du trésorier.


                                                                  à suivre.............

                                                                                                                    16 juin 1665        

            Levé puis.........