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dimanche 10 janvier 2021

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 136 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

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                                                                                                                              1er Mars 1665


              Lever. Comme aujourd'hui est la date que je m'étais depuis longtemps fixée par ma promesse de donner à ma femme 20 £ pour s'acheter ses toilettes de Pâques, je me raccommodai avec elle, et elle avec moi, malgré la querelle d'hier. J'ai néanmoins barguigné tant et plus avant de me séparer de mon argent, puis ai fini par le lui remettre. Elle s'en fut donc à ses emplettes. Travaillai toute la matinée à mon bureau. A midi dînai à Trinity House, puis à Gresham College où Mr Hooke qui parlait en premier nous fit un second exposé fort difficile sur la dernière comète, démontrant, entre autres, qu'il s'agit bien de celle déjà apparue avant 1618, et qu'elle réapparaîtra sans doute après le même laps de temps. Voilà une idée fort nouvelle, mais tout ceci sera imprimé.
             Puis à la séance, au cours de laquelle les deux fils de sir George Carteret, ainsi que sir Nicholas Slaning, furent admis dans la Société. Ai aujourd'hui payé le montant de ma cotisation, 40 shillings. On fit de beaux discours, et des expériences. Mais mes connaissances en philosophie de la nature étant trop limitées pour que je les comprenne, je n'ai rien retenu. Il y eut, entre autres, un compte rendu fort détaillé de la confection de diverses sortes de pain en France réputé être le meilleur pays du monde pour le pain.
            Retour chez moi fort occupé à trouver des réponses aux questions de sir Philip Warwick au sujet des dépenses de la Marine. Pris ensuite une voiture avec ma femme et Mercer, à 8 heures du soir, pour aller chez sir Philip à qui j'ai parlé, elles sont restées dans la voiture, puis à la maison souper et, au lit.


                                                                                                               2 mars

            Aujourd'hui commençai tôt la journée, levé avant 6 heures et descendu réveiller mes gens. Je trouve Bess et la fille de service tout habillées, enveloppées dans leurs couvertures et couchées par terre au coin du feu, la chandelle ayant brûlé toute la nuit. Elles prétendirent qu'elles allaient se lever tôt pour récurer. Voilà qui me rend furieux, mais Bess part et ne me causera plus de contrariétés très longtemps. Levé donc et chez Burston par coche d'eau m'enquérir de l'estampe de milord, puis chez moi, à mon bureau passai toute la matinée. Dînai à midi avec sir William Batten, ma femme étant de nouveau sortie faire des emplettes, car elle n'a rien pu acheter hier, faute d'avoir Mrs Pearse pour l'accompagner. A nouveau à mon bureau, travaillai jusqu'à minuit, irrité de ce que ma femme restât si tard en ville, car elle n'était point rentrée à neuf heures. Elle rentra enfin, mais pourquoi elle a tant tardé, je l'ignore encore. Refermai mes livres, rentrai, souper et, au lit.


                                                                                                                     3 mars

            Levé puis sortis pour plusieurs affaires. Entre autres, pour voir Mr Honeywood qui est passé chez moi l'autre jour, mais je m'aperçois que la seule raison de sa visite était de me payer le trimestre de mon frère John. De là m'en fus voir Mrs Turner qui prend très mal le fait que je ne sois pas venu au dîner qu'a donné le lecteur son mari. " C'était, me dit-elle, le plus grand banquet jamais donné pour un lecteur ", et je veux bien la croire, mais je suis content de n'y être point allé, ce qui la conforte dans l'opinion qu'elle a de moi, à savoir que je deviens hautain.
            Puis à la Bourse et à divers endroits. Rentrai dîner et à mon bureau jusqu'à minuit afin de préparer un rapport que je dois adresser à Mr Coventry sur les pêcheurs de la Tamise, après qu'il a soulevé cette question devant moi, s'agissant de leur exemption de la presse. Puis chez moi, souper et, au lit.


                                                                                                                     4 mars

            Levé de bon matin, fis l'aller et retour par un froid de loup, à pied jusqu'à Ratcliff, chez le graveur. A mon bureau toute la matinée. Ai souffert toute la journée, bien qu'ayant l'intestin vide, de flatuosités et de ballonnements. Dînai seul, ma femme étant ressortie faire d'autres achats. A mon bureau tout l'après-dîner. William Howe est venu me rendre visite, récemment débarqué avec milord. Ce garçon a gagné en sagesse, mais aussi en vanité. Il me dit le peu de respect que sir William Penn a témoigné à milord, en mer, à bord du navire du Duc, et me dit aussi que le capitaine Myngs, l'un des favoris du prince Rupert, manifesta bien peu de respect envers milord, mais que tous, hormis eux, surent lui témoigner de l'estime, comme ils se devaient de le faire. Je juge déplorable la sottise de ce capitaine et irritante la duplicité du premier.
            Le soir, rentrai souper chez moi et, au lit. 
            Aujourd'hui, à la Bourse, fut rendue publique la guerre contre la Hollande.


                                                                                                                   5 mars 1665
                                                                                                    Jour du Seigneur
            Levé puis, après que Mr Burston m'eut apporté, comme je le lui avais demandé, les estampes destinées à milord, pris une voiture et me rendis chez milord Sandwich et dînai avec lui. C'était son premier dîner chez lui depuis son retour de mer. A milady, devant moi, milord posa cette singulière question : " - Comment vous portez-vous ma chère ? Et comment votre semaine s'est-elle passée ? " me faisant lui-même la remarque qu'il l'avait à peine vue de toute la semaine. Il eut pour moi à ce dîner les plus grands égards du monde, me trancha lui-même la viande, ce qu'il n'avait fait pour nul autre, demandant souvent à milady de m'en découper davantage, et le plus affablement du monde.
            Après le dîner il examina les estampes, elles lui plurent fort. En vérité, en ce domaine, il n'y a pas plus fin connaisseur que lui. Derechef chez moi. Le soir, après avoir chanté une ou deux chansons avec Mr Hill, me rendis à mon bureau, puis chez moi, souper et, au lit.


                                                                                                                      6 mars

            Levé et en compagnie de sir John Mennes en voiture à St James. Il fait aujourd'hui le froid le plus terrible qu'on ait eu cette année. Nous traitâmes nos affaires avec le Duc, ensuite grands préparatifs pour qu'il puisse reprendre la mer au plus tôt. Je le vis essayer son manteau en cuir de buffle et son cabasset recouvert de velours noir. L'idée qu'il ait décidé de partir me tourmente plus que tout dans cette guerre.                                                                                                                                     pinterest.frl
            Rentré dîner et vu partir Bess. De toutes les domestiques qui ont logé chez nous, celle-ci qui fut la plus comblée, outre ses gages, d'affection, d'égards et de vêtements de qualité, est partie en faisant preuve de la plus grande ingratitude.
            Ressortis ensuite m'enquérir de mes hamacs, puis au retour trouvai notre nouvelle femme de chambre, Mary. Loin d'être accorte, ainsi que ma femme l'avait dit et semble toujours croire, me semble très quelconque, je fus donc en cela fort déçu.
            A mon bureau, travaillé très tard, puis rentré souper et, au lit, affligé toute cette nuit d'une douleur dans mon testicule gauche qui, peu après, s'est prolongée jusqu'à mon rein gauche et n'a cessé de me lanciner toute la nuit, une vraie torture.
  

                                                                                                                     7 mars

            Levé frais et dispos, mais sur le chemin de mon bureau, et m'est avis que c'est dû au fait d'être resté assis le dos au feu, je ressentis de nouveau une douleur atroce, telle que je ne pus rester l'après-midi et dus rentrer, ne parvins pas non plus à m'asseoir pour dîner, mais dû m'aliter. Après que j'eus passé un moment au lit, ma douleur s'atténua et tendit à disparaître. Me levai donc pour uriner, imaginant une simple contusion d'un testicule meurtri par accident, comme j'ai accoutumé de le faire. Mais en pissant j'ai évacué deux calculs, les sentis fort distinctement, ce qui me fit examiner mon urine. N'ayant éprouvé aucune douleur en pissant, je ne pensais guère qu'il puisse s'agir de calculs, d'autant que sitôt alité, je n'avais plus eu mal ni éprouvé d'autre envie d'uriner avant un long moment. Allai de nouveau pisser, sans douleur et d'abondance. Après quoi je restai couché, l'esprit rasséréné toute la soirée, puis me suis relevé, ai veillé une heure ou deux, et derechef au lit. Ai dormi jusqu'à 8 heures, levé bien qu'il gelât à pierre fendre
                                                             < 8  mars > et bien que mon testicule restât quelque peu endolori et sensible. Je pense que le froid est la vraie raison de ma souffrance. J'espère que ma maladie de la pierre ne se redéclarera pas, et Dieu me l'accorde ! qu'elle disparaîtra en pissant, mais je consulterai mon médecin.
            Ce matin on m'apporte à mon bureau la triste nouvelle du London, que les hommes de sir John Lawson se préparaient à mener de Chatham jusqu'à l'estuaire où il devait s'embarquer, mais le navire explosa dans les parages immédiats de la bouée de Nower. 24  hommes environ, plus une femme qui se trouvaient dans la dunette et la chambre de conseil furent sauvés. Les autres, plus de 300, se noyèrent, le vaisseau se brisa, et 80 bouches à feu en bronze furent envoyées par le fond. Du vaisseau coulé la dunette émerge au-dessus de l'eau. Pour sir John Lawson c'est une lourde perte, car il y avait à bord tant d'hommes bien choisis et qui comptaient parmi eux bon nombre de ses parents.
            Me rendis à la Bourse où la nouvelle fit grand émoi. Rentré dîner accompagné de Mr Moore, puis à Gresham College où je vis plusieurs belles expériences, puis chez moi et à mon bureau, le soir, vers 11 heures, rentrai souper et, au lit.


                                                                                                                      9 mars

            Levé et à mon bureau. Avons travaillé toute la matinée. A midi dînai à la maison puis sortis avec ma femme que je quittai à la nouvelle Bourse et me rendis à Westminster où j'apprends que Mrs Martin a accouché d'un garçon qui a été baptisé Charles, ce dont je me réjouis, car je craignais qu'on me demandât d'en être le parrain. Mais apparemment la chose dut se faire très vite, si bien que j'y échappai.
            Il est étrange de constater combien l'oisiveté, ou à tout le moins une sortie dépourvue d'objet précis peut conduire un homme au vice, car je m'apprêtais à lui rendre visite et aurais, à cette occasion, été amené, nécessairement, à rompre mon serment ou à donner un gage. Mais je n'en fis rien, au vu qu'elle n'était point seule, ce que j'appris de mon portier. Si bien que je rentrai, pris au passage ma femme qui me déposa au College Saint Paul où je pus rendre visite à Mr Cromleholme, chez lui. 
            Seigneur ! Un pédagogue suffisant, si savant soit-il, n'est jamais que très ridicule, tant il met de dogmatisme dans le moindre geste, la moindre parole. Nous parlâmes entre autres de nos souvenirs du collège Saint-Paul, et quand je lui fis part de la haute estime où je tenais l'école, il me donna un exemplaire, aux caractères fort anciens, de la grammaire de Lily, telle qu'elle était en usage à l'époque catholique. J'en prendrai grand soin. Après avoir bavardé quelque peu, partis rejoindre ma femme qui achetait du linge chez le drapier, puis à la maison et à mon bureau, jusque très tard, puis rentrai souper et, au lit. Cette nuit ma femme était vêtue d'un nouveau déshabillé de soie, gris cendré à fleurs, fort seyant.


                                                                                                                     10 mars 1665

            Levé et à mon bureau toute la matinée. A midi à la Bourse où les biles sont échauffées au sujet de la proposition récemment faite, que la Cité dédommage le roi de la perte du London, et lui donne un autre navire. Ce serait un beau geste et réalisable si l'entreprise était bien menée. Mais je crains que cela n'aboutisse point, si cela tombe en de mauvaises mains, ou si les courtisans souhaitent s'en occuper. Rentrai dîner puis à une séance de la commission de Tanger à Whitehall où se trouvaient milord Berkeley, Craven et d'autres. Mais Seigneur ! quelle légèreté dans l'affaire de la loterie. Voilà qui jettera le discrédit sur la pêcherie et ne lui vaudra nul avantage.
            Chez moi, irrité par cette perte de temps et à mon bureau. Tard dans la soirée arrivent les deux Bellamy, anciens mandataires aux subsistances de la marine, venus chercher conseil en la matière d'une dette qu'ils ont contractée vis-à-vis de la Marine, pour le règlement de laquelle ils sont prêts à verser une coquette somme, proposition fort équitable. Peut-être pourrais-je m'y consacrer et en tirer quelque  bénéfice qui sera une fort bonne chose. Rentré tard me coucher.                                                                                                                                                                                              journalopenedition                         

                                                                                                    11 mars

            Levé et à mon bureau, à midi chez moi, dîner et derechef au bureau, jusqu'à une heure tardive, rentrai, souper puis, au lit.
            Sir William Batten et sir John Mennes reviennent aujourd'hui de la rade de Lee, où ils sont allés voir l'épave du London dont, disent-ils, les canons peuvent être renfloués, mais dont la coque est totalement perdue et ne peut être mise hors d'eau.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              12 mars
                                                                                            Jour du Seigneur
            Levé. Empruntai la voiture de sir John Mennes, me rendis chez milord Sandwich, mais il était sorti. Renvoyai la voiture pour ma femme. Milord dînait chez lui pour la seconde fois afin de me recevoir. Hormis ces deux fois il n'a pas dîner chez lui depuis son retour de mer. Je m'assis et lus en entier le sermon de l'évêque de Chichester, prononcé à l'occasion de l'anniversaire de la mort du roi, dont on fait grand cas, mais m'est avis, il est bien médiocre.
            Milord arriva bientôt et nous parlâmes de nombreux sujets relatifs à la Marine, d'égal à égal. De cette vérité générale selon laquelle les choses les plus grandes sont fréquemment dues aux soins d'hommes dont la nature et l'expérience du monde ne sont que très ordinaires, entre autres milord Berkeley. Nous envisageâmes aussi de nommer Will Howe comme officier de rôle en lieu et place de Creed, si ce dernier consent à laisser sa place, ce que milord consentit sans grand enthousiasme, traitant Howe, dans un accès de colère, de fat et de vaniteux.
            A table pour le dîner ma femme porte son nouveau col de dentelle, ma foi fort beau, il me plaît beaucoup ainsi qu'à milady. A ce dîner milord fut charmant. Après le dîner il alla regarder son estampe qui lui a été portée aujourd'hui par Burston, la dernière des trois qu'il aura gravées. Lorsqu'il fut satisfait, il sortit. Quant à moi, après m'être longuement entretenu avec milady du fils de George Carteret, qu'elle verrait volontiers épouser milady Jem, et une fois revenu en voiture à la maison, je pris quelque bon temps à chanter, assez longtemps, avec Mr Andrews et Hill. Quand ils furent partis, nous soupâmes et, au lit.


                                                                                                                              13 mars

            Levé tôt car c'est la première matinée pour laquelle vaut la promesse que je me suis faite, sous peine de gage, de ne plus rester au lit un quart d'heure après mon premier réveil. Allé à St James où j'eus fort à faire. Le roi fut présent un long moment. De là, à la Bourse puis, avec le capitaine Taylor et sir Watler Warren, dînai à une taverne toute proche, pour converser à loisir. Puis chez moi où je trouvai une lettre de Mrs Martin qui désire me parler et, contrairement à ma promesse, je m'y rendis. La trouvai en habit de grossesse. Elle souhaite obtenir ma faveur pour placer son mari. Ne restai guère et, après avoir conduit sir William Warren à Whitehall, à la maison. Nous convînmes, entre autres, d'un travail qui, dit-il, me rapportera, s'il est mené à bien, cent livres. Après son départ, souper et, au lit.
            < Aujourd'hui ma femme s'est mise à porter des boucles blondes, presque blanches qui, bien qu'elles la fassent paraître fort jolie, ne me siéent guère, parce qu'elles ne sont point naturelles, et il ne me plaît pas qu'elle les porte. J'ai vu aujourd'hui milord Castlemaine à St James, récemment revenu de France. >


                                                                                                                   14 mars

            Levé avant six heures. A mon bureau où j'ai travaillé toute la matinée. Dînai à midi avec sir William Batten et sir John Mennes à la Tour, en compagnie de sir John Robinson, à l'occasion d'un dîner d'adieu qu'il offre au major Holmes pour sa sortie de la Tour, où il est resté quelque temps emprisonné, depuis son retour de Guinée. Il a, semble-t-il, fait don hier au lieutenant de 50 pièces d'or. Nourriture bonne et abondante, et de la compagnie.
            Chez moi, à mon bureau jusque très tard, puis souper et, au lit, las de travailler.


                                                                                                                   15 mars

            Levé et en voiture à St James avec sir William Batte, Entre autres affaires à régler devant le Duc, on fit entrer le capitaine Taylor qui, sir John Robinson, son accusateur, n'apparaissant point, fut disculpé de la charge portée contre lui, et déclara qu'il partait pour Harwich, ce dont je me réjouis.
            De là me rendis aux appartements de Mr Coventry afin de parler travail en privé avec lui. Lui donnai plusieurs notes concernant des affaires pour lesquelles il doit obtenir ordre du Duc avant son départ, ceci afin de mettre nos affaires au clair. Il reconnut s'en remettre largement à mes soins pour les affaires du bureau. Reçus de lui de vifs témoignages d'affection et nous nous séparâmes, étant pour ma part fort satisfait. Revins à la Bourse puis rentrai dîner chez moi. Les filles de milord Sandwich ayant demandé à ma femme, de manière impromptue, qu'elle descende avec elle, jusqu'à l'estuaire, pour voir le Prince, je dînai seul. Ensuite à mon bureau puis à Gresham College. Là, tandis qu'on faisait d'intéressants discours, on essaya sur un chien le poison violent de Macassat, mais il n'eut aucun effet pendant la séance.
            La séance fut levée. Chez moi, travaillai tard à mon bureau, ma femme ne rentrant pas. Puis, au lit, contrarié, vers minuit ou plus tard.


                                                               à suivre...........

                                                                                                                     16 mars 1665

            Levé et.........