Lettre à Madeleine
( dans sa lettre le poète décrit son peu de goût pour le théâtre
mais son espoir d'écrire une pièce et sa préférence pour les décors modernes puis l'assure longuement de son amour. Sa mère n'est toujours pas informée de leur relation mais " ... si je lui ai dit de nous. Non, mais ça n'a pas d'importance... d'ailleurs j'aime beaucoup maman et elle m'aime aussi... " )
3 septembre 1915
tableau Marie Laurencin
LA BOUCLE RETROUVÉE
Il retrouve dans sa mémoire
La boucle de cheveux châtains
T'en souvient-il à n'y point croire
De nos 2 étranges destins
Du boulevard de la Chapelle
Du joli Montmartre et d'Auteuil
Je me souviens murmure-t-elle
Du jour où j'ai franchi ton seuil
Il y tomba comme un automne
La boucle de ton souvenir
Et notre destin qui t'étonne
Se joint au jour qui va finir
REFUS DE LA COLOMBE
Mensonge de l'annonciade
La Noël fut la Passion
Et qu'elle était charmante et sade
Cette renonciation
Si la colombe poignardée
Saigne encore de ses refus
J'en plume les ailes : l'idée
Et le poème que tu fus
LES FEUX DU BIVOUAC
Les feux mourants du bivouac
Éclairent des formes de rêve
Et le songe dans l'entrelacs
Des branches lentement s'élève
Voici les dédains du regret
Tout écorché comme une fraise
Les souvenirs et le secret
Dont il ne reste que la braise
TOURBILLON DE MOUCHES
Un cavalier va dans la plaine
La jeune fille pense à lui
Et cette flotte à Mytilène
Le fil de fer est là qui luit
Comme ils cueillaient la rose ardente
Leurs yeux tout à coup ont fleuri
Et quel soleil la bouche errante
A qui la bouche avait souri
LES GRENADINES REPENTANTES
En est-il deux dans Grenade
Qui pleurent sur ton seul péché ?
Ici l'on jette la grenade
Qui se change en un oeuf coché
Puisqu'il en naît des coqs Infante
Entends-les chanter leurs dédains
Et que la Grenade est touchante
Dans nos effroyables jardins
L'ADIEU DU CAVALIER
Ah Dieu ! que la guerre est jolie
Avec ses chants ses longs loisirs
La bague si pâle et polie
Et le cortège des plaisirs
Adieu ! voici le boute-selle !
Il disparut dans un tournant
Et mourut là-bas, tandis qu'elle
cueillait des fleurs en se damnant
Guillaume Apollinaire
e
( dans sa lettre le poète décrit son peu de goût pour le théâtre
mais son espoir d'écrire une pièce et sa préférence pour les décors modernes puis l'assure longuement de son amour. Sa mère n'est toujours pas informée de leur relation mais " ... si je lui ai dit de nous. Non, mais ça n'a pas d'importance... d'ailleurs j'aime beaucoup maman et elle m'aime aussi... " )
3 septembre 1915
Mon aimée tant chérie. J'ai reçu la petite carte tant exquis du 29 et j'attends la longue lettre interminable avec impatience car sans doute que pour des raisons que je ne puis écrire nous allons rester quatre jours sans communications même avec l'échelon - Mais je t'écrirai chaque jour durant ce temps et tu recevras le tout ensemble. En tout cas toi écris-moi aussi et dans tes déplacements même annoncés répète désormais ton adresse chaque fois de façon à ce que si j'égare comme ça peut arriver une lettre ( ça n'arrive pas d'ailleurs et ta lettre avec l'adresse de Narbonne est dans mon sac à avoine avec d'autres choses qui le bourrent de tout autre chose que d'avoine, ce sac est dis-je, à l'échelon et je ne peux faire fouiller dans ce sac pr qu'on m'apporte la lettre ), si j'égare dis-je encore ou oublie une lettre, j'ai tout de même l'adresse de Madeleine.
CHEF DE PIÈCE
Le margis est à sa pièce
Il dort dans son abri à côté du canon
Il vit avec ses servants et partage leur cuistance
Il écrit auprès d'eux à Madeleine
Il joue avec eux tous sept comme des enfants
Il songe à la Grande Chose qui va venir
Il admire le merveilleux enthousiasme des bobosses
Décidément le courage a grandi partout
Et l'on est sûr on est certain de la Grande Chose
Il pensera tout ce temps-là à Madeleine
Si vous m'aviez dit Madeleine que vous alliez aller à la belle Antibes, la grecque, je vous eusse dit
d'aller voir près de l'église la pierre tombale de l'enfant du Nord qui vient danser au théâtre d'Antibes, je ne sais plus sous le règne de quel empereur romain. Saltavit et placuit dit l'inscription si pure, si belle, si poétique dans sa brièveté lapidaire - Il dansa et il plut...
Je n'avais été à Antibes quand j'étais enfant, j'y ai été plusieurs fois pendant mon séjour à Nice au début de la guerre et l'impression que cette ravissante cité marine m'a donnée est celle que m'en avaient déjà données les Mémoires de Casanova.
J'habite maintenant à côté du canon. - Vous avez reçu le joli dessin de M. L.. Pour la remercier, comme je lui garde une grande amitié et comme rien ne doit être caché entre nous ( moi et Madeleine ) puisque je n'aurai jamais rien à te cacher je t'envoie, un petit groupe de poèmes que je lui ai envoyés, car elle m'avait fait demander des poèmes qu'elle voudrait illustrer et publier au profit d'une oeuvre charitable. Voilà donc ces poèmes qui forment un petit roman poétique guerrier et qui vont paraître dans la Gazette des Lettres pour le temps de la Guerre.
LE MÉDAILLON TOUJOURS FERME
La grâce en exil
Va-t-en va-t-en mon arc-en-ciel
Allez-vous-en couleurs charmantes
Cet exil t'est essentiel
Infante aux écharpes changeantes
Et l'arc-en-ciel est exilé
Puisqu'on exile qui l'irise
Mais un drapeau s'est envolé
Prendre la place au vent de bise
tableau Marie Laurencin
LA BOUCLE RETROUVÉE
Il retrouve dans sa mémoire
La boucle de cheveux châtains
T'en souvient-il à n'y point croire
De nos 2 étranges destins
Du boulevard de la Chapelle
Du joli Montmartre et d'Auteuil
Je me souviens murmure-t-elle
Du jour où j'ai franchi ton seuil
Il y tomba comme un automne
La boucle de ton souvenir
Et notre destin qui t'étonne
Se joint au jour qui va finir
REFUS DE LA COLOMBE
Mensonge de l'annonciade
La Noël fut la Passion
Et qu'elle était charmante et sade
Cette renonciation
Si la colombe poignardée
Saigne encore de ses refus
J'en plume les ailes : l'idée
Et le poème que tu fus
LES FEUX DU BIVOUAC
Les feux mourants du bivouac
Éclairent des formes de rêve
Et le songe dans l'entrelacs
Des branches lentement s'élève
Voici les dédains du regret
Tout écorché comme une fraise
Les souvenirs et le secret
Dont il ne reste que la braise
TOURBILLON DE MOUCHES
Un cavalier va dans la plaine
La jeune fille pense à lui
Et cette flotte à Mytilène
Le fil de fer est là qui luit
Comme ils cueillaient la rose ardente
Leurs yeux tout à coup ont fleuri
Et quel soleil la bouche errante
A qui la bouche avait souri
LES GRENADINES REPENTANTES
En est-il deux dans Grenade
Qui pleurent sur ton seul péché ?
Ici l'on jette la grenade
Qui se change en un oeuf coché
Puisqu'il en naît des coqs Infante
Entends-les chanter leurs dédains
Et que la Grenade est touchante
Dans nos effroyables jardins
L'ADIEU DU CAVALIER
Ah Dieu ! que la guerre est jolie
Avec ses chants ses longs loisirs
La bague si pâle et polie
Et le cortège des plaisirs
Adieu ! voici le boute-selle !
Il disparut dans un tournant
Et mourut là-bas, tandis qu'elle
cueillait des fleurs en se damnant
Guillaume Apollinaire
e