lundi 30 octobre 2023

Pluffles délivré Rudyard Kipling ( Nouvelle Angleterre )

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                                                   Pluffles délivré

            Il arrivait à Mme Hauksbee d'être bienveillante envers les personnes du sexe. Voici une histoire qui le démontrera et vous en prendrez uniquement ce qu'il vous plaira d'en prendre.
            Pluffles était lieutenant au régiment des " Innommables ". C'était un blanc-bec, même pour un lieutenant. Un blanc-bec sur toute la ligne comme un canari qui n'a pas encore toutes ses plumes. Le plus grave de l'histoire c'est qu'il avait trois fois plus d'argent qu'il n'en fallait pour son bien. Son papa était riche et n'avait que ce fils. Sa maman l'adorait, était à peine moins naïve que lui et ne mettait en doute aucune de ses paroles. La faiblesse de Pluffles était de ne pas croire ce qu'on lui disait. Il préférait, prétendait-il, " à son propre jugement. Il avait autant de jugement que de main sur un cheval, et cette préférence lui valut d'être désarçonné une ou deux fois. Mais la plus grosse mésaventure personnelle dont il fut l'artisan eut lieu à Simla il y a quelques années.
            Comme d'habitude il commença par ne se fier qu'à son propre jugement. Résultat, au bout d'un certains temps il se retrouva pieds et poings liés aux roues du rickshaw de Mme Reiver.
            Il n'y avait rien de bon chez Mme Reiver, hormis sa toilette. Elle était mauvaise depuis sa chevelure, qui avait vu le jour sur la tête d'une jeune Bretonne, jusqu'aux talons de ses bottines hauts de près de deux pouces et demi. Elle n'avait pas cette honnêteté dans la malfaisance qui caractérise Mme Hauksbee. Sa scélératesse avait un côté calculateur.
            Elle n'allair jamais jusqu'au scandale, sa nature n'était pas suffisamment généreuse pour en arriver là. C'était l'exception confirmant la règle en vertu de laquelle les Anglaises en Inde sont à tous égards aussi charmantes que leurs sœurs de métropole. Mme Reiver passait sa vie à confirmer cette règle.
            Mmes Hauksbee et Reiver se haïssait passionnément, beaucoup trop pour se heurter de front. Mais ce qu'elles disaient l'une de l'autre était stupéfiant, pour ne pas dire original. Mme Hauksbee ne trichait pas, pas plus que ses dents de devant, et sans ses penchants malfaisants c'eût été la meilleure amie des femmes. Il n'y avait aucune honnêteté chez Mme Reiver, rien que de l'égoïsme. Et au début de la saison le pauvre petit Pluffles tomba dans ses griffes. Elle s'employa assidûment à obtenir ce résultat. Mais Pluffles était-il en mesure de résister ? Il s'en remit à son jugement et se condamna du même coup.
            J'ai vu le capitaine Hayes raisonner un cheval rétif, j'ai vu un conducteur de tonga venir à bout d'un poney récalcitrant, j'ai vu un setter brigand dressé pour la chasse à tir par un garde-chasse impitoyable, mais tout cela ne fut rien comparé au dressage de Pluffles du régiment des " Innommables"                                                                                                     academic.com    
            Il apprit à rapporter comme un chien de chasse et à attendre de même le moindre mot de Mme Reiver. Il apprit à se trouver à des rendez-vous auxquels Mme Reiver n'avait aucune intention de se rendre. Il apprit à réserver avec reconnaissance des danses que Mme Reiver n'avait aucune intention de lui accorder. Il apprit à grelotter pendant plus d'une heure sur le côté de l'Elysium exposé au vent, tandis que Mme Reiver se tâtait pour savoir si elle irait faire un tour à cheval avec lui. Il apprit à partir à la recherche d'un rickshaw en tenue de soirée légère sous une pluie battante et à marcher à côté du véhicules quand il en avait trouvé un. Il apprit à s'entendre adresser la parole comme s'il était un coolie, à recevoir des ordres comme un cuisinier. Il apprit tout cela et bien d'autres choses, et cet apprentissage lui coûta cher.
            Peut-être s'imaginait-il plus ou moins vaguement que cette existence avait du chic et en imposait, qu'elle lui conférait un certain prestige aux yeux des hommes, qu'elle était absolument conforme aux usages. Il n'appartenait à personne de le mettre en garde contre son imprudence; Le rythme de la saison cette année-là était trop soutenu pour qu'on se posât des questions et c'est toujours une besogne ingrate que d'intervenir dans les égarements d'autrui. Le colonel de Pluffles aurait dû le rappeler dans son régiment quand il apprit la tournure des événements. Mais Pluffles avait trouvé le moyen de se fiancer en Angleterre lors de son dernier séjour et s'il y avait quelque chose que le colonel détestait par-dessus tout, c'était bien un lieutenant marié. Il se frotta donc les mains quand il entendit parler de l'éducation de Pluffles qu'il jugea excellente pour la formation du jeune homme. Mais c'était loin d'être le cas  Pluffles fut amené à dépenser au-delà de ses moyens qui étaient importants, et surtout cette éducation eut pour effet de pervertir un garçon d'envergure moyenne pour en faire un adulte de dixième catégorie, un indésirable. Il alla se fourvoyer dans un milieu peu recommandable et sa petite note chez le joaillier avait de quoi surprendre.
            C'est alors que Mme Hauksbee se montra à la hauteur des circonstances. Elle joua seule sachant ce qu'on dirait d'elle et elle le fut dans l'intérêt d'une jeune fille qu'elle n'avait jamais vue. La fiancée de Pluffles devait débarquer en octobre, chaperonnée par une tante, afin d'épouser Pluffles.
            Au début du mois d'août Mme Hauksbee découvrit qu'il était temps d'intervenir. Celui qui monte souvent sait exactement à l'avance ce que son cheval va faire. De même une femme qui a l'expérience de Mme Hauksbee sait exactement comment un jeune homme va se comporter dans certaines circonstances, en particulier quand il est entiché d'une femme comme Mme Reiver. Elle se dit que tôt ou tard le jeune Pluffles allait rompre ses fiançailles sans aucune raison, simplement pour être agréable à Mme Reiver qui, en échange, le maintenait à ses pieds et à son service aussi longtemps qu'elle le jugerait utile pour elle-même. Mme Hauksbee prétendait qu'elle voyait venir ce genre de chose. Si elle n'en était pas capable qui d'autre l'eût été ?
            Ella alla donc capturer Pluffles sous le feu de l'ennemi, tout comme Mme Cusack-Brenmil avait enlevé Brenmil sous les yeux de Mme Hauksbee.
            En l'occurrence le combat dura sept semaines. On l'appela " la guerre des sept semaines " , et dans les deux camps on disputa âprement chaque pouce de terrain. Un récit détaillé occuperait un volume entier et serait encore incomplet. Quiconque connaît ce genre de choses ajoutera lui-même les détails manquants. Ce fut une bataille superbe, on n'en verra plus de semblable tant que le mont Jakko sera là. Et Pluffles servit de trophée. 
            Les gens tinrent des propos abominables sur Mme Hauksbee, sans savoir quel était pour elle l'enjeu du combat. Mme Reiver se défendit en partie parce que Pluffles lui était utile, mais surtout parce qu'elle haïssait Mme Hauksbee et qu'il s'agissait d'une épreuve de force entre elles deux. Nul ne sait ce que Pluffles en pensait. A ses meilleurs moments il avait peu d'idées, et les rares spécimens qu'il se trouvait avoir le rendaient suffisant. Mme Hauksbee déclara :
            " - Il faut mettre la main sur ce garçon et la seule manière d'y parvenir est de bien le traiter. "
            Tant que l'issue demeura incertaine elle le traita donc comme un homme qui a l'expérience du monde. Peu à peu Pluffles se détacha de son ancienne allégeance, et se rapprocha de cet ennemi qui faisait grand cas de sa personne. On ne l'envoyait plus en éclaireur  à la recherche d'un rickshaw. On ne lui promettait plus de danse qu'il attendait vainement, et les ponctions sur ses finances cessèrent. Mme Hauksbee le menait en douceur et après le traitement infligé par Mme Reiver il appréciait le changement.    grandpalais.fr
            Mme Reiver lui avait fait perdre la mauvaise habitude de parler de lui, et l'avait dressé à ne parler que d'elle et de ses mérites. Mme Hauksbee s'y prit autrement et sut si bien gagner sa confiance qu'il lui parla de sa fiancée en Angleterre, sur un ton condescendant comme s'il s'agissait d'un caprice de gamin. Ceci se passait un jour où il prenait le thé avec elle, et pérorait dans un style qu'il croyait galant et séduisant. Mme Hauksbee avait déjà vu bourgeonner et fleurir toute une génération de Pluffles qui n'avaient donné que des capitaines obèses et des commandants rondouillards.
            Au bas mot, le caractère de Mme Hauksbee présentait environ vingt trois facettes différentes. Davantage selon certains.. Elle se mit à s'adresser à Pluffles comme une mère et comme s'il y avait eu trois cents ans entre eux au lieu de quinze. Elle parla avec une sorte de trémolo guttural qui eut un effet lénifiant, même si ses propos n'avaient rien de lénifiant, à beaucoup près. Elle souligna la folle extravagance, pour ne pas dire la bassesse de la conduite de Pluffles et son étroitesse de vue. Alors il bredouilla quelques mots signifiant qu'il se fiait à son propre jugement en tant qu'homme d'expérience, ce qui préparait le terrain à ce qu'elle voulait dire ensuite. Venant de n'importe quelle autre femme ce discours eût foudroyé  Pluffles mais présenté dans le style doucereux et roucoulant adopté par, Mme Hucksbee, il le laissa sans réaction, en proie au repentir, comme s'il se fût trouvé dans une église particulièrement huppée.
            Progressivement, avec beaucoup de douceur et d'affabilité elle entreprit de débarrasser Pluffles de sa suffisance, comme on enlève les baleines d'un parapluie avant de le recouvrir. Elle lui dit ce qu'elle pensait de lui, de son jugement et de son expérience du monde, lui fit savoir à quel point ses exploits l'avaient rendu ridicule et lui montra qu'il avait bien l'intention de lui faire la cour si elle lui en donnait l'occasion. Elle ajouta que le mariage ferait de lui un homme et dessina un charmant petit portrait tout en rose et opale de la future Mme Pluffles traversant la vie en se fiant au jugement et à l'expérience d'un mari qui n'aurait rien à se reprocher. Comment pouvait-elle concilier ces affirmations?
Elle seule le savait. Mais Pluffles n'y vit aucune contradiction.
            Elle lui adressa une petite homélie qui était un modèle du genre, aucun pasteur n'eût fait mieux, à beaucoup près, et termina sur des allusions pathétiques à la maman et au papa de Pluffles, et à l'opportunité d'un retour en Angleterre avec sa jeune épouse.
            Puis elle envoya Pluffles faire un tour afin qu'il réfléchisse à ce qu'elle avait dit. Il sortit, se mouchant abondamment, raide comme un piquet. Mme Hauksbee éclata de rire.
            Quelles avaient été les intentions exactes de Pluffles concernant ses fiançailles ? Mme Reiver était seule à le savoir et elle emporta le secret dans sa tombe. Elle eût aimé, j'imagine, une rupture qu'elle eût considéré comme un hommage. 
            Dans les jours qui suivirent, Pluffles eut le plaisir de s'entretenir fréquemment avec Mme Hauksbee. Toutes ces conversations visaient le mêle but, et contribuèrent à soutenir Pluffles sur le sentier de la Vertu.
            Mme Huksbee voulut le garder sous son aile jusqu'au bout. Elle s'opposa donc à son projet de se rendre à Bombay pour s'y marier.                                                                      etsy.com
            " - Qui sait ce qui pourrait se produire en cours de route ? dit-elle. Pluffles est poursuivi par la malédiction de Ruben (  nte de l'éd. Voir la bible xlix 4 ), et l'Inde n'est pas le pays qui lui convient ! "
              Finalement la fiancée arriva avec sa tante et Pluffles, après avoir mis un peu d'ordre dans ses affaires, une fois de plus avec l'aide de Mme Hauksbee, se maria.
            Mme Hauksbee poussa un soupir de soulagement quand on eut prononcé le grand " oui " de part et d'autre, et s'éclipsa.
            Pluffles a suivi son conseil quant au retour au pays. Il a quitté l'armée et se consacre maintenant à l'élevage de bétail à robe mouchetée, quelque part en Angleterre, derrière des barrières peintes en vert. Je pense que son choix est très judicieux. Il eût connu de graves déboires en Inde.
            Pour ces raisons si quelqu'un vous tient des propos plus malveillants que de coutume à l'encontre de Mme Hauksbee, racontez-lui comment Pluffles fut délivré.


                                      Rudyard Kipling
                                                
                                                      1ère publication en novembre 1886 in Civil and Milirary Gazette






























lundi 23 octobre 2023

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 165 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )r




                                                                                                                            16 mai 1666

            Levé de très bonne heure puis suivis la Tamise jusqu'à Deptford m'occuper de certaines affaires, devant tantôt me mettre au service du duc d'York et de Mr Coventry, aussi étais-je désireux de m'acquitter de certaines nouvelles tâches afin d'avoir l'air d'un homme affairé, droit que je ne me suis que trop bien employé à perdre depuis fort longtemps, ce qui m'est devenu tant à charge de nuit comme de jour que je ne prends presque plus plaisir à rien. Fus à pied revins par le fleuve. A Whitehall fîmes notre travail habituel en présence du Duc. Puis j'allai à l'Echiquier où ces fieffés paresseux n'ont toujours point fait mes tailles, ce qui m'irrite.
            Chez Mr Hays, le payai pour mon portrait et celui de Mr Hill. Le premier 14 £ pour le tableau et 25 shillings pour le cadre, et le second 7 £ pour le tableau, car il ne s'agit que d'une copie faite d'après l'original, et 5 shillings pour le cadre, soit au total 22 £ et 10 shillings. Je suis fort satisfait de mes tableaux aussi les rapportai-je avec moi, dans une autre voiture, à la maison où ma femme et moi eûmes grand plaisir à les accrocher. Cela fait dînâmes, Mrs Barbara Sheldon nous vint voir, partagea notre dîner et nous la gardâmes avec nous toute la journée allant, pour ma part, à Deptford. Et, mon Dieu ! quel désir brûlant ne ressentais-je point de voir la femme de Bagwell ! N'y parvins point, ce dont je me réjouis. Mais j'observe avec quelle sottise je demeure esclave du plaisir et ce à un moment de ma vie où, plus qu'à tout autre, il conviendrait que je montrasse toute l'étendue de mon zèle.
            J'allai et revins à pied passant mon temps à lire mon livre de droit civil et ecclésiastique. De retour à la maison je pris avec moi en voiture ma femme, Mrs Barb et Mrs Mercer. Nous fîmes notre grande excursion, nous nous restaurâmes à Islington et rentrâmes tard aux alentours de onze heures. Puis, avec grand plaisir, au lit.


                                                                                                                         
            Levé après avoir fait la grasse matinée las d'avoir tant marché hier, puis au bureau toute la matinée. Eus de nouvelles occasions de m'en vouloir de ma négligence envers mon travail car à cause de cela je suis loin de sembler aussi utile que ce ne fut le cas. A midi dîner à la maison et derechef à mon bureau où une heure durant j'eus peine à garder les yeux ouverts mais sommeillai tant, j'en ai peur, j'ai l'âme peu consciente de la nécessité de m'occuper de mon travail. Je m'éveillai bientôt et travaillai. En fis fort grande quantité avec fort grand plaisir. Rentrai le soir, souper et, au lit. Ile me plaisait fort d'avoir exécuté ce travail, convaincu que si seulement je m'y attelais régulièrement je pourrais à la fois jouir de loisirs convenables. Avec la grâce de Dieu je compte qu'il en sera ainsi, puis, au lit.


                                                                                                                     18 mai

            Levé à 5 heures puis par le fleuve à Deptford et à Blackwall pour en terminer avec certaines affaires, puis à pied à Duke Shore, repris là un bateau et rentrai. A Westminster, fis le siège' toute la matinée de l'Echiquier pour obtenir les tailles de Tanger pour un trimestre. Mais, Seigneur ! que ces gens sont stupides et lourdauds ! Il y a de quoi devenir fous. A midi j'eus mes tailles, les rapportai avec moi et dînai fort content avec mes gens. Ne sortis point de tout l'après-midi, restant au bureau jusqu'au soir et revins à la maison pour mettre quelques papiers en ordre puis, au lit ne me sentant pas très bien. J'avais mangé trop de homard au dîner avec Mr Hollier venu chez nous et ne tarissant point d'éloges sur ce mets.


   
                                                                                                                         19 mai
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            Levé et au bureau toute la matinée. A midi j'emmenai Mr Deane récemment arrivé à Londres dîner chez moi. Après l'avoir quelque peu gourmandé et bien conseillé sur la façon dont il exerce la charge à Harwich, détenue grâce à mon influence, et après avoir affirmé que j'étais résolu à demeurer son ami, nous nous entretînmes de son navire, le Rupert, qu'il construit. C'est une fort belle réussite qui lui vaut d'être très honoré, et moi aussi pour l'avoir recommandé. Le roi, le duc, tout un chacun déclarent en effet que c'est le meilleur navire jamais construit. Puis il se mit à m'expliquer sa façon de calculer le tirant d'eau déplacé par un navire, secret qui lui vaut l'admiration du roi et de tout le monde, et il est le premier à être parvenu à prédire avec certitude le tirant d'eau d'un navire avant son lancement.
            Je dois avouer que je suis bien aise du succès qu'il connaît et je m'émerveille de l'assurance de Castle qui a lui sous-évalué le tirant d'eau que m'avait communiqué Deane, à telles enseignes que je fus trop embarrassé pour faire état de ces calculs ou dire qui en était l'auteur. Castle m'avait demandé sitôt qu'il avait vu les calculs de Deane, si celui qui les avait faits avait jamais construit un navire, ce qui ne fit qu'accroître mes doutes à son égard. 
            Après son départ fus au bureau où j'avais beaucoup de travail et où de nombreuses personnes mes voulaient parler. Rentré tard chez moi heureux d'avoir un peu la paix.


                                                                                                                             20 mai
                                                                                                          Jour du Seigneur
            A l'église ce matin avec ma femme. A midi dînâmes tout à fait dignement seuls tous les deux. Après le dîner ma femme et Mrs Mercer s'en furent en voiture à Greenwich pour servir de marraines à l'enfant de Mrs Daniel, moi je fus à Westminster et directement chez Mrs Martin. Je fis là ce que j'avais en tête. Elle était restée toute la journée chez elle pour me voir. N'étant pas trop satisfait de sa trop libre et licencieuse compagnie m'en fus à l'abbaye de Westminster où j'entrai en conversation avec Mr Blagrave qui m'apparaît comme un homme de sang-froid et de calcul sachant obtenir argent et promotions. Rentre en voiture à la maison, puis par le fleuve, après m'être entretenu un moment avec Mr Yeabsley que j'avais rencontré et fait monter avec moi dans ma voiture et qui, à ce jour, offre 100 £ à milord Ashley comme gage d'amitié relativement à ses comptes que nous examinons actuellement. Milord les a acceptés ce qui, me semble-t-il, confirme en fait de corruption les pires rumeurs colportés sur son compte. Rendis visite à tous les navires d'avitaillement pour voir à combien se montaient leurs effectifs.
            Puis à Deptford m'enquérir d'une petite affaire. Retour par le fleuve, lisant à l'aller comme au retour Faber fortunae de milord Bacon, que je ne saurais jamais trop lire. Et retour à la maison où je vois que ma femme est rentrée fort satisfaite de la façon dont on la reçue là-bas. Elle est marraine et tint l'enfant sur les fonds baptismaux, il s'appelle John.
            Donc retour à la maison et après avoir mis de l'ordre dans mes papiers et soupé, au lit, souhaitant me lever tôt demain matin.


                                                                                                                         21 mai 1666

            Levé entre 4 et 5 heures, mis bon ordre à plusieurs documents, puis au bureau où tînmes réunion extraordinaire. Mais, Seigneur ! quelle torture que de me voir à ce point incapable de rendre compte de mes affaires de subsistances ! Cela me décourage en tous autres domaines, si bien que jamais comme aujourd'hui je ne ressentis plus grande honte au fond de moi-même, ni plus grand souci relativement aux affaires publiques. Mais j'aurai raison de ces difficultés dès que possible.
            A midi dînai chez moi, puis arrivée de Balty, frère de ma femme, et de sa femme. Il est à terre ayant quitté la flotte pour un ou deux jours.
            Me rendis, non sans précipitation chez milord Ashley. Il est stupéfiant de voir dans quel esprit de faveur et néanmoins de discrétion, milord Ashley agit envers Mr Yeabsley pour ce qui touche aux affaires de ce dernier. Aussi ai-je lieu de penser que nous traiterons ses affaires d'une façon fort civile. Mais c'est la chose la plus extraordinaire à observer et je n'eusse manqué cette scène pour tout l'or du monde.   
            Ayant terminé notre travail en ces lieux tout en ayant bien avancé dans notre examen des affaires de Yeabsley, me rendis avec sir Hugh Chomley chez milord Belayse arrivé de Tanger lui rendre visite, mais milord est sorti. Un peu à la Grand-Salle pour quelques affaires et retour chez moi par le fleuve. Allés avec ma femme, son frère, sa belle-sœur et Mrs Mercer jusqu'à Islington, notre grande excursion, où nous mangeâmes et bûmes. Mais à la faveur de conversation je me réjouis énormément de la façon dont Balty s'acquitte de son travail d'officier de rôl                                         e et je fonde de grands espoirs sur lui. Me félicite de tout cœur de lui avoir trouvé ce travail.
            Rentré tard chez moi et, au lit. Ils couchent eux aussi à la maison, Balty ayant l'intention de regagner la mer demain.

                                                                                                                        22 mai
                                                                                                                           artmajeur.com

            Levé de bonne heure, m'emploie à inscrire en bon ordre dans mes registres certains paiements relatifs à Tanger, puis au bureau très occupé toute la matinée. A midi dîner à la maison, Balty reparti en mer et sa femme de dîner avec nous, ma femme la reconduisit chez elle. Après dîner au bureau, ressortis tantôt pour diverses raisons, me rendis entre autre autres chez Lovett. Là je restai à côté du mari et de la femme et les vis, avec les moyens médiocres qui sont les leurs étendre leur vernis, spectacle auquel je fus néanmoins fort aise d'assister.
            Rentré travailler et faire mon courrier, le soir à la maison souper et, au lit.


                                                                                                                      23 mai

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            Levé dès 5 heures et à mon cabinet de travail où mis diverses choses en ordre puis sortis en direction de Whitehall rendant visite en chemin à milord Belayse. Fus à son chevet et il me fit une description longue et complète de l'état de ses affaires de Tanger au moment où il les avait quittées. Se déclare entièrement satisfait des soins que je montre. Paraît plaider habilement en faveur d'une augmentation des effectifs postés là-bas. Me narra toute l'histoire de ses gains dus aux prises de guerre effectuées aux dépens de la Turquie, il reconnaît qu'elles lui ont procuré 5 000 £. Me promit les mêmes bénéfices que ceux destinés à Povey. Au bout du compte le juge fort subtile. Le quittai et me rendis à Whitehall en présence du duc d'York, traitâmes nos affaires ordinaires et je me soulageai en disant deux ou trois choses d'importance que j'avais sur le cœur relativement au salaire de Lanyon, que j'ai fait fixer à 150 £ par an. A Westminster afin de veiller à l'obtention de petites tailles au lieu de grandes, mais cela n'ira point sans tracas.
            Me dirigeant vers chez moi rencontrai sir Philip Warwick à qui je parlai de ce sujet, il se montre hésitant. Causâmes ensuite du manque d'argent dont souffre la marine. Il rend désormais la nouvelle loi entièrement responsable et reconnaît avoir fait preuve de sottise en jugeant que cette loi valait qu'il cédât aux pressions. Est profondément affligé de voir où tout cela risque fort de mener.
            A la Régie auprès des commissaires afin d'organiser une rencontre entre eux, les autres et moi-même au sujet de nos liens avec la Régie à Tanger. Un peu à la Bourse, rentré chez moi avec Creed, trouvai ma femme dînant avec Mr Cook qui se rend à Hinchingbrooke. Après le dîner sortons, Creed, ma femme, Mrs Mercer et moi en voiture. Les laissai à la nouvelle Bourse, fus à Whitehall où demeurai dans les appartements de sir George Carteret en attendant la fin du Conseil privé. Puis tous deux, nous en étions convenus ce matin, fûmes au Parc en passant par Tyburn, dans son carrosse. Nous entretînmes de la situation financière de la marine et aussi de la situation du royaume, constatant à quel point il est difficile de faire rentrer davantage d'argent. Et de nous entretenir aussi de notre bureau, sir George m'avertissant qu'il y a mes ennemis au même titre que les siens. Il cite milord Brouncker qui a tenu d'étranges discours contre moi. Il me conseille d'être sur mes gardes. A moins de m'adonner trop aux plaisirs, ils auront fort à faire.
            Nous restâmes un long moment à aller et venir dans le parc, nous rentrâmes et il me déposa à Charing Cross. Me rendis chez Mrs Pearse reprendre ma femme et Mrs Pearse. Je constate là que son nouveau portrait par Hayls ne plaît point à Mrs Pearse, à moi non plus car il n'a rien d'imposant, n'est point très ressemblant ni très habilement peint. 
            A la maison souper et, au lit, ayant depuis peu l'œil droit douloureux et plein d'humeurs en raison, pensé-je, du fait que j'ai depuis peu changé de brasseur et que je bois de la bière à 8 shillings.


                                                                                                                       24 mai
 
            Levé de très bonne heure, beaucoup travaillé dans mon cabinet puis au bureau où fus occupé toute la matinée. A midi interrompîmes nos travaux. Cela faisait un an que je n'avais pas vu sir William Coventry ainsi que tout le Conseil de si plaisante humeur, du fait du ton plaisant dont sir William Batten contredisait les autres, affamé qu'il était et désireux de s'en aller.
   
        A la maison, Mr Hunt dîna avec moi, mais je fus empêché de dîner avant 4 heures par sir Hugh Cholmley et sir John Banks venus pour quelque affaire de Tanger. A leur départ dînai. Mr Shipley arrivé depuis peu de la campagne est venu nous voir, ce dont je me réjouis. Tout allait bien là-bas à son départ mais je sens que l'on y est quelque peu chagrin au sujet de milord à l'idée qu'il encourt la disgrâce du roi. Mais ce n'est pas du tout le cas, ainsi que sir George Carteret me l'a assuré.
            Après leur départ fus travaillé au bureau, le soir sortis seul avec ma femme, fûmes à Kingsland, puis retour et, au lit. j'ai toujours l'œil droit fort mal en point victime des chassies dont il souffre depuis 4 ou 5 jours.


                                                                                                                   25 mai 1666

            Levé de bonne heure et travail à mon cabinet, puis à la Bourse causer avec le capitaine Cocke. Il me dit que mon argenterie est prête et me sera bientôt envoyée. Et de faire une nouvelle proposition, de nous livrer mille tonnes de chanvre, me dit que cela me rapportera 500 £ si l'affaire est conclue. Ce sont là propos agréables. Puis fus trouver sir George Carteret qui s'occupe ce jour de la distribution des billets de solde avec sir John Mennes. Je demeurai un temps avec eux, jamais venu auparavant en ces lieux. Fus dîner avec eux, bon dîner. Puis vint, provenant de France arrivé ce jour, Mr Browne de Saint-Malo qui, entre autres, m'explique la signification de la coutume qui consiste à poster tous les soirs des chiens au-delà des remparts, chiens dont on dit qu'ils assurent la sécurité de la ville, mais ce n'est point la vraie raison, qui est de leur faire garder les ancres, les câbles, les bateaux à sec sur le rivage, qui pourraient bien être volés pendant la nuit. Et ils sont postés là tous les soirs. Tous les matins un homme muni d'une corne les rassemble, ils rentrent en grand ordre.            artmajeur.com
            A la maison, je trouve Mrs Knepp dînant avec ma femme. Elle est maintenant très forte et à moins de quinze jours de son accouchement. Mais j'avais l'esprit occupé par le travail aussi ne m'amusai-je point, les laissai donc promettant de revenir et de sortir avec elles dans la soirée. A la Régie un rendez-vous ayant été fixé avec sir Stephen Fox, trésorier de la Maison du Roi afin de régler l'affaire de nos tailles. Nous y parvînmes d'assez belle façon avant une réunion prévue plus tar
            Retour à mon bureau et sortis derechef pour aller trouver le capitaine Cocke. En compagnie de Mr Moore admirant la science du Dr Spencer ( note de l'éd. Célèbre hébraïsant et pionnier de l'étude des religions )
Nous entretînmes encore un peu de nos affaires puis à la maison. Mrs Knepp étant partie sortis avec ma femme et Mrs Mercer prendre un peu l'air, allâmes jusqu'à Hackney et retour puis, au lit.


                                                                                                                          26 mai

            Levé de bonne heure et au bureau où passai toute la matinée. A midi dînai à la maison et derechef au bureau. Un moment au bureau des subsistances afin de comprendre un peu ce qui s'y passe. Au bureau j'expédiai beaucoup d'affaires à ma plus grande satisfaction et à la maison, souper et, au lit.


                                                                                                                              27 mai
                                                                                                         Jour du Seigneur
            Levai de bonne heure, au bureau jusqu'à l'heure d'aller à l'église. Copiai au net deux exemp
laires de mon testament datés de ce jour. A la faveur de ce document je donne 500 livres à ma sœur Pall, 2 000 £ à mon père pour qu'il subvienne à ses besoins ainsi qu'à ceux de ma mère, le reste de ma fortune à ma femme. Mais j'ai fait en sorte qu'elle dispose en tout état de cause de 2 500 £ en retranchant au besoin sur ce que j'ai donné à mon père et à ma sœur.
            J'expédiai tout cela avant qu'il ne fut temps d'aller à l'église, retournai chez moi et à l'église avec ma femme. Retour à la maison pour dîner rejoints par mon oncle Wight, mon oncle et ma tante Norbury et Mr Shipley. Bon dîner et force gaieté. Nous séparâmes après dîner, fus pas le fleuve chez Mrs Martin et passai là une heure ou deux avec elle, son mari et Mrs Burrows, cette jolie personne. Un moment à la taverne du Cygne, puis chez moi par le fleuve et avec ma femme allâmes tantôt par le fleuve jusqu'à la hauteur de Greenwich, à seule fin de prendre l'air. Retour à la maison souper et, au lit, avec grand plaisir.


                                                                                                                             28 mai

            Levé et à mon cabinet pour un peu de travail, puis un temps au bureau et comme convenu à la Régie où je passai toute la matinée à attendre le trésorier de la Maison du roi et de sir Stephen Fox. Mais point ne vinrent, aussi pris avec les commissaires de la marine toute cette peine pour rien et c'est en vain que nous avions espéré régler nos affaires. Retour à la maison où je trouve Mr Lovett et sa femme. C'est un joli couple et elle une femme aux belles manières. Ils dînèrent avec nous et le peintre Browne, elle joue fort bien du luth. Ma femme et moi prîmes grand plaisir en sa compagnie. Après le dîner nous séparâmes, fus au bureau, descendis ensuite par le fleuve jusqu'à Deptford, rentrai à pied jusqu'à Rotherhite puis retour au bureau soucieux de la manière dont il fallait que je répondisse à sir William Coventry sur les subsistances. Mais je m'en remets à Tom Wilson, je suis sûr qu'il aura préparé un registre à mon intention. Puis, au lit. Ma femme me déclare qu'elle a rencontré ce jour ma tante Wight et qu'elle a vu Mrs Margaret Wight, elle dit que c'est une des plus belles femme qu'elle ait jamais vues avec un nez et une bouche des plus remarquables. Elles allèrent voir la jolie Mrs Batelier, et de conclure qu'elle est plus jolie que Mrs Pearse que ma femme a aussi montrée à ma tante.


                                                                                                                                         
                                                                                                                  29 mai 1666
  artmajeur.com                                                     Anniversaire du Roi et fête de la Restauration
            Réveillé par les cloches sonnant d'un bout à l'autre de Londres. Levé avant 5 heures et au bureau où réunion. Fus grandement tracassé toute la matinée, me demandant comment je me pourrais tirer d'affaires l'après-midi lorsque sir William Coventry irait au bureau des subsistances pour voir quelle y est la situation, et me sembla-t-il du fait qu'il s'y rendit sans m'en parler mais seulement à sir William Penn, il fallait que ce fût dans l'intention de constater mes négligences. Néanmoins sir William Penn m'ayant invité sans excès de cérémonie j'allai dîner à son bureau avec sir William Coventry. Fîmes belle et bonne chère et écoutâmes force histoires plaisantes de la bouche de sir William Coventry, mais n'y pris point plaisir. Je m'étais néanmoins hier soir préparé un peu à rendre compte de la situation et sans appréhension je me rendis avec eux au bureau des subsistances. Là, aussi incroyable que cela puisse paraître, je m'acquittai fort bien de ma tache à leur entière satisfaction. Je surmontai cette deuxième anicroche en ce domaine, et si je me retrouve jamais en pareille situation ma perte sera chose méritée.
            M'en retournai à mon bureau d'un cœur joyeux. Ma femme m'y vient dire que si je souhaite voir la plus belle femme d'Angleterre il me faut venir à la maison incontinent. Et ne voila-t-il pas qu'il s'agit de la jolie demoiselle de notre paroisse qui, jusqu'à présent avait son banc de l'autre côté, en vis-à-vis de notre galerie, et qui s'est depuis mariée. Avec Mrs Anne Jones femme de cette paroisse qui danse de belle façon et avec une autre dame elle vint voir ma femme. Fus donc à la maison où je trouvai également Creed. Je passai avec eux l'après-midi. C'est assurément une jolie brune du nom de Mrs Horsley. Mais Seigneur ! quelle misère de voir que ma nature ne put résister à la tentation et que je ne pus m'empêcher de les inviter à Vauxhall, au jardin de printemps, lors même que je venais à peine de recevoir les procès-verbaux relatifs à nombre d'affaires extraordinaires. Je n'y pus cependant rien. Les envoyai devant avec Creed et fis uns partie de mon travail puis les suivis et les retrouve sous une charmille. Ils avaient rencontré Mrs Pearse et des gens qui l'accompagnaient. Je leur consacrai 20 shillings en ces lieux, nous égayâmes fort. Il y avait là un homme qui imitait de la voix toutes sortes d'oiseaux, chiens, porcs, ce qui était fort plaisant.  Restâmes jusqu'au soir, puis déposâmes Mrs Pearse à la nouvelle Bourse, quant à nous prîmes une voiture, raccompagnâmes Mrs Horsley chez elle et rentrâmes non sans grandes difficultés du fait des feux de joie dans la rue en ce jour de fête. Mais Seigneur ! quelle différence entre la foule de gens qui se trouvaient de l'autre côté et le peu qui se trouvaient du nôtre, partie du Temple du côté de la Cité. Il y a de quoi s'étonner de la différence d'état d'esprit entre ces deux parties de la population, sans parler pour la population tout entière de la différence entre ce qui se fait à présent et ce qui se produisit le soir où Monck fit son entrée dans la Cité ( 11 février 1660 ). ........
             << Après être rentré à la maison je restai avec le capitaine Cocke jusqu'à une heure du matin, occupé à rédiger avec lui un contrat censé être soumis demain au duc d'York pour lequel, si les choses vont bien, il me promet 500 £. >>


                                                                                                                     30 mai

            Levé et à mon bureau afin de régler quelques affaires avant de comparaître devant le duc d'York aujourd'hui. Puis à Whitehall aux appartements de sir William Coventry où j'apprends que le Duc est parti chasser avec le roi. Après m'être entretenu avec sir William fus par le fleuve à Westminster. Rédigeai là un projet d'ordre de paiement destiné à la signature de milord le trésorier général pour que l'on me fasse quelques petites tailles en lieu et place de deux grandes de 2 000 £ chacune, ce qui me permettra de régler de petites sommes. Je montrai le document à sir Robert Long, dont j'eus l'accord puis fus chez sir Philip Warwick à qui je le donnai pour qu'il le fît signer.
            Retour à mon bureau où travaillai. Tantôt vers midi on me fait savoir que mon père et ma sœur sont arrivés. Je les attendais aujourd'hui mais point de si bonne heure. Vais les trouver et me réjouis de tout cœur de les voir, en particulier mon père qui, le pauvre homme ! a fort bonne mine et a effectué ce trajet à cheval dans d'excellentes conditions, mais il voit et entend fort mal. Je dînai avec eux, ma femme étant partie pour Barnet à leur rencontre avec Will Hewet et Mrs Merceer alors qu'ils étaient arrivés par Ware.
            Après le dîner je les laissai s'habiller et je sortis pour, comme convenu, trouver milord Ashley. Il est étonnant de voir avec quel talent celui-ci dissimule sa partialité relativement à l'affaire de  Yeabsley, personne au monde ne s'en méfierait, mais il se trouve que je suis au courant de sa vénalité. A Whitehall où j'attends avec Creed la fin du Conseil privé, espérant qu'il y aurait une réunion de la commission de Tanger qui permit de mettre un terme à l'affaire de trésorier général et obtins mon autorisation de paiement. Puis chez Lovett, où je constatai que rien n'est fait. Revins faire un peu de travail au bureau, puis descendis la Tamise jusqu'à Deptford, puis derechef sur le fleuve et retour tardif. Ayant signé certains documents et donné des ordres relatifs au travail, à la maison où ma femme est rentrée. Souper avec mon père, de fort bonne humeur, ma femme fort amène envers lui et Pall.
            Après le souper, au lit, ayant quant à moi sommeil et encore fort mal à l'œil droit, comme depuis cinq ou six jours, ce qui me met sens dessus dessous.
            Ce soir ma femme me dit qu'elle a appris que la femme de Balty a accouché avant terme à la suite de quelque chute ou crise d'un enfant entièrement formé mais mort. Si sa santé à elle n'est pas en cause, nous n'avons point de raison d'être désolés, car il vaudra mieux pour lui comme pour elle, qu'il reste encore quelque temps sans enfant.


                                                                                                                        31 mai 1666

            Ce matin réveillé de très bonne heure par un tonnerre et une pluie extraordinaires. Je me rendormis donc et me réveillai à une heure fort tardive. Comme c'était aujourd'hui jour de fête, que j'avais fort mal à l'œil et que j'avais fort peu dormi, restai au lit jusqu'à 9 heures Je me levai et vis que toute ma maisonnée était debout. Ma sœur est jolie femme, avec un corps bien fait, sans grosseur excessive, contrairement à ce que je pensais, mais couverte de taches de rousseur et sans beauté de traits. Sortis par le fleuve, naviguai parmi les bateaux et fus à Deptford et à Blackwall pour mon travail. puis rentrai à la maison et dînai avec mon père, ma sœur et ma maisonnée. Etions tous de belle humeur. Entre autres d'un moineau que notre Mrs Mercer élève depuis maintenant trois semaines, il est  si apprivoisé qu'il vole de-ci de-là, va sur la table, mange, picore et agit si plaisamment en toutes choses que nous nous réjouissons fort.                                                       francefineart.com                   
            Après dîner à mes papiers et à mes comptes du mois afin de tout mettre en ordre. C'est aujourd'hui jour de jeûne public où l'on doit prier pour le succès de la flotte. Mais il est piquant de voir à quel point on se soucie peu de l'observance de ce jeûne qui fit l'objet d'une déclaration trop tardive pour être lue dimanche dernier dans les églises, mais fut ordonnée par voie de proclamation depuis lors en raison, je suppose, de nouvelles annonçant soudainement une sortie de la flotte hollandaise.
            M'occupai de mes comptes et les mis en ordre mais, à ma grande désolation, je constate que j'ai perdu près de 20 £ par rapport au mois dernier. Parce que je fus obligé de restituer à Downing le fabricant d'ancres 50 livres qu'il m'avait offertes. Je suis fort satisfait constatant que je suis à la tête de  5 200£. Ayant terminé soupai avec mon père puis finis de recopier mes comptes et, au lit.
            << Ces remarques à propos de Mr Homewood concernent en réalité le 1er juin >>
             Arrivée ce jour de Londres de Mr Homewood. Je l'amenai à la maison < dans la soirée > et allâmes dans mon cabinet de travail. M'entretins avec lui de mes affaires de subsistances. J'ai l'intention de l'employer, ce qu'il souhaite aussi. Mais il déclare librement qu'il n'entend point ces affaires aussi bien que d'autres et souhaite être informé de leur nature avant de s'y lancer. Cela m'est agréable aussi l'emmenai-je chez Mr Gibson afin qu'il s'en entretienne avec lui. Et derechef retour à la maison m'occuper de mes comptes.
            Ainsi ce mois se termine-t-il, alors que j'ai l'esprit préoccupé de voir que je ne parviens point à être à la hauteur de ma tâche relativement aux subsistances. Cela m'est à charge, aussi longtemps que je paraîtrai aussi peu à mon avantage à cet égard, m'entrave et mine mon courage en toutes autres choses qui sont de mon ressort. Sans parler de mes craintes de déplaire pour cette raison à sir William Coventry. Mais j'espère en peu de temps porter remède à tout cela.
            Pour ce qui touche aux affaires publiques : comme l'on a appris récemment que la flotte française est arrivée à La Rochelle, encore que je ne sache point quelle est la véracité de cette nouvelle, notre flotte s'est divisée. Le prince Rupert se dirige vers l'ouest avec environ 30 navires. L'on pense qu'il s'agit de chercher l'engagement avec les Français afin de les empêcher de venir s'unir aux Hollandais.
            Milord le duc d'Albemarle est resté dans les Downs avec le reste de la flotte et a l'intention de faire voile incontinent vers le Gunfleet ( nte de l'éd. Bas-fond au large de la côte de l'Essex).


                                                                                           
                                                                   à suivre........

                                                                                                                          1er juin 1666

            En ayant été..........

            


 









































                                                                                                                                 



                        
            

                                                                                                                
                                                                                               
                                                                               













lundi 9 octobre 2023

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 164 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

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                                                                                                                       1er mai 1666

            Levé  er au bureau toute la matinée. A midi visite de mon cousin Thomas Pepys pour me consulter au sujet de devenir juge de paix auquel il est tout à fait hostile. Il me dit, à titre confidentiel, qu'il ne se sent pas libre pour des motifs religieux d'infliger des pénalités conformément à la loi contre les quakers et autres sectes. De plus il n'entend point le latin et n'a donc plus comme autrefois les capacités pour occuper ces fonctions, maintenant que les mandats sont rédigés en latin. De même ne réside-t-il point dans le Kent, encore qu'il soit originaire de la paroisse de Deptford, car sa maison est située dans le Surrey. Je ne l'en pousse pas moins à accueillir la chose avec faveur. J'ai vraiment le sentiment que d'avoir là-bas un parent juge de paix ne peut que servir ma réputation.
            Après son dépar, ma femme sortie, j'allai ici et là, voir et être vu. Entre autres j'entendais découvrir dans quel endroit de Thames Street Betty Howlett est venue s'installer maintenant qu'elle a épousé le fils de Mrs Mitchell. Je parvins à mes fins, près de la taverne de l'Ancien Cygne, mais point ne jugeai utile d'y aller ni de les voir.
          Par le fleuve à Rotherhite lisant un nouveau livre que milord Brouncker m'a donné aujourd'hui 
" L'histoire amoureuse des Gaules ", pamphlet fort bien tourné contre les amours de la cour de France.:
            Je parcours de long en large l'arsenal de Deptford où je n'étais point allé depuis mon retour de Greenwich. Je rencontrai Mr Castle, bûmes à la taverne de la Demi-Etape puis chez lui où je bus un bol de cidre et retour à la maison où je trouve Mr Norbury. Après son départ ma femme m'annonce une mauvaise nouvelle, notre Susan est malade et a dû se coucher avec de fortes douleurs à la tête et au dos, ce qui nous tracasse tous. Nonobstant nous nous mettons au lit attendant de voir comment les choses tourneront demain. Elle a, pensons-nous, un peu trop travaillé, ne disposant ni d'une bonne ni d'une petite servante qui la puisse aider.


                                                                                                                     2 mai

            Levé. Voyons que notre servante va mieux, ce dont nous nous réjouissons. En carrosse avec sir William Batten à Whitehall. Présentons nos respects au Duc comme à l'accoutumée. Avec le capitaine Cocke rencontré à mon bureau délibérer sur la façon de l'aider à gagner quelque argent car il est déjà las de l'état de servitude où il se trouve vis-à-vis de milord Brouncker ainsi que des sommes que cela lui coûte, alors que milord ne lui témoigne pour autant nulld espèce de courtoisie. 
            Rentré dîner à la maison, je vois que la servante va de mieux en mieux........  Fus par le fleuve à Whitehall assister à une séance de la commission de Tanger consacrée aux affaires de Mr Yeabsley. Puis chez ma régleuse de papier, demeurai un bon moment avec Nan, passant agréablement l'après-midi à musarder.
            Rentré tantôt chez moi puis un peu à mon bureau. Ensuite souper avec ma femme, la servante se portant à nouveau fort bien et, au lit.


                                                                                                                       3 mai

            Levé, toute la matinée au bureau. A midi chez moi et, contrairement à mes espérances apprends que ma petite servante Susan va moins bien. En conçus du tracas, d'autant plus que je vois ma femme se consacrer à la peinture, sans se préoccuper des affaires domestiques. Elle entre pour la 2è fois dans une période de peinture. Tout cela me rendit maussade, aussi témoignai-je de la colère à ma femme et m'opposai-je à ce que Browne s'imaginât qu'il pût toujours partager mon dîner, à ma table, je souhaite en effet être maître chez moi sans qu'un étranger et qui de plus travaille de ses mains, soit instruit de toutes mes affaires personnelles. Eus à ce sujet une petite querelle avec ma femme, mais qui fut bientôt terminée. Puis il fallut faire chercher partout une garde-malade qui pût ramener notre servante chez elle. 
            J'aurais donné n'importe quoi pour en trouver une. Je proposai 20 shillings par semaine à la seule que nous pûmes trouver, et encore nous revient-il de procurer vêtements, literie et médecine. Au reste j'eusse volontiers donné 30 shillings d'abord exigés, mais je désirai disposer d'une heure ou deux de réflexion.                                                                                                         talivera.fr
            Ensuite par le fleuve à Westminster, là je fis quérir la mère de notre servante lui demandant de me venir trouver à la Grand-Salle. Elle vint et se charge de trouver un logement pour sa fille, une garde-malade tout à côté de chez elle, mais elle n'ose pas, par égard pour la paroisse dont son mari ests sacristain, l'héberger dans sa propre demeure.
            M'en retournai, m'arrêtai chez mon libraire et ailleurs de moindre iimportance. Le soir arrive la mère avec une garde-malade qu'elle a trouvée, qui exigea, j'étais d'accord, x shillings par semaine pour prendre Susan chez elle. Puis elle partit et ma maison donne une impression de bien grande désolation maintenant que si peu de monde y vit. Nous aurons, en conséquence besoin d'un ou deux domestiques.
            A la vérité j'eus le coeur un peu triste tout l'après-midi et en proie à l'inquiétude. Mais elle est partie et nous en sommes tous contents. Un peu au bureau, retour à la maison, souper et, au lit.


                                                                                                                     4 mai

            Levé et à Westminster par le fleuve, à Charring Cross avec Mr Gregory, chez sir Philip Warwick absent. J'emmenai alors Gregory à Whitehall où je m'entretins avec sir Williamson pour obtenir la permission de faire publier dans la prochaine Gazette qu'une distribution générale d'argent au titre de la Caisse des Invalides de Chatham aurait lieu tel jour du mois de juin. Je laissa là Gregory et retournai en voiture chez sir Warwick que je rencontrai dans le parc. Nous discutâmes de l'encochage de tailles pour le terme destinées à Tanger ......... Puis chez Mr Hayls pour voir où il en est du portrait de Mrs Pearse. Quoiqu'il puisse prétendre je ne pense pas que ce portrait sera aussi beau que celui de ma femme.
             Retour un peu au bureau, puis allai dîner. Derechef très vif échange avec ma femme à propos de Browne qui lui vient enseigner la peinture et qu'elle voudrait faire asseoir à ma table, point sur lequel je me refuse à céder. Je crois sincèrement qu'elle ne pense point à mal, mais nous nous mîmes fort en colère. Je mis un terme à tout cela en décidant que mes volontés seraient obéies sans discussion, quelle que puisse être la justification, et j'entends qu'il en soit ainsi.
            Après dîner sortis, fus à la nouvelle Bourse pour m'enquérir de pièces de théâtre imprimées et à Whitehall pensant rencontrer sir George Carteret, en vain.  Fus alors à la taverne du Cygne à Westminster, passai un quart d'heure avec Jane et rentrai chez moi, ma femme rentre aussi étant allée chez sa mère la prier de lui trouver une bonne. Allons en voiture par les champs jusqu'à Bow, puis retour tard le soir. Après souper, au lit, très préoccupés de ce que nous n'avons personne pour remplacer Susan. 
            < < Ce soir lassé de mes récentes nonchalances et du peu de services que je rendrai au roi ou à moi-même dans ma charge je m'astreignis à de très strictes règles jusqu'à la Pentecôte prochaine >> 


                                                                                                                              5 mai 

            Passé toute la matinée au bureau. Après dîner ayant reçu une lettre de la flotte de sir William Coventry, m'activai grandement afin de leur envoyer les entrepreneurs des subsistances qui se trouvent sur le fleuve, trop de choses pour ma mémoire. Jusqu'à 10 heures du soir m'occupai de mon courrier et d'autres affaires nécessaires au service. Aux alentours de 11 heures à la maison. Un beau clair de lune et ma femme et Mrs Mercer vinrent dans le jardin, et comme j'en avais terminé avec mon travail, nous chantâmes jusque ver minuit avec grande satisfaction, pour nous comme pour nos voisins à en juger par leurs fenêtres qui s'ouvraient. Puis rentrâmes, souper et, au lit.


                                                                                                                             6 mai 1666
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            A l'église, à la maison. A Whitehall à pied après dîner pensant voir Mr Coventry mais n'y parvins point et refis donc tout le chemin à pied. Travaillai jusqu'au soir à mettre en ordre mes papiers relatifs aux subsistances, papiers qu'il y a des mois, j'en ai peur que je n'ai pas examinés en raison de mes multiples travaux et < plaisirs >. Retournai à pied chez moi puis au bureau des subsistances où je rencontrai Mr Gauden. J'en reçus un versement, bien inférieur à ce que j'attendais et à ce que l'on serait en droit d'attendre de lui. Puis souper et, au lit.


                                                                                                                          7 mai

            Levé de bonne heure afin de mettre de l'ordre dans mes papiers relatifs aux subsistances avant l'arrivée de Mr William Coventry, ce qui ne laisse point de m'attrister fort, conscient que je suis fort en peine de donner une réponse satisfaisante à ses questions concernant ces affaires. Travaillai d'arrache-pied au bureau et parvins à tout remettre de façon tout à fait plausible avant l'arrivée de Mr William, à qui je fus en mesure de rendre compte de toutes choses tout à fait convenablement. Fûmes au bureau où nous tînmes une réunion et examinâmes les affaires dont il s'occupe et la situation des subsistances de la flotte. Je rougis jusqu'au plus profond de moi-même de n'avoir pu en dire plus que je ne le fis ou ne le pus alors, mais plût au Ciel que jamais je ne me retrouve en pareille situation ! Nous nous quittâmes de fort bonne grâce de mon côté, puis rentré dîner chez moi, ma femme de plus en plus tracassée par sa fluxion à la joue. Dînâmes donc avec ma belle-sœur que je trouve de plus en plus spirituelle. Puis vais chez milord le trésorier général et à l'Echiquier pour m'occuper de mes affaires de Tanger. Et c'est avec la plus vive satisfaction que je vis au passage toutes sortes de choses et de gens sans seulement désirer m'arrêter ni de perdre un instant avec eux étant obligé par des vœux contraignants de m'attarder à l'extérieur sous aucun prétexte hormis ce qu'imposent mes charges officielles. Derechef à la maison où je trouve Mrs Pearse et Mrs Ferrer venues voir ma femme. Je passai un bref instant avec elle ayant beaucoup à faire, et au bureau où travaillai jusqu'à fort avant dans la nuit. Las n'étant point oublieux de mes manquements de ce jour, mais fier cependant qu'il se terminât sans critique supplémentaire de Mr William Coventry. Puis, au lit. Sommeil profond.


                                                                                                                          8 mai

            Levé et au bureau toute la matinée. A midi dînai à la maison, ma femme souffre encore de la joue. Retour au bureau, survient Mr Downing fabricant d'ancres qui m'avait le mois dernier donné 50 pièces d'or en échange d'un mot que je glissai en sa faveur à Mr Coventry pour lui faire obtenir un poste à Deptford, mais après l'avoir obtenu grâce à moi il ne se sent plus en mesure de poursuivre en ce sens et abandonne donc l'affaire, si bien qu'il n'a tiré aucun profit de mon initiative. Aussi, mû par mon honneur et par ma conscience je le ramenai chez moi et, quoi qu'il m'en coutât, ne l'en obligeai pas moins, en usant de persuasion et de contrainte à reprendre cette somme, alors que ce pauvre homme n'en  avait aucune envie. J'y parvins néanmoins et il s'en alla. Fus content de lui donner si belle occasion de chanter ma louange, puis retour à mon bureau, tard. Rentrai à la maison, soupai d'un bon homard avec ma femme, et un peu à mon bureau puis, au lit.


                                                                                                                         9 mai

            Levé pour 5 heures, ce qui ne m'était point arrivé depuis longtemps et descendis la Tamise jusqu'à Deptford. Il s'agissait, entre autres, d'examiner la situation de la ferronnerie afin de faire quelque chose pour Downing qui le pût pousser à me redonner les 50 pièces. Revins à pied lisant mon livre de droit civil. Fus en voiture à Whitehall où nous regardâmes nos affaires ordinaires en présence du duc d'York et l'écoutâmes louer le navire de Deane, le Rupert, davantage que le Defiance récemment construit par Castle et ce en présence de sir William Batten, ce qui me donna grande satisfaction. Par le fleuve jusqu'à Westminster où m'occupai de mon ordre de paiement relatif à Tanger, et en voiture chez Mrs Pearse pensant aller chez Hays, mais elle n'était pas prête, aussi rentrai-je dîner.
            Fus en voiture chez Lovett, mais je constate qu'avec sa jolie épouse il est parti chez moi pour me montrer quelque chose, m'en vais donc chez milord le trésorier général et de là chez Pearse où je trouve Mrs Knepp. Les emmenai chez Hays pour voir nos portraits achevés, qui sont très jolis, mais celui de Mrs Pearse est loin de me plaire autant que je l'avais d'abord cru, car il n'est ni aussi ressemblant ni aussi bien peint que je m'y attendais, ni que le mien ou celui de ma femme. Me rends avec elle à Cornhill afin de choisir une garniture de cheminée pour le petit salon de Mrs Pearse, puis chez moi où je trouve ma femme en proie à de vives douleurs et fortement contrariée que je fusse sorti avec ces femmes et, lorsqu'elles furent parties, les traita de " catins " et de je ne sais quels autres noms. Ce dont je fus contrarié, m'étant comporté si innocemment envers elles.                  music-in-painting.com
            Fus avec elles chez Mrs Turner où je demeurai un temps en leur compagnie. Ma femme me fait tantôt quérir. Je viens mais voilà qu'il ne s'agissait que de me gourmander et elle voulait sortir de ce pas prendre l'air, pour cela elle y était bien décidée. Je quittai donc cette compagnie et allai avec elle à Bow, mais étais contrarié et ne lui adressai point une seule parole tout le long du chemin à l'aller comme au retour, et même après notre retour à la maison, mais fus tout de suite au lit. Une demi-heure plus tard, alors qu'elle s'était appuyée sur moi en voiture comme souhaitant se réconcilier, la voici qui monte souffrant d'une violente crise de colique et en proie à de vives douleurs, et de me faire sortir du lit. Je me levai et la soutins. Elle me prie de lui pardonner et nous la mettons au lit en proie à de vives douleurs. Au lit la douleur cessa bientôt. Puis nous fîmes apporter des asperges à notre chevet pour le dîner puis, très bienveillants, nous nous endormîmes et nous étions réconciliés le lendemain.


                                                                                                                     10 mai 1666

            Levé et au bureau toute la matinée. A midi dîner chez moi où je travaillai tout l'après-midi, puis sortis avec ma femme en voiture, elle se sent désormais tout à fait dispose sa fluxion à la joue ayant percé de l'intérieur. Nous emmenâmes avec nous Mrs Turner venue rendre visite à ma femme au moment où nous sortions. Force babil sans grand intérêt. Elle m'apparaît, bien qu'à d'autres égards femme de grand discernement, comme la plus authentique des commères lorsqu'elle parle de ses voisines. Alors que nous voulions aller en voiture vers Harkney pour prendre l'air ce sot de cocher nous conduit à Shoreditch, ce qui fut si charmante naïveté de sa part et de la nôtre que nous nous en divertîmes fort, et retour tardif. Chaleur exceptionnelle toute la journée et toute la nuit avec énormément d'éclairs durant tout notre trajet mais sans qu'il tonnât. Sur le chemin du retour nous fîmes halte dans une petite taverne et nous fîmes servir un pâté d'anguille dont ma femme mangea un morceau et rapportâmes le reste à la maison. Rentrés donc à la maison soupâmes puis, au lit. Arrivée ce jour de notre nouvelle cuisinière Mary recommandée par Mrs Batters.


                                                                                                                        11 mai

      Levé de bonne heure puis vais avec Mr Yeabsley chez milord Ashley où arrivent tantôt sir Hugh Cholmley et Creed, puis fûmes introduits auprès de milord et nous mîmes alors à examiner les comptes de Mr Yeabsley. Il m'apparaît dans cette affaire comme dans beaucoup d'autres comme l'un des hommes les plus doués de discernement. Il souleva maintes objections auxquelles il sera répondu une autre fois, puis s'en fut m'avertissant ainsi qu'il me faudra me prémunir en prévision du jour où ce sont mes comptes qui devront être approuvés.
            A Westminster pour voir ce qu'il en est de l'encochage de mes tailles, mais rien n'est fait ni ne le sera. A la Bourse afin de causer avec le capitaine Cocke, entre autres de la remise des pièces d'argenterie qu'il promet de me donner. Mais au cours de notre entretien il me dit que je devais me méfier de mes collègues et me déclara nommément que milord Brouncker avait dit, alors qu'il le pouvait entendre, en présence de sir William Batten et à mon sujet qu'il était en son pouvoir de
 " défaire cet homme " s'il le voulait, ce qui je pense est grande sottise. Il me faute néanmoins impérativement me protéger de cet homme. 
            A la maison je dîne seul ma femme étant sortie, m'emploie ensuite à mettre certaines choses en ordre dans ma salle à manger, et ma femme de rentrer tantôt avec Mrs Pearse, ce qui me fit perdre la plus grande partie de cet après-midi, et je sortis avec elles dans la soirée, notre grande excursion en voiture à Hackney, puis à Kingsland et à Islington où je les traitai de belle façon à la lueur de la chandelle. Puis retour, déposâmes Mrs Pearse chez elle, à la maison et, au lit.


                                                                                                             12 mai

            Levé, au bureau de très bonne heure afin de rédiger une lettre pour le duc d'York l'avertissant de l'état déplorable de ce service par manque d'argent. Cela étant fait dans des délais raisonnables, nous nous réunîmes au bureau et y passâmes la matinée. A midi chez moi où je trouve ma femme encore contrariée de ce que je l'ai tancée hier soir dans la voiture à propos de ses longues histoires tirées du Grand Cyrus qu'elle voulait raconter, bien que cela manquât totalement de pertinence et de bon goût. Elle se formalisa, et je crois à la vérité que j'étais en tort. Mais il lui semble, non sans raison qu'en la compagnie de Mrs Pearse, de Mrs Knepp ou d'autres femmes que j'affectionne, je ne lui rends point justice ni ne lui témoigne l'attention que je devrais. Ce nonobstant fûmes tantôt réconciliés. Dîner, et après montâmes mettre de l'ordre dans notre salle à manger qui aura bientôt recouvré sa netteté, mais n'est point encore telle qu'elle devrait être, du fait des tableaux qui ne sont point arrivés. 
            Au bureau où travaillai beaucoup. Le soir à Westminster e't à Whitehall pour le travail. Entre autres rencontrai sir George Downing sur le pont de Whirehall, marchandâmes alors une demi-heure, causant de la nouvelle loi récemment adoptée. Et au vrai c'est bien cette loi qui nous a valu l'occasion de nous procurer 800 000 livres depuis Noël pour un total qui ne doit se monter qu'à 1 250 000 £. Aussi je tiens de sa part qu'il y a une réalisation tout à fait considérable, car la chose doit être portée à son crédit d'un bout à l'autre. Rentré chez moi par le fleuve, travaille d'arrache-pied jusqu'à minuit achevant cette importante lettre au duc d'York en prévision de demain matin, puis à la maison et, au lit.
            Ce jour retour de ma servante Susan, son affection s'est révélée une fièvre intermittente et elle fut saisie d'un accès dès son retour.
            La flotte n'a toujours pas quitté l'estuaire, la peste augmente en maint endroit et nous avons cette semaine 53  victimes.


                                                                                                                        13 mai

            Levé, à pied à Whitehall où nous nous réunîmes tous pour présenter au duc d'York une lettre où nous exprimons de solennelles doléances devant le manque d'argent. Cela fait parcourus plusieurs fois Westminster, pensant m'attarder quelque peu avec Sarah à la taverne du Cygne ou avec Mrs Martin, mais mon attente fut déçue. Aussi fis-je à pied la plus grande partie du trajet me séparant de chez moi où vient me trouver Mr Simons, ma vieille connaissance, pour dîner avec moi. Je m'efforçai de lui être d'aussi agréable compagnie que possible mais il fut, me semble-t-il, fort impertinent nonobstant. Ce qui montre la différence entre mes sentiments d'aujourd'hui et ce qu'il en était naguère, à l'époque où je le tenais pour un fort plaisant garçon.
           Après le dîner allâmes tous deux à pied jusqu'à Cheapside puis poursuivis en marchant tout du long jusqu'à Westminster et me trouvai par hasard en l'église St Margaret où j'entendis un jeune homme dire des sottises au sujet de la doctrine du purgatoire. Dans cette église j'aperçus Betty Howlett vraiment fort jolie, ce dont je ne fus pas peu frappé. Comme après le service je me tenais dans l'enclos de l'église elle m'aperçut aussi m'approchai-je d'elle, ses parents, beaux-parents et son mari se trouvaient avec elle. Ils souhaitèrent, ce que j'acceptai, que j'allasse chez lui avec Mr Mitchell. J'eus là l'occasion d'embrasser Betty deux ou trois fois et de me lier davantage avec eux. Ils en sont heureux, mais point autant que moi, et ils n'imaginent pas à quel point je le suis. Je passai une heure ou davantage avec eux, bavardant dans leur petit jardin misérable près de Bowling Alley. Puis les laissai et rentrai par le fleuve fort mal à l'aise à l'idée que sir William Penn qui se rend auprès de la flotte ne me vînt voir ou me fît quérir pour s'informer de la situation et en particulier de l'état des subsistances, ce qui lui eût permis, grâce à mes efforts, de paraître plein de prudence. Après avoir passé une heure agréable avec ma femme en son petit salon, fus au lit, alors même qu'il faisait encore jour.                  


                                                                                                                       14 mai

           Arrivée de bonne heure d'une lettre de sir William Coventry m'apprenant qu'il a reçu l'ordre, ainsi que Sir George Carteret de se rendre incontinent auprès de la flotte. Me levai et vis aussi que sir William Penn les avait suivis. Aussi voyant que cette journée serait pour moi une journée de loisir me mis à nettoyer mon bureau. Je m'en tirai à ma satisfaction et je remis mes cartes en place, étant aussi fort séduit par la bonne de Griffith qui fit le nettoyage, car elle est jolie fille.
            Je la laissai à son travail et m'en fus vers Westminster, en voiture, moi et ma femme et, le voyant, prîmes avec nous Mr Lovett, le vernisseur, un homme à la conversation et à l'humeur agréables qui plaît donc à ma femme, et je crois que je lui procurerai largement de quoi faire.
            Je laissai ma femme à la nouvelle Bourse et fus quant à moi à l'Echiquier voir ce qu'il en est de mes tailles de Tanger. Rencontrai sir George Downing qui me montra l'usage qu'il vient de mettre en pratique de coller sur la porte de l'Echiquier une affiche précisant quels ordres de paiement ont été acquittés aux termes de la nouvelle loi et lesquels sont en train de l'être. Milord d'Oxford survenant également il le prit à part et ne lui cela rien de la façon dont il tient ses livres de comptes, lui expliquant tous les détails, la méthode est de fait fort belle. Et à ce jour 804 000 livres ont été assignées en vertu de cette loi.
            A la nouvelle Bourse repris ma femme et retour à la maison pour le dîner. Puis derechef à mon bureau pour mettre de l'ordre. Le soir sorti avec ma femme et ma tante Wight pour prendre l'air. Se déroula une plaisante course entre notre fiacre et celui d'un monsieur. A Bow nous mangeâmes et bûmes avant de rentrer car la soirée était très fraîche. Ayant déposé ma tante chez elle et rentré chez moi, je me mis à examiner le livre de comptes de la cuisine de ma femme. Découvre une erreur de 20 shillings ce qui me mit dans une belle colère et produisit une grande dispute entre nous. Puis, nous disputant de la sorte, au lit.


                                                                                                                     15 mai 1666

            Levé et au bureau où nous restâmes réunis toute la matinée. A midi dîner chez moi, après en voiture chez sir Philip Warwick qui m'avait fait quérir mais n'était point chez lui. Aussi fus-je chez milord Crew arrivé tout récemment à Londres et avec lui de causer une demi-heure des affaires de la guerre. A cet égard, en raison de notre manque d'argent il craint fort que nous ne perdions, ce dont je suis d'accord avec lui. Après nous être quelque peu entretenus de questions ordinaires m'en retournai chez Philip Warwick qui était rentré puis reparti chez milord le trésorier général où je le suivis. On avait besoin de moi pour me dire que milord le trésorier général tient à notre disposition pour la marine
 10 000 £ destinées à faire face à nos grands besoins. De cela je ne manquai point de le remercie, encore que cette somme ne soit guère considérable. Rentrai travailler tout l'après-midi jusqu'au soir, et à la maison, souper et, au lit.


                                                                 à suivre..........


                                                                                                              16 mai 1666

            Levé de très..........