samedi 22 juillet 2023

Ne t'enfuis plus Harlan Coben ( Roman Policier Etats-Unis )

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                                                           Ne t'enfuis plus          

            Une mère, un père, une famille dévastée par la fuite d'une jeune fille, retrouvée puis presque immédiatement reperdue par le père, Simon Greene, dans une allée de Central Park où elle massacrait une chanson de Beatles, apparemment devenue une junkie. Le roman, très américain, l'histoire ne quitte pas les états environnant New-York, nous entraîne très vite dans la quête désespérée de renseignements de Simon, gestionnaire financier, d'Ingrid médecin, au passé un peu trouble et des deux autres enfants, Sam et Aya. Sam s'avère émotif, étudiant à l'université d'Amherst, et détenteur de quelque secret qui pourrait faire avancer une enquête délicate, car Simon a joué des poings dans une allée de Central Park contre l'homme jeune qui l'empêche de poursuivre et rattraper sa fille méconnaissable. On ne se bat pas contre un SDF, à New-York, Etats-Unis, quelles que soient les raisons. Et les événements s'enchaînent, car Simon espère désespérément retrouver et guérir son enfant qui a vraisemblablement subi un choc au cours de sa première année à l'université de Lanford. Au cours des 400 pages, l'auteur décrit plusieurs aspects de la société américaine, et donne son avis, du corps médical à la police : " Nous sommes tous dans le même bateau ", dit Elena enquêtrice, amoureuse malheureuse d'un homme grand, fort et mort, sur une secte " La Vérité ", chef, père de multiples enfants, d'une tueuse, sans cœur mais intelligente comme le démontre le voyage aux côtés de Ash tueur à gages. Simon est torturé, tendre époux et père, il n'hésite pas à se rendre dans une auberge qui, visiblement, recèle quelques histoires louche. Une société où l'homme moderne parle, circule, s'interroge beaucoup, est faible- fort, n'hésite pas à consulter et à payer le prix pour connaître les raisons qui ont poussé Paige vers la drogue, la descente aux enfers et une recherche généalogique qui semble l'origine de cette fuite. Des secrets dévoilés, et enfouis. Une course contre la montre, fric, drogués et fournisseurs, bonne volonté, Cornélius, Rocco, Luther, Aarhon à l'origine d'un carnage. Des morts, du sang, des couteaux, des armes évidemment, tout cela fait un roman efficace, Corben fait le tour, ou partie, des maux de la société et tient ses lecteurs inquiets et curieux, le public ne se trompe pas. Bonne lecture.




































lundi 17 juillet 2023

La cité des Dames ( extraits ) Christine de Pizan ( Roman France )

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                                        Lettre XXII

                        Où il est question de Lilie, mère du vaillant chevalier Théodoric

            " Même si elle ne se battit point les armes à la main, ne faut-il pas louer le cœur de cette noble dame Lilie, qui fit une remontrance si mémorable à son fils Théodoric, chevalier très valeureux, pour lui faire reprendre le combat ?Je te raconterai cette histoire
            Théodoric était à l'époque l'un des plus grands princes à la cour de l'empereur de Constantinople. C'était un homme d'une grande beauté et un chevalier aguerri. Il était également, grâce à l'éducation et à l'instruction qu'il avait reçues de sa mère, très valeureux et d'une conduite irréprochable.
            Un joue, un prince nommé Odoacre s'attaqua aux Romains pour les écraser, eux et toute l'Italie.
Ils demandèrent secours à l'empereur de Constantinople. Celui-ci leur envoya une grande armée avec à sa tête Théodoric, le plus accompli de ses chevaliers. Or, comme il combattait en bataille rangée contre cet Odoacre, la fortune des armes se retourna se retourna contre lui et la panique le poussa à fuir vers Ravenne. Quand sa sage et valeureuse mère qui observait attentivement la bataille vit son fils prendre la fuite, elle fut accablée de douleur, car elle estimait qu'il n'était rien de plus honteux pour un chevalier que de fuir le champ de bataille. La majesté de son grand cœur lui fit oublier l'amour maternel : préférant voir son fils mourir dans l'honneur plutôt que de subir une telle honte, elle courut à sa rencontre, l'implora d'arrêter cette fuite infamante, de rassembler ses hommes et de retourner à la
bataille.
            Comme ses paroles demeuraient sans effet cette dame, enflammée de colère, souleva le devant de sa robe et lui dit :
            " - Tu veux fuir, mon fils ! Alors rentre au ventre qui t'a porté ! "
            Théodoric en fut si humilié qu'il cessa de fuir, rassembla ses troupes et retourna à la bataille.  Brûlant de honte à cause de la remontrance maternelle, il combattit avec tant d'ardeur qu'il écrasa l'ennemi et tua Odoacre
            Et c'est ainsi que l'Italie tout entière qui allait tomber aux mains de ses ennemis fut sauvée par l'intelligence d'une femme, et j'ose affirmer que l'honneur de cette victoire revient davantage à la mère qu'au fils. "


                                    Christine de Pizan

                                                                   
            



















mardi 11 juillet 2023

Simenon l'Ostrogoth Loustal Bocquet Fromental Simenon . vol1/2 ( Bande dessinée France )DU CALLENDOS

                                                             



                                           Simenon l'Ostrogoth




            Présentés par John Simenon ces volumes en noir et blanc survolent les débuts de Georges Simenon écrivant sous divers pseudonymes plusieurs histoires pour une petite rémunération. De Belgique où il vit il rêve et s'installe à Paris, avec son épouse Tiggy, peintre. Dans la capitale il rencontre Colette qui refuse plusieurs contes et le jour où elle accepte le premier elle lui dit : " ..... avec les mots de tout le monde il faut écrire comme personne..... " Tiggy peint, lui tape à la machine, louée, habitent un logement sans eau courante. Elle peint, il écrit ses histoires, elles paraissent dans le Matin, Frou-frou et d'autres publications, apprécient ce qu'ils gagnent : " ...... Au moins nous n'en sommes plus au temps du camembert mangé au bord de la fenêtre...... la théorie du calendos sans fin. Tu en choisis un bien fait, tu en manges un quart, mardi la pâte a coulé et rempli la boîte, etc. jusqu'au bout de la semaine....." Ils semblent heureux, déménagent, la situations financière améliorée, ils festoient à Montparnasse, à Montmartre, rencontrent Paul Colin qui fit l'affiche de Joséphine Baker, il danse, mal, avec la vedette. Les deux volumes content des débuts d'une vie de bohème réussie. On demanda même à Georges Simenon d'écrire un livre en trois jours, en public enfermé dans une cage de verre. L'autorisation fut refusée, il en fit des cauchemars. C'est sympathique, facile à lire, crayonné, bien. Pour tous, surtout pour les collectionneurs de l'oeuvre d'un auteur prolifique. Bonne lecture, bonne BD. 


         

                                    

lundi 10 juillet 2023

La tragédie du Chat Sophie Chabanel ( Roman Policier France )

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                                               La tragédie du Chat

            Ruru, char lillois, malade, sa maîtresse le conduit chez le vétérinaire où ils croisent elle Damien propriétaire à moitié l'autre appartenant à sa fille étudiante, d'un chien. La commissaire Romano et Damien qui travaille aux services culturels du département formeront-ils un couple stable, ceci sera une petite part de l'intrigue. Ce soir-là une représentation théâtrale réunit l'élite lilloise et départementale, Damien empêché Romano assiste seule au spectacle, et à l'accident ou l'assassinat de l'acteur et metteur en scène. Meurtre ou accident ? Un petit morceau de scotch et le bateau venu se placer au-dessus de Mathieu s'écroule sur la tête du comédien. Spectacle interrompu, de la scène la tragédie se transporte dans le public. La tragédie grecque donnera lieu à de nombreuses digressions, découverte de la personnalité, de l'entourage familial très à droite, social très à gauche. Et de longues discussions avec l'équipe d'inspecteurs, dans une ville, Lille, marquée politiquement, puis un passage à Roubais et Tourcoing, villes toutes proches. L'enquête débute donc au Nouveau Théâtre, et s'achèvera après une séance théâtrale à Maubeuge. Le lecteur apprend : les coulisse du théâtre, les mouvements politiques et leurs soutiens parfois excessifs, le rapport amoureux pas romantique du tout, et sans illusion un chat Ruru rageur, poil hérissé face à Damien jusqu'à ce que ce dernier prépare sa gamelle. Outre l'intrigue et son dénouement l'histoire, écriture abrupte, se prête à discussions tant les personnages manifestent des positions extrêmes. " ....... - Vous savez qu'un spectacle d'Ariane Mnouchkine déno6nçant le génocide des populations autochtones a été interdit au Canada, au motif que les comédiens n'étaient pas issus de ces populations...... - Je n'ai rien contre Ariane Mnouchkine mais c'était de l'appropriation culturelle....."
Bonne lecture, bon roman, bonne discussion, bonne visite des Hauts-de-France.

mardi 4 juillet 2023

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 162 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )


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                                                                                                                             1er avril 1666
                                                                                                              Jour du Seigneur
           Levé, sorti et allé en voiture à Charing Coss pour présenter mes respects à sir Philip Howard, que je trouve couché. Reçu fort civilement. Je sollicite la possibilité au frère de ma femme de rejoindre la flotte tout en conservant la solde qu'il perçoit chez les gardes du duc. Il consent après quelques difficultés et en me témoignant force égards. Ce monsieur semble parler un fort beau langage, posséder de grands talents et belle courtoisie.
            Fort satisfait  vais à Whitehall, rencontrai sir George Downing et m'entretins une heure des paiements à effectuer au titre de l'Echiquier aux termes de la récente loi. Obtins de lui toutes assurances quant à la sécurité du prêt de 2 000 £ que je consens à sir William Warren au vu d'un ordre de paiement qu'il rédigea et à tirer sur l'Echiquier aux termes de la récente loi pour une valeur de            2 602 £ et j'ai bien l'intention d'aller de l'avant.
            Ayant rencontré le Dr Allen et une autre personne, nous nous promenâmes dans le parc. C'était une très belle et chaude journée et fûmes à la chapelle de la reine, où la musique ne me semble point si déplaisante. Sur un pilier je vis une invitation à l'adresse de tous les catholiques à prier pour l'âme de telle ou telle personne rappelée à Dieu.
            J'apprends que l'on n'a point encore fait part à la reine de la mort de sa mère. Elle est en cours de traitement aussi n'ose-t-on pas le lui dire.
            A midi en voiture à la maison, rencontrai mon oncle et ma tante Wight et leur cousine Mary que j'avais invités. Ils dînèrent et nous nous égayâmes fort. Après mon oncle et moi en voiture à Whitehall. Fîmes les cent pas dans le palais et je traitai quelques affaires, puis avec lui et une autre personne à la nouvelle demeure de milord le chancelier. Examinâmes tout en détail, jusqu'au faîte. Elle me plait toujours autant et est, ce me semble une fort imposante demeure. Puis arpentons les nouveaux bâtiments, le marché couvert et la taverne sous le marché construits par milord St Albans,, examinons à maintes reprises la moindre construction, et départ et retour en voiture à la maison. Là à mes comptes jusqu'à ne plus pouvoir garder les yeux ouverts.
            Cet après-midi rendis visite à milady Carteret, j'avais appris qu'elle venait d'arriver à Londres. Elle m'en témoigna grand agrément, mais je lis dans son visage et dans son cœur l'état de tristesse que lui inspire l'état des affaires de son mari. Mais j'espère qu'elles trouveront bonne fortune et je ne manque point de la réconforter de mon mieux car c'est une grande dame.


                                                                                                                      2 avril

            Levé puis au bureau. A l'Hôtel de Ville avec Mr Gauden, afin d'examiner la trésorerie et les tailles municipales. Chemin faisant son nouveau carrosse se rompit dans la rue et fûmes contraints de prendre un vieux fiacre. A l'Echiquier pour m'informer de certaines dispositions de la nouvelle loi, afin de prêter à sir William Warren 2 000 £ au vu d'un ordre de paiement rédigé par lui aux termes de cette loi, ce que tous m'encouragèrent à faire.
            Là, me promenant avec Mr Gauden dans la Grand-Salle, causâmes, en vînmes au mariage de sa fille. Il me conta l'histoire de Creed qui prétendait à sa main et ne doutait point qu'elle l'aimait alors que de son côté elle éprouvait une violente aversion envers lui, puis de son fils. Benj. Je proposai qu'on le mariât et proposai ma sœur, idée à laquelle il souscrivit avec enthousiasme, et comme il était question de la modicité de sa dot qui n'atteindrait pas les 1 000 £ , il me dit que s'il y a accord sur tout le reste il soustraira de la somme qu'il entend me verser chaque année de quoi lui constituer une dot qui ne me coûtera rien de plus que ce que je comptais donner de mon propre chef. Je m'en réjouis fort et ne
pensant qu'à cette affaire, m'en fus avec lui à Londres, à la Bourse où* je traitai mainte affaire, puis au café avec sir William Warren. Ce dernier me fit valoir avec beaucoup de sagesse que de marier ma sœur avec Mr Gauden signifierait ma ruine en toutes mes fonctions chacun me soupçonnant dans le moindre de mes actes, de même ne serai-je en mesure ni de la servir ni de m'affranchir de l'imputation d'être de sa faction, alors que j'ai été placé là pour lui faire pièce de la plus sévère façon. J'acquis la conviction qu'il ne serait de notre intérêt ni à l'un ni à l'autre de conclure cette alliance, et en ai donc totalement abandonné l'idée, mais je retire grande satisfaction de ce que la chose ait été proposée<;
            A la taverne de la Couronne derrière la Bourse, retrouvai Cocke et Fenn. Après dîner en vînmes au but de cette rencontre, m'entretenir en privé avec Fenn. Je lui dis ce que je sais et ce que je pense de ses affaires. Il m'entend avec grande aménité et me dit qu'il veillera à ce qui se passe autour de lui. Les propos que je lui rapportais touchaient à la façon fort peu civile dont il parle et répond à ceux qui le viennent voir pour des questions d'argent et d'évoquer quelques autres détails.
            Ce matin Mrs Barbara et la petite Mrs Tooker retournèrent chez elles. Ma femme venant me chercher en voiture fûmes à Whitehall afin de rendre visite à milady Carteret qui était sortie. A la Grand-Salle où je fis délibérément pénétrer ma femme dans ses plus beaux atours pour voir et être vue. Vis la fille de Howlett, jeune mariée, que j'appelle aussi ma femme et que je n'aime pas peu.  Puis à Broad Street où rencontrai milady et sir George Carteret. Nous nous assîmes et restèrent à bavarder un bon moment. 
            Retour à la maison et à mes comptes dont je ne puis venir à bout mais je m'y consacre jusqu'à ce que la somnolence me gagne, puis au lit fort chagrin de ne pas pouvoir arriver à meilleures fins à propos de mes comptes.


                                                                                                                         3 avril

            Levé, sir William Warren me rejoignit bientôt, signa un billet à ordre et fit en sorte qu'il soit payable à l'Echiquier, à charge pour moi de compléter le blanc. Je lui remis alors 1 900£. Le fait est que le risque est gros de tant miser aux termes de cette loi, mais je m'assure un cadeau de 300 £ pour services rendus relatifs à certains navires qu'il a achetés, à des prises de guerre, sans parler de confortables intérêts ni de l'engagement pris de me rembourser à ma demande sous six semaines
            Au bureau affairé toute la matinée. A midi dîner chez moi, mon beau-frère avec Balty et sa femme. Il est devenu très sérieux et j'espère lui rendre service en l'envoyant comme officier de rôle de l'une des escadres de la flotte. Après le dîner et son départ travaille d'arrache-pied à mes comptes tout l'après-midi jusqu'à la nuit noire, et je remercie le ciel de ce que, les menant à bien, je me trouve à la tête d'une fortune de 5 000 livres, ce qui m'est grande miséricorde, encore que je sois quelque peu tracassé qu'il existe une différence de 50 £ entre les comptes personnels que je fais tous les mois de mes profits et pertes et les profits que j'établis de mes quittances et de l'argent que je détiens dans mes coffres ou en d'autres mains. Nonobstant je suis convaincu que je possède bien 5 000 £. La plus grosse somme que j'aie jamais possédée de ma vie. Aujourd'hui, comme je l'ai déjà dit, je me suis mis d'accord avec sir William Warren et j'ai obtenu de lui un cadeau de 300 £.
            Le soir passé un moment au bureau puis rentré à la maison, souper et derechef à mes comptes jusqu'à ce que je fusse prêt à aller dormir, car il n'y a point de plaisir à s'en occuper dès lors qu'ils sont en désordre. Au lit.


artcurial.com                                                                                                                  4 avril 1666


            Levé et à Whitehall avec sir William Penn dans son carrosse, et lui de causer de cette façon niaise et naïve qui lui était coutumière. Mais je me surprends à le traiter de façon cavalière. Je remercie le ciel d'autant que ma situation va m'y autoriser. Après avoir traité nos affaires avec le duc d'York, retour à la Bourse avec le capitaine Cocke. Il me promet tantôt une douzaine de salières en argent et propose une affaire pour laquelle il a promis à Mrs Williams, au bénéfice de milord Brouncker, un service d'argenterie qui lui coûtera 500 £. Il me promet la même chose, ce qui fera de fait une belle affaire. 
            Retour chez moi. Comme c'était jour de lessive dînai de viande froide, puis en voiture chez Hayls où je posai jusqu'au soir, grandement satisfait de mon portrait presque achevé. Retour chez moi en voiture, c'est jour de jeûne. A mon cabinet de travail, souper et au lit, délibérant de l'envoi de ma femme à la campagne pour aviser au mariage de Pall, que je souhaite fort, de même que mon père. Deux ou trois propositions s'offrent désormais à nous.


                                                                                                                      5 avril     

            Levé et avant l'heure d'aller au bureau, à Lombard Street, chez Vyner. On me montra l'argenterie exécutée pour le capitaine Cocke afin d'en faire présent à milord Brouncker. Je choisis une douzaine de pièces d'un poids semblable qui seront commandées à mon intention. Au bureau où il y a de quoi devenir fou à la seule pensée de la fausseté et des impertinences de sir William Penn. A midi j'eusse aimé, mais ne le pus, éviter de dîner avec milord Brouncker, sa maîtresse et le capitaine Cocke à la taverne du soleil dans Fish Street. Fîmes un bon dîner mais cette femme me fatigue, et en vérité de voir avec quelle niaiserie milord Brouncker qui, en d'autres moments ne manque pas de sagesse, agit lorsque nous siégeons au bureau, au service des intérêts de Cocke sans pouvoir le moins du monde comprendre ce qui est proposé ni défendre ce qui fait l'objet d'une opposition. Tout cela a de quoi le faire passer pour un sot.
            Retour à la maison où j'apprends que ma femme ayant été avertie qu'une voiture partait demain a résolu de la prendre pour se rendre à Brampton, afin d'obtenir là-bas toutes assurances sur la personne qu'on propose à ma sœur d'épouser. Aussi se prépare-t-elle en vue de son voyage et moi je vais au bureau tout l'après-midi jusqu'à une heure tardive. Retour à la maison, occupé tard à mettre en musique " Le destin l'a voulu, et ton sort, etc. " puis, au lit.
               Cette semaine, à notre grande consternation, le nombre de victimes de la peste a augmenté de 9, bien que le nombre total de décès ait décru. Et cette augmentation se retrouve dans de nombreuses paroisses, d'où nos grandes craintes pour l'année nouvelle.


                                                                                                                                  6 avril

            Levé de bon matin en raison du départ de ma femme pour Brampton. Je ne pus l'accompagner jusqu'à la voiture, mais Will Hower s'en chargea, et je lui ai donné la permission de l'accompagner toute la journée.
            Toute la matinée travail au bureau. A midi dîner à la maison. Mrs Hunt se trouvant là lui prêtai  5 £ pour ses dépenses et la menai ensuite jusqu'au début d'Axe Yard à Westminster. C'est une femme de bien, pleine de discernement, et son mari, à ce qu'il me semble prospère de belle façon à la Régie. Puis chez Mr Hayls, je posai. Mon portrait presque achevé  est très ressemblant aux dires de Mr et Mrs Pearse qui passèrent à l'improviste et je suis fort satisfait et du portrait et de la pose. Vais un peu à la maison avec eux puis à Whitehall où je rencontre, comme convenu, sir Stephen Fox et Mr Ashburnham. Nous nous entretînmes de l'affaire de la taille de la Régie, le premier est trésorier des gardes le second trésorier de la maison du roi. Je retirai grand profit de cet entretien. Nous ne parvînmes point à de grandes conclusions en nous entretenant de la sorte. Nous nous séparâmes et je rentrai chez moi où tout me semble triste en l'absence de ma femme...... Après un rapide souper, au lit.


                                                                                                                           7 avril
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            Grasse matinée ce jour, seul au lit et songeant à diverses affaires. Au bureau jusqu'à midi. Avec milord Brouncker allé en carrosse chez Mrs Williams où dînaient Bab Allen et le Dr Charleton. Bab et moi chantâmes et nous égayâmes fort pour autant que cela fut possible en ces lieux où le reste de la compagnie n'avait point de quoi plaire à l'excès. L'emmenai en voiture chez Hayls où nous rencontrons Mrs Pearse, son fils et Mary. La première séance de pose était terminée et de fait le visage est fort ressemblant dès le premier jet, puis les emmenai à la pâtisserie, fis venir des gâteaux dans la voiture et bûmes. Les transportai ensuite jusqu'à la nouvelle maison de milord le chancelier pour la leur montrer. Elle agréa à chacun au plus haut point. Déposai chacun chez soi puis retournai au bureau où aux alentours de 10 heures Will Hewer vient me trouver pour me dire que ma femme allait bien lorsqu'il l'a laissée ce matin à Buckden, ce qui n'était pas un mince trajet. Il m'apporte une lettre d'elle. Elle est arrivée là-bas dans d'excellentes conditions, ce dont je ne manque pas de me réjouir. A près avoir écrit plusieurs lettres, à la maison, souper et, au lit.
            Le Parlement dont je craignais qu'il ne nous réclame à nous autres de la marine des comptes quant aux dépenses et à l'état de l'approvisionnement. Nous aurions été fort en peine de lui faire bonne réponse. 
            L'évêque de Münster, aux dires de chacun, est en train de faire la paix avec la Hollande.


                                                                                                                                8 avril 1666

            Levé, eus toutes les peines du monde à traverser jusqu'à Whitehall car il pleuvait et il n'y avait point de voiture disponible, aussi alla-je à pied jusqu'à l'Ancien Cygne où je trouvai un petit canot. Chez le duc d'York où nous étions tous réunis pour écouter le débat opposant sir Thomas Allin et Mr Waith, le premier se plaignant de l'attitude du second à son égard lord du récent paiement de la solde à l'équipage de son navire. C'était là chercher bien piètre et mauvaise querelle. Le Duc régla l'affaire avec beaucoup de discernement, gourmandant les deux hommes tout en encourageant Waith à ne point laisser d'empêcher les capitaines d'aller en quoi que ce fût à l'encontre des droits du roi. Et au vrai je n'ai jamais vu le Duc agir avec plus de pertinence ni plus de discernement que lorsqu'il rendit son arrêt en cette affaire !
            Ce matin à la Cour il n'est question que de la mort de Tom Chiffinch, intendant des appartements privés du roi. Il était hier soir en aussi bonne forme qu'à l'ordinaire, jouant au tric-trac à l'intérieur du palais, et guère malade ce matin à 6 heures. Nonobstant, mort avant 7 heures. On pense à un apostume à la poitrine, mais ces jours-ci il n'en faut pas plus pour effrayer les gens, la recrudescence de la peste étant générale à ce que l'on entend.
            A la chapelle du roi, mais ne pus entrer et n'entendis donc pas bien. Mais, ce qui de ma vie ne m'était point arrivé, j'eus le plaisir de voir un archevêque, celui d'York, en chaire.
            Puis ne sus trop comment rentrer chez moi ayant promis d'amener Mrs Hunt avec moi. Je finis par me procurer le carrosse de Mrs Hutchingbrooke, ce dernier restant à la Cour. Je la pris donc à Axe Yard, fûmes à la maison et dînâmes, causâmes agréablement des vieilles histoires relatives au Protecteur et à sa famille dont elle est parente. Le Protecteur vit en France, dépense aux alentours de 500£ par an. La ramenai en ville, puis à la Cour. Allai à pied jusqu'à la chapelle St James pensant pouvoir entendre prêcher un jésuite, mais arrivai trop tard.
            Le soir me fis peigner les cheveux par Mrs Mercer, puis souper, chant d'un psaume et, au lit.


                                                                                                                   9 avril
 
            Levé de bonne heure et, avec on menuisier, entrepris d'agrandir la fenêtre de la chambre de mon petit valet. Mon intention est d'en faire une pièce où l'on dînera et où l'on fera de la musique.
            Au bureau, réunion touchant des affaires extraordinaires. A midi à la Bourse pour de nouvelles affaires. Avec Creed dîné et à la commission de Tanger où je m'arrangeai pour faire régler deux ou trois choses qui me tenaient à cœur, et ce à mon avantage. Puis en voiture chez Mrs Pearse, où étaient son fils et sa fille et Mrs Knepp. Sortîmes pensant nous égayer à Chelsea. Mais, alors que nous étions presque arrivés à la maison qui se trouve près de la rive, maison isolée, le Cygne je crois, un monsieur passant par là à pied nous héla pour nous dire que l'établissement était fermé en raison de l'épidémie. Alors, grandement effrayés, nous rebroussâmes chemin, obligés envers ce monsieur, et nous nous éloignâmes, moi-même plongé dans une grande confusion, en direction de Kensington. Dépensai environ 30 shillings pour ces drôlesses, chantâmes de jolie façon restant jusqu'aux alentours de 8 heures la nuit tombant rapidement. Puis je les déposai chez Pearse et rentrai chez moi. Passai un moment avec sir William Warren, évoquai des questions de travail puis, au lit.


                                                                                                                     10 avril

          Levé de bonne heure, reçois de nombreuses visites concernant le travail. Au bureau, siégeai jusqu'à midi et rentrai dîner. Derechef au bureau tout l'après-midi où nous étions tous réunis pour la première fois que nous avions résolu de siéger et le matin et l'après-midi. Beaucoup de travail le soir, rentrai chez moi, bien qu'il fût tard n'en vis pas moins le travail du plâtrier sur ma nouvelle fenêtre. Souper et, après m'être fait peigner par la petite servante, au lit.
            Mauvaise nouvelle, la mortalité a diminué, mais il y a deux morts de plus dus à l'épidémie.


                                                                                                                     11  avril 1666
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            A Whitehall non sans avoir auparavant mis mes gens au travail, placer mes balustrades sur la terrasse du petit balcon de ma femme, chose que j'avais en tête depuis longtemps mais que je n'avais pas eu l'occasion de faire.
            Après en avoir terminé avec le duc d'York, fus chez Hayls. Il parut qu'il n'y avait plus rien à ajouter à mon portrait, hormis la musique. J'en suis fort satisfait car elle est rendue avec exactitude.
            Rentré chez moi, dîné, puis me rendis à Greshal College, où beaucoup d'embarras et de cérémonie pour choisir le conseil et les membres du bureau. J'obtins trois voix pour siéger au conseil, moi qui suis un profane et n'en attendais aucune. Puis milord Brouncker ayant été réélu président, rentré chez moi où à ma grande satisfaction je vois mes balustrades sur ma terrasse. Au bureau, travaillai quelque peu et à la maison. Je m'attaquai sérieusement à mes comptes de Tanger qui, à ce qu'il me semble, sont voués à la confusion, d'autant que j'ai la tête trop pleine d'autres préoccupations et d'autres plaisirs. A midi la femme de Bagwell vint me voir au bureau après son long séjour à Portsmouth. Après le souper, à minuit passé, au lit.


                                                                                                                           12 avril

            Levé puis au bureau toute la matinée. A midi dîné chez moi et retour au bureau. Tandis que je faisais un tour dans le jardin milady Penn vient me trouver et m'emmène chez elle où je trouve sa fille et une jolie dame de sa connaissance, une certaine Mrs Lowder avec qui, nonobstant toutes les résolutions que j'avais prises de m'adonner sérieusement à mon travail cet après-midi, je demeurai à causer et à folâtrer. Vis là deux ou trois tableaux niais et piteux faits de la main de lady Penn, tout à fait ridicules en comparaison de ce que fait ma femme. Elle devient parfaitement quelconque et paraît âgée. Puis, honteux de cette perte de temps quoique incapable de quitter ces lieux, fus au bureau. 
            Arrivée de milord Brouncker, eûmes une petite altercation car il est, je le constate, très irritable si on lui refuse ce qu'il attend, et il raisonna d'une façon très naïve en cette affaire, signer une autorisation de payer 1 000 £ prélevés sur le " groats " à sir Thomas Allin. Nous nous réconciliâmes avant de nous en aller. Je m'en fus écrire des lettres que je voulais faire partir par la poste. A la maison, souper et, au lit.


                                                                                                                   13 avril

            Levé, réveillé par le frère de ma femme pour qui j'ai obtenu du duc d'York un brevet d'officier de rôle dans l'une des divisions de la flotte dont Harman est contre-amiral, ce dont je me réjouis autant que lui. Après l'en avoir informé et m'être quelque peu entretenu avec lui, je sortis et l'emmenai avec moi en voiture chez le duc d'Albemarle. Ce dernier pas encore levé je fis un tour avec Balty dans le parc, puis fûmes à la chapelle de la reine, c'est aujourd'hui vendredi saint. Tout le monde était à genoux, en grand silence mais, semble-t-il, point de messe. Nous nous en retournâmes, présentâmes nos respects au Duc et écoutâmes quelques ordres. En voiture chez Mr Hayls. Il est fort étrange de voir que sa deuxième intervention, je veux parler de la deuxième séance de pose de Mrs Pearse la fait apparaître moins ressemblante que la première fois. Il est si méticuleux que j'ai peine à imaginer qu'il lui soit possible d'être dans l'erreur.
            Hayls et moi décidâmes d'aller tantôt à Whitehall passer une heure dans les galeries parmi les tableaux. Cela me procura une extraordinaire satisfaction, car il me montra à quoi tiennent les différences dans l'art de peindre. Tandis que je suis de plus en plus à même de discerner et d'observer ce qui ressortit au métier du peintre je vois que beaucoup de choses ne sont pas aussi belles que je le croyais, qu'il existe de grandes différences entre les oeuvres des différents artistes. Je voulus retourner voir chez lui ses propres tableaux. A la vérité même s'il me semble de prime abord qu'une différence apparaît, elle me semble mineure, et je puis voir en ses oeuvres de très bons tableaux. Nous en vînmes à parler de mon portrait, et je suis d'avis qu'il fasse disparaître le paysage, encore qu'il le trouve fort bien exécuté, nonobstant j'estime que le portrait gagnera à s'en passer, il disparaîtra donc pour devenir simple ciel, comme dans le portrait de ma femme, ce qui aura fort belle allure.
            Visite à une vieille femme de Pannier Alley, nous convenons qu'elle règlera du papier pour moi, et à très bon marché. Je constate qu'elle a pour servante une fille brune très accorte, la chose me plut fort.
            Rentré chez moi dîner et voir mon menuisier fabriquer le banc pour ma terrasse. Je fus très satisfait. Après dîné sortis pour apporter du papier à ma vieille femme, puis à la Grand-Salle et vis là Betty Howlett près de l'alambic de son père et lui parlai plus qu'il n'était dans mes intentions. Il semble qu'on la doive installer dans sa maison à elle lundi prochain, lundi de Pâques, afin qu'elle se lance dans une nouvelle existence avec son jeune mari. Je me réjouis à l'idée qu'elle habitera près de chez moi, car je l'aime diantrement.
            Retour à la maison, arrivée de Mr Houblon et de l'un de ses frères avec qui je me mis d'accord quant aux chartes-parties relatives à leurs navires allant à Tanger. Leur en avançai un tiers sur leur fret, pleinement satisfait. Puis aux partis, arrivée de Creed avec qui, jusqu'à plus d'une heure
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            du matin mîmes ses comptes au net jusqu'à ce que j'eusse mal à la tête et ne fusse plus en état de faire quoi que ce fût. Néanmoins, comme par bonheur, nous parvînmes à bout de cette tâche et à tout régler à mon gré. J'en fus fort satisfait. L'esprit en repos allai, au lit, avec lui, et de dormir comme une souche.
            Lever aux alentours de 7 heures et en terminâmes avec nos papiers. Je lui remis des tailles et quelque argent, puis départ, moi au bureau toute la matinée. A midi dînai chez moi avec Creed, puis nous nous séparâmes. Au bureau vint bientôt me quérir sir Hugh Cholmley, fûmes tous deux à mo, cabinet de travail, réglâmes mes comptes et lui donnai des tailles et de l'argent afin de régler ce qui m'était dû. Ainsi tous ces comptes étaient réglés, je serai quitte envers le roi, ce qui me permettra de dresser des comptes fort clairs et succincts en seulement quelques jours, ce qui est loin de me déplaire.
            A cette occasion nous nous entretînmes très longuement de Tanger. Il me convainc qu'à voir la façon dont milord Belasyse conduit maintenant les choses ainsi que la façon dont elles le seront par Norwood, eux qui n'ont cure que de leur propre sort, la garnison ne sera jamais bonne à grand chose. Et de se proposer même comme gouverneur, il saura en tirer quelque chose.


                                                                                                               15 avril 1666
                                                                                                  Jour de Pâques
rouillac.com
        Levé et par le fleuve à Westminster à la taverne du Cygne pour déposer mon manteau. Trouvai Sarah seule. Après avoir passé un moment avec elle fus à la chapelle de Whitehall. Arrivé tard ne pus entendre quoi que ce fût du sermon de l'évêque de Londres, aussi me rendis-je dans le parc et fus jusqu'à a chapelle de la reine. Entendis une grande partie de leur messe et de leur musique qui, à ce qu'il me semble, n'est point aussi déplaisante qu'on le prétend dans notre pays. Cette musique m'agrée fort, davantage, en vérité, que le motet que j'entendis ensuite à mon retour à Whitehall.
            Je restai jusqu'au moment où le roi fut communier. Je demeurai dans son oratoire parmi d'autres, et je le vis communier. Je n'avais jamais vu la manière dont cela se passait, mais je ne vois guère de différence entre le degré de cérémonial dont on use dans notre Eglise pour l'administration des sacrements et celui qui prévaut dans l'Eglise de Rome, si ce n'est, qu'à mon avis, notre chapelle n'était point aussi belle, ni l'air des choses aussi majestueux que ce n'était le cas dans la chapelle de la reine.
            Allai à pied chez Mr Pearse, dînai seul avec lui, sa femme et leurs enfants. Très bonne compagnie et plaisante conversation, car ils sont à même de me dire tout ce qui se passe à la Cour, les amours et les folies qui s'y déroulent. Qu'il ne fait point de doute que Mrs Stuart fait à présent tout ce que doit faire une maîtresse du roi, et que le roi à maints bâtards connus et reconnus en plus du duc de Monmouth. Après que nous eûmes longuement discouru je fus à pied au parc avec le jeune fils de Mr Pearse, James. C'est le garçon le plus spirituel et la compagnie la plus agréable qui soient au monde. Traversâmes derechef Whitehall, nous promenant de-ci de-là, et la plupart des gens de le prendre pour mon fils et d'aucuns de me demander s'il l'était.
            Retour chez Mr Pearse, comme il était sorti, Mrs Pearse, les enfants et moi allâmes en voiture à Kensington, au même endroit que l'autre jour et restâmes avec grand plaisir jusqu'au soir, rentrâmes fort tard, les chevaux étaient fatigués et s'arrêtaient tous les vingt pas. En chemin nous parlâmes de Mrs Clarke qui, dit-elle, est devenue joliment hautaine, maniérée et fière. Mais Mrs Pearse me narre une histoire étrange : le capitaine Rolt la vit l'autre jour accoster un monsieur dans la Grand-Salle et s'en aller avec lui. Rolt les suivit jusqu'à Moorfields, jusqu'à une petite maison située à l'écart où l'on s'adonne au plaisir. Il resta là posté trois heures à épier, mais ils ne sortirent point. Il ne put attendre plus longtemps et les abandonna. Il est sûr que c'était elle, l'ayant bien reconnue et ayant même décrit ses vêtements à Mrs Pearse, on sait que c'est ainsi qu'elle s'habille.
            Les reconduisit chez eux, à bon port, et pris le chemin du retour chez moi. Mais à Ludgate Hill les chevaux s'arrêtèrent pour de bon, aussi je descendis et, muni d'un flambeau, rentrai à pied. 
            Après avoir chanté un psaume ou deux et souper, au lit.

* joa.f

                                                            à suivre.........

                                                                                                         16 avril 1666

            Levé et mis m                                         
                          .                                        


































            






















            

     














































samedi 1 juillet 2023

Le corbeau et le Renard Jean de La Fontaine ( Poème France )

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                         Le Corbeau et le Renard

            Maître Corbeau, sur un arbre perché,
                Tenait en son bec un fromage.
             Maître Renard, par l'odeur alléché,
                  Lui tint à peu près ce langage :
           " Que vous êtes joli ! Que vous me semblez beau !
                  Sans mentir, si votre ramage
                  Se rapporte à votre plumage                                                            meisterdrucke.fr                            
              Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois.
            A ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie
                    Et pour montrer sa belle voix,
              Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie
           Le Renard s'en saisit, et dit : " Mon bon Monsieur,
                       Apprenez que tout flatteur
                Vit aux dépens de celui qui l'écoute.
            Cette leçon vaut bien un fromage sans doute. "
                        Le Corbeau honteux et confus,
           Jura, mais un peu tard qu'on ne l'y prendrait plus.


                           Jean de la Fontaine

                                                         ( 1668 )