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jeudi 17 février 2022

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 152 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

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                                                                                                                1er Novembre 1665

            Me suis attardé au lit, devisant avec Mr Hill des événements qui surviennent dans la vie d'un homme et du peu d'importance que joue le mérite en ce monde, où seule prévaut la faveur, ajoutant qu'en ce qui me concerne c'est le pur hasard et non le mérite qui me valut ma place, et qu'ensuite seules ma propre diligence et ma propre volonté m'ont maintenu là où j'étais, étant environné d'une telle multitude de fainéants que l'homme diligent devient indispensable et qu'on ne peut plus se passer de lui. Lui relatai ensuite ma récente promotion aux subsistances et les difficultés auxquelles je devrai faire face pour m'y maintenir, ayant affaire à des personnes provenant de factions si diverses à la Cour, mais devant leur témoigner la même impartialité. Je pris grand plaisir à lui faires ces observations autant, m'a-t-il semblé que lui à les entendre.
            On se leva enfin, par un temps de pluie épouvantable et un vent de tous les diables, mais ayant promis d'aller à Erith, m'y rendis par le fleuve, la voile étant hissée, on fut sur le point de chavirer et je leur fis amener leur voile. Arrivai là-bas transi par la pluie et le froid alors qu'ils finissaient de dîner. Quoiqu'il en soit fis bonne chère. Puis nous débarquâmes avec milord Brouncker pour nous rendre aux appartements de Mrs Williams, avec sir William Batten et d'autres et, comme c'était l'anniversaire de milord chacun dut souffrir de se laisser nouer un ruban vert au chapeau, ce qui est d'une infinie bêtise, et m'est avis que c'est une honte pour milord de faire si grand étalage de ses extravagances avec cette femme. Puis en voiture avec sir William Batten pour revenir chez Boreman. 
            Alors que je rentrais chez moi par voie de terre, je vis le capitaine Cocke descendre de voiture, et il m'offrit de me ramener en voiture chez moi. Il resta souper et bavarder, après une légère altercation au sujet de la consigne donnée à cause de son nègre qui était mort. Je reconnus en être à l'origine et lui en donnai la raison. J'aurais été heureux de le savoir ailleurs que chez moi, mais comment lui dire de partir ? On soupa donc et après avoir longuement parlé du triste état et des désordres des affaires du roi, on se sépara et, ma femme et moi, au lit.
            Ce soir, avant d'arriver à Greenwich avec sir William Batten, on s'arrêta chez le colonel Cleggat qui nous dit tenir de source sûre, que le roi du Danemark s'est rallié au roi d'Angleterre. Mais j'ai entendu dire depuis que c'était faux.


                                                                                                                             2 novembre

            Levé, pris congé de ma femme et au bureau où, à ma grande joie, sir William Batten vint me trouver pour régler l'affaire des bateaux de Tanger, ce qui me vaudra 100 £, plus les 100 £ qu'il me donnera sur ses propres deniers en remerciement de mon paiement. Quand il fut parti rentrai dîner chez moi où arriva le capitaine Wager rentré depuis peu de Méditerranée. Il me fait redouter que les derniers bateaux expédiés à Tanger chargés de subsistances soient capturés. Solide et courageux gaillard que ce capitaine, et je le crois fort honnête.
            Après dîner, derechef au bureau où je restai tard à écrire des lettres. Rentrai chez moi vers 8 heures du soir, et me préparai avec l'intention de descendre ce soir rejoindre la flotte en ketch. Mais m'étant en chemin arrêté chez sir John Mennes revenu d'Erith pour quelque affaire relative aux prises, on m'y persuada de ne point m'y rendre avant le lendemain matin, car il faisait une nuit noire et un vent épouvantable.
            Rentrai chez moi et, au lit.


                                                                                                                                     3 novembre

            M'étant fait réveiller vers 4 heures allai de nuit, éclairé par une lanterne, prendre une barque pour gagner le ketch et mis à la voile, après avoir quelque peu dormi dans la cabine jusqu'à l'aube. Levé commençai à parcourir le livre de Mr Evelyn sur la peinture, fort bel ouvrage. Ayant apporté de bonnes choses à manger et en compagnie de Tom déjeunai vers 9 heures, puis me remis à lire et on arriva vers la flotte vers midi. Trouvai milord à bord du Royal James qui a pour capitaine sir Thomas Allin. Eus un entretien en tête-à-tête avec milord à propos de la meilleure conduite à suivre par sa Seigneurie en la circonstance, car il est victime de la jalousie du duc d'York, de Mr Coventry et de bien d'autres. Et, si méritoires que soient ses actes, ils ne feront que susciter de la jalousie tandis qu'on en diminuera le mérite. Son prestige à la Cour pâtit de son absence et, plus grave encore, jamais nous ne pourrons mettre à la mer une flotte digne de son commandement, ni de l'y maintenir, à supposer que l'on puisse l'y mettre, ni même lui faire accomplir aucun exploit et, à supposer même que cela se produise, personne ici ne se soucierait plus de ce qu'il adviendrait de lui lorsqu'il serait en mer. Enfin, étant donné l'état de dislocation imminente dans lequel les affaires publiques semblent se trouver, il serait fort dommage qu'il ne fût point ici.
            Milord en convint, me remerciant infiniment de ma visite et de mes conseils que, met dit-il, il avait trouvé à son gré. Mais il posa la question suivante : que faire si le roi ne se considérait pas en sécurité, dès l'instant où ce n'était pas n'importe quel homme, mais le Duc qui partait ? Comment partir alors ? Je n'avais guère de réponse toute prête, si ce n'est qu'il fallait faire comprendre au roi qu'il pouvait lui rendre des services bien plus grands en ne partant pas, tandis qu'un autre que lui partirait. Ce fut là ma seule réponse. Nous parlâmes ensuite de diverses autres menues affaires, et on dîna, milord se montrant d'une grande bonté pour moi.
            Après dîner le laissai en compagnie de capitaines à priser du tabac.
           Je repris le Bezan pour rentrer et, la brise et la marée étant favorables, nous arrivâmes en vue du Hope ce soir-là, après que j'eus pris grand plaisir à apprendre à chanter à la manière des matelots quand ils jettent la sonde. Puis souper et, au lit. Je dormis le mieux du monde, encore que le vent et la pluie se soient déchaînés toute la nuit.
            << 4 >> On leva l'ancre vers minuit et on arriva à Greenwich vers 5 heures du matin, mais je suis resté couché jusqu'à 7ou 8 heures. Puis à mon bureau, avec une légère migraine due au manque de véritable repos, à l'énorme tâche qui m'attend aujourd'hui, mais aussi à la nouvelle que je viens d'apprendre : l'un des petits garçons de la maisonnée où j'habite est souffrant, et on soupçonne qu'il s'agit de la peste, car ils ont fait apporter des emplâtres et de quoi faire des fumigations. Envoyai Mr Hayter et Will Hewer s'entretenir avec la mère, mais ils revinrent m'assurer qu'il n'y avait aucun risque à craindre, que le petit garçon allait mieux et que la mère avait proposé de le faire examiner. Quoi qu'il en soit j'ai pour ma part pris la résolution de m'abstenir d'y aller pour un temps.
            Au bureau toute la matinée avec sir William Batten. A midi allâmes dîner chez Boreman accompagnés de Mr Seymour qui est d'une prétention sans bornes et que rien ne justifie chez lui. Sir William Batten nous dit, ce que j'apprenais pour la première fois, que, lors de notre dernière séance, Mingo ( le serviteur noir ) s'était fait voler son manteau alors qu'il rentrait dîner à la maison, et que les matelots l'avaient battu, si bien qu'il avait juré qu'il viendrait encore à Greenwich mais ne mettrait plus les pieds au bureau tant qu'il n'y sera pas en sécurité. 
            Derechef au bureau, restai fort tard, fort contrarié par la présence d'une centaine de matelots qui ont passé tout l'après-midi en bas, dans la rue, à jurer, maudire et casser les fenêtres. Ils ont juré de tout démolir mardi prochain. Je fis prévenir la Cour, mais rien n'en viendra à bout, que l'argent ou la corde. Allai tard le soir chez Mr Glanville pour dormir un ou deux soirs d'affilée et, au lit.


                                                                                                                          5 novembre
                                                                                                         Jour du Seigneur   
            Levé et une fois rasé me rendis par bateau au Cockpit où j'entendis le chapelain du duc d'Albemarle prêcher un sermon oiseux. Vitupérant, entre autres, contre l'imperfection du savoir humain, il s'écria : 
            " Pas un seul de nos médecins ne sait ce qu'est une fièvre, et toute notre arithmétique est impuissante à calculer la durée de vie d'un homme. "
            Dieu sait que l'arithmétique n'est pour rien là-dedans, mais que ces choses-là dépassent notre entendement.
            Au dîner entendis quantité d'inepties, mais le pire est que j'ai appris que la peste redoublait d'intensité à Lambeth, St Martin et Westminster, et je crains qu'elle ne couvre aussi la Cité. De là au Cygne pensant voir Sarah, mais elle était à l'église. Me rendis donc par le fleuve à Deptford où je rendis visite à Mr Evelyn qui, entre autres, me montra d'excellentes miniatures, à la détrempe, à l'encre de Chine, des aquarelles, des eaux-fortes, et surtout m'apprit tous le secret, l'art et la manière du " mezzo tinto " fort admirable, et qui permet d'exécuter de belles choses. Il me lut aussi de nombreux extraits du traité auquel il travaille, et depuis de longues années, sur le jardinage, ce qui fera un ouvrage fort agréable et fort intéressant. Il me lut aussi des passages tirés d'une ou deux pièces de théâtre qu'il a écrites, fort bonnes mais point autant qu'il le croit, à mon avis. Il me fit voir son " Hortus Hyemalis " , feuillets reliés à la façon d'un livre, et qui contiennent une variété de plantes séchées, mais dont la couleur est cependant préservée, le tout fort joli, bien plus qu'un herbier ordinaire. En un mot c'est un excellent homme à qui on doit bien concéder quelques vanités auxquelles il ne lui est pas interdit de prétendre, tant il est supérieur aux autres. Il me fit lecture, mais avec une emphase exagérée, de plusieurs petits poèmes de sa composition, ma foi loin d'être exceptionnels, hormis une ou deux belles épigrammes, entre autres celle de la demoiselle qui regardait entre les barreaux d'une cage d'où un aigle lui donna des coups de bec.                                                                                                        pinterest.fr
            C'est alors que surgit au beau milieu de notre conversation le capitaine Cocke, saoul comme un âne, mais encore capable de tenir debout et de parler et de rire. La cause de sa liesse était qu'il avait passé l'après-midi avec une jolie dame, qui n'était autre que milady Robinson. Il a beau être plaisant homme il en devint gênant à force de bruit, de paroles et d'éclats de rire.
            En voiture, avec lui, chez Mr Glanville où il resta un bon moment avec Mrs Penington et moi à nous parler de cette bonne dame, puis s'en alla. Puis j'eus avec Mrs Penington une conversation des plus sérieuses. Nous nous dîmes entre autres quelle brave fille est cette milady Robinson dont on raconte qu'elle a des bontés pour les prisonniers, et qu'elle aurait dit à sir George Smith, avec lequel elle est très liée : " Regarde le bel homme que voici. Point n'hésiterais à enfreindre un commandement avec lui. Elle est coutumière de ce genre de propos libertins.
            Après une heure de bavardage, au lit. Cette dame s'inquiète fort de ce que sa petite chienne est très malade et refuse de manger. Mais le plus drôle est que je l'entendis se lamenter dans sa chambre au sujet de la chienne qu'elle finit par prendre avec elle dans son lit, et que celle-ci pissa dans le lit, si bien qu'elle dut se lever et vint dans ma chambre chercher des charbons pour sécher son lit. Ce soir George Carteret m'apprit par lettre qu'il serait en ville demain, ce qui m'étonne.


                                                                                                                          6 novembre


            Levé et à mon bureau, affairé toute la matinée. Puis dîner chez le capitaine Cocke avec Mr Evelyn, fort convivial. Après dîner fûmes seulement contrariés d'avoir à patienter le temps que notre voiture arrive. Enfin, à Lambeth, puis au Cockpit, où sir George Carteret était arrivé et tenait réunion avec le Duc et la Compagnie des Indes orientales pour régler l'affaire des prises de guerre qui les occupait toujours.
            Leur séance levée, sir George Carteret sortit, traversâmes le jardin jusqu'à la berge, puis je montai dans son bateau et, par le fleuve, avec le capitaine Cocke, descendîmes jusqu'à sa maison de Greenwich.
            Pendant qu'on préparait le souper allâmes, avec sir George Carteret, nous promener une heure dans le jardin devant la maison, et parlâmes des affaires de milord Sandwich, des ennemis qu'il s'est faits et de la manière dont ils ont essayé de le salir, en particulier en racontant qu'il aurait négligé d'attaquer 30 navires ennemis , et qu'il aurait rappelé Penn qui s'apprêtait à les affronter, ce qui est parfaitement faux. En dépit de quoi il ajoute qu'à la Chambre des Communes des écervelés avaient l'intention de faire voter, au moment où on votait un cadeau pour le duc d'York, 10 000 £ pour le prince et une demi-couronne pour milord Sandwich, mais la proposition resta sans suite. Il n'en est pas moins vrai que milord conserve malgré tout le ferme soutien du roi, de milord le chancelier et de milord Arlington. Le prince est aimable en apparence, le duc d'York garde le silence et ne prononce pas la moindre parole blessante, mais les autres médire en sa présence.
            Sir William Penn est le plus fieffé pendard qui soit. Carteret ajouta d'ailleurs que le duc d'Albemarle avait, cet après-midi même, traité Penn de couard et de faquin, rapportant qu'il avait fait entrer dans la flotte ces coquins, ces fanatiques de capitaines, et qu'il avait juré que plus jamais il ne prendrait en mer le commandement de cette flotte. Que sir William Coventry est toujours aussi plein de bontés pour Penn, mais qu'aucun de ses actes ni aucune de ses paroles ne porte ouvertement préjudice à milord. Il pense, tout comme moi, que jamais le roi ne pourra remettre une flotte à la mer avant l'année prochaine, et que tout menace ruine, car le seul argent sur lequel on puisse, à l'avenir, compter est celui des prises qui, tout au plus, rapporteront 20 000 £, ce qui est une somme ridicule. Que la récente loi du Parlement destinée à remplir les caisses de l'Echiquier et à payer directement la flotte est conçue de manière à lui porter préjudice, et ne portera ses fruits que trop tard, après avoir ruiné les affaires du roi. Ce que, pour ma part, je crains aussi, et je m'étonne que sir William Coventry se soit laissé convaincre par sir George Downing de faire accepter la chose par le roi et le Duc, avant même qu'ils en aient considéré tous les aspects, qu'en ce qui concerne milord, le roi lui a dit récemment que j'étais un excellent officier, et que milord le chancelier, à son avis, m'estime et me respecte autant qu'il est possible d'estimer quelqu'un qu'on connait aussi peu.
            Après quoi, et quand je lui eus appris la triste nouvelle, à savoir qu'il est à craindre que l'argent nous fasse défaut, et pour longtemps encore, car nous n'avons pas même l'argent des prises, je m'habituai à l'idée que tout le service du roi était en déconfiture.
            On alla souper, fort gaiement, puis je rentrai, tard, chez Mr Glanville, et sir George Carteret alla se coucher. Au lit, très tard.



                                                                                                                              7 novembre

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          Levé et chez sir George Carteret qui était fort pressé de partir, sans même prendre le temps de déjeuner. Chez le duc d'Albemarle, avec Fen, par le fleuve. Seigneur ! il fallait le voir s'étonner, entre autres, de n'apercevoir sur le fleuve pas la moindre embarcation, pas même un batelier à l'embarcadère de l'hôtel des douanes. Combien il était rempli de crainte et irrité de voir que son valet, qui tenait à la main le verre à vin destiné à son maître, avait fourré ses mains sous le manteau du batelier, car c'était une matinée ventée, pluvieuse et glaciale, et pourtant, il avait pris la précaution de faire venir le batelier d'une région située à environ trois lieues en amont de la Tamise. Pis encore, le valet emporta ce verre avec lui chez le duc d'Albemarle, afin que sir George Carteret pût y boire, car il avait l'intention d'y dîner, prétendant que c'était là un moyen d'éviter de salir inutilement. Il faut ajouter que pour cette même raison il avait emporté avec lui une serviette chez le capitaine Cocke, lui faisant croire qu'il tenait à avoir à table une serviette déjà sale. Il se promena un long moment avec le duc dans le parc, et moi avec Fen, mais je n'ai pas perçu chez lui d'intention de rester longtemps avec nous, ni celle de nous verser le moindre sou. Advienne que pourra.                                                              

            Rentrâmes, et sir William Batten nous rejoignit bientôt. Après être restés jusqu'à midi, entourés de quantité de gens, sir William Batten et moi prîmes congé du duc et de sir George Carteret, ayant épuisé tous les moyens d'espérer obtenir de l'argent.
            On passa le fleuve puis à Greenwich en voiture où on dîna chez Boreman à une heure tardive. Puis, l'esprit fort préoccupé par mes affaires, et fort inquiet des conséquences de la pénurie d'argent, je terminai mon courrier vers 8 heures et rentrai chez moi où je passai toute la soirée, jusqu'à minuit à bavarder avec Mrs Penington, qui est une femme de jugement et fort avisée. Nous parlâmes fort plaisamment, et de quantité de choses diverses. Elle m'apprit, à sont grand chagrin, que sa chienne était morte ce matin, dans son lit. On se quitta et, au lit.


                                                                                                                  8 novembre 1665

            Levé et à mon bureau, fort occupé entre autres par la lecture des brevets relatifs à l'affaire des subsistances, ces brevets parvenus ce matin, ceux des intendants de port ainsi que le mien pour ma nomination au poste de surintendant des subsistances. En fis part surtout à Tom Wilson, et je rendrai, à n'en pas douter, d'aussi bons services au roi qu'il nous donnera de bons salaires. Aujourd'hui étant jour de jeûne tout le monde était à l'église et le bureau fort calme, si bien que j'ai pu expédier quantité de travail.                                                                                                                        pinterest.fr                          
            A midi m'aventurai à retourner à mon ancien logement où j'ai dîné, mais je ne fus guère heureux car je n'ai point vu Christopher, on me dit qu'il est sorti. Après derechef au bureau où milord Rutherford me fait dire de le rejoindre à la taverne de la Tête du Roi, ce qui ne peut me valoir que quelque désagrément, car je ne peux espérer de lui aucun avantage. Le quittai aussi vite que je le pus et me rendis par le fleuve à Deptford, où je m'arrangeai pour aller et venir dans les prés jusqu'à ce qu'il fît nuit noire et c'est alors que je pus " alloy à la maison de ma valentine ", et là " je faisais tout ce que je voudrais avec elle ( nte de l'éd. Mrs Bagwell ). Vers 8 heures repris une barque, heureux de n'être point en ville, car il semble que la peste y fait rage plus que jamais. A mes appartements où milord donnait un souper, ainsi que la maîtresse de maison ainsi que ses filles. Mrs Pearse s'attardant pour me parler de l'affaire de son mari, je la priai de rester souper avec nous, puis le soir milord et moi la raccompagnâmes à pied chez elle. Lui et moi ayant dit tout ce que nous avions à dire au sujet de ses affaires, je pris congé et repartis chez Mr Glanville, et allai me coucher, fort tard, au lit.


                                                                                                                        9 novembre

            Levé et, après avoir donné la pièce aux domestiques chez Mr Glanville, pris congé avec l'intention d'aller dormir ce soir dans mes propres appartements.
            A mon bureau, occupé avec Mr Gauden par notre affaire de subsistances. Il se réjouit fort du tour que prennent les choses, et s'est montré touché par la faveur que je lui ai faite, et me promit de me le revaloir en dévouement. A midi, par le fleuve, à la Tête du Roi à Deptford où le capitaine Taylor avait invité sir William Batten et sir Joseph Robinson, qui entra suivi d'une foule de gens, car il revenait de la chasse dont il nous ramena un lièvre encore vivant et de stupides histoires de chasse sur lesquelles ils sont intarissables, car la chose les amuse fort, moi pas du tout, car chacun ne goûte pas les mêmes plaisirs, d'autres nous parlèrent de l'inspection de son nouveau bateau
            Il est curieux de voir à quel point bombance et bonne chère réconcilient tout le monde, sir William Batten et sir Joseph de se montrer maintenant tout aimables avec le capitaine, de dire grand bien de son bateau et de ses faits et gestes, de lui promettre de l'argent, et sir William Batten de solliciter ses services. Etrange spectacle, à vrai dire, car hier ils étaient les deux plus grands ennemis qu'il y eût au monde et, au fond de leur cœur ils le sont encore.
            M'éclipsai après dîner et à mon bureau où j'expédiai force besogne jusqu'à minuit, puis retournai dormir chez Mrs Clerke. En chemin Will Hewer m'apprit que ma femme allait venir ici demain et qu'elle avait congédié Mary. Voilà qui me contrarie prodigieusement. C'est plus fort que moi, bien que ce soit irraisonné de ma part et, à bien y réfléchir, je ne pense pas que ma femme ait pensé à mal, sinon je suis bien sot de m'en inquiéter, car qu'y puis-je ?
            A notre grand chagrin le bulletin a augmenté de 399 morts cette semaine, et cette augmentation se généralise à toute la ville et à ses banlieues, ce qui nous afflige tous.


                                                                                                                    10 novembre 1965

            Levé et ai rédigé mon journal depuis le 28 octobre, ayant encore frais à ma mémoire les événements de chaque jour, bien qu'il m'en coûte de m'en ressouvenir. J'y fus d'ailleurs contraint, n'ayant point été chez moi pendant plusieurs jours, et donc sans mes livres et mes papiers. Puis à mon bureau où je fus pris jusqu'à 2 ou 3 heures avant de pouvoir rentrer chez moi dîner et derechef au bureau. Le soir on me fit prévenir que ma femme était arrivée. Allai donc auprès d'elle et passai la soirée en sa compagnie, sans guère y prendre plaisir, car je suis fâché qu'elle ait congédié Mary en mon absence. Je me gardai cependant d'en parler et abordai d'autres sujets de conversation. Etant elle-même venue chez moi à Londres, ce qui prouve sa hardiesse, veiller à ce que Mary emporte ses affaires, elle me dit que notre voisin Mr Harrington, marchand de la Compagnie des Indes orientales, était mort de la peste à Epsom, et qu'un autre de nos voisins, Mr Hollworthy, pourtant en parfaite santé, est mort aussi, d'une chute de cheval à la campagne, le pied pris dans l'étrier, le crâne écrasé et vidé de sa cervelle. Restâmes ainsi à bavarder et, après souper, au lit.


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            Levé, puis au bureau, ma femme encore au lit, jusqu'à midi. Rentrai dîner et derechef au bureau. Ma femme est repartie à Woolwich et je suis resté fort tard au bureau, puis rentrai et, au lit.


                                                                                                                                                                                                12 novembre
                                                                                                                     Jour du Seigneur
            Levé, étant invité à dîner chez le capitaine Cocke. Une fois prêt m'y rendis et on dîna ensemble, ainsi que Mr Yard de la Compagnie des Indes, fort gaiement. Puis par le fleuve chez le duc d'Albemarle
avec qui j'ai pu brièvement m'entretenir de nos affaires principalement, afin de recevoir ses ordres au sujet des pilotes dont nous avons besoin pour nos navires hambourgeois prêts à prendre la mer à cette époque de l'année et à convoyer les navires marchands qui, depuis trois ou quatre mois, attendent, non sans regret ni sans frais, dans le port de Harwich, qu'une escorte leur soit donnée
            On espère ici que la peste sera moins virulente cette semaine. Revins ensuite par le fleuve chez le capitaine Cocke, et nous passâmes tous deux une bonne partie de la soirée à reprendre ce qui nous avait occupés plus tôt dans la journée, la lecture puis la discussion sur une partie du livre de Mr Stillingfleete, Origines Sacrae. Il y a là maintes bonnes choses et d'autres futiles. Puis tous deux chez Mrs Pennington pensant passer la soirée avec elle mais elle était allée se coucher. On rebroussa donc chemin et on se promena un peu, puis chez lui, souper. Après quoi on se quitta, je rentrai chez moi et,   au lit.


                                                                                                                                 13 novembre

            Levé et à mon bureau fort affairé toute la matinée. A midi dîner, comme prévu, chez le capitaine Cocke afin de régler notre affaire de comptes. Mais arriva un échevin, marchand fort joyeux drille, et on dîna. Après son départ, Cocke et moi allâmes nous promener dans le jardin où, après quelques palabres, il promit de me garantir par sa signature une part de bénéfices de 500 £ sur les prises de guerre que nous avions achetées. Nous convînmes de ces termes qui me desservent moins que prévu. Puis, ayant peine à contenir ma joie, on se quitta jusqu'au soir. Me rendis à mon bureau où, entre autres, je m'occupai de dresser un acte relatif à notre accord et où il n'aurait plus qu'à apposer sa signature et son sceau.
            Puis allâmes tous deux chez Glanville, où nous restâmes bavarder et badiner avec Mrs Penington que nous trouvâmes déshabillée, en jupons et en chemise, au coin du feu. Après avoir bu et ri, elle souffrit bien volontiers que je lui mette la main fort coquinement sur la poitrine, et que je l'y laisse longtemps, ce que je trouvais fort étrange, car je considérais que je m'étais singulièrement trompé au sujet d'une dame dont je ne croyais pas qu'elle eût toléré ces manières, à la juger d'après nos précédentes conversations. Elle m'avait paru de si grande vertu, et que sais-je encore. Nous restâmes fort tard, puis je revins chez moi, après avoir marché jusqu'à minuit passé pour le raccompagner à sa porte, au bord de la Tamise, par cette belle nuit de clair de lune, fraîche et sans nuage. Chez moi à une heure du matin passée.


                                                                                                                               14 novembre

            Réveillé au point du jour par une visite du capitaine Cocke, comme prévu, et nous partîmes tous deux dans sa voiture, passant par Kent Street, cette rue bien triste depuis la peste, pleine de gens malades qui mendient assis par terre et couverts d'emplâtres. En route puis chez Vyner et Colvill pour affaires d'argent. Passai ensuite à ma maison où je pris 300 £ destinées à milord Sandwich, en paiement partiel de la somme que je dois verser au capitaine Cocke en vertu de notre accord. Lui portai donc puis descendis à Greenwich à mon bureau où je restai travailler jusqu'à midi. Rentrai dîner puis derechef au bureau et ensuite chez le duc d'Albemarle par le fleuve, en fin de soirée. Là, voyant bien que j'avais pris rendez-vous avec lui aujourd'hui pour parler d'argent, je m'excusai de n'être point arrivé plus tôt. Je constate que, si falot soit-il, il se souvient cependant de temps à autre, des choses auxquelles on eût pu le croire indifférent.                                                                                          pinterest.fr
            J'étais venu quémander de l'argent à la Compagnie des Indes orientales. Mais Seigneur ! c'est merveilleux d'entendre le duc tirer gloire de ses activités au sein de la compagnie, ainsi que milord Craven, et le roi, qu'aurait-il fait sans milord le Duc ? Il s'agite beaucoup et avec la plus grande emphase dit quel homme remarquable je suis.
            Revins par le fleuve sous une pluie battante, si bien que plutôt que d'aller, comme j'en avais l'intention, à l'estuaire de la Tamise, allai à mon bureau. Et bien m'en a pris, car jamais de mémoire d'homme on ne vit pire tempête que cette nuit-là. Tard à mon bureau puis chez moi et, au lit.
            Aujourd'hui, en passant chez Mrs Rawlinson voir comment ils allaient j'ai appris que ma jolie épicière, Mrs Beversham, qui habite par là-bas, vient de perdre son mari de la peste dans Bow Street, ce qui m'attriste car je risque de perdre cette voisine.


                                                                                                                       15 novembre 1665

            Levé et fus fort pris à mon bureau toute la matinée. A midi à la taverne de la Tête du Roi où aujourd'hui avait lieu un dîner organisé par les membres de Trinity House, au grand complet, afin d'élire un nouveau grand maître en remplacement de Hurlestone qui est mort. Le capitaine Crisp fut désigné. Mais Grand Dieu ! il fallait voir sir William Batten se mêler de tout gouverner et fouler aux pieds la mémoire de Hurlestone. Je suis pour ma part convaincu que cette assemblée ne pourra que pâtir d'une telle disparition, car elle sera désormais sous la coupe de Batten et du faquin paresseux, sénile et corrompu qu'il est.
            Après dîner arrive, grande surprise, milady Batten, suivie d'une escouade d'une douzaine de femmes, ou presque, qui, à ce que j'appris par la suite, espéraient y faire sensation, mais personne ne leur prêta attention. Le plus drôle est que voyant qu'elles n'intéressaient personne, elles décidèrent de décamper, mais comme il faisait fort mauvais temps, milady Batten, qui marchait dans la fange de la ruelle chaussée de ses souliers blancs immaculés, perdit une de ses galoches dans la boue où elle resta collée, si bien qu'elle dut rentrer chez elle avec une galoche en moins, ce qui la contraria considérablement. Je la raccompagnai chez elle, puis après l'avoir encore taquinée en riant je pris congé d'elle et me rendis chez Glanville où je savais que sir Joseph Robinson, sir George Smith et le capitaine Cocke étaient allés. Et là, en compagnie de Mrs Penington, dont j'apprends que le père avait fait partie du tribunal et était mort de la maladie de la pierre emprisonné à la Tour de Londres, je les convainquis de rester, heure après heure, jusqu'à minuit, car dehors il faisait une nuit noire épouvantable, et le vent et la pluie se déchaînaient. Mieux encore, moi qui ne buvais que de la petite bière, je réussi à tous les saouler au vin, ce qui amusa beaucoup sir John Robinson.
            Eux partis, cette dame et moi, passâmes courtoisement une heure au coin du feu, à parler de la niaiserie de ce Robinson dont le seul souci est de faire son propre éloge et de louer ce qu'il dit et ce qu'il fait, vaniteux et borné comme il est.
            La peste, Dieu soit loué ! a fait 400 morts de moins, ce qui donne pour la semaine un total d'environ 1 300. Dieu en soit remercié !


                                                          à suivre.............

                                                                                                                             Le 16 novembre 1665

            Levé, me préparai...........
                                                                                                                                   




































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