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samedi 2 février 2019

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 92 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )


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                                                                                                                        1er Mai 1663

            Levés de bonne heure, mon père et moi toute la matinée avec Will Stankes, seuls dans le petit salon de ma femme à l'étage, pour régler nos affaires concernant notre domaine de Brampton, etc. Il m'apparaît que le revenu des terres, après que toutes les dettes, pas plus de 100 livres, auront été payées, se montera à 50 livres net par an pour les dépenses de mon père en plus des rentes, 25 livres par an, pour mon oncle Thomas et ma tante Perkin. Quoique me réjouissant dans mon for intérieur, je ne pensai point qu'il convînt d'en informer exactement mon père. Il alla ensuite visiter mon oncle Thomas et le ramena avec lui pour dîner. Après dîner je priai mon père et mon frère Tom de se joindre à moi et je leur peignis de la situation un tableau plus sombre et promis à mon père 20 livres de ma propre bourse pour atteindre les 50 livres, proposant de vendre Stiltoe, ce qui permettrait de lui verser 200 livres qui lui reviennent, et d'utiliser le reste pour payer dettes et legs. Pour être franc j'ai peur que mon père ne meurt avant que les dettes ne soient payées, auquel cas cette terre reviendrait à Tom et la charge de payer toutes les dettes retomberait sur les terres restantes. Ce n'est pas que je veuille causer aucun tort véritable à mon frère. Je recommandai à mon père de gérer prudemment ses affaires et de borner ses dépenses à 50 livres pas an, et j'employai des mots si affectueux que, non seulement les larmes lui vinrent aux yeux, mais à moi aussi. J'espère que mes conseils auront un bon effet.
            Cela réglé et aucun point n'étant contesté nous descendîmes et, après un verre de vin, nous montâmes tous à cheval et je l'accompagnai, ayant loué un cheval à Mr Game, jusqu'à la sortie de Londres, au bout de Bishopsgate Street, puis fis demi-tour et me frayai avec peine un chemin à travers champs puis dans Holborne, etc., vers Hyde Park où, semble-t-il le monde entier s'est donné rendez-vous. Sur ma route rencontrai William Howe qui venait en sens inverse, au galop sur un petit cheval noir essorillé, apparemment celui que l'on a pris sur une terre appartenant à milord, et que son maître, un voleur, avait laissé là par quelque accident. On l'avait trouvé affublé d'oreilles en tissu noire et d'une fausse crinière, car il en était dépourvu. Je retournai avec lui à l'auberge de Chequer à Charing Cross où je laissai ma pauvre rosse et, suivant son conseil, enfourchai un bel étalon  appartenant au capitaine Ferrer. Et ainsi chevauchai en grand apparat vers le parc. Mais comme je me trouvais au milieu d'une foule de chevaux pour regarder les cavaliers du roi faire des exercices de voltige très curieux, mon étalon se montra fort indocile et commença de se battre avec d'autres chevaux, nous mettant en danger. Je me dégageai à grand peine et me tins à l'écart.
            Je ne vis rien d'intéressant.............Les quelques jolis visages qui se trouvaient là disparaissaient au milieu de nombreux laiderons, car il y avait toute espèce de gens dans les voitures, plusieurs milliers je crois.                                                                                     
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            Plus tard, m'en retournai, changeai à nouveau de cheval et me dirigeai vers la maison au milieu d'un grand embarras de voitures qui allait presque jusqu'à l'autre bout de la ville. Sur mon chemin, dans Leadenhall Street on dansait la " morris dance ", ce que j &e n'avais pas vu depuis longtemps. Ramenai mon cheval chez Game, payai 5 shillings, puis rentrai à la maison voir sir John Mennes qui est rétabli et, après avoir causé un moment je pris congé et allai écouter la fille de Mrs Turner, chez qui Sir John Mennes couche ce soir, jouer du clavecin. Mais, Seigneur ! il y avait de quoi vous rendre malade de l'entendre. Je fus cependant bien obligé de lui faire force compliments.
            Puis à la maison, souper et au lit. Miss Ashwell joua très bien du virginal avant que j'allasse me coucher.
            Aujourd'hui le capitaine Grove m'a envoyé des côtes de porc, ce qui, assurément est le cadeau le plus étrange qui se puisse faire. La prochaine fois, je me souviens l'avoir dit à ma femme, je crois que ce sera une livre de chandelles ou une épaule de mouton. Mais cet homme fait cela par courtoisie
et je suis son obligé.
            Puis au lit, fort las et un peu écorché par manque d'habitude d'aller à cheval, priant Dieu que mon père fasse bon voyage. Je me soucie pour lui car a été repris par son mal, il y a si peu de temps !


                                                                                                                2 mai

            A cause de ma fatigue d'hier soir j'ai dormi jusqu'à presque 7 heures, ce qui ne m'était pas arrivé depuis bien des jours. Lever et à mon bureau, après m'être querellé avec ma femme car elle ne tient pas la maison assez propre. Je la traitai de " va-nu-pieds " et elle m'appela " tire-l'aiguille " ( nte de l'édit. Pepys était fils de tailleur et sa femme Elisabeth n'avait pas apporté de dot ), ce qui m'irrita. et passai là toute la matinée. Puis à la Bourse et retour à la maison où, fort gai et très satisfait de ma femme, et de nouveau au bureau, réunion extraordinaire pour établir la liste des dettes de la marine pour milord le trésorier. La séance levée montai chez sir William Penn pour boire un verre de mauvais cidre dans sa nouvelle salle à manger qui est basse de plafond et fort élégante, puis à la maison où je trouve le capitaine Ferrer et sa femme venus rendre visite à ma femme. Il doit se rendre en France au début de la semaine prochaine pour voir, et je pense pour ramener le jeune lord Hinchingbrooke. Après leur départ allai à mon bureau pour écrire le courrier. Puis à la maison, souper et, au lit.


                                                                                                                   3 mai
                                                                                             Jour du Seigneur
            Levé avant 5 heures et demeurai seul à mettre en ordre mes papiers concernant Brampton en accord avec nos calculs et nos décisions de l'autre jour, à ma grande satisfaction, il m'apparaît qu'il nous reviendra 50 livres net par an. Le seul ennui est que la dette pourrait se monter à 100 livres.
M'habillai et à l'office où sir William Penn me montra la jeune fille que le jeune Dawes, qui occupe le nouveau banc d'angle dans l'église, à enlevée à sir Andrew Riccard, son tuteur. Elle a 1 000 livres de rente en belles et bonnes terres et de l'argent, et c'est une très belle jeune fille fort bien élevée. Lui, je le crains, n'est qu'un sot, cependant il a eu la bonne fortune d'obtenir sa main et il s'en faut de peu, ma foi, que je lui envie cette chance de tout mon coeur. Retour dîner à la maison avec ma femme qui, souffrant, ne s'est pas habillée de toute la journée et n'a pas quitté la maison, puis à l'office l'après-midi, et retour à la maison enseigner un peu à Miss Ashwell la notation de la mesure et d'autres choses au virginal et apprendre un psaume excellemment, car elle a une bonne oreille et la main adroite. Puis un moment à mon bureau et ensuite à la maison, souper, prières et, au lit.
            Ma femme et moi nous sommes un peu disputés parce que je n'ai pas voulu interrompre notre conversation en bas avec elle et Miss Ashwell pour monter causer seul avec elle de quelque chose qu'elle avait à me dire. Elle me reprocha de préférer parler avec n'importe qui plutôt qu'avec elle. Ce qui montre, je pense qu'elle est jalouse de ma familiarité avec Miss Ashwell. Je dois éviter de lui en donner l'occasion.


                                                                                                               4 mai
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            Levé de bonne heure, mis de l'ordre dans mes papiers de Brampton, examinai ma garde-robe en prévision de l'été et mis de côté des habits à envoyer à mon frère pour qu'il les transforme.
            Un peu plus tard pris une barque pour me rendre à Woolwich, mais voyant que je ne pourrais pas rentrer à temps pour dîner, je rebroussai chemin où arriva bientôt le maître à danser. J'assistai à la leçon qu'il donnait à ma femme et quand il eut terminé sir William voulut à toute force me faire essayer les pas d'une courante, et il insista tant et ma femme me pressa avec tant d'obstination que je commençai et fus donc obligé de lui verser 10 shillings d'acompte, et me voilà devenu son élève.
            A la vérité, je crois que c'est un art très utile pour un gentilhomme, et je peux avoir l'occasion d'en faire usage, bien que cela me coûte de l'argent, ce dont je suis bien fâché, sans compter que je dois, au terme de mes résolutions, donner la moitié autant aux pauvres. Je suis cependant résolu à recouvrer cet argent de quelque autre façon et de toute manière cela ne durera pas plus de un ou deux mois et donc, quoique à mon corps défendant je vais essayer quelque temps. Si je vois que cela me crée trop de désagréments ou de dépenses j'arrêterai. Après que j'eus commencé à apprendre, ce qu'à mon avis je n'aurai pas de peine, il partit et nous allâmes dîner.
            Un peu plus tard nous sortîmes en fiacre, je laissai ma femme chez milord Crew, et visite à milady Jemima Montagu qui vient d'arriver en ville. Me rendis à St James où avec  Mr Coventry et sir William Penn attendîmes un bon moment le Duc, mais comme il ne vint pas nous nous rendîmes à Whitehall. Nous rencontrâmes le roi que nous suivîmes dans le parc où Mr Coventry et lui causèrent de la construction d'un nouveau yacht, que le roi est résolu à faire construire sur sa cassette personnelle, car il a quelque plan de son cru. Après cette conversation nous repartîmes vers Whitehall, laissant le roi dans le parc, et en chemin nous rencontrâmes le Duc qui se dirigeait vers St James pour nous rejoindre. Nous nous rendîmes à son cabinet de travail à Whitehall, et là en présence de milord Sandwich nous nous acquittâmes de notre tâche hebdomadaire et nous séparâmes. Milord Sandwich et moi descendîmes dans le jardin après avoir passé une heure en réunion à la commission de Tanger.  Après avoir parlé longuement des affaires qui le concernent nous causâmes de la situation à la Cour. Bien qu'il ne m'ait rien dit de tel en termes clairs, je soupçonne que tout ne va pas pour le mieux entre le roi et le Duc, et que c'est l'affection du roi pour le petit duc qui en est la cause. Peut-être craint-on qu'il ne soit fait héritier de la Couronne, mais cela milord ne me l'a pas dit, ce n'est qu'une déduction. Et il est certain que la chute de milord le chancelier est inéluctable.
            Milord partit pour Chelsea en carrosse, et je me rendis chez lui où m'attendait ma femme. Elle alla ensuite voir Mrs Pearse et m'appela à l'embarcadère de Whitehall, où je m'étais rendu à pied pour savoir s'il y avait une pièce à la Cour ce soir. Comme il n'y en avait pas, elle, moi et Mr Creed nous rendîmes à la Bourse où elle fit quelque emplette, puis, par le fleuve à Whitefriars et ma femme rendit visite à Mrs Turner puis me rejoignit chez mon frère à qui je donnai mes instructions concernant mes habits d'été. Puis en fiacre à la maison et après souper au lit avec ma femme, avec qui je n'avais pas couché depuis que je partageai mon lit avec mon père.


                                                                                                               5 mai

            Levé de bonne heure et à mon bureau, occupé toute la matinée. Entre autres, me promenai un bon moment avec sir John Mennes qui m'a raconté maintes vieilles histoires sur la marine et sur la situation de la marine au début des troubles d'autrefois, et je suis fort chagriné en
pensant à l'échec de la cause du roi, mais ne pourrai plus m'en étonner à l'avenir sachant qu'un coquin de son espèce, si ce qu'il dit est vrai, avait le commandement de toute la flotte et que reposait sur lui le plan d'abattre milord de Warwick et de rallier la flotte au roi, tâche à laquelle il échoua lamentablement, causant la perte de son souverain.
            Dînai à la maison et montai ensuite étudier mes pas de danse, puis retour au bureau, et réunion tout l'après-midi. Le soir, Deane de Woolwich m'accompagna chez moi et me montra comment utiliser une petite règle à mesurer, plus petite que celle que j'ai achetée l'autre jour, la même que celle-là mais plus aisément portable néanmoins. Je fis mine de n'y rien comprendre et même de n'avoir jamais vu pareil instrument auparavant. Mais je trouve l'homme ingénieux et pense qu'il sert bien le roi à son poste.                                                                                                  onlinekunst.de
            Puis à mon bureau occupé à écrire des lettres. Arriva sir William Warren qui attendit que l'on eût fini une lettre pour ses affaires. Nous causâmes marchandises, commerce et manières de gagner de l'argent. Je me préoccupai de savoir de quelles façons un homme de mon éducation peut parvenir à comprendre quoi que ce soit au commerce. Il me donna sur tout de très judicieuses réponses, me montrant quel danger il y aurait pour moi de l'aller occuper de vaisseaux ou de marchandises de quelque sorte que ce fût, ou d'effets publics, mais que je devrais placer ce que j'ai à intérêt, ce qui est une manière excellente, discrète et facile de s'enrichir et, de temps en temps l'occasion se présente, pour qui a de l'argent disponible d'en faire usage de fort profitable manière. Je suis bien de son avis.. Je le quittai tard, ayant tiré beaucoup de plaisir et de satisfaction de sa conversation. Puis à la maison, souper et, au lit.
             Il a fait très chaud cet après-midi ainsi que ce soir et vers onze heures du soir, alors que j'allais me coucher, il commença de tonner et de faire des éclairs, les plus grands, qui illuminaient la cour toute entière, que j'avais jamais vus de ma vie.
         

                                                                                                               6 mai 1663

            Levé de bonne heure et à mon bureau. Passai un bon moment à étudier mes nouvelles règles, puis au travail. Vers midi à la Bourse avec Creed. Nous rencontrâmes John Mennes qui revenait dans son carrosse de Westminster. Fort échauffé il nous dit que, par le ciel ! le Parlement s'apprête à commettre une folie, que l'on va interdire à tous ceux qui ont porté les armes contre le roi durant les troubles d'autrefois toute charge civile ou militaire, à l'exception de certaines personnes. Si c'est le cas, ce que je ne souhaite pas, cela va causer bien du mécontentement et je crains que rien n'en sorte, que du mal.
            Je les laissai à la Bourse et me rendis à pied à l'enclos de Saint-Paul pour feuilleter un livre ou deux, puis m'en retournai et allai dîner à Trinity House.
            Parmi diverses histoires intéressantes contées par les vieux marins, ils nous dirent avoir souvent, alors qu'ils pêchaient au Groenland, attrapé des baleines, et les grappins de fer qui avaient pénétré dans le corps des animaux étaient couverts de graisse. Il leur était arrivé de tirer 11 barils d'huile de la langue d'une baleine.
            Après dîner, à la maison et à mon bureau occupé jusqu'au soir, et à la maison et souper et arrive Mr Pembleton. Après souper montâmes dans notre salle de danse, exécutâmes trois ou quatre danses campagnardes, puis m'exerçai à danser la courante. Je commence à penser que dans quelque temps je pourrai en faire quelque chose d'assez bien. Tard et fort gaiement à danser puis fatigué au lit.


                                                                                                                    7 mai

            Levé de bonne heure, un moment à mon bureau. Ensuite pris une barque avec ma femme, la laissai à la nouvelle Bourse, tandis que j'allais voir le Dr Williams pour l'affaire qui m'oppose à Tom Trice. Puis chez mon frère que je trouve fort soigneux ces temps-ci dans son travail et en bonne voie de bien réussir. Puis à Westminster où je fis les cent pas de la Grand-Salle au vestibule de la Chambre car le Parlement était en séance. Me rendis ensuite en fiacre chez milord Crew et dînai avec lui. Il me parle de l'ordre qu'a donné la chambre des Communes pour que fût rédigé un projet de loi réservant promotions et charges publiques aux seules personnes qui ont été loyales et fidèles au roi et l'Eglise, ce qui sera fatal à maintes gens et me fait craindre que je pourrais moi-même être concerné, malgré mon innocence totale à cette époque, car j'étais employé à l'Echiquier. Mais j'espère que Dieu me protègera.
            C'est aujourd'hui l'ouverture du nouveau théâtre royal qui présente avec des décors " Le lieutenant fantasque ", mais je n'ai pas le temps d'aller voir la pièce. Je n'ai pas pu rester non plus voir milady Jemima qui vient d'arriver en ville et qui se trouvait dans la maison mais dînait en haut avec sa grand-mère. J'allai chercher ma femme chez mon frère en fiacre et rentrai à la maison, mais comme les officiers se trouvaient à Deptford pour verser des soldes, la réunion était annulée. Je partis alors avec ma femme faire une promenade en barque et passai ainsi la soirée. Puis à la maison, fort content, pour souper et, au lit.
            Sir Thomas Crew me dit aujourd'hui que la reine en apprenant que l'on avait soumis, parmi les autres dépenses de la Couronne, la question de ses 40 000 livres par an, à la commission parlementaire, a fait en sorte de les informer de ce qu'elle n'a encore reçu que 4 000 livres pour l'entretien de toute sa maison. Acte remarquable car il dénote un fort caractère, et qui, je le crois, est tout à fait vrai.


                                                                                                                  9 mai

            Levé très tôt et à mon bureau où préparai pour mon père des lettres de grande importance pour ce qui est du règlement de nos affaires et de la manière de bien gérer son bien. Je lui promets de compléter sa rente de ma poche pour la porter à  50 livres par an, jusqu'à ce que la mort de mon oncle Thomas ou l'obtention d'une place à le Garde-Robe lui assure d'autres revenus.
            Cela fait, me rendis en barque jusqu'au Strand où observai les travaux de la reine-mère à l'hôtel de Somerset. Puis au nouveau théâtre, mais ne puis entrer le voir. Ensuite visitai milady Jemima, qui a beaucoup grandi depuis que je l'avais vue, mais qui a besoin d'apprendre les façons de la Cour pour se mettre en valeur.                                                                 cosmovision.com
            De là au quartier du Temple où restai jusqu'à une heure chez Playford à lire dans Le fondement de la théologie du Dr Husher ce qu'il écrit sur les Ecritures. Nul, dans aucun livre, n'en a dit plus que lui sur le sujet. Il y a pourtant là matière à critique, si un homme n'a que faire de la tradition de l'Eglise qui est la sienne depuis sa naissance, je crois que c'est un aussi bon argument que la plupart de ceux que l'on avance pour bien des choses, et il peut s'appliquer ici, entre autres.
            Puis chez mon frère chercher ma femme et Miss Ashwell pour les emmener au Théâtre royal qui est ouvert depuis deux jours. La salle est extraordinairement bien conçue, quoiqu'elle présente quelques défauts, tels que l'étroitesse des portes d'accès au parterre, et la distance qui sépare la scène des loges, d'où j'en suis certain, l'on ne peut rien entendre. Mais cela excepté, tout est bien. A part que, et c'est la pire, comme les musiciens sont en bas, et que la plupart d'entre eux jouent sous la scène même, il est tout à fait impossible d'entendre les graves, et les aigus ne sont pas très audibles, chose à laquelle il faudra assurément remédier.
            On présentait Le lieutenant fantasque, une pièce médiocre tout comme est médiocrement joué le rôle même que Lacy, par ordre du roi, interprète maintenant à la place de Clun. Lors du ballet la danse du démon était fort réussie.
             La pièce terminée rentrâmes à la maison en barque. J'ai été un peu honteux que ma femme et sa dame de compagnie fussent si négligées dans leur toilette car, me semble-t-il, toutes les dames du parterre étaient plus richement et plus élégamment vêtues qu'à l'accoutumée.
            A mon bureau pour noter les événements de ce jour, et bien que n'étant pas contraint par mes résolutions de ne point aller au théâtre, de ne pas le fréquenter, parce qu'il n'existait pas alors, je crois cependant qu'à l'époque je voulais parler de tous les théâtres publics et je suis résolu à renoncer aux deux pièces à la Cour qui restaient à mon crédit pour les mois de mars et d'avril, ce qui compensera largement l'excès d'aujourd'hui. De sorte que ce mois de mai est le premier où j'aurai le droit d'aller voir une pièce à la Cour, au terme de mes résolutions.
            Souper à la maison, et arrive Pembleton. Ensuite montâmes tous danser jusqu'à une heure avancée, puis nous nous séparâmes et, au lit. On me dit que j'ai l'étoffe d'un bon danseur.


                                                                                                               9 mai 1663

            Levé de bonne heure et à mon bureau où, plus tôt que de coutume arrive Mr Hayter, la mine défaite. Il désirait me dire un mot en particulier, ce qui m'étonna fort. Le pauvre homme me dit que le sort avait voulu qu'il se trouva dimanche dernier à une assemblée d'amis qui faisaient leurs dévotions, et qu'ils fussent surpris,et lui emmenés à la prison du Comptoir être relâché par la suite. Cependant, ayant appris que sir William Batten en avait été informé, il a jugé bon de me rapporter l'affaire de crainte que cela ne me porte préjudice.
            Son récit me causa une surprise extraordinaire et du tourment pour lui car, sachant que maintenant les faits sont connus, il m'est impossible de les dissimuler ou de le garder à mon service sans danger pour moi. J'examinai toutes les possibilités et lui donnai les meilleurs conseils que je pus. Comme je lui demandais si je pouvais promettre qu'il ne recommencerait pas, il me dit qu'il préférait que je m'abstinsse de faire une telle promesse, car il n'osait s'y engager, quel que soit le sort que lui réservât la providence divine et que, pour ce qui me concerne, il rendait grâce à Dieu et me remerciait pour toute l'affection et la bonté que je lui avais témoignée. Je ne pus poursuivre notre conversation sans avoir les larmes aux yeux, mais je décidai de finalement dire toute la vérité à Mt Coventry, dès que je le pourrais, et dans ce dessein usai de stratagèmes pour empêcher sir William Batten, arrivé hier soir en ville, d'aller là-bas aujourd'hui de crainte qu'il n'en parlât à sir George Carteret ou à Mr Coventry avant moi. Je parvins à mes fins et le gardai au bureau toute la matinée.
            A midi dînai à la maison, le coeur lourd pour le pauvre homme. Sortis ensuite voir mon frère, puis à Westminster, chez Mr Jervas, mon ancien barbier. J'essayai deux ou trois postiches et perruques, car j'ai l'intention d'en porter, bien que je n'en ai guère envie, si ce n'est que cela me coûte trop de peine de garder mes cheveux propres. Il me rasa et finalement je m'en allai ayant presque changé d'avis à cause des problèmes que pose aussi, je le prévois, le port d'une perruque. Puis en barque à la maison et au bureau où travaillai tard. A la maison souper et, au lit l'esprit fort préoccupé au sujet de Thomas Hayter.


                                                                                                                          10 mai
                                                                                                      Jour du Seigneur
            Levé de bonne heure et revêtis un costume de drap noir avec dessous des caleçons blancs dépassant des chausses, comme c'est la mode. Puis prêt me rendis à St James où je m'entretins avec Mr Coventry tandis qu'il s'habillait, à propos de diverses affaires de la marine. Après le départ du Duc
nous nous rendîmes à Whitehall en passant par le parc, et je lui rapportai les propos de Tom Hayter. Il semble en être fort marri, mais me dit que si l'affaire ne s'ébruite pas trop il ne sera pas nécessaire de le renvoyer pour le moment, il suffira de lui donner un bon avertissement pour l'avenir. Il va cependant en parler au Duc pour connaître son bon plaisir.
            Je le quittai  là et retournai à St James où assistai à la messe et fus forcé de m'agenouiller dans la foule ( nte de l'édit. chapelle de la reine qui est catholique ) . Après la messe à la table d'hôte de la Tête du Roi. J'envoyai quérir Mr Creed pour dîner. Là beaucoup de membres du Parlement, qui parlaient principalement des nouvelles d'Ecosse selon lesquelles l'évêque de Galloway a été assiégé dans sa maison par des femmes qui ont manqué lui faire subir des outrages mais, je ne sais comment, il a été sauvé. De mauvaises nouvelles qui rappellent exactement le début des troubles d'autrefois. Ils en vinrent ensuite à parler de rébellion et je vois qu'ils érigent en grand principe de s'assurer le contrôle de la Cité de Londres, quoi qu'il advienne, et passèrent à d'autres sujets. Entre autres, comme on causait des tables d'hôte, disant qu'elles sont fort commodes, car on sait ce qu'il faudra payer, quelqu'un exprima le souhait que, parmi bien des mauvaises choses, nous puissions en apprendre deux bonnes des Français : d'abord de ne pas juger indigne d'un gentilhomme ou d'une personne honorable de marchander le prix de son repas dans leur taverne avant de la manger. Et ensuite de ne point engager de domestique sans certificat d'un ami ou d'un gentilhomme attestant sa bonne conduite ou ses capacités.
            De là avec Creed au parc de St James où nous promenâmes tout l'après-midi, et retour à la maison à pied. Après avoir passé un petit moment à mon bureau, fis un tout dans le jardin avec ma femme. Puis à la maison souper et, après les prières, au lit. Mon frère Tom soupa avec moi et aurait dû amener ma tante Ellen, mais elle n'était pas libre.


                                                                                                                     11 mai
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            Levé de bonne heure et en barque jusqu'à Woolwich, montai à bord du Royal James pour voir de quelle façon il va être amené jusqu'à Chatham, puis un moment à l'arsenal et ensuite à pied jusqu'à Greenwich. En chemin je fus attaqué par un gros chien qui me saisit par les jarretières et aurait pu me faire du mal. Mais, Seigneur, dans quelle confusion était mon esprit, quand j'avais sur moi mon épée pour n'y avoir pas pensé un seul instant, ni avoir eu le coeur de m'en servir au risque de me faire mettre en pièces pour avoir manqué de courage !
            M'embarquai et à la maison et, à l'aller comme au retour, répétai mes leçons sur ma règle à cuber le bois, ce que je crois pouvoir entreprendre de faire avec succès maintenant.
            A la maison, comme Pembleton était là, je dansai et je pense que dans assez peu de temps j'arriverai à quelque chose.
            Après dîner à St James en voiture avec sir William Penn, laissant sa fille à Clerkenwell, nous mîmes au service du duc d'York. Une grande dispute m'opposa à sir George Carteret au sujet des différentes valeurs de la pièce de huit, estimée par Mr Creed à 4 shillings 5 pence et par Pitts à 4 shillings 9 pence. Il soutenait que le prix le plus élevé était le plus avantageux pour le roi, ce qui est la pire ineptie. Il fut cependant décidé que le sujet serait discuté au Conseil et la conclusion rapportée au Duc la semaine prochaine, ce qui tournera, je l'espère, à mon avantage.
            Puis à la commission de Tanger où nous aurions dû décider l'envoi du capitaine Cuttance et des autres à Tanger pour délibérer sur le plan du môle avant le début des travaux, mais il n'y eut pas de réunion ( milord avait l'intention de venir mais avait été retenu chez milady Castlemaine ) je partis pour la maison après une brève conversation avec Mr Pearse le chirurgien. Il me dit que milady Castlemaine a maintenant un appartement à côté de la chambre du roi à la Cour, et que l'autre jour le Dr Clarke et lui ont disséqué deux cadavres, un homme et une femme, devant le roi, à la grande satisfaction de ce dernier.
            Pris une barque et rendis visite à Tom Trice chez qui j'avais rendez-vous avec le Dr Williams. Mais le docteur ne vint pas, apparemment à la demande de Tom Trice, pensant qu'il n'aurait pas le temps. Nonobstant, pour l'essentiel il fut question de notre affaire et il ne m'apparaît pas qu'il puisse accepter de descendre en-dessous de 150 livres, et je pense que je ne les lui donnerai que si le tribunal m'y contraint. Nous nous séparâmes et je rendis visite à Mr Cromleholme et lui donnai les 10 shillings que je n'avais pas encore versés sur les 5 livres que je lui avais promises pour l'école et acheter ainsi des attaches et des lettres d'or pour les livres que je leur ai donnés. Je demeurai avec lui et sa femme à deviser un bon moment. Cette dernière est une jolie femme qui n'a pas encore eu d'enfant et, parfois, quand elle regarde certains de ses élèves, il me semble que l'eau lui vient à la bouche.
            Puis je les quittai et me rendis chez Tom Pepys, le tourneur, pour lui demander, à lui et à son père, d'écrire une lettre à Pigott, dans laquelle ils donneraient leur consentement à la vente de la terre de ce dernier afin qu'il nous paie l'argent qu'il nous doit. Puis à la maison, et comme Pembleton était là, nous dansâmes jusqu'à une heure avancée, puis souper et, au lit.


                                                                                                                       12 mai

            Levé entre 4 et 5 heures, m'habillai et ensuite à mon bureau afin de préparer mon travail pour cet après-midi. Restai toute la matinée et à midi dînai à la maison, où me fâchai un tantinet contre ma femme car elle ne pense plus qu'au maître à danser, qu'elle fait venir deux fois par jour, ce qui est une folie.
            Retour à mon bureau, réunion jusqu'à une heure avancée, principalement occupés à régler le l'histoire des pièces de huit. C'est moi qui l'ai emporté et ils se sont tous ralliés à mon avis, ce dont je suis fier.
            Restai tard à écrire des lettres, puis à la maison, souper et, au lit. Là je trouve Creed qui m'attendait, et donc, après le souper je le retins pour la nuit, et il dormit avec moi. Nous causâmes principalement de nos deux chevaliers radoteurs, dont j'ai bien honte.


                                                                                                                         13 mai

            Au lit jusqu'à 6 heures et lever. Après avoir bavardé quelque peu et fort gaiement il s'en alla, et me rendis à mon bureau où, occupé toute la matinée. A midi dîner à la maison, après Pembleton arriva et je m'exerçai. Mais Seigneur, quand je vois comme ma femme s'obstine à faire comme si elle n'avait aucun besoin de mes remarques, ni de celles de Miss Ashwell tout en plaidant qu'elle n'apprend que depuis un mois ! C'est la cause de bien des chamailleries entre nous. Puis à mon bureau où je reçus la visite de Cooper le borgne. Il me montra, à ma requête, comment utiliser les plans et comprendre les tracés, et comment trouver la façon dont la membrure est agencée, etc., à ma grande satisfaction.
            Puis arriva Mr Barrow, magasinier de Chatham, qui me conta bien des choses sur la façon méprisable dont sir William Batten s'est conduit envers lui, comme dans tout ce qu'il fait, en radoteur emporté, au grand détriment du roi. Que Dieu nous aide ! car si je ne sais point comment le roi est servi ailleurs, je suis sûr que la marine va bien mal.
            A la maison pour souper. Joué aux cartes et, au lit.


                                                                                                                             14 mai
hermitage.nl
            Levé de bonne heure et préparé certaines choses pour les envoyer à Brampton, puis allai dans le quartier du Temple et en divers lieux pour affaires. Rencontrai Mr Moore et entrai avec lui dans une taverne de Holborn. Au cours de notre conversation il me dit craindre que le roi ne soit tenté de faire du petit duc l'héritier de la Couronne, ce qui pourrait engendrer des troubles.
            Fasse le ciel qu'il n'en soit rien, sauf s'il y a droit !
            Il me dit que milord commence à se remettre aux affaires, ce qui me réjouit car il ne lui faut pas se retirer du service du roi maintenant qu'il a réglé ses affaires privées en assurant sa fortune, et que l'autre jour le roi l'a mandé chez milady Castlemaine pour jouer aux cartes, où il a perdu 50 livres. Ce qui me désole, quoique milord me dise qu'il en était content et avait dit qu'il serait toujours heureux de perdre 50 livres afin que le roi le mandât pour jouer, ce qui ne me plaît guère.
            Puis à la maison et après dîner à mon bureau, réunion jusqu'au soir, puis terminai mes papiers et mon courrier, ensuite à la maison pour danser avec Pembleton.
            Aujourd'hui nous avons reçu un panier de ma soeur Pall, qu'elle avait elle-même confectionné avec du papier et est fort élaboré pour un simple ouvrage fait à la campagne.
            Après souper, au lit. Et au moment de me mettre au lit, reçus une lettre de Mr Coventry, requérant ma venue chez lui demain matin. Je me demandai avec inquiétude de quoi il pouvait bien s'agir, craignant que ce ne fût quelque mauvaise nouvelle au sujet de l'affaire de Tom Hayter.


                                                                                                                          15 mai

             Chez Mr Coventry je m'assis à son chevet et il me dit qu'il m'avait mandé pour m'entretenir des émoluments de milord Sandwich au titre de ses diverses charges, et de son opinion sur ce que demande milord, matières qu'il  ne pouvait permettre d'aborder en tête à tête avec lui, car ce ne serait point aussi convenable que si je m'en chargeais. Et il me rendit compte très amicalement et très franchement de tout, disant qu'il serait fort imprudent dans les conditions présentes, alors que les actes de chacun et ceux de milord en particulier, font l'objet de commentaires........ alors que le roi s'est déjà montré si généreux, ce que tout le monde remarque et cause même quelques murmures ( nte de l'édit. Sandwich en 1660 a obtenu du roi le titre de comte et une rente de 4 000 livres ). Il me pria de m'entretenir de tout cela avec milord, ce que je promis de faire.
            Nous causâmes aussi de notre bureau en général, il me dit qu'il n'en était plus du tout aussi satisfait qu'auparavant. J'avoue lui avoir dit que les choses sont dans un tel état que nous allons inéluctablement à l'effondrement à brève échéance.
            Ensuite il me parla de Mr Hayter. L'opinion du Duc était, en deux mots, qu'il avait un bon serviteur, un anabaptiste, et qu'à moins qu'il ne se conduisît de manière plus susceptible de jeter le discrédit sur le bureau, il garderait le même avis jusqu'à plus ample informé, ce qui me réjouit extrêmement.
            Puis marchai jusqu'à Westminster, me promenai dans la Grand-Salle et le Parlement toute la matinée. A midi me rendis en fiacre chez milord Crew, ayant appris que milord Sandwich y dînait. Je lui rapportai la conversation que j'avais eue avec Mr Coventry. Il ne fit pas d'objection, mais je vis bien qu'il n'était guère content. Et je crois que milord voit d'autres choses qui ne vont pas comme il le voudrait au Parlement car, dans la motion proposée par milord Bruce, nul ne pourrait se voir confier de charge à part ceux qui ont montré une constante loyauté envers le roi et l'Eglise. Il était mentionné que cela ne s'appliquerait ni au général, ni à milord. Depuis milord Bruce est allé voir milord pour se disculper.......... dînai avec lui en compagnie, un bon dîner.
            On parla d'une querelle ridicule il y a deux jours chez milord d'Oxford lors d'un divertissement. Etaient présents milord d'Albemarle, Lindsay..... et d'autres. Il y eut des mots, des coups, et des perruques arrachées, jusqu'à ce que milord Monk ôtât à certains leurs épées et envoyât chercher des soldats pour protéger la maison jusqu'à la fin de la mêlée. A quelle degré de folie la noblesse de notre époque n'a-t-elle pas atteint !
            Je montai voir sir Thomas Crew couché à l'étage car il a des maux de tête et est affligé de vapeurs et d'étourdissements. Je passai là tout l'après-midi à causer. Principalement de la funeste situation dans laquelle nous nous trouvons, de ce que le roi ne pense qu'aux plaisirs et exècre la seule vue ou la seule pensée des affaires publiques. De ce que milady Castlemaine a sur lui un empire absolu. Celle-ci, d'après lui, connaît tous les artifices de l'Arétin qu'il faut mettre en oeuvre pour donner du plaisir, ce à quoi il n'est que trop expert parce qu'il a une grosse "........ " Mais le malheur c'est que comme dit le proverbe italien, " Cazzo dritto non vuolt consiglio " ( verge dressée n'a pas d'oreilles - nte de l'édit. )
            Si l'un de ses conseillers lui donne de sages avis et le pousse à agir de façon qui serve son intérêt et son honneur, l'autre partie, c'est-à-dire les conseillers de son plaisir l'entreprennent quand il est avec milady Castlemaine et enclin au plaisir, et le persuade ensuite qu'il ne devrait ni entendre ni écouter l'avis de ces vieux radoteurs ou conseillers qui étaient naguère ses ennemis, quand Dieu sait que ce sont eux maintenant qui ont le plus grand soin de son honneur.
            Il semble aujourd'hui que les favoris du moment soient milord Bristol, le duc de Buckingham, sir Henry Bennet, milord Ashley et sir Charles Berkeley qui, ensemble, ont mis à terre milord le chancelier qui n'a plus d'espoir de s'en relever. Il ne lui reste maintenant que fort peu à faire, et il va à la Cour et attend de pouvoir parler au roi, comme les autres.
            Je prie le ciel que cela puisse s'avérer bénéfique, car l'on craint que la même chose n'advienne bientôt à milord le trésorier général. Mais il est bien étrange d'entendre que milord Ashley, par l'entremise de milord Bristol ( il a rallié le parti catholique contre les évêques auxquels il voue une haine mortelle et contre qui il invective publiquement. Ce n'est pas qu'il se soit fait catholique, il est simplement opposé aux évêques. Et pourtant, d'après ce que j'entends, l'évêque de Londres est toujours aussi en faveur auprès du roi ), jouit maintenant d'une faveur si grande que l'on pense, car c'est un homme publique d'importance tout en étant un bon vivant qui aime plaisanter, qu'il va être nommé lord trésorier général, à la mort ou au renvoi du cher vieil homme.
            .............
            On se demande fort si le roi ne veut pas faire légitimer le duc de Monmouth, mais assurément la Chambre des communes d'Angleterre ne le fera jamais, et le duc d'York ne le souffrira point. La femme de ce dernier, dit-on, le gêne extrêmement par sa jalousie. Mais c'est grande merveille que sir Charles Berkeley soit toujours si bien en cour, non seulement auprès du roi, mais aussi auprès du Duc, après avoir juré avec tant de véhémence, avoir couché avec elle, et un autre, un certain Armorer, avait affirmé avoir chevauché assis devant elle, en Hollande, je crois, tandis qu'elle lui tenait la "..... "
dans sa main.
            Il me semble que nul ne se préoccupe de l'enjeu principal, que ce soit pour favoriser le maintien de bonnes relations ou l'affrontement des hommes, Dieu sait qu'un conflit est prêt à éclater si l'un de ces hommes, Dieu nous en préserve ! s'avisait de commencer, cela parce que le roi et tout son entourage pensent trop à leurs plaisirs ou à leur profit.
            Milord Hinchingbrooke, ai-je appris, a eu le malheur de tuer son petit valet, son fusil étant parti tout seul alors qu'il chassait les oiseaux. L'arme était chargé de petit plomb, et le valet a été atteint à la face et aux tempes, et a survécu quatre jours.
            Ecosse : apparemment, et bien que les gazettes nous disent chaque semaine que tout est parfaitement calme et que toutes les affaires de l'Eglise sont réglées, les vieilles femmes de l'autre jour ont manqué tuer l'évêque de Galloway, et moins de la moitié des églises de tout le royaume font acte de conformité.
            Bien étranges ont été les effets du tonnerre et de la foudre accompagnés de fortes pluies, il y a environ une semaine, à Northampton. L'orage a causé en quelques heures des inondations extraordinaires qui ont emporté des ponts et noyé bêtes et gens. Alors que deux hommes passaient sur un pont à cheval, les arches devant et derrière eux furent emportées, et seule demeura celle sur laquelle ils se trouvaient. Cependant un des chevaux tomba et fut noyé. Des tas de fagots soulevés aussi haut qu'un clocher, et autres choses terribles. Sir Thomas Crew me montra des lettres que Mr Freemantle et d'autres lui avaient écrites, tout est parfaitement vrai.
            Les Portugais nous ont grugés, semble-t-il, sur l'île de Bombay dans les Indes orientales car, après qu'un grand nombre de vaisseaux ont été envoyés là-bas avec la commission pleine et entière délivrée par le roi du Portugal pour en prendre possession, le gouverneur, sous quelque prétexte, refuse de remettre l'île à sir Abraham Shipman, l'envoyé du roi, ou à milord Marlborough, ce que le roi prend fort mal et je crains que notre reine n'ait à en subir les conséquences.
            En Inde, la puissance des Hollandais décline considérablement et l'on pense que leurs gens vont se révolter contre eux là-bas et qu'il leur faudra renoncer à leur commerce. C'est ce qui se dit parmi nous, mais je ne peux juger si c'est vrai.
            Sir Thomas m'a montré son portrait et celui de sir Antoine Van Dyck exécuté au pastel en petit, et d'une facture admirable.
            Après avoir ainsi parlé librement avec lui, et abordé bien d'autres sujets, je me retirai. Pris un fiacre jusqu'à St James où rendis compte à Mr Coventry de ma conversation avec milord, à ma grande satisfaction. Ensuite, fort content, à la maison. Je rentre pour trouver la nuit presque tombée, et ma femme et le maître à danser, seuls en haut, occupés non pas à danser, mais à marcher. Eh bien, je suis si mortellement jaloux que j'en ai le coeur et la tête tout tourmentés et dans une agitation extrême, au point que je suis incapable de faire le moindre travail, et partis au bureau. Ensuite retour à la maison à une heure avancée, d'humeur à redire à tout. Puis, sans tarder, au lit.
            Je pus à peine fermer l'oeil, sans toutefois oser rien dire. Mais je fus forcé de prétendre que j'avais reçu du Duc de mauvaises nouvelles au sujet de Tom Hayter, pour m'excuser auprès de ma femme à qui j'ai moi-même, sot que je suis, donné trop d'occasions de se trouver avec cet homme. C'est un bel homme brun et élégant, mais il est marié
            Mais à quelle mortelle folie et à quel supplice ne me condamné-je point en étant si jaloux, et aussi en donnant moi-même à ma femme, qui n'en désirait pas tant, un second mois de leçons de danse, auxquelles, cependant, je vais mettre fin dès que je pourrai.
            J'ai honte de penser à la façon dont j'ai agi, quand je me suis couché par terre pour voir si ma femme portait comme d'habitude un caleçon aujourd'hui, et me suis livré à d'autres choses propres à augmenter les soupçons que j'ai sur elle, mais je n'ai rien trouvé qui les confirmât.



                                                                      à suivre.............

                                                                               
                                                                                                Le 16 mai 1663

            Levé l'esprit inquiet et................