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mardi 6 juillet 2021

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 143 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

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                                                                                                           16 Juin 1665    

            Levé puis à mon bureau. Travaillait d'arrache-pied quand je fus informé de l'arrivée du duc d'York et du rendez-vous qu'il nous avait fixé pour l'après-midi. Dîner, fis quelque travail au bureau, puis à Whitehall où on ne voit à la Cour que le Duc et ses courtisans de retour, tous gros et gras, le teint rougi par le soleil après avoir été en mer. Lui baisai les mains et nous restâmes là tout l'après-midi. Un peu plus tard vis aussi Mr Coventry, ce qui me fit grand plaisir. Bientôt lui et moi faussâmes compagnie aux autres et allâmes déambuler dans la grande galerie où, après bien des marques d'affection, nous en vînmes à parler affaires. Entre autres, comment milord Sandwich, à la fois par ses conseils et les services qu'il a rendus s'est conduit de la façon la plus honorable et à l'avantage de chacun.
            Sir John Lawson est arrivé à Greenwich, mais sa blessure au genou a encore fort mauvaise allure. Jonas Poole du Vanguard s'est montré si lâche qu'il est, ou sera, renvoyé de son poste. Le capitaine Holmes qui, du fait de la mort de Sansum, s'attendait à être promu contre-amiral du prince, mais c'est Harman qui a été nommé, a rendu au Duc son brevet qui le lui a pris et déchiré. Il semble que le Duc ait demandé au prince, qui lui avait le premier fait part des intentions de Holmes de rendre son brevet, de l'en dissuader car, dans ce cas, il avait pris la résolution de le reprendre s'il le lui rendait.. Mais Holmes était bien décidé, en jeune vaniteux et irréfléchi, mais il a du bien et, dit-on, guettait l'occasion de quitter la marine.
            Plusieurs de nos capitaines ont mal agi. Ce sont nos bâtiments de fort tonnage qui ont emporté la victoire et ont littéralement terrassé l'ennemi, qui a pris la fuite à la seule vue du Prince.
            Il est singulier de voir qu'on vilipende déjà sir William Berkeley, le frère de milord Fitzharding, alors qu'il était, il y a à peine trois mois, la coqueluche de la Cour. Quand au capitaine Smith du Mary, le Duc en parle avec louange et quelque grand honneur lui est réservé.
            Il est curieux d'apprendre que les Hollandais se font passer pour les vainqueurs, au dire du Duc, et qu'on fait des feux de joie en leur honneur à Dunkerque, alors que jamais victoire n'a été plus décisive. Mr Coventry estime que leurs pertes se chiffrent au bas mot à 6 000 hommes. Chez nous, guère plus de 200 morts et 400 blessés, en tout environ 600.
            Rentrai et à mon bureau jusqu'à plus de minuit, puis chez moi, souper et, au lit. Ma femme et ma mère n'étant pas encore rentrées de chez Will Hewer qui donne une réception en l'honneur de ma mère.
            <<  Le capitaine Grove, selon le Duc, à commis la pire des vilénies à Lowestoft car, quand il entendit gronder les canons, il refusa, au contraire des autres, de mettre à la voile et resta à l'ancre, ce pour quoi il sera jugé. Il a la réputation d'être un freluquet jacasseur et un lâche. >>


                                                                                                                           17 juin

            Ma femme est rentrée se coucher vers une heure du matin.
            Levé puis sortis m'occuper des affaires de Tanger, revins à mon bureau où nous travaillâmes. A midi chez moi, dînai puis me rendis chez Mr Povey, après qu'avec Mr Andrews sommes allés trouver Mr Ball et un certain major Strange qui essaie de trouver de l'argent contre des tailles, et seconde Mr Andrews. Parlai longuement avec Ball qui nous sera sans doute fort utile dans mes entreprises. Ai dit tout net à Mr Povey le peu d'enthousiasme que j'avais pour mon poste de trésorier qui me cause tant de soucis. Il manifesta, apparemment, une grande inquiétude à la pensée que je puisse renoncer à ce poste sans plus de façons. ll va sans dire que, si la chose est possible, je le garderai. Apprenant que milord le trésorier général avait quitté la ville avec sa famille, à cause de l'épidémie, je rentrai sans plus tarder. Trouvai à mon bureau sir William Penn, qui a fort bonne mine, Et je suis plus heureux de le voir en ces circonstances qu'en d'autres, ayant entendu tant de louanges à son sujet pour services rendus au cours du haut fait récent. A mon bureau très tard, puis rentrai me coucher.
            Cet après-midi j'eus un grand émoi, dans Holborne, alors que je revenais en fiacre de chez milord le trésorier général. Le cocher, que je voyais conduire de plus en plus lentement, finit par s'arrêter tout net et descendit en titubant. Il me dit qu'il s'était soudain senti très mal et avait eu un éblouissement au point de ne plus voir clair. Je descendis donc, pris un autre fiacre, le cœur plein de tristesse pour ce malheureux et inquiet pour moi, craignant qu'il n'ait été frappé par la peste qui sévit à l'autre bout de la ville, là où je suis monté en voiture. Dieu ait pitié de nous tous !
            J'apprends que sir John Lawson est plus mal qu'hier. Le roi lui a rendu visite hier, fort aimablement. Ce n'est pas que sa blessure soit très grave, mais il est atteint de la fièvre d'une inflammation de la gorge et d'un hoquet, les trois à la fois, ce qui est, je crois, très mauvais signe.


                                                                                                                     18 juin
                                                                                                  Jour du Seigneur
            Levé et à l'église où sir William Penn se rendait pour la première fois depuis son retour de bataille. Mr Mills fit un piètre sermon, visant à démontrer qu'un autre monde succéderait à celui-ci. Chez moi, dîner, puis à mon cabinet tout l'après-midi. Mr Andrews vint alors me rendre visite pour que nous chantions ensemble, mais Mr Hill n'arrivant point, et comme nous avions, l'un et l'autre, fort à faire on se quitta. Mr Povey et Creed vinrent parler de nos besoins d'argent pour Tanger. Eux partis j'apprends que sir William Batten et milady sont revenus de Harwich. J'allai leur rendre visite. Il est savoureux de voir à quel point nous faisons montre d'amabilité entre nous, alors que nous nous soucions les uns des autres comme d'une guigne.
            Rentrai souper, une missive urgente du commissaire Pett étant arrivée, afin de recruter de force des calfats dès que possible, et je m'y emploierai pour servir Sa Majesté. Je rédigeai un mandat en toute hâte, puis le délivrai. A mon bureau quelque temps, puis rentrai me coucher.


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            Levé, à Whitehall avec sir William Batten, nous arrêtant en chemin chez lord Ashley, mais en vain il était absent. Au palais nous tînmes notre réunion habituelle devant le Duc et d'autres officiers des munitions. Revins à la Bourse, dînai seul, ma femme étant allée chez sa mère. Après quoi allai chez mon nouveau petit orfèvre qui a comme épouse la plus jolie, la plus vertueuse brunette que j'aie jamais vue. Achetai une douzaine de salières d'argent pour 6 £ 14 shillings et 6 pence, puis avec John Lawson, toujours malade malgré un léger mieux. Son hoquet n'ayant encore guère cessé ne pûmes parler. Chez moi, souper, quelque temps à mon bureau, l'esprit mécontent à la vue de la quantité de papiers
 et de travail qui s'accumulent et du peu de temps que j'ai à y consacrer.


                                                                                                                              20 juin 1665
                                                             Jour de grâces pour la victoire sur les Hollandais
            Levé et à mon bureau, seul, toute la matinée, travaillai beaucoup jusqu'à l'heure de l'office. Entendis un bien médiocre sermon de Mr Mills, puis à la taverne du Dauphin où, nous tous du bureau de la Marine, avons entendu, comme convenu, les commissaires du service des munitions. Dînèrent et, à ma demande, fut jouée quelque plaisante musique. Notre écot se monta à 34 shillings par personne, nous étions neuf.
            Après dîner à Whitehall avec sir William Berkeley, dans sa voiture, puis marchai jusque chez Herbert où je passai quelque moment avec la mosa, sin hazer algo con ella que embrasser et tocar ses mamelles, que me haza hazer la cosa a mi mismo con gran plaisir.
            Puis par le fleuve à Vauxhall, où je me promenai seul une heure, et j'observai comment en ce jour de congé les gens venus de la Cité se divertissaient, chacun suivant son humeur, jouaient à la cerise, ou Dieu sait quoi encore. Derechef à mon bureau, Travaillai fort tard, car ni ma femme ni ma mère qui avaient passé toute la journée sur la Tamise, n'étaient rentrées, bien que ma mère dût quitter la ville sans tarder. Rentrai souper et, au lit. ( Ma femme rentra lorsque je revins du bureau. )
            < Fus avisé aujourd'hui que quatre ou cinq personnes étaient mortes aujourd'hui de la peste à Westminster, dimanche dernier, dans plusieurs maisons dans une venelle, Bell Alley qui jouxte la porte du palais. On persiste à croire que les chiffres sont inférieurs à ceux de la semaine précédente.
            Les Hollandais ont fait une nouvelle sortie, 20 navires sous le commandement de Banckert. Ils font route vers le nord, pense-t-on, à la rencontre de leur flotte des Indes orientales. >


                                                                                                                          21 juin

            Levé, eus fort à faire toute la matinée. A midi, avec Creed, au bureau de la Règle où j'apprends qu'il faudra seize mois avant d'avoir l'argent de nos tailles, voilà qui est bien triste, à savoir que le roi ait tant d'intérêts à payer pour chaque penny qu'il dépense, et singulier car, les orfèvres avec qui je me suis entretenu affirment qu'on ne les fera pas se départir de leur argent, malgré l'augmentation de leurs intérêts à 10 % qu'ils ont obtenus. Par conséquent, ils désirent que je ne m'en mêle point. A vrai dire, ce serait désastreux pour le roi et de fâcheuses conséquences en découleraient pour toutes les finances royales. 
            Chez moi. Mon oncle Whight et ma tante James ont dîné avec moi, ma mère devant partir dès demain.
            A Whitehall où je puis, avant et après le Conseil, m'entretenir avec sir Thomas Ingram de la mauvaise tournure que prennent nos affaires de Tanger en matière d'argent. Il a demandé au roi de tenir une réunion vendredi qui, je l'espère, mettra un terme, d'une manière ou d'une autre, à mon inquiétude.
            Sur le chemin du retour m'arrêtai à la taverne des Deux Clefs, à Cripplegate, où je constate que tout le monde, ou presque, quitte la ville. Voitures et charrettes sont remplies de gens partant pour la campagne. Eus quelque temps la compagnie de la femme du tavernier, puis, derechef, à mon bureau et chez moi, souper et, au lit.


                                                                                                                       22 juin  

            Levé joliment tôt, me demandant avec angoisse si je devais envoyer ma mère à la campagne aujourd'hui, car j'apprends par mes gens qu'elle, la pauvre, a envie de rester quelque temps encore, ce dont je ne puis la blâmer, sachant qu'elle vie elle devra mener, mais elle en est la seule responsable, quand elle rentrera chez elle, au lieu des agréments et des libertés dont elle a profité ici. Je résolus enfin de la laisser décider elle-même, et elle accepta de partir. Je ne m'y opposai pas à cause de l'épidémie qui frappe la ville et de mon intention de faire partir ma femme. Lui donnai donc de l'argent et pris affectueusement congé d'elle. La pauvrette me demanda de pardonner à mon frère John. Je refusai, ce qui la mécontenta, la pauvre âme. Je le lui ai pourtant dit gentiment et j'ai laissé tomber la conversation, mais elle me quitta cependant le cœur fort chagrin.

            Partis à mon bureau, laissant ma femme et mes gens l'accompagner jusqu'aux portes de la ville et lui faire leurs adieux. Travaillai à mon bureau. A midi ma femme me dit qu'elle est partie après bien des histoires, Dieu la bénisse ! Elle n'avait aucune envie de partir, jusqu'au dernier moment, mais refusa de partir, si bien qu'à force de tergiverser elle perdit la place qui lui avait été réservée dans la diligence et dut voyager à l'arrière. 
            Après dîner derechef à mon bureau jusqu'au soir, très affairé, puis rentrai point trop tard, souper et, au lit.


                                                                                                                                                                                              23 juin

            Levé et à Whitehall, à une séance de la commission de Tanger, en présence de son Altesse Royale. Nous avions pour dessein de leur exposer la véritable situation où se trouve notre commission par manque d'argent, si grand que nous avions besoin d'aide urgente. A notre satisfaction il fut décidé que cette aide serait accordée et on proposa divers moyens à cette fin.
            Arriva milord Sandwich qui, je l'ignorais, est semble-t-il rentré de Londres hier soir. Lorsque la séance fut levée, milord me prit à part et nous déambulêmes, seul à seul, une heure dans la chambre de la Robe. Il me dit tout le cas que firent de lui le Duc et Mr Coventry, à la fois en mer et ici, et cela contre l'avis du prince. Puis, en aparté, il me dit qu'il avait été témoin où tous deux s'étaient moqués du prince et avaient ri de lui. Mais il trouve singulier que, dans tout ce qu'on dit à Londres et ce qu'on imprime, il n'y ait pas un mot pour lui rendre hommage. Il m'assure que, bien que le prince ait été en première ligne, par hasard, au début de la bataille lors de la première bordée, il avait lui-même combattu en première ligne tout le reste de la journée et y était resté. Que, malgré tout le bruit que fait le prince, c'est à peine si un boulet avait touché le flanc de son vaisseau, et pas un seul de ses hommes tué, tandis que lui, milord avait reçu plus de trente boulets dans sa coque, et n'avait pas eu un seul mât ni une seule vergue épargnés, que son vaisseau avait été le plus endommagé, qu'il avait le plus souffert de pertes en hommes, si on excepte le capitaine Smith du Mary. Que la plupart des actions du Duc furent menées hors de portée de canon et que si, en effet, le Duc était venu à la rescousse de milord c'était après que ce dernier eut lui-même combattu quatre vaisseaux hollandais, que, malgré tout le bien qu'on avait pu en dire, sir John Lawson s'était comporté de piètre façon, car son vaisseau avait changé de cap, tandis que sir John Lawson était sur le pont, mettant ainsi en danger tout le reste de la flotte.
            Par conséquent, milord est mécontent que Coventry n'ait pas dit un seul mot de lui dans son rapport. Je lui répondis que je savais avec certitude que le rapport avait été établi non par Mr Coventry, mais par L'Estrange, à partir de diverses lettres, ce dont j'avais été témoin, et que dans cette lettre au Duc d'Albemarle, Mr Coventry rendait justice autant à milord qu'au prince. Je l'avais moi-même lue le premier et recopiée, et lui fis promettre de la lui montrer, ce qui le rasséréna quelque peu.
            Sur quoi milord entreprit de me faire part de son inquiétude au sujet de ses filles, ne sachant de quelle façon les placer, me demandant mon aide et mes conseils. Et il proposa de marier milady Jemima au fils aîné de sir George Carteret. Ce que j'approuvai et lui offris de lui en parler comme si l'idée venait de moi, ce qui plut à milord. Je pris congé l'esprit tout occupé par ce projet.
            Derechef à la Bourse, dînai et en voiture chez Mr Povey. De là, avec lui et Creed, sur rendez-vous, chez un dénommé Finch, un des commissaires de la Régie, prendre des renseignements sur celle-ci, afin de régler certains points de nos affaires de Tanger, et ceci à notre avantage. Il m'a paru fort sérieux et avisé. 
            De là, satisfaits, Creed et moi allâmes chez Mr Fox à Whitehall pour l'entretenir du même sujet. Après quoi ayant reçu de lui d'autres assurances, allâmes tous deux à Vauxhall où nous passâmes deux ou trois heures à deviser fort posément. Je me sentis tout à fait rafraîchi par le bon air et l'agrément de ce jardin, et de tout cela, me semble-t-il, nous devrions nous réjouir.
            Revînmes à Whitehall où on se sépare. Allai chez milord pour de plus amples consignes quant au projet de mariage dont il m'avait parlé le matin....... Je mentionnai le Dr Clarke, et l'idée plût à milord, si bien que j'entrepris d'aller le trouver ce soir, mais en vain.
            Chez moi, en voiture de louage. Ce moyen de transport est devenu dangereux, vu les progrès considérables de l'épidémie. Puis, au lit.


                                                                                                                         24 juin
                                                                                                    Jour de la St Jean
            Levé fort matin, à 6 heures, à Westminster chez le Dr Clarke à 7 heures, l'ayant, par une note, fait prévenir la veille. Lui soumis donc, du mieux que je le pus, de mon projet d'union...... , nouvelle qu'il accueillit, et je m'en doutais, avec joie. Fûmes d'accord pour penser que milord et lui étant tous deux bons amis, hommes de mer, de grande vertu et de bonne famille, et avec la bienveillance du roi, leur alliance pourrait servir nos fins. Il entreprit d'aller trouver sir George ce matin même et de mettre l'affaire sur pied. Tous deux fort satisfaits, je vis sa nièce, lui demandai de chanter une ou deux chansons, ce qu'elle fit fort joliment. Puis à mon bureau où j'eus la mauvaise surprise de trouver Mr Coventry et les membres de la Commission siégeant avant mon arrivée. J'excusai mon retard disant que j'avais dû me rendre sur la Tamise pour affaires. Travaillâmes toute la matinée, à midi le capitaine Ferrer et Mr Moore dînèrent avec moi. C'est la première fois que je vois le capitaine depuis son retour de mer, et il me fit le meilleur récit d'un point de vue général et un compte rendu aussi fidèle que je pouvais le souhaiter sur la façon dont le prince et milord Sandwich avait servi le roi. Ils partirent après dîner. Allai à Whitehall avec Creed et Povey, me rendis auprès de milord le trésorier général que je convainquis de nous signer un ordre de paiement de 15 à 20 OOO £, ce qui, je crois, nous permettra de traiter notre affaire de Tanger, puis chez le Dr Clarke où j'apprends qu'il a parlé de notre affaire à sir George Carteret, et que celui-ci prend très bien la chose.
            Allai ensuite trouver sir George Carteret dans son cabinet et fis avancer l'affaire du mieux que je pus. Il accueillit le projet avec grand respect, satisfaction et reconnaissance à mon égard, et promis de faire tout son possible pour son fils, afin qu'il soit digne de la fille de milord. Il me témoigna son affection, conscient de celle que j'avais pour lui. J'apprends aujourd'hui de sir William Penn que Mr Coventry doit être élevé à la dignité de conseiller privé du roi, ce dont mon cœur se réjouit. 
            Rentrai, m'occupai des lettres qui devaient partir par la poste, puis souper et, au lit.


                                                                                                                  25 juin 1665
                                                                                                Jour du Seigneur
            Levé, plusieurs personnes vinrent me voir pour affaires relatives à mon service, puis à mon cabinet m'occuper de mes affaires de Tanger, dînai à midi. Je sortis ensuite, par le fleuve, sous une pluie battante afin de descendre à Woolwich, puis me ravisai et traversai le pont pour me rendre à Whitehall où, après avoir rendu une nouvelle visite à sir George Carteret et reçu son plein assentiment ainsi que celui de milady à ma proposition, me rendis chez milord Sandwich qui, après avoir appris l'accueil reçu chez sir George Carteret, me pria d'y retourner et de le remercier pour l'aimable acceptation de son offre, et lui dire qu'il serait dès demain disposé à s'entretenir avec lui. Ce qui fut fait, et l'affaire ainsi close, à la grande joie des deux partis. Je crois comprendre que milord a l'intention de doter sa fille de 5 000 £ et s'attend qu'elle reçoit une rente annuelle de 800 £;
            Rentrai par le fleuve, souper et, au lit, ce qui me plut fort.
            <  Ce soir, sir George Carteret m'a fait savoir, dans sa grande bonté, que par ordre du conseil privé Hayter et Whitefield sont mis dans l'incapacité définitive de servir le roi, mais que, par son entremise, cet ordre n'a pas été inscrit au registre. Il a étés  bien aimable de me le faire savoir, mais voilà qui m'inquiète. >                                                                                              wikipedia.org

            Après dîner et avant d'aller à Whitehall, suis descendu par le fleuve à Greenwich, voulant rendre visite à sir John Lawson. J'appris en arrivant qu'il était mort ce matin même, ce qui me causa une vive surprise. C'est ma foi une grande perte pour la nation, à moins que de mentir, je ne peux dire que je regrette cet homme qui n'a jamais eu pour moi la moindre bonté.
            A Whitehall passai voir Mr Coventry qui aborda le sujet qui est en ce moment grandement débattu à la Maison du Roi, à savoir que le Duc reprenne la mer, sur quoi la Maison du Roi est fort divisée. Coventry était d'avis comme moi, qu'il valait mieux, pour l'honneur et la sécurité du Duc, après que celui-ci eut affronté tant de dangers, rendu de si grands services et remporté pareille victoire qu'il ne repartît point, surtout que l'absence du Duc serait dangereuse pour la Couronne, car lui parti, il serait plus facile de tenter quelque action contre le roi. Mais Coventry se demandait comment la flotte serait commandée sans lui, car le prince n'avait rien d'un homme de commandement et était si inflexible dans son jugement que personne, de rang modeste, ne pouvait lui imposer son avis, et il disait qu'en vérité qu'il aurait été préférable que le Prince fût parti en Guinée, et que s'il n'était pas là il serait facile de dire ce qu'il adviendrait, car milord Sandwich était plus que quiconque, à sa connaissance, homme de modération et d'équité et que, il parlait d'expérience, sa modération était nécessaire pour corriger le tempérament du prince. Mais il est fort inquiet, je le vois, du tour que prendront les choses. Sur ce pris congé de lui.


                                                                                                                           26 juin

            Levé, à Whitehall en compagnie de sir John Mennes et à une séance de la commission de Tanger. Le trésorier général était présent et c'est la 1è fois que je l'y vois. Il nous promet 15 000 £ pour Tanger, pas un penny de plus, ce qui sera à peine suffisant, mais si je parviens à payer à Mr Andrews l'argent que je lui dois ainsi que les lettres de change, je n'en demande pas plus..
            Puis nous descendîmes, avec Mr Povey et Creed, vers le nouveau cabaret de Mr Povey, fort élégant, et nous parlâmes de ses affaires, lui apportant sinon satisfaction du moins le moins de désagrément que je pus. Creed fit de même. Après, avec Creed, à la taverne de la Tête du Roi où nous dînâmes à la table d'hôte. On rit haut et fort avec un certain Nicholl, blanc-bec intarissable qui se prétendait poète mais refusait de réciter le moindre vers.
            Rentrai chez moi où je trouvai le frère de ma femme et son épouse, un joli bout de femme fort honnête qui dînèrent avec mon épouse. Il venait me demander mon aide pour un travail. Après m'avoir donné toutes les assurances de son sérieux, m'avoir dit qu'il ne serait pas une charge pour moi, je finis par lui promettre de songer à lui trouver quelque chose, mais c'est surtout parce que sa jeune épouse semble être un joli tendron, humble et réservé, et il a l'air désireux de faire quelque chose pour l'entretenir. Il m'a raconté les tristes épreuves qu'elle a dû subir avec lui en Hollande. J'espère qu'il ne sera pas une charge pour moi
            A Woolwich par le fleuve, puis à pied jusqu'à Greenwich, aller et retour, afin de reparler avec Sheldon qui aimerait que ma femme passât l'été chez lui et qui l'attend. A y réfléchir je pense que ce séjour lui fera du bien, et à moi aussi. 
            Rentrai chez moi, las, puis à mon bureau quelque temps, jusqu'à presque minuit et, au lit. 
            La peste s'étend considérablement. J'ai vu aujourd'hui une maison condamnée, celle d'un bourrelier, près de l'église St Clement, qui donne en plein sur la rue, navrant spectacle.


                                                                                                                          27 juin

            Levé et à mon bureau toute la matinée. A midi dînai par hasard avec milady Batten qui envoya quérir ma femme. Il y avait aussi milady Penn et Peg. Ce fut fort gai. Derechef à mon bureau jusqu'à minuit. Rentrai, souper et, au lit.


                                                                                                                             28 juin

            Sir John Mennes nous conduisit à Whitehall. De là offrit de conduire ma femme dans sa voiture où elle voulait. Me rendis chez le Duc pour parler des affaires de la marine. Nous ne lui baisâmes point la main et d'ailleurs, m'est avis que, quoi qu'ils prétendent partir demain, je crois bien qu'ils ne partiront pas du tout. Je fis cependant mes adieux à sir William Coventry qui, à ce qu'il paraît, a été fait chevalier et conseiller privé du roi il y a deux jours, et qui m'a témoigné les égards de sa vieille amitié, et je crois qu'il sera toujours pour moi un excellent ami.
            Puis par le fleuve aux Blackfriars et à l'enclos de Saint-Paul où j'ai commandé plusieurs livres, puis rentrai dîner, le compère William m'ayant donné une langouste qu'il m'a fait parvenir par Sarah, mon ancienne servante.
           Ai rencontré ce matin sir George Carteret qui m'a annoncé que tout avançait pour le mieux entre lui et milord Sandwich et que les deux parties avaient l'intention de conclure ce mariage assez vite. Il m'a témoigné une grande amabilité et m'a dit que nous étions désormais presque apparentés. Me voici fort heureux de cette alliance en ce qui me concerne, et encore plus en ce qui concerne la famille de milord.        
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            Après dîner à Whitehall, croyant m'entretenir avec milord Ashley, mais ne le pus. Patientai quelque temps dans les environs du palais de Westminster au cas où il viendrait, vis en chemin plusieurs maisons pestiférées dans King's Street et au palais. J'apprends là que Mrs Martin a quitté la ville et que son mari, un bon à rien, revient de France, à ce qu'il prétend. Mais je n'en crois pas un traître mot. Je craignais d'entrer dans une maison, quelle qu'elle fût, mais allai tout de même à la taverne du Cygne, puis à Whitehall après avoir donné un shilling au batelier, un jeune gars et un ancien du Plymouth.
            Puis en voiture à divers endroits. Chez moi, et passai la soirée avec sir John Mennes et toutes le femmes de la maison, sauf milady Batten, à bavarder tard dans le jardin. A minuit rentrai, souper et, au lit.
            Milord Sandwich s'est mis en route pour la mer aujourd'hui, sur un coup de tête. Je ne lui ai pas fait mes adieux.


                                                                                                                                  29 juin

            Levé et par le fleuve à Whitehall où la cour du palais est pleine de gens et de voitures en partance pour la campagne. A la taverne de la Balle et de la Harpe où j'ai bu et bavardé avec Mary qui m'a dit, au hasard de la conversation, qu'elle avait naguère habité chez mon voisin, Mr Knightley, ce qui me fit m'abstenir d'engager plus avant la conversation. Dans ce quartier de la ville la peste gagne de jour en jour du terrain. Le bulletin de mortalité annonce 267 morts, environ 90 de plus que le dernier. Parmi ces morts 4 seulement sont de la Cité, ce qui est une grande bénédiction. Chez Creed, et ce furent quelques allées et venues inutiles à propos de notre affaire de Tanger. 
            Pris de nouveau congé de Mr Coventry, encore que, je l'espère, le Duc ne soit pas parti longtemps, d'autres l'espèrent aussi. 
            En rentrant chez moi m'arrêtai à Somerset House où tout le monde fait également ses bagages. La reine-mère part aujourd'hui pour la France afin d'y prendre les eaux de Bourbon, car elle souffre de consomption, et ne compte pas revenir d'ici à l'hiver de l'année prochaine. 
            En voiture chez moi où je travaillai toute la matinée. A midi Mrs Hunt dîna avec nous, repas très joyeux et c'est une très brave femme. A mon bureau fort occupé à remettre de l'ordre dans mes affaires, puis fis mon courrier jusqu'à la nuit tombée. Rentrai vers 10 heures, les jours raccourcissent sensiblement. Auparavant, il m'est arrivé de fermer le bureau l'été alors qu'il faisait encore jour, mais ma vie n'a guère été différente de ce qu'elle est les jours d'hiver. Mais pendant un mois je vais essayer de voir ce que je parviens à faire quand il fait encore jour. Rentrai souper et, au lit.


                                                                                                                        30 juin

            Levé et à Whitehall voir le duc d'Albemarle que je trouvai chez le secrétaire Bennet, car m'est avis qu'il ne reste plus en ville désormais aucun grand homme d'Etat, sinon milord le chancelier. Je reçus d'eux plusieurs missions, dont celle d'approvisionner la garnison de Guernesey en pains et en fromages, ce pour quoi ils me firent promesse de veiller à ce que je sois payé.
            A la Bourse puis chez moi, dîner. L'après-midi descendis à Woolwich où arrivèrent après moi ma femme et Mercer que je conduisis chez Mr Sheldon pour leur montrer sa maison. Je trouve l'endroit très joli pour elles. Revins donc après diverses allées et venues et laissai ma femme rentrer par le fleuve. Puis sans détour me rendis à Whitehall où j'arrivai tard chez le secrétaire Bennet afin de lui dire où en était l'affaire dont il m'avait chargé ce jour même. Après l'avoir attendu, las et manquant de sommeil, jusqu'à plus de minuit, je résolus de lui confier ma pensée par écrit. Rentrai par le fleuve, dans l'obscurité et à contre-courant, dépassâmes le Pont, les bateliers conduisant à tâtons à la perche, et je ne fus point rassuré tant que nous n'eûmes pas passé le Pont. Chez moi vers une ou deux heures du matin, la maisonnée fort inquiète et ne sachant ce qu'il était advenu de moi. Souper et, au lit.
            Ainsi s'achève ce volume commencé il y a deux ans. Nous sommes, ma femme et moi en bonne santé. A savoir, moi-même, ma femme, Mercer, sa dame de compagnie, Mary, Alice et Su, nos servantes et Tom mon petit valet. C'est une saison malsaine, cette peste prenant de l'ampleur. J'ai sur les épaules la lourde responsabilité de la trésorerie de Tanger, qui me vaut de grosses dépenses et n'ai point d'argent pour les payer. En outre, beaucoup de travail au bureau. Projet de faire partir ma femme à Woolwich. Elle a naguère entrepris d'apprendre à peindre, y prend du plaisir et réussit. Tout le reste pour le mieux, sans oublier mon crédit dont j'ai récemment usé en préparant un mariage entre le fils aîné de sir George Carteret et milady Jemima Montagu. Le duc d'York s'est rendu auprès de la flotte, mais personne ne pense qu'il y restera car, comme chacun sait, ce n'est point souhaitable.


                                                                                 à suivre............

                                                                                                                          1er juillet 1665

            Fus réveillé de bonne heure............