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lundi 11 février 2019

Mozart Lettres à sa soeur ( extraits ) 3 ( Correspondance Allemagne )


lidicel.free.fr


                                       Correspondance Mozart avec sa soeur

            Leopold Mozart à Maria Theresa Hagenauer à Salzbourg en Bavière

            Paris, le 1er février 1764

             Madame !
             On ne doit pas toujours écrire aux hommes, mais aussi se souvenir du beau et pieux sexe. Je ne puis vraiment vous dire si les femmes sont belles à Paris, car elles sont peintes, contre toute nature, comme les poupées de Berchtesgaden, de sorte que même celles qui sont belles à l'origine deviennent insupportables aux yeux d'un honnête Allemand à cause de cette repoussante élégance. Pour ce qui est de la piété, je peux vous assurer que l'on aura guère de mal à étudier les miracles des saintes françaises. Les plus grandes merveilles sont effectuées par celles qui ne sont ni vierges, ni épouses, ni veuves, et elles ont toutes lieu de leur vivant. Nous reparlerons de cela plus clairement en son temps. Bref ! on a ici quelque peine à découvrir qui est la maîtresse de maison, car chacun vit à son gré........
            ........ Ici tout va à pas de tortue, encore plus que dans les autres cours, et surtout que tout doit être organisé par les Menu des plaisirs, il faut avoir de la patience.
            Si la reconnaissance est égale au plaisir que mes enfants ont procuré à la cour, le résultat sera excellent.
            Il convient de remarquer qu'il n'est ici nullement d'usage de baiser la main des altesses royales ni de les importuner en leur remettant des requêtes, encore moins de leur adresser la parole, " au passage ", comme l'on dit ici, lorsqu'elles se rendent à l'église par la galerie ou aux appartements royaux. Il n'est pas non plus usuel de rendre hommage au roi ou à quiconque de la famille royale en courbant la tête, ou en faisant une révérence, mais on reste droit, sans bouger, on a ainsi le loisir de voir passer le roi et sa famille jute devant soi. Vous pouvez de ce fait facilement vous imaginer l'effet et l'étonnement produits sur les Français si imbus de leurs usages de cour, lorsque les filles du roi, dans leurs appartements tout comme au passage public, se sont arrêtés à la vue de mes enfants, s'en sont approchées et non seulement se sont laissé baiser la main, mais les ont embrassés et se sont fait embrasser par eux en un nombre incalculable de fois. Madame Dauphine a également fait de même.
            Mais le plus extraordinaire pour MM. les Français a eu lieu " au grand couvert ", le soir du Jour de l'An, où l'on a dû non seulement nous faire place jusqu'à la table royale, mais où mon Wolfgangus a eu l'honneur de se tenir tout le temps près de la reine avec qui il put converser et s'entretenir, lui baiser souvent la main et prendre la nourriture qu'elle lui donnait de la table et la manger à côté d'elle. La reine parle allemand comme vous et moi. Mais comme le roi n'y entend rien,elle lui traduisit tout ce que disait notre héroïque Wolfgang..................
            Vous ne pouvez me demander de vous décrire Versailles. Je ne peux vous dire qu'une chose : nous y sommes arrivés le soir de Noël et avons assisté à la messe de Noël et aux trois saintes messes      tapisseriedefrance.fr                            à la chapelle royale.
            A Versailles on ne trouve ni carrosse de remise ni fiacre, mais uniquement des chaises porteur. Chaque course coûte 12 sols. Vous comprendrez donc bien vite que nous ayons dû payer parfois un Laubthaler et plus, puisque nous devons prendre 3, du moins toujours 2 chaises à porteurs, car i a toujours fait mauvais. Si vous y ajoutez 4 nouveaux costumes noirs, vous ne vous étonnerez plus que notre voyage à Versailles nous ait coûté 26 à 27 louis d'or. Mais nous verrons ce que nous obtiendrons de la cour en retour. En dehors de ce que nous espérons recevoir de la cour, nous n'avons guère gagné plus de 12 louis d'or à Versailles. Toutefois, mon maître Wolfgang a reçu de Mme la comtesse de Tessé une tabatière en or, une montre en or très précieuse du fait de sa petite taille...........  Puis Nannerl a eu une boîte à cure-dents en or massif extraordinairement belle. Une autre dame a donné à Wolfgang un écritoire de voyage en argent et à Nannerl une petite tabatière en écaille de tortue étonnamment fine et tapissée d'or, et.............. A Paris il faut plus de temps qu'à Maxglan pour se faire bien connaître. Et je peux vous assurer que l'on constate partout, sans avoir besoin de lunettes, les dégâts de la dernière guerre. Car les Français veulent continuer à afficher leur magnificence extérieure, et par suite seuls les fermiers sont riches, les seigneurs sont criblés de dettes. Une centaine de personnes se partagent les grandes fortunes, ce sont de grands " Banquiers et Fermiers généraux ".........  on voit ici.......... des folies étonnantes. Les femmes ne garnissent pas seulement en hiver leurs vêtements de fourrure, mais également en mettent comme cols ou tours du cou et, au lieu de fleurs dans les cheveux, elles y mettent de la fourrure, etc........
            Outre cette mode folle dans tous les domaines il faut noter le grand abandonne à la commodité qui entraîne cette nation à ne plus entendre la voix de la nature. C'est pourquoi tout le monde à Paris donne les nouveau-nés à élever à la campagne............ Mais on en constate aussi les conséquences........... Passons à autre chose !
            Ici il y a une guerre continue entre la musique italienne et la musique française. Toute la musique française ne vaut pas de D(iable, nte de l'éd. )............ Ce sont les Allemands qui sont les maîtres dans le domaine de la publication de leurs compositions........
            Maintenant 4 sonates de M. Wolfgang Mozart sont chez le graveur.
            Imaginez-vous le bruit que feront les sonates lorsqu'on verra sur la page de titre que c'est l'oeuvre d'un enfant de 7 ans et que les incrédules seront invités à venir faire eux-mêmes la vérification. Cela a d'ailleurs déjà eu lieu lorsqu'il a demandé à quelqu'un d'écrire un menuet ou quelque autre chose et a immédiatement écrit la basse, et si l'on veut, également le 2è violon ( sans toucher au clavecin ). vous entendrez en son temps combien ces sonates sont bonnes. Il y a un Andante d'un goût tout particulier.
            Et je peux vous dire, chère Madame Hagenauer, que Dieu accomplit tous les jours de nouveaux prodiges dans cet enfant. D'ici à ce que nous rentrions à la maison ( si Dieu le veut ), il sera en état de prendre du service à la cour. Il accompagne toujours véritablement dans les concerts publics, il sait même transposer " à prima vista " les airs qu'il doit accompagner, et partout on lui donne tantôt des pièces italiennes, tantôt des pièces françaises, qu'il déchiffre. Cela immédiatement.
            Ma fille joue les morceaux les plus difficiles que nous avons reçues de Schobert et
d'Eckard, etc., et elle interprète les composition d'Eckard, qui sont les plus délicates, avec une précision incroyable, de sorte que l'" infâme Schobert " n'a pu cacher sa " jalousie " et son envie, et s'est ainsi couvert de ridicule devant M. Eckart qui est un honnête homme............
            Voici maintenant quelque chose de très triste et même de très affligeant. Nous avons tous extrêmement peur et sommes troublés. Bref ! -- La Comtesse van Eyck est dans un état très dangereux........ elle vomit du sang, on l'a saignée.........   Madame la comtesse n'a pas dormi la nuit dernière, mais son état n'a pas empiré......... Cela suffit, nous ne sommes que de misérables humains que nous soyons à Salzbourg ou à Paris.............
            Adieu, remerciez Dieu que le papier soit terminé, sinon il vous faudrait prendre des lunettes. Je suis, avec les compliments de mes enfants et de ma femme, votre resp-S-Mozart




            Leopold Mozart à Lorenz Hagenauer à Salzbourg

             Paris, le 22 février 1764

              Monsieur                                                                                          artvalue.com     
                           Il ne peut pas toujours faire soleil, il passe souvent des nuages qui finissent par se dissiper.
              Je n'ai pas eu de hâte à annoncer le décès de madame la comtesse van Eyck.......... Lorsque j'aurai quitté Paris, je ne manquerai pas de rapporter quelques détails.........
            J'ai, pour ma part, été bientôt plongé dans le désarroi par un événement soudain et inattendu. Mon cher Wolfgang a été pris de maux de gorge subits et de catarrhe, si fortement qu'après en avoir ressenti les premiers symptômes le 16 au matin, il eut la nuit une telle inflammation de la gorge qu'il menaçait d'étouffer, et les mucosités qu'il ne pouvait rejeter refluaient dans l'estomac. Je dus alors le sortir rapidement du lit et le promener dans la chambre. Il avait une fièvre étonnante que je fis tomber peu à peu avec de la " pulvre antispasm Hallen et Dieu merci il put se lever dès le quatrième jour et se sent maintenant bien mieux. Par mesure de sécurité j'avais écrit par la petite poste à notre ami le médecin allemand Herrenschwand qui est médecin des gardes suisses. Mais il n'a pas cru nécessaire de venir plus de 2 fois. J'ai ensuite fait prendre à Wolfgang un laxatif avec de l'aqua laxat. Vien, cela va bien maintenant, grâce à Dieu. Ma petite fille a également été importunée par un rhume, mais  de ssans fièvre. Ce n'est pas étonnant, car nous sommes arrivés à Paris le 18 nov., et il y a eu alors quelques jours avec une forte neige qui a immédiatement disparu........ le temps était toujours brumeux, humide et si doux que l'automne semble plus froid en Allemagne, nous avons même eu quelques jours extraordinairement beaux et chauds qui se transformèrent subitement en un temps affreux et pluvieux, de sorte que presque personne ne sort sans emporter de parapluie de soie. C'est la raison pour laquelle on a inventé ces parapluies de soie si pratiques, car le temps à Paris correspond totalement aux états d'âme des habitants et est soumis à des changements constants.
            Les rhumes sont ici plus dangereux qu'en Allemagne, ils sont généralement accompagnés de fièvre et comme messieurs les médecins aiment pratiquer les saignées, ils envoient ainsi plus d'un patient dans l'éternité.
            Je vous prie donc de faire dire dès que possible saintes messes à Maria Plain et 1 sainte messe à l'autel du Petit Jésus de Loreto........ et de les porter à mon compte..........
            Nous retournerons à Versailles avant quinze jours pour présenter à madame Victoire, deuxième fille du roi, à qui elle sera dédiée, " l'oeuvre 1er " des sonates gravées du grand monsieur Wolfgang. L" 'Oeuvre 2 " sera je crois dédiée à madame la comtesse de Tessé.................
P.S.
            La place de Grève est ici le lieu où l'on envoie les malfaiteurs dans l'autre monde. Quiconque aime à voir les exécutions a presque tous les jours quelque chose à voir............
            Ma femme et mes enfants qui sont tous en bonne santé, grâce à Dieu, vous font leurs compliments ainsi que leur père.



            Leopold Mozart à id..

            Paris, le 1er avril 1764

            Monsieur,
            Nous sommes tous en bonne santé et rendons grâce à Dieu. Et maintenant j'ai le plaisir de vous dire que j'espère pouvoir donner d'ici quelques jours au banquier Tourton et Baur 200 louis d'or pour les déposer en mains sûres et pouvoir les transférer à Salzbourg en son temps...........
            Personne ne paie rien à l'entrée du concert. Celui qui n'a pas de billet n'est pas admis quel que soit son nom. Mes amis distribuent les billets 8 jours à l'avance, chacun coûte 1 Laubthaler, c'est-à-dire 1/4 de louis d'or, et ils se les font payer............. Et maintenant autre chose.
            Je vous prie de faire dire une sainte messe tous les jours pendant 8 jours de suite, en commençant le 12, puis les 13, 14, 15, 16, 17, 18 et 19 avril. Vous pouvez les répartir à votre gré, quant à l'église et l'autel, mais j'en voudrais 4 à Loreto, à l'autel de l'Enfant Jésus, et 4 à un autel de la Vierge, que ce soit à la paroisse ou ailleurs..........
            Dans quelques jours les sonates que monsieur Wolfgang a dédié à Mme la comtesse de Tessé   la mesure.fr                                                                                   seront prêtes..................
            Il faut maintenant que je vous apprenne qui est cet homme, mon meilleur ami, ce M. Grimm, grâce à qui j'obtiens tout ici. Il est secrétaire du duc d'Orléans........ originaire de Ratisbonne, mais il y a déjà plus de 15 ans qu'il est à Paris et il sait diriger les choses dans la bonne direction pour obtenir le résultat qu'il souhaite. Je vous ai déjà écrit de faire parvenir mon courrier à son adresse :


                                                      Chez Mr Grimm Secrétaire de S.A. Monseigneur le Duc d'Orléans
                                                        Rue Neuve du Luxembourg à Paris
            ........................ Je vous fais mes compliments ainsi qu'à tout Salzbourg et suis votre vieux serviteur.............



            Leopold Mozart à id..

            Londres, le 25 avril 1764

            Copia
            Nous avons, Dieu soit loué, traversé le ruisseau de Maxglan  sans encombre, mais cela n'a pas été ( salve venia ) sans vomir........ Nous sommes, Dieu merci, tous en bonne santé. Mais celui qui a trop d'argent, n'a qu'à entreprendre un voyage de Paris à Londres, on ne manquera pas d'alléger sa bourse................. A Londres tout le monde me semble déguisé, et à quoi croyez-vous que nous ressemblons, ma femme et Nannerl en chapeau anglais, et moi et le grand Wolfgang en costume anglais...... Nous vous saluons.

                                                                                          Mozart



           Leopold Mozart à id..

             
            Londres, le 8 juin 1764

            Monsieur
             ......................
            Nous avons pu nous confesser pour Pâques le jeudi saint chez les pères capucins de Calais, ici nous allons à l'église la plus proche, chez l'ambassadeur de France à qui nous avons été recommandés de Versailles et chez qui nous avons déjà dîné........... Je vous ai déjà écrit que tout le monde est absent de la ville en ce moment. Le 5 juin était le seul jour où l'on pouvait tenter quelque chose, car le 4 était l'anniversaire du roi. C'était plutôt pour faire connaissance, et voyez, en 8 jours.......... il faut 4 à 8 semaines pour distribuer les billets que l'on nomme ici " tickets ", nous n'avons eu, contre toute attente, que 200 personnes, certes, mais les toutes premières personnalités de Londres........... Je ne peux encore dire si le bénéfice sera de 100 guinées........ par ailleurs les frais sont étonnamment élevés. Mais cela ne fera pas moins de 90...........
            En ce qui concerne les 200 louis qui sont déposés à Paris chez les banquiers Tourton & Baur, je suis d'accord pour que vous les repreniez à 2 250 florins et me donniez un intérêt de 3 p. cent. Je ne manquerai pas d'écrire demain à Paris.........
            ....... Il suffit de dire que ma fille est l'une des plus habiles pianistes en Europe, bien qu'elle n'ait que 12 ans et que mon fils sait, à 8 ans, tout ce que l'on peut attendre d'un homme de 40. Bref quiconque ne le voit ou l'entend ne peut le croire. Vous-même et tout le monde à Salzbourg n'en savez rien, car tout est différent maintenant.
            Je dois clore car la poste part, et suis votre obéissant serviteur.

            P.S. Moi-même, ma femme, Nannerl et notre puissant Wolfgangus vous faisons nos compliments, à vous, toute la maison et tout Salzbourg.



            Leopold Mozart à id..
            
            Chelsea près de Londres, le 13 septembre 1764

            Monsieur
            ............  Je vous remercie humblement d'avoir suivi mes instructions quant aux saintes messes et peux vous dire que je me sens mieux de jour en jour, mais très lentement toutefois, de sorte que je peux au moins espérer ne pas avoir subi de dommages intérieurs.
            Mais il faut que je vous raconte les débuts de ma maladie. Je dois vous dire tout d'abord qu'il existe ici une sorte de mal du pays que l'on nomme " refroidissement  ". C'est la raison pour laquelle presque personne ne porte de vêtements d'été, mais seulement des vêtements de drap. Ce refroidissement est si dangereux pour les gens qui ne sont pas de bonne constitution qu'il peut en résulter une consomption, et pour ces gens la seule possibilité est de quitter l'Angleterre et de rentrer par la mer sur le continent.......................
            Si le bon Dieu nous donne seulement la santé, nous n'avons pas de soucis à nous faire pour les guinées. Cela ne m'ennuie que trop de devoir consommer ce que j'aurais pu épargner. Mais à la grâce de Dieu....... ....
            Je vais avoir fort affaire dans les quelques mois qui suivent pour mettre la noblesse de mon côté. Cela coûte bien des démarches et des efforts. Mais si j'obtiens ce que je pense je ferai une bonne pioche en guinées....



            Leopold Mozart à id..

            Londres, le 27 novembre 1764                                                        la mesure.fr

            Monsieur !
            Ne vous étonnez pas que je vous réponde un peu tard, j'ai plus à faire qu'on ne l'imagine généralement, bien que la noblesse ne soit pas encore de retour à la ville et le Parlement, contre son habitude, ne doive se réunir que le 10 janvier............
            On dit ici " en ville " ou, dans le langage d'ici " city ". J'habite en effet dans le quartier de Westminster où se trouvent la cour, les ambassades et la plupart des membres de la noblesse, de même que tous les opéras et théâtres. Mais Londres est constitué de 3 villes, aux noms différents, Westminster, Londres et Southwark, mais qui forment une seule ville affreusement étendue.............
            Nous vous prions de faire nos compliments respectueux à M. Speckner et de lui dire que bien que les contredanses soient originaires de ce pays, elles ne sont rien moins que bien construites et encore moins bien dansées. Les airs, en revanche, sont assez bien. J'en rapporterai tout un livre....
            P.S. Ô mon Dieu, combien aurais-je à écrire !........ Veuillez faire mes compliments à M. Vogt et lui dire que je le remercie infiniment ainsi que tous les miens. - Que Paris et Londres sont remplis de violons de Mittenwald et que les droits de douane sont extraordinairement élevés pour toutes choses, ici surtout. Mais je peux déjà lui dire que les violons sont très fortement encordés, ici et à Paris, et que le mi a la grosseur d'un faible la. Il faut donc qu'il prévoie son violon en cette mesure, sinon il n'y a rien à faire. En revanche, et surtout à Paris, la tonalité, ou le diapason, est très bas. J'aurai une correspondance suffisante en temps voulu. Mais je dois trouver un biais pour la douane, ce qui est le plus difficile.   Addieu.



            Leopold Mozart à id..

            Londres, le 19 mars 1765

            Monsieur !,
            Je ne doute pas que ma dernière courte lettre soit arrivée avant la fin de la foire de printemps de Salzbourg, donc encore à temps.
            Mon concert que j'avais pensé donner le 15 écoulé n'a eu lieu que le 21 et n'a pas rassemblé le  public que j'attendais, à cause du nombre extrême de " plaisirs " qui, par leur nombre finit par lasser. Mais nous avons encaissé environ 130 guinées, et comme les frais se montent à plus de 27 guinées, il n'en reste guère plus de 100.
            Mais je sais aussi où le bât blesse et pourquoi on ne nous traite pas avec plus de " générosité " bien que nous ayons reçu quelques centaines de guinées depuis que nous sommes ici. Je n'ai pas accepté une proposition qui m'avait été faite. Mais à quoi sert-il de parler d'une décision prise après mûre réflexion et après avoir passé quelques nuits blanches.
            La chose est entendue, je ne veux pas élever mes enfants en un lieu si dangereux, où la plupart des gens n'ont absolument aucune religion et où l'on a que de mauvais exemples devant les yeux. Si vous pouviez voir l'éducation donnée ici aux enfants, vous seriez étonné. Sans parler des autres domaines touchant la religion.                                                  lamesure.fr
Coryphee            Je dois malgré tout vous raconter rapidement une belle histoire.
            Il est d'usage ici, lorsqu'un enfant doit être baptisé, que les personnages principaux soient,
1. les parrains et 2. les marraines, à côté des autres amis. On a l'habitude de ne faire baptiser l'enfant que plusieurs jours ou même plusieurs semaines après la naissance, et toujours à la maison. Un marchand de musique, qui vend aussi des instruments, un Allemand de Hesse, dont la femme est Suissesse, a demandé à ma femme d'être marraine pour le baptême de son enfant en même temps qu'à un Allemand et à une jeune Allemande. Nous avons toujours refusé jusqu'à ce que le parrain allemand, un commissaire de Braunschweig, nous le demande lui-même. Le baptême eut lieu 4 semaines après la naissance, un soir à 5 heures. Le caractère remarquable de ce baptême tient au fait que le " père " de l'enfant n'a aucune religion et que ses raisons reposent seulement sur le fait que " l'on doit adorer Dieu, l'aimer ainsi que son prochain et être un honnête homme. La mère, qui était présente, est calviniste et pratique encore passablement sa religion. Monsieur le parrain est luthérien,
la jeune marraine calviniste, ma femme, comme 2è marraine, une bonne catholique salzbourgeoise, et monsieur le Pasteur, comme on nomme ici l'officiant, est de religion anglicane.
            Cette compagnie de baptême vous plaît-elle ?
            Pour nous autres catholiques le baptême n'avait en soi rien d'étonnant, car le Je crois en Dieu et le Notre Père, dits ici, dans l'église anglicane, sont mot à mot identiques aux nôtres. Mais les luthériens et les calvinistes ont dû faire quelque chose d'inhabituel pour eux, s'agenouiller, car dans l'église anglicane on prie à genoux. N'est-il pas dommage qu'il n'y ait eu encore un juif au moins dans cette compagnie ? Si monsieur Zuns, juif et commissaire de Paderborn, qui nous rend souvent visite, l'avait su, il serait au moins venu au souper de baptême........
            Il se pourrait que je parte d'ici  vers le début de mai. Vous parlez d'un tissu écarlate pour un manteau, mais je ne peux emporter de drap, car en France on examine les bagages avec attention. Et au détail, c'est-à-dire à l'aune, ce n'est pas d'un prix intéressant..............Je pense devoir probablement envoyer une partie de mes bagages à Francfort en passant par la Hollande. Bien que j'aie laissé de nombreux bagages et les choses les plus précieuses à Paris, pour environ 300 louis d'or, le volume de mes bagages a bien augmenté ici. Et cela m'ennuie surtout pour les beaux vêtements ! Mon costume de velours noir ou le costume très riche, dont le fond est tissé de feuilles d'argent et d'or ne s'arrangent pas en voyage, même si l'on y fait très attention. Ce dernier a coûté 59 louis d'or à Paris et je l'ai eu par " hasard " n.b.  : neuf, c'est-à-dire qu'il n'avait pas été porté deux fois et par une chance miraculeuse, d'un gentilhomme dont j'avais fait la connaissance à Francfort
            La reine a fait cadeau de 50 guinées à notre Wolfgango pour la dédicace de ses sonates.
            P.S. :
            Mon compliment, ainsi que de nous tous. Nous avons fait la connaissance M. Bach ! Je dois clore, il est temps, le courrier part bientôt.................


                                                                à suivre.............