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dimanche 22 septembre 2019

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 100 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

French cavalry officer during the Seven Years War
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                                                                                                                1er Septembre 1663

            Levé de fort bonne heure et après avoir un peu joué de la viole, à mon bureau réunion, je fis accepter mes factures et celles des autres, pour mes panneaux de bois sculpté, alors que je pensais les payer de ma poche et j'espère en être remboursé. Cependant si les autres n'avaient pas fait payer leurs travaux par le roi, je n'aurais eu ni la pensée ni le désir de lui faire payer le prix de ma vanité.
            A midi, à la Bourse où je vis de nombreux négociants des fournitures de la Marine, puis dîner à la maison où je retrouvai Mr Hunt, sa femme et son enfant. Dînâmes gaiement, après allai à mon bureau avec le capitaine Hickes qui a apporté de fort jolis coquillages ) à ma femme. Il me donne beaucoup d'informations sur les manquements des officiers et des hommes à Deptford. C'est un bavard, mais je pense qu'une grande partie de ce qu'il dit est vrai.
            Dans la soirée mon frère vint se plaindre à moi de ce que ma femme semble mécontente de sa présence ici et le traite fort irrespectueusement. Je l'emmenai alors faire une promenade dans le jardin et m'entretins longuement avec lui de mes affaires, lui disant comme il est imprudent pour mon père, ma mère et lui de s'offusquer sans grande raison de la conduite de ma femme, alors qu'il est fort important pour eux qu'elle demeure leur amie, et pour ma tranquillité aussi. Non que par elle  j'accepterai jamais de les oublier ou de les abandonner pour les choses importantes, mais elle mérite pourtant qu'on la satisfasse et qu'on lui cède un peu, si l'on considère la sorte de vie à laquelle je l'oblige, et la commodité pour moi de pouvoir l'envoyer à Brampton lorsque j'ai l'envie ou l'occasion de partir à Portsmouth ou ailleurs, pour le plaisir ou le travail, et que je ne peux sans danger la laisser seule. Je lui expliquai donc comment il devait se conduire avec elle, et lui donnai d'autres conseils, puis à mon bureau où restai jusque tard, et à la maison souper et, au lit.


                                                                                                              2 septembre

            Levé de bonne heure et à mon bureau, puis avec sir John Mennes en voiture à Whitehall. Retrouvâmes sir William Batten. Nous attendîmes à côté de la Chambre du Conseil jusqu'à ce que les Lords nous fissent appeler, car il avait été convenu il y a quatre jours que nous leur présenterions un rapport sur la mutinerie qui avait éclaté parmi les marins l'autre jour, ce que fit sir John Mennes de la plus sotte façon du monde, puis on nous fit sortir, les Lords n'accordant que bien peu d'importance à cette affaire. Nous restâmes un long moment dehors jusqu'à l'arrivée du Lord-Maire.............Les Lords commandèrent à sir John Mennes de poursuivre les faquins pour mutinerie. Puis nous nous nous rendîmes dans le carrosse du Lord-Maire au palais de justice de l'Old Bailey où siège en ce moment la cour. J'assistai à deux ou trois procès ordinaires notamment ( et l'on dit que de tels cas sont fort communs de nos jours, et donc pour engager les servantes que je cherche en ce moment, je suis résolu à ce qu'il y ait quelqu'un qui réponde d'elle ) à celui d'une femme accusée sous quatre noms différents de s'être présentée comme cuisinière chez un gentilhomme qui la poursuivait ici en justice, et s'être enfuie trois jours plus tard avec une chope d'argent, une écuelle en argent et deux cuillers. Elle a été prise, reconnue coupable et probablement pendue.
            Un peu plus tard dîner avec milord le maire et les échevins. Splendide repas et excellente venaison, mais qui me rendit presque malade parce que je n'osai presque pas boire de vin........................ Je laissai sir John Mennes s'occuper de la rédaction de son acte d'accusation et rentrai par le fleuve à la maison. Trouvai ma femme fort contente d'un cadeau de beaux coquillages  qu'elle a reçus du capitaine Hickes. Nous montâmes tous les deux les regarder et, vraiment, ils sont fort jolis. Arrive Mr Llewellyn tout juste de retour d'Irlande. Il me dit que les intérêts anglais sont battus en brèche, le parti irlandais étant trop puissant, de sorte que la plupart des anciens rebelles sont reconnus innocents, et leurs terres qui avaient été confisquées et vendues ou données aux Anglais leur sont rendues. Ce qui cause bien du mécontentement parmi les Anglais là-bas.
            Après son départ, me rendis à mon bureau jusque tard et à la maison, souper et, au lit.
            Alors que nous traversions la ville, milord le maire me dit que la colonne érigée à côté de l'hôtel d'Exeter sert uniquement à marquer l'emplacement des conduites qui approvisionnent la Cité en eau. Il remarqua qu'il n'est point de ville au monde mieux équipée sur ce point que celle-ci, et qu'il en avait coûté en tout pour la Cité plus de 300 000 livres pour se faire amener l'eau, mais qu'en raison des nouvelles constructions, et de celles que milord St Albans fait en ce moment à St James's Fields, et qui, je le vois, déplaisent extrêmement à la Cité, qui n'ose pourtant point s'y opposer, s'il fallait faire ces travaux aujourd'hui, un million n'y suffirait pas.


                                                                                                      3 septembre
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Cavalry regiment Brancas            Levé de bonne heure et jouai une heure de la viole, avant le lever de mes gens. Puis montai au bureau un moment et chez sir William Batten qui descend aujourd'hui aux Downs pour son plaisir. Déjeuner avec eux, et à la demande de milady les accompagnai dans leur voiture jusqu'à Greenwich et montai là à bord du yacht le " Charlotte ". Le vent était très frais et je pense qu'ils auront tous le mal de mer, de plus le " Charlotte " ne tient pas bien la mer.
            J'ai l'impression que milady fait trop de cas du pupille de son mari, le jeune Mr Griffith, comme si elle en espérait quelque service quand il en aura l'âge, c'est encore un tout jeune garçon.
            J'attends qu'ils eussent appareillé, puis m'en fus à Deptford et, après avoir échangé un mot ou deux avec sir John Mennes, allai à pied à Rotherhite puis retournai à la maison. En chemin, il me vint à l'esprit, au moment où je dépassai une ou deux mendiantes sur la route qui ressemblaient à des Égyptiennes, il me revint en mémoire ce que les Égyptiennes, il y a huit ou neuf jours, avaient prédit, que quelqu'un dans une semaine viendrait m'emprunter de l'argent, mais que je n'en prêterais point et, en regardant dans mon journal quand j'arrivai à mon bureau, je vis que mon frère John m'avait apporté ce jour-là une lettre de mon frère Tom pour m'emprunter encore 20 livres, ce qui m'avait tant irrité que j'avais écrit à mon père à la campagne, pour l'en informer, et lui dire qu'il a si peu d'argent d'avance qu'il est encore contraint d'emprunter. Mais cela me fit grand plaisir de voir que contrairement à mon attente, alors que je lui avais prêté 20 livres si peu de temps auparavant et croyais qu'il avait de l'argent chez lui, après plusieurs jours sans y penser, il était advenu que j'allasse regarder dans mon journal pour découvrir que ce que les Égyptiennes avaient dit était vrai.
            Après dîner, à la maison, me rendis à mon bureau où restai jusqu'à une heure avancée à travailler. La visite de Mr Cutler venu me voir au sujet d'une affaire, me fit un très grand plaisir. Il me dit, entre autres, qu'il m'estime en tant qu'administrateur comme le plus grand des virtuosi. Je sais que le fait qu'il ait une telle opinion de moi, et qu'il en parle dans les cercles qu'il fréquente, pourrait m'être fort utile.
            A la maison, souper et, au lit.


                                                                                                         4 septembre

            Levé de bonne heure et jouai de la viole une heure, puis en barque à Whitehall et au palais de Westminster où achetai les premières gazettes de l'Estrange qui paraissent cette semaine pour la première fois. Il ne fait, me semble-t-il qu'un début fort insignifiant. Puis allai parler à Mrs Lane qui semble désirer que je revienne la voir pour passer du temps en sa compagnie comme je l'ai déjà fait. Mais il me semble que si c'était une femme vraiment honnête, vu la façon dont je l'ai lutinée et patinée, elle ne le devrait point.
            Ensuite chez Mrs Harper et envoyai quérir Mr Creed. Mrs Harper fit chercher une servante pour moi qui viendra vivre auprès de ma femme. Je lui trouve l'air agréable et je crois qu'elle pourra nous convenir, car sa mine autant que ses propos sont fort honnêtes. Je lui commandai de parler à ma femme. Ensuite avec Creed chez Mr Povey, comme il était sorti nous nous promenâmes par les allées de Lincoln's Inn, que l'on est en train de fort bien arranger. Vers une heure nous retournâmes chez Povey qui ne tarda pas à arriver et nous nous mîmes à table pour dîner, avec sa femme que je n'avais encore jamais vue ( une belle vieille dame qui lui a apporté une fortune, ce qui lui permet de vivre comme il le fait ). On nous servit mets et boissons en abondance ( je ne bus cependant pas de vin quoique l'on me pressât fort d'en boire ) et présentés si exactement comme il faut, que jamais en aucun lieu je n'ai vu pareille perfection. Quant à lui il en éprouva la plus grande satisfaction et le plus grand contentement qu'homme puisse jamais ressentir en ce monde.
            Descendîmes ensuite voir ses nouvelles caves qu'il a faites fort belles, sous une voûte splendide et dotées de supports ingénieux pour ses tonneaux et ses bouteilles et, dans une pièce voisine, une admirable grotte et une fontaine qui, en été, en fera le lieu le plus agréable du monde, ou presque.
            Mais de voir comme il s'enorgueillit à l'excès de tout cela et se répand en éloges, et attend de nous la même admiration, bien que tout ici le mérite fort, voilà qui est un peu déplaisant.
            Ensuite, Creed et moi nous en allâmes, à sa demande pressante, en voiture à la foire de la Saint-Barthélémy, où je n'avais nulle envie d'aller sans ma femme. Traversai donc la foire en voiture sans mettre pied à terre et y laissai Creed avant de poursuivre jusqu'à la maison. Là je pressai ma femme de s'habiller et l'emmenai en fiacre à la foire. Lui montrai des singes qui dansaient sur des cordes, spectacle étrange mais si grossier que cela ne me plut pas. Il y avait aussi un cheval aux sabots comme des cornes de bélier, une oie avec quatre pattes et un coq qui en avait trois. Nous vîmes plus loin des automates allemands, l'Annonciation à la Vierge Marie et plusieurs autres tableaux de l'histoire Sainte, mais surtout à la fin il y avait une représentation de la mer, avec Neptune, Vénus, les sirènes et Cupidon sur un dauphin, avec le mouvement des vagues. C'était si bien fait qu'avec davantage de pompe, et placé à meilleure distance, cela eût été admirable.
            Retour à la maison en fiacre, et passai un moment au bureau puis souper et, au lit.
            Aujourd'hui j'ai lu une proclamation requérant l'assistance de tous pour l'arrestation de milord Bristol


                                                                                                             5 septembre 1663
                                                                                                                                        pinterest.fr
French Foot Regiments at a barrack during the Wars of King Louis XIV            Levé de bonne heure et un moment à ma viole, puis au bureau, réunion et embesogné toute la matinée. A midi à la Bourse et à la maison pour dîner avec Mr Creed. Après le dîner fus terriblement importuné par le capitaine Hickes qui vint dire à ma femme le nom et l'histoire de tous ses coquillages, son cadeau et qui sont fort jolis.
            Après son départ avec ma femme et Creed à Cornhill Street et, après maintes hésitations, achetai à ma femme une pièce de chintz, c'est-à-dire un calicot indien imprimé pour tendre de neuf son petit salon, et qui est fort joli.
             Retour à la maison, Creed parti, je sortis voir le capitaine Minors sur la colline de la Tour et là, si je retranche seulement quelques impertinences dont il est coutumier, j'appris maintes choses sur les Indes orientales, à la fois sur le pays et la déception infligée au roi lors du dernier voyage par la fourberie du vice-roi portugais, et l'insignifiance de la place de Bombay si nous l'avion obtenue. Mais surtout, il me semble étrange que les choses n'aient pas été éclaircies avant le départ de l'expédition. Et aussi que ce qui était pensait-on un des fleurons de la dot de la reine n'ait pas été mieux connu, car il ne s'agit, si nous le possédions, que d'un lieu insignifiant, qui n'est pas réellement tel qu'il avait été décrit à notre roi sur la carte, mais seulement une malheureuse petite île, alors que l'on avait fait croire au roi, au lord-chancelier et aux autres savants, que cette île et d'autres qui sont proches étaient d'un seul tenant. C'est ce que montrait la carte présentée au roi...... La réalité est toute différente.
            A mon bureau écrit plusieurs lettres, et à la maison, souper et, au lit, et pris une pilule.
            J'apprends aujourd'hui que sir William Batten a été obligé d'accoster à Queenborough avec sa femme, qu'il a été si malade qu'elle jure que jamais elle ne reprendra la mer. Mais, par un heureux hasard, Holmes est arrivé dans les Downs où il va rencontrer milady et peut-être cela lui fera plus de bien qu'elle ne l'espère. Il apporte les nouvelles de la paix entre Tanger et les Maures, mais je n'en connais point les détails, il n'est arrivé qu'hier.


                                                                                                             6 septembre
                                                                                              Jour du Seigneur
            La pilule que j'ai prise hier soir a fait beaucoup d'effet, et je restai longtemps couché pour faire passer mes démangeaisons qui m'ont pris sur tout le corps, des pieds à la tête. Cela recommence comme l'hiver dernier. Après m'être levé il m'apparaît qu'elles s'étaient calmées. Je demeurai toute la journée à la maison, et ma femme aussi que j'obligeai à rester avec moi, Dieu me le pardonne, de crainte qu'elle ne vît Pembleton. Mais nous passâmes ensemble une journée fort agréable, à imaginer comment aménager son petit salon et la chambre rouge à l'étage où nous avons l'intention d'installer notre chambre à coucher.
            Nous dînâmes seuls et soupâmes le soir avec mon frère, ensuite prières et, au lit.


                                                                                                                    7 septembre

            Levé très tôt et un moment à ma viole. Puis sortis et me rendis dans différentes boutiques pour acheter de quoi meubler ma maison et le petit salon de ma femme. Retrouvai mon oncle Thomas comme convenu. Nous nous rendîmes à la cour archiépiscopale dans Paternoster Row où cherchâmes et retrouvâmes le testament de mon oncle Day. Nous le lûmes et l'étudiâmes ainsi que celui de sa femme morte après lui. Et bien que le témoignage de ma tante Perkin soit valable, je crains, comme l'héritage est très considérable, et que tous ceux qui pourraient nous informer sur cette affaire ont reçu une part plus ou moins importante de cet héritage, qu'il ne nous soit difficile de jamais parvenir à grand chose. Je ne me risquerai à rien avant de savoir quelle part mon oncle Thomas nous donnera de ce qui sera recouvré.
            Mais j'avais un autre dessein celui de semer le doute dans l'esprit de mon oncle et retarder ainsi son départ à la campagne, afin qu'il se trouve à ses propres frais à la session du tribunal. Je les laissai donc lui et son fils jusqu'à notre prochaine rencontre.
            Puis je me rendis chez milord Crew, pensant dîner chez lui, mais il était trop tard, je m'en retournai donc et m'arrêtai chez mon frère et chez Mrs Holden pour affaires, puis allai tout seul à la taverne de l'Aigle Noir dans Bride Lane et dînai, pour un shilling, d'une côte de veau et de pain, fromage et bière, puis passai par Fleet Alley saisi, Dieu me pardonne ! d'une irrésistible envie de voir les catins. Mais leur vue me retourna l'estomac. Allai donc à la foire de la Saint-Barthélémy où je rencontrai Mr Pickering. Nous allâmes ensemble voir les singes à la maison hollandaise. Le spectacle est fort supérieur à celui que nous avons vu l'autre jour avec ma femme, puis voir les danseurs de corde, mais c'était fort mauvais et ennuyeux
            Nous en vînmes à parler de milord Sandwich. Il me dit à quel point il est fâché pour milord que celui-ci vive à Chelsea, et que le simple fait d'avoir montré à milord ses sentiments, sans avoir même prononcé un mot, lui a fait perdre sa faveur, de sorte qu'il fut content de le quitter avant son départ à la campagne, car il lui faisait partager la table des domestiques. Mais il me fut impossible de tirer de lui le fin mot de l'histoire, que je connais d'ailleurs. Je regrette beaucoup que milord ait à ce point perdu son honneur, mais je suis résolu à ne point m'en mêler.
            Après le spectacle je lui faussai compagnie et repris en hâte le chemin de  la maison, et achetai plusieurs choses chez le quincaillier, des chenets, des pincettes et des pelles pour le petit salon de ma femme et les autres pièces de ma maison, puis rentrai. Un peu à mon bureau, puis à la maison, souper et, au lit.
            Les lettres que j'ai reçues aujourd'hui de Tanger m'apprennent que la place se renforce beaucoup sur terre et que la construction du môle avance. 200 Maures ont récemment été tués par nos soldats qui ont perdu 40 ou 50 hommes. J'ai grand-peur de trop dépenser pour ma maison, mais ce n'est pas de l'argent gaspillé, quoique je ne considère comme de l'argent que ce que je possède en banque, à condition que je possède d'avance une somme rondelette.


                                                                                                                   8 septembre

            Lever et un peu à ma viole, puis à mon bureau où un nommé Philips m'avait apporté un dessin du yacht le Catherine, fort bien exécuté malgré sa facture quelconque. Au bureau toute le matinée à faire nos comptes de la demi-année écoulée pour milord le trésorier général, qui se montent à 160 000 livres environ, pour les frais de cette demi-année. Il faut ajouter 13 000 livres au titre des 3 pence dûs sur les comptes précédents au trésorier pour tous ses débours, et 1 100 livres pour cette demi-année, de sorte qu'en 3 ans et demie sa commission de 3 pence se monte à 14 000 livres.
            Dînai à la maison avec ma femme, c'était le jour de la lessive. Nous mangeâmes une bonne tourte de gigot de mouton. A mon bureau et sortis. J'allai entre autres chez Moxon où j'achetai une paire de globes pour 3 livres 10 shillings, ils me plaisent fort et c'est surtout pour ma femme que je les achète, car elle a envie de les étudier et j'aurai grand plaisir à l'instruire. Je vis chez Moxon la grande fenêtre de sa salle à manger où sont représentées les deux hémisphères terrestres peintes comme jamais je ne les ai vues de ma vie, un travail splendide et fort utile qu'il a exécuté de sa main.
            Puis à mon bureau, travaillai tard. Souper à la maison et, au lit. Mes gens ont veillé plus tard que d'ordinaire pour terminer la lessive.


                                                                                                             9 septembre
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CHURCHILL: French Army - Hundred Swiss in the Marble Court, by Lucien Rousselot.            Levé au point du jour et quelque temps à ma viole puis comme convenu chez sir William Warren. Après avoir causé et mangé un morceau nous descendîmes en barque à Woolwich. Expédiai plusieurs affaires et eus différentes conversations. De là à pied à Greenwich. Sur la route un petit garçon nous rattrapa et nous montra une belle coupe tournée et faite en bois de gaïac. Le pauvre enfant avoua qu'elle avait été faite à l'arsenal royal par son père employé comme tourneur qui en fait souvent de semblables. Je pouvais en avoir une et Dieu sait quoi d'autre. Je vais examiner cette affaire. Retour chez sir William Warren et rédigeâmes un contrat pour des mâts qu'il doit nous vendre. A la maison  trouvai ma pauvre femme embesognée.
            Me rendis au bureau après le dîner, puis à Whitehall pour voir sir George Carteret, mais ne lui parlai pas. Puis au palais de Westminster. Dieu me pardonne ! dans l'intention de voir Mrs Lane, mais elle n'était pas là, mais je rencontrai Ned Pickering avec qui je me promenai trois ou quatre heures, jusqu'au soir.
            Il me conta toute l'histoire de l'engouement de milord pour cette Mrs Becke de Chelsea. Je suis honteux de voir milord faire de si flagrante façon la brute et l'imbécile, jusqu'à rejeter honneur, famille, serviteurs et toute chose et toute personne qui soit bonne et ne plus désirer qu'une chose, que rien ne vienne troubler sa débauche secrète avec cette fille publique. Il veille nuit après nuit, seul, ne permettant à personne de les approcher, et toute la journée aussi. Il a renvoyé Pickering, lui faisant de vifs reproches sur sa maigre fortune, pourtant considérable, et a recours à d'autres moyens mesquins et indignes de lui pour demeurer seul avec elle. En outre, il la promène dans la ville et joue du luth sous sa fenêtre, et cent autres choses sordides et méprisables. Je suis peiné de l'entendre mais je crois inutile de m'en mêler. Qu'il continue jusqu'à ce que Dieu tout puissant, sa propre conscience et la pensée de sa femme et de sa famille le ramènent à la raison.
            Après une longue conversation qui me donna entière satisfaction mais beaucoup de tourment, rentrai à la maison par le fleuve, et à mon bureau jusqu'à une heure avancée. Retourné auprès de ma femme pour souper et, au lit, pensant que je dois aller à Brampton à la prochaine saison du tribunal, la semaine prochaine.


                                                                                                          10 septembre

            Levé de bonne heure et à mon bureau. Réunion toute la matinée. Nous passons un gros marché avec sir William Warren en lui achetant pour 3 000 livres sterling de mâts. Mais Seigneur ! quand je pense à ce que je pourrais faire si j'étais un filou ! Toute l'affaire, du début jusqu'à la fin a été conduite par moi à l'extérieur du bureau, et ils ont donné leur accord après une seule lecture du contrat, sans se soucier le moins du monde ni rien vérifier de la qualité, du prix, de la quantité, ni de la nécessité de la commande, si ce n'est qu'il leur paraît bon d'en avoir en réserve. J'espère avoir fait de tels efforts que ce contrat pour l'achat de mâts est le plus avantageux de tous ceux qui aient jamais été signés dans ce bureau depuis vingt-sept ans.
            Dînai à la maison puis retournai au bureau. Reçus la visite de nombreuses personnes pour affaires, puis fis un petit tour à la Garde-Robe pour le travail, mais ne trouvai point Mr Moore et allai ailleurs. Je le rencontrai sur mon chemin. Il me parle de la bonne paix conclue à Tanger avec les Maures, mais qui doit être renouvelée de six mois en six mois. La construction du môle a commencé et se fera sûrement avec beaucoup de facilité et de succès.
            Nous allons pouvoir disposer d'une certaine quantité de terrain pour notre bétail autour de la ville.
            Demeurai tard à mon bureau puis à la maison, souper et, après avoir écrit des lettres, au lit.
            Aujourd'hui notre cuisinière ( nous n'avons pas de chance avec nos servantes ces temps-ci ) qui semblait avoir l'étoffe d'une bonne servante, quoiqu'elle ne fût point la meilleure des cuisinières, est tombée malade et est partie chez un parent, après n'être restée à mon service que quatre jours.


                                                                                                            11 septembre

            Ce matin, vers deux ou trois heures, j'entendis frapper dans notre arrière-cour. Je me levai et allai à la fenêtre et vis, à la lumière de la ville que c'était le sergent de ville et le guet qui, ayant trouvé la porte de notre jardin ouverte, étaient entrés voir ce qui se passait. Je leur demandai de fermer la porte et leur souhaitai une bonne nuit. A six heures me levai et un moment à ma viole, puis au bureau passai toute la matinée sur les comptes du manutentionnaires des subsistances puis allai avec lui à la taverne du Dauphin où mangeai bien mais ne bus toujours pas de vin, ce qui me maintient en si bonne santé que je suis fort content de moi d'être si sobre. Mr Moore me rejoignit et nous rentrâmes tous deux à la maison et étudiâmes une affaire. Après avoir passé une heure à examiner le montant des dettes de la Marine que l'on vient d'établir, je me rendis en fiacre chez sir Philip Warwick. Mais comme j'appris que sir George Carteret était là, je n'entrai pas et repartis aussitôt vers la maison. Sous une pluie battante, je m'arrêtai d'abord chez Creed et Mrs Harper pour chercher une cuisinière. J'en ai probablement trouvé une qui habite chez Creed. Puis sur mon chemin rendis visite à Mr Crew et sir Thomas, pensant qu'il pourrait s'enquérir auprès de moi en passant, des affaires de milord à Chelsea, mais ils n'en dirent rien et donc, après avoir échangé de menus propos sans importance, je leur souhaitai une bonne nuit.
            Retour à mon bureau et après avoir travaillé un moment, à la maison, souper et, au lit.



                                                                                                                12 septembre 1663
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The Squatters | Museum of Fine Arts, Boston            Levé de bonne heure et en barque à Whitehall et chez sir Philip Warwick avec qui je m'entretins en privé pendant une demi-heure. Je lui fournis des informations très satisfaisantes, comme lui m'en fournit aussi, sur les sommes payées et dues à la Marine. Il m'assure, en me donnant des détails, que sir George Carteret n'a pas reçu plus de 80 000 livres à un farthing près, la somme que nous avons demandée jusqu'à aujourd'hui, ou plutôt jusqu'à la Saint-Michel et qui, j'en suis sûr excède de plus de 50 000 livres nos dépenses réelles, et ceci quel que soit l'usage de cet argent.
            Repartis vers la maison fort content d'avoir ainsi lié connaissance avec lui, un homme digne de considération et un des plus grands administrateurs d'Angleterre. Relation que je vais m'efforcer de mériter et de conserver.
            Retour en barque à mon bureau où passai toute la matinée. A midi à la Bourse où retrouvai mon oncle Thomas. Il a décidé d'aller avec moi à Brampton lundi prochain. J'espère qu'il ne changera pas d'avis. Je ne lui en parle pas, pourtant il croit que le tribunal va siéger et qu'il doit s'occuper de certaines affaires pour nous. Je vois, en fait, que c'est un bien plus fin matois que je ne l'avais cru. Même quand il a bu il garde toute sa tête.
            Je le ramenai à la maison pour dîner. Le repas terminé, après un ou deux verres de vin il commença à censurer sir George Carteret et sa famille à Jersey, me recommandant de me méfier de lui et à le peindre comme un homme arrogant, orgueilleux, fourbe et calculateur, ajoutant qu'il s'était conduit de manière fort vile lorsqu'il était gouverneur de l'île.
            Après le dîner et avoir longuement parlé, il s'en alla, le rendez-vous était fixé à lundi matin. Je me rendis à mon bureau et de là en barque à Whitehall au palais de Westminster pour plusieurs affaires. Retour à la maison et à mon bureau. Écrivis une lettre laborieuse à Mr Coventry à propos des comptes que nous venons de présenter à milord le trésorier général et qui me prit jusqu'à une heure du matin Jour du Seigneur. De sorte que Griffith fut obligé de la porter à Westminster pour qu'elle partît par exprès. Quant à mes autres lettres importantes, à mon père et à d'autres personnes, elles ne purent partir du tout.
            Au lit entre 1 et 2 heures du matin, dormis jusqu'à 8 heures et restai couché fort agréablement jusqu'à 9 heures avec ma femme, ensuite debout et préparai mes effets en prévision du voyage de demain, puis à midi dînai et passai presque tout l'après-midi à m'amuser et deviser avec ma femme à ma grande satisfaction. Ensuite à mon bureau pour mettre des papiers en ordre en prévision de mon départ. Sur ces entrefaites arriva mon oncle Wight pour nous inviter demain à manger pour dîner un cuissot de chevreuil que je leur ai envoyé hier et que j'avais reçu de Mr Povey. Je ne peux pas y aller mais ma femme ira.
            Descendis ensuite au jardin relire mes résolutions, comme chaque semaine, puis à la maison où, pendant le souper, je dis à ma femme, simplement pour lui marquer mon affection :
            " - Eh bien, n'allons-nous donc plus jamais voyager ensemble vous et moi ? "
            Elle me prit au mot et proposa et demanda de m'accompagner. Et moi, pensant que par ce moyen je la mettrais à l'abri des dangers qui la guettent ici, je voulais feindre de ne le point vouloir et, après avoir fait quelques difficultés j'envoyai retenir un cheval et d'autres choses, et je crois donc qu'elle viendra. Après avoir rapidement préparé ses affaires et les miennes, au lit.


                                                                                                              14 septembre

            Levé de bonne heure et ma femme et moi sommes toujours d'avis qu'elle m'accompagne. Elle alla donc se préparer et sortis pour faire de même et rentrai et, après avoir tout mis en ordre à mon bureau et à la maison, nous rendîmes en fiacre à Bishopsgate. La journée promettait d'être fort belle. Au relais du Dauphin nous retrouvâmes mon oncle Thomas avec son gendre, l'air d'un homme très sérieux, et Mr Moore. Mr Moore et ma femme partirent devant et mon oncle et moi attendîmes que son fils Thomas, qui s'est brusquement décidé à nous accompagner, eût fini de se préparer.
            Cela me fait craindre qu'il n'ait l'intention de nous jouer quelque mauvais tour. Comme il tardait beaucoup, le vieil homme et moi partîmes devant et à quelque trois lieues de là son fils nous rattrapa et deux lieues et demie plus loin nous rejoignîmes ma femme et Mr Moore ( ce qui me fait penser qu'en peu de temps on perd bien du terrain quand il faut rattraper un autre voyageur, c'est-à-dire quand on doit parcourir sa propre route et aussi celle de l'autre ). Après avoir mangé un petit morceau à Ware ( c'est moi qui réglai toutes nos dépenses durant tout le voyage ) continuâmes jusqu'à Buntingford où ma femme qui avait bu de la bière froide alors qu'elle avait chaud juste après être descendu de cheval, commença de se sentir mal et devint si pâle, nous étions seuls dans une grande chambre, que je crus qu'elle allait mourir. Saisi d'horreur et ressentant très fort à cette occasion combien je l'aime sincèrement et passionnément, j'appelai les servantes et la femme de l'auberge, et avec un peu d'alcool, et après avoir un peu vomi, elle se remit très bien. Une fois que je l'eus mise au lit, fort content, je fis entrer mes compagnons et nous soupâmes dans la chambre à ses côtés. Nous causâmes fort gaiement et nous quittâmes, et j'allai au lit où elle dormit fort bien.
            Aujourd'hui mon cousin Thomas a fait tomber son coutelas et l'a perdu.


                                                                                                                   15 septembre

            Levés de fort bonne heure et chevauchâmes jusqu'à Godmanchester. Mr Moore tomba deux fois, une fois dans l'eau et une fois dans la boue, mîmes pied à terre, mangeâmes et bûmes. Nous étions tous recrus de fatigue, surtout ma femme et mon oncle. De là à Brampton, chez mon père, où trouvai tout le monde en bonne santé, mais sans la moindre idée des égards avec lesquels ils devraient traiter mon oncle et son fils, à tout le moins jusqu'à la fin de la session de la cour, ce qui me fâcha. Mais sur mes conseils ils se montrèrent civils avec eux. Ensuite mon père, mon cousin Thomas et moi nous rendîmes à Hinchingbrooke. Je trouvai milord et ses gens partis pour Broughton, ce dont je fus contrarié, mais je trouvai là milady et les jeunes demoiselles. Je passai deux heures seul avec milady qui me conduisit dans tous les endroits de sa maison et de son jardin qui sont et seront vraiment splendides. Je vis là Mrs Betty Pickering, dame fort polie et avenante, mais très grosse. Puis, sans même avoir pris le moindre rafraîchissement, retournai à la maison avec mon père et mon cousin Thomas ( ils m'avaient attendu ) et fîmes un bon souper.
            Après m'être entretenu une heure avec mon père dans les champs. Il se mit à me parler d'un ton fort impérieux des promesses que je lui avais faites de lui donner les bénéfices de Stirtloe, comme si ce que je lui donne de ma bourse n'était rien, et il voudrait que je donnasse aussi ceci à mes frères et à ma soeur, je veux dire Brampton et les autres terres, je crois. J'avoue que je fus irrité de l'entendre parler de cette manière et lui répliquai vivement, lui conseillant, s'il ne pouvait vivre avec 50 livres par an, ce qui était un autre point de ses propos, de penser à retourner habiter chez Tom, où 50 livres par an compléteraient avantageusement les revenus de sa profession.
            Je pense que c'est cela qu'il faudra faire une fois toutes les affaires réglées. Mais mon père ne m'en parla plus de tout le temps que je demeurai à la campagne, quoique sur le moment l'idée ne semblât pas lui déplaire. Je parlai aussi à Pigott, ce soir avant de rentrer pour souper et je crains de rencontrer des difficultés dans mon affaire demain avant de pouvoir la présenter devant le tribunal, mais je ferai de mon mieux.
            Après souper, mon oncle et son fils allèrent dormir chez Stankes, ce dont je suis fâché, car tous les lits de mon père ont été prêtés à Hinchingbrooke. Ensuite, ma femme fort lasse et moi au lit.


                                                                                 à suivre...............

                                                                                                             16 septembre 1663

            Levé de.................