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dimanche 26 juin 2022

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 156 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

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                                                                    1666
                                                                

                                                                                                                   1er Janvier1666 
                                                                                                            Jour de l'An 
            Réveillé à 5 heures, à ma requête, par Mr Tooker. Il prit note, sous ma dictée, de mon travail sur les commissaires de marine. Et ce sans manger ni boire jusqu'à 3 heures de l'après-midi où, à ma grande satisfaction, j'eus terminé. Puis dîner, Gibson, lui et moi, puis copie, Mr Gibson lisant tandis que j'écrivais. Avançâmes grandement notre tâche, jusqu'à ce que nous fussions interrompus par l'arrivée de sir William Warren, de qui j'avais toujours quelque chose à apprendre, son propos étant de fort bonne qualité tout comme son cerveau. A son départ retour à notre travail et copie d'une nouvelle partie. Puis, au lit, à heure tardive.


                                                                                                                            2 janvier

            Lever derechef à la lueur de la chandelle. Copie de la plus grande partie de mon travail, puis allé au bureau, puis retour chez moi pour le dîner, ensuite travail et fin de ma copie. Cela étant achevé, je fais enregistrer les minutes par mes commis tandis que je me rends chez milord Brouncker, où je trouve sir John Mennes et tous ses gens ainsi que Mr Boreman et Mrs Turner. Mais surtout ma chère Mrs Knepp avec qui je chantai. Plaisir parfait que de l'ouïr chanter, en particulier sa petite chanson écossaise de Barbara Allen. Et pour parachever notre gaieté voilà sir John Mennes plus gai que jamais ne le vis, avec ses imitations. C'est le meilleur mime que j'aie jamais vu, il eût à coup sûr fait un excellent acteur et serait désormais un excellent maître dramatique. La nuit tombée pris congé. Mais, avant de regagner mon bureau, ayant grande envie de la revoir, m'en retournai et les rencontrai rentrant chez eux en voiture. Je montai dans la voiture où se trouvait Mrs Knepp et la pris sur mes genoux, la voiture étant pleine, lui caressai les seins et chantai. Pour finir, la déposai chez elle et lui souhaitai bonne nuit.
            Retour à mon appartement où je tentai de terminer l'examen de mon mémoire sur les commissaires de marine, afin de l'expédier dès ce soir. Mais j'avais tant sommeil, à force de m'être levé tôt et couché tard ces derniers temps, que je n'y parvins point, mais fus forcé d'allerau lit et de le laisser, à charge pour moi de l'expédier par exprès.


                                                                                                                                 3 janvier

            Lever. Toute la matinée et jusqu'à 3 heures de l'après-midi examen et mise au point de mon mémoire sur les commissaires, puis expédition par express. Arrivée de ma femme. Je la chargeai de préparer le souper avant que je n'allasse chez le duc d'Albemarle, puis retour. Mais chez le duc c'est avec grande joie que j'appris la bonne nouvelle, le nombre des victimes de la peste était tombé cette semaine à 70 pour un total de 253, ce qui représente la plus faible mortalité de ces vingt dernières années dans la Cité, bien que ce doive être la dépopulation de Londres qui explique une baisse au-dessous des nombres habituels.
            Rentré chez moi je trouve tous les bons amis que j'avais mandés, comme Coleman, sa femme et Laenare, Knepp et son bougon de mari. Belle musique, entre autres Mrs Coleman chanta la partie de 
" Beauté éloignez-vous " que j'avais mise en musique. Je pense que c'est un beau chant et ils le louent fort. Puis danse et souper, et force gaieté jusqu'à l'arrivée de Mr Rolt qu'un mal de dents rendait d'un commerce peu agréable et qui gâcha notre joie d'être ensemble. Puis il partit et, alors, ma femme commença à avoir mal aux dents et alla au lit. Il fallut alors se séparer sur une belle chanson et, au lit.


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            Levé, au bureau. Milord Brouncker et moi-même, contre sir William Batten, sir John Mennes et toutes personnes présentes autour de la table, soutînmes sir William Warren dans l'affaire des mâts pour laquelle il avait contracté. Eûmes raison d'eux et les menâmes où je l'entendais. De fait, milord se souciait peu de ce que j'avais en tête. Retour chez moi pour le dîner, vis Mr Sheldon invité à venir de Woolwich. Fus aussi gai qu'il m'était possible, assailli que j'étais de mes pensées, tandis que ma femme souffrait encore des dents. Il prit bientôt congé et ramena chez lui sa nièce, Mrs Barbary et semble m'être très reconnaissant des 10 £ que je lui donnai pour la location de sa maison pour ma femme. J'ai la certitude d'être son obligé, car ce me fut une grande commodité. Puis ma femme va chez elle à Londres, par le fleuve. Vais au bureau jusqu'à 8 heures du soir, puis chez milord Brouncker pensant m'y divertir, car j'avais derechef rendez-vous avec sir John Mennes et ses gens, et avec Mrs Knepp. Mais, en raison de je ne sais quel empêchement, personne ne vint, ce dont je fus chagrin, car j'étais ainsi privé des réjouissance dont j'avais espéré me rassasier. Nonobstant, agréable conversation avec milord, amusé d'entendre Mrs Williams discourir sur l'absence de sir John Mennes et de Mrs Turner. Retour chez moi puis, au lit.


                                                                                                                              5 janvier 1666

            Avec milord Brouncker et Mrs Williams, dans un carrosse à quatre chevaux, allé à Londres à la maison de milord, à Covent Garden. Grands Dieux ! quel ébahissement de la foule devant le carrosse d'un noble  venu en ville, et portiers en tous lieux de s'incliner, et mendiants de mendier à qui mieux mieux. Il est délicieux de revoir la ville ainsi, pleine de monde et des magasins commençant à ouvrir, bien qu'en maint endroit on en voie sept ou huit à la suite, voir plus, qui restent fermés. Pourtant, la ville est pleine en comparaison de ce qu'elle étai naguère, je veux parler du côté de la Cité, car Covent Garden et Westminster sont encore très vides, ni la Cour, ni la gentry ne s'y trouvant. 
            Une fois Mrs Williams laissée chez milord, allons, lui et moi, trouver sir George Carteret en ses appartements de Whitehall, venu en ville hier soir pour passer une journée. Parlons abondamment du texte de loi et du crédit qu'il nous procure, mais point d'échanges personnels entre nous.
            Puis me rendis à la Bourse, rencontrai Mr Povey récemment revenu en ville et allâmes tous deux chez sir George Smith où nous dînâmes de noble façon. Il me dit que milord Belasyse se plaint de manquer d'argent, et du rôle que Povey et moi jouerions dans cette affaire. Mais peu me chaut car je sais que je fais tout ce qui peut être fait. Nous n'eûmes point le temps d'aborder les détails laissant cela pour un autre jour..
            Me dirigeai vers Cornhill pour attendre le retour de milord Brouncker. Attendis chez mon papetier. Arrivée de milord qui me prit avec lui, puis à Greenwich. Je demeurai un temps avec eux, et retour à la maison, pensant voir Mrs Knepp, mais impossible, elle était en compagnie, mais m'avait envoyé une lettre plaisante signée Barbara Allen. Allai donc chez Mr Boreman pour passer le temps, restai une heure ou deux, devisant et lisant un traité sur la Tamise et les raisons pour lesquelles elle est obstruée en plusieurs endroits par des bancs de sable. Il est clair que cela s'explique comme suit : on a empiété sur le fleuve et des chaussées y pénètrent à chaque appontement. Ce n'était pas le cas lorsqu'on construisit le Palais de Justice de Westminster, et Whitehall ainsi que l'église de Redriff qui, désormais, sont parfois inondés. Je pris grand plaisir à cela. 
            Retour à la maison et à mes papiers, faute de compagnie. Mais peu après voici venir la petite Mrs Tooker qui s'assit et soupa avec moi. Je la retins très tard, lui parlant et lui donnant mes cheveux à peigner. Fis avec elle ce que j'avais en tête et tena grande plaisir con ella, tocando sa cosa con mi cosa, et hazendo la cosa par cette moyen et, au lit, tard.


                                                                                                                         6 Janvier

            Levé de bonne heure. Allai par le fleuve au théâtre du Cockpit. Rencontrai sir George Carteret. Nous nous entretînmes avec le Duc. Vîmes une lettre où sir William Coventry informait le Duc et louait mon mémoire sur les commissaires de marine. Me promenai dans le parc avec le vice-chambellan, entendis son avis sur mon attitude quant à l'avance de crédit consentie au titre du texte de loi. Il m'engagea à veiller à ce que nous n'égarions point le roi en faisant croire à ses gens qu'il sortirait de tout cela de plus grandes choses que ce ne serait le cas. Mais je vois bien qu'il est mû par l'affliction de voir le succès de ce texte de loi, d'entendre mon nom si souvent prononcé et de ce que mes lettres, montrées à la Cour, attestent que des marchandises nous sont fournies grâce au crédit que nous vaut ce texte. Mais je lui fais croire que j'agis en cette affaire avec le plus grand respect pour sa personne et même en son nom, ce qui est vrai, ainsi qu'en mon nom propre, afin que l'on ne puisse dire que lui ou moi ne prêtons pas notre concours.
            Il me dit que milord Sandwich s'embarque en ayant reçu du roi et du chancelier les plus grandes marques de bonté, nouvelle qui m'emplit de joie.
            Allai à Greenwich par le fleuve, avec milord Brouncker, pour participer à un grand dîner. Beaucoup de monde, Mr Cottle, sa femme et d'autres. Espérai faire venir à nous Mrs Knepp, lui ayant écrit ce matin une lettre où je me désignais sous le nom de Richard le pimpant, en réponse à la sienne. Mais impossible, le porteur de ma lettre me dit qu'il l'avait trouvée en larmes, et je crains qu'elle n'ait une triste vie avec son mari, ce personnage acariâtre.
            Grand dîner donc, mais mélancolique en ce qui me concerne, puisqu'elle n'était point là comme je l'espérais. Après le dîner, jeu de cartes. Suis alors averti que ma femme est inopinément venue me voir en ville. Je vais la retrouver. Il s'agit pour elle de voir ce que je fais et pourquoi je ne viens pas à la maison. Et elle pense, à juste titre, que je souhaitais profiter un peu de la présence de Mrs Knepp avant de m'en aller. Ma femme va à Woolwich pour prendre mes affaires, et moi, retour aux cartes. Après les cartes, tirons les rois. Bon gâteau, mais on ne trouve point de marque. Moi je trouvai, privément, le clou de girofle, marque du valet, et le mis subrepticement dans le morceau de gâteau du capitaine Cocke, ce qui n'alla point sans quelque gaieté, car on a prononcé récemment son nom à propos de l'achat de clous de girofle et de macis, provenant de navires capturés à leur retour des Indes orientales.
            Le soir rentré à mon appartement où je trouve ma femme de retour avec mes affaires, ainsi que le capitaine Ferrer venu pour le compte de milord, afin de faire embarquer des marchandises lui appartenant en prévision de son départ pour l'Espagne. Ferrer ne doute pas que je lui trouve un lit, mais j'eusse aimé qu'il attendît mon invitation. Je l'avais fait plusieurs fois auparavant, durant la peste, comme il ne pouvait trouver de logement sûr ailleurs. Mais comme c'était la Nuit des Rois, ils avaient amené le joueur de violon, et ils s'en donnaient à cœur joie. De fait je ne les rejoignis point, mais lorsque j'eus terminé de travailler à mes papiers, allai au lit, les laissant danser et tirer les rois.


                                                                                                                             7 janvier
 lepoint.fr                                                                                                   Jour du Seigneur
            Levé puis, m'étant rasé, je fus invité par le capitaine Cocke, aussi laissai-je ma femme ayant envie de m'entretenir avec lui  et dînai avec lui. Il me fait part de nouvelles difficultés concernant ses marchandises, ce qui me soucie, je crains qu'elles ne soient grandes. Il me fait aussi part, j'en entends parler partout, des bruits courant en ville quant au remplacement par milord Craven de sir George Carteret. Mais, à coup sûr cela ne peut être vrai. J'ai, pourtant, bien peur que ces deux familles, la sienne et celle de milord Sandwich, ne soient tout à fait ruinées et qu'il me faille maintenant ne compter que sur moi-même.
            A mon appartement, empêché par la compagnie de travailler à mes papiers, je résolus de m'en aller aujourd'hui, plutôt que de rester pour rien jusqu'à demain. Emballai alors toutes mes affaires et passai une demi-heure avec Will Howe à examiner ses comptes relatifs aux imprévus et les comptes de milord, puis pris congé de ma propriétaire et de ses filles, ayant cher payé le temps passé chez elles. Comme j'y suis resté au calme et en bonne santé, j'en suis, nonobstant, fort satisfait. Puis, avec ma femme et Mrs Mercer prîmes un bateau et partîmes pour notre maison.
            Mais le soir, avant mon départ, voici venir Mrs Knepp. Elle veut seulement me parler privément, me demander de l'excuser de n'être pas venue hier, se plaignant de ce que son mari lui mène une vie infernale, mais elle sera des nôtres en ville dans une semaine. Je l'embrassai et nous nous séparâmes.
            De retour chez nous ma femme et moi inspectons notre maison et envisageons de débourser un peu d'argent pour tendre notre chambre à coucher de meilleure façon et, décision prise, d'aller demain acheter quelque chose à cet effet. Après le souper, alors que j'ai le cœur rempli de joie d'être de retour ici, au lit.


                                                                                                                              8 janvier

            Levé. Ma femme et moi allons chez Bennet, dans Paternoster Row où il n'y a encore que peu de boutiques ouvertes, achetai du velours pour faire un habit et du camelot pour me faire un manteau, puis ailleurs examiner de délicats damas caffarts destinés à garnir le cabinet de femme, et fixâmes notre choix. Retour à la maison, en voiture avec, pour moi, une visite à la Bourse. A la maison pour le dîner. Tout l'après-midi je m'occupe de mes papiers et de mon travail pour demain, puis après le souper, considérant l'inutilité de dépenser autant d'argent pour le cabinet de ma femme, alors que la chambre à coucher suffirait, au lit.


                                                                                                                            9 janvier

            Levé, puis au bureau où nous nous réunissions pour la première fois depuis la peste. Dieu fasse que nous y demeurions ! A midi rentré dîner avec mon oncle Thomas. Surviennent Pearse, récemment arrivé d'Oxford, et Ferrer. Après le dîner, avec Pearse, à mon cabinet de travail. Il me fait part d'un sérieux différend entre le Duc et la Duchesse, celui-ci soupçonnant celle-ci d'inconduite avec Mr Sydney, au reste l'affaire est réglée par je ne sais quel moyen, mais Sydney a été banni de la Cour et plusieurs jours durant le Duc n'a point adressé la parole à la Duchesse. Il me dit que milord Sandwich n'est plus rien, là-bas, à la Cour, encore que le roi le distingue particulièrement de son amitié. Mais partout on tient sur lui des propos blessants. C'est pour moi un bien triste récit, mais j'espère que sa fortune s'améliorera. 
            Il me dit aussi que l'on néglige sir George Carteret, qui a de grands ennemis œuvrant à sa perte. Qu'à coup sûr les choses iront mal aussi longtemps que toute la ville d'Oxford et tous les jeunes gens qu'on voit dans la rue crieront ouvertement que le roi ne s'en ira qu'une fois milady Castlemaine prête à le suivre, car elle vient d'accoucher ( 5è enfant avec le roi et futur duc de Northumberland ), et qu'il lui rend visite tous les matins, ainsi qu'à Mrs Stuart, avant que de déjeuner. 
            Toutes ces choses mises bout à bout m'attristent fort. En dépit de tout cela j'espère quand même tirer mon épingle du jeu de la belle façon parmi ces gens, si je ne me mêle d'aucune de leurs affaires. 
            Après son départ et celui de Ferrer, je payai à mon oncle Thomas l'argent du dernier terme. Puis arrive Mr Gauden. A l'étage nous parlâmes tous les deux un bon moment de ses affaires et, à ma grande joie, je lui fis déclarer que des 500 £ qu'il me donna l'autre jour, rien ne concerne ma charge de trésorier de Tanger. J'avais commencé de lui parler de l'arrangement entre Povey et moi, lui disant que Povey devait recevoir la moitié de ce que je touchais au titre de cette charge. Gauden me dit aussi qu'il me
gratifiera de 2 % à ce titre la prochaine fois qu'il recevra de l'argent, de sorte que me sont dues 80 £ de plus que je ne pensais.
            Après son départ allai le cœur joyeux au bureau pour faire mon courrier, puis retour à la maison, souper et, au lit.. 
            Ma femme ne pense qu'au travail qu'elle a fourni aujourd'hui pour la décoration de sa chambre à coucher.


                                                                                                                            10 Janvier 1665

            Levé. En voiture chez sir George Downing. Rencontrai, comme convenu, Mr Gauden afin de parler du texte de loi. De fait, je découvre en sir George un bien grand hâbleur et qui ne s'en tient guère à la vérité. Je le sais désormais, et déjà le soupçonnais. Mais, en dépit de tout cela, j'ai de bonnes raisons de penser que l'affaire va réussir quant aux provisions et aussi, le moment venu, quant à l'argent.
            Ayant terminé avec lui allai chez milord Brouncker à Covent Garden. Outre d'autres questions il s'agissait de l'informer de mon mémoire traitant des commissaires de marine. Le lui lus, eus son plein assentiment. Lui montrai l'avis de Mr Coventry sur cette affaire qu'il m'avait adressé par la dernière poste, à ma grande satisfaction. De là à la Bourse pour apprendre, à notre grande affliction, que le nombre des victimes de la peste est passé cette semaine de 70 à 89. Grand souci également quant à notre flotte de Hambourg. Nous craignons qu'elle ne rencontre les Hollandais. Selon certaines informations la flotte de sir Jeremy Smith a été dispersée par la tempête et trois bâtiments sont rentrés démâtés à Plymouth. Voilà derechef une très très considérable déception, car si les navires d'avitaillement sont perdus, il y a risque que la garnison de Tanger ne tombe.
            Retour à la maison. En chemin eus l'occasion, attendue, de voir et de saluer Mrs Stokes, ma petite épouse d'orfèvre de Paternoster Row. Passai quelque commande, un chauffe-plat en argent, et retour à la maison pour le dîner. Trouvai ma femme, en compagnie du tapissier, s'occupant à poser des tentures dans sa chambre. Puis bureau et peu après chez le duc d'Albemarle, en voiture, de nuit, ayant pris avec moi, pour gagner du temps, sir William Warren. Parlâmes de notre travail tout au long de notre trajet, à l'aller comme au retour. Consultai le duc au sujet de mon mémoire au Conseil à propos . des commissaires. Lui laissai le temps de se pénétrer de cette question avant de le lire, car jamais, j'en suis sûr, il ne le comprendra.                                                                                       lesyeuxsurtout.canalblog.com     
            Chez le duc vis l'aimable lettre que lui adressa sir William Coventry au sujet de mon mémoire. Et parmi d'autres lettres lui étant destinées. Je les vois toutes, et il est étrange que quoi que l'on écrive à ce duc d'Albemarle, cela puisse être vu de tous. Ainsi ce soir-même il me fit lire une lettre de Mr Coventry dès qu'elle lui fut parvenue, avant de l'avoir lue lui-même, et me pria d'en extraire tout ce qui touchait la marine. Il me semble qu'il y avait beaucoup de choses dans cette lettre, qu'il n'était point opportun qu'il montrât si inopinément cette lettre à qui que ce fût. Mais je pus constater, entre autres, que l'auteur se proclamait devant le duc partisan d'un complément d'enquête dans l'affaire des prises de guerre, et qu'il recommandait que cette enquête, fût publique, afin de rendre justice au roi, de satisfaire l'opinion et d'incriminer qui de droit, ce qui revient à atteindre très sévèrement milord Sandwich. Et le duc de me forcer à lire cette lettre. Bien plus j'eus le désagrément d'entendre cette satanée duchesse redire publiquement à une vingtaine de messieurs présents qu'elle souhaitait que l'on renvoyât Montagu encore une fois en mer avant qu'il ne partît pour son ambassade, ainsi pourrions-nous voir si sa lâcheté s'était amendée. Et elle réitéra la réponse qu'elle avait faite l'autre jour, en ma présence, à sir George Downing, regrettant que milord son époux ne fût point lâche, auquel cas il eût peut-être été fait ambassadeur, au lieu d'être maintenant envoyé en mer. Du moins dit-elle quelque chose de sensé. Elle protesta avec véhémence contre le recrutement de capitaines bien nés, couverts de plumes et de rubans et elle souhaita que le roi envoya son mari en mer avec les bons vieux capitaines d'autrefois, ces hommes ordinaires en compagnie de qui il avait jadis servi et dont les navires étaient inondés de sang, bien qu'ils n'eussent point la jambe aussi bien tournée que ceux d'aujourd'hui.
            Je fus consterné de voir avec quelle légèreté le Duc agit en toutes choses, et comment le roi et tout un chacun acquiescent à quelque décision qu'il prenne à propos de la marine, si déraisonnable soit-elle, comme par exemple dans l'affaire de l'annulation des billets de solde des matelots, qui se fera quels que soient les arguments contraires. Retour à mon bureau, travail, puis coucher.


                                                                                                                            11 janvier

            Levé puis allé au bureau. Peu après visite à l'hôtel des douanes et aux fermiers des Douanes porteurs d'une lettre de sir George Carteret d'une valeur de 3 000 £, somme qu'ils donnèrent l'ordre de me payer. Retour au bureau. A midi dîner chez sir William Penn qui nous avait tous invités, rencontrâmes maintes autres gens, entre autres le lieutenant de la Tour et son poète Brone, le docteur Whistler et son beau-fils Lowther, soupirant de Mrs Margaret Penn, et sir Edward Spragge, homme d'humeur joviale qui chanta joliment un chant non moins joli. Quittai la table avant que nous ne fussions à la moitié du dîner et, avec Mr Mountney qui appartient à l'hôtel des douanes, allai au bureau de la Cie des Indes orientales, lui remis des tailles à concurrence de 3 000 £ et reçus un billet pour la valeur de cette somme à tirer sur sir Robert Vyner, ce qui mit un terme à l'affaire.
            Retour auprès de mes commensaux, restai un moment et départ en compagnie de lord Brouncker, pour le plaisir de converser avec lui. Allâmes tous les deux à Gresham College où nous devions voir Mr Hooke et une voiture nouvellement inventée par le Dr Wilkins, mais trouvâmes porte close Accueil fort affable et rencontre du Dr Merrett. Pour ma plus grande joie conversation de haute tenue parmi ces gens si raisonnables et si ingénieux. Wilkins s'emploie à achever un traité sur son projet d'écriture universelle. Retour au bureau pour mon courrier, puis à la maison, souper et, au lit.


                                                                                                                                                                                                                                                                   12 janvier
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            En voiture chez le duc d'Albemarle, avec seul William Batten. Ai le cœur serré de voit comment ici on fait aller les choses, sans réflexion ni jugement. Retour en voiture, visite à Wotton, mon bottier, depuis peu revenu en ville. Passai commande de chaussures, le chargeai aussi de me trouver un tailleur qui me fît quelques vêtements, le mien n'étant point encore en ville, non plus que Mr Pym tailleur de milord Sandwich. Aussi m'indiqua-t-il un certain Mr Penny, homme fort élégant, en face de l'église St Dunstan.
            A la Bourse, rencontrai Mr Moore, nouvellement arrivé en ville, et l'emmenai avec moi dîner à la maison, et bavarder ensuite. Sommes tous les deux bien d'accord que le cas de milord est fort sérieux et peut le devenir plus encore s'il n'obtient pas de lettres de pardon à propos de son attitude concernant les prises de guerre, à l'affaire de Bergen ainsi qu'à d'autres accomplies en mer avant son départ pour l'Espagne. Je mets en oeuvre toute l'adresse dont je suis capable pour obtenir de lui qu'il amène milord à payer mon cousin Pepys, car ce m'est à l'esprit un lourd fardeau que d'être caution de milord auprès de lui pour 1 000 £.
            Notre conversation achevée et lui ayant donné pour instruction d'aller voir milord demain en toute hâte, lui conseillant de ma part que ses lettres de pardon fussent prêtes avant son départ, à cause de ce que je vis l'autre soir dans les lettres de sir William Coventry. Allai au bureau où je participai à une réunion extraordinaire avec sir John Mennes et d'autres. Il s'agissait de leur donner lecture de mon mémoire traitant des commissaires de marine. Tous l'écoutèrent avec force bonne volonté et force approbation de ma méthode et de mes efforts en toutes choses. Seul sir William Penn qui, ne peut s'empêcher de tout blâmes sans remédier à rien, ne manqua pas de blâmer ma proposition, pour des raisons que je ne pus entendre, non plus que milord Brouncker. Mais, en vérité, il décela bien une ou deux erreurs que j'avais commises dans mon rapport sur les défauts de l'organisation actuelle des commissaires : il est vrai que je les avais grossis sur un ou deux petits points.. M'est avis qu'il ne me blâma pas là-dessus sans raison. Pour finir, il déclara en termes fort civils que c'était ce qu'il avait entendu de mieux dans le genre. Mais lorsque sir William Batten dit :
            " - Nous qui connaissons le côté pratique du ravitaillement, réunissons-nous et voyons ce qu'il est loisible de faire pour réparer tout cela. 
            Bien loin de s'associer à cette proposition, ou de la soutenir il déclina disant qu'il lui fallait quitter la ville. Il agit ainsi que je l'avais toujours vu faire, n'essayant pas une seule fois de réparer quoi que ce fût, mais laissant toutes choses en l'état, si mauvais fût-il, plutôt que de faire bon usage de son expérience et d'en faire profiter le roi.
            Nous nous séparâmes. Cependant ils me promirent de se réunir afin, si possible, de présenter sur ce sujet le fruit de leurs réflexions. Nous nous levons alors, milord Brouncker et moi faisons quelque trajet ensemble en voiture. Je fais route avec lui pour le plaisir de la conversation, jusqu'au moment où notre voiture versa, me faisant culbuter par-dessus lui et choir de l'autre côté, tandis que le voiture se couchait au milieu du marché du Pilori. Mais nous nous relevâmes, et pensant qu'il siérait à mon honneur que quelques remarques fussent consignées par écrit à l'intention du Duc touchant mes efforts en cette affaire, afin que l'on ne pensât point que la chose eût été écartée comme futile, j'en fis la proposition à milord qui y pourvoira demain. Puis nous nous séparâmes. Allai au bureau puis rentrai chez moi auprès de ma pauvre femme qui travaille toute la journée comme un bœuf à la fabrication de ses tentures, pour notre chambre et pour le lit. Puis souper et, au lit.


                                                                                                                                 13 janvier

            Au bureau toute la matinée. Mr Brouncker proposa qu'un texte fût écrit relatif à mon affaire, comme j'avais souhaité qu'il le fît hier soir. Des ordres furent donnés à cet effet, et ce sera chose faite lors de la prochaine réunion.
     
      Départ avec Sa Seigneurie, allons dîner chez Mrs Williams à Covent Garden, ma première visite en ce lieu. Rencontre du capitaine Cocke. Belle gaieté, encore qu'imparfaite, tant on craint de nouveau cette semaine une augmentation du nombre de victimes de la peste. Derechef milord Brouncker nous dit qu'il tient de sir John Baber, parent de milord Craven, que milord convoite la place de sir George Carteret et estime avoir toutes les chances de l'obtenir. Après le dîner Cocke allons à la Bourse en voiture, devisant en chemin de nos affaires, et de conclure que tout peut s'effondrer tant que nous seront gouvernés d'aussi piètre façon que cela semble être le cas, et qu'il ne messiérait point que lui, moi et tout le monde, nous missions nos comptes au net dès qu'il sera possible, dans l'attente d'une déconfiture générale. De plus, s'il nous faut faire face à la peste cette année encore, Dieu sait ce qu'il adviendra de nous. 
            Je le dépose à la Bourse et je rentre au bureau où je reste tard à écrire des lettres et à travailler. Puis à la maison, souper et, au lit, en proie à mille soucis, mais content de ce que ma femme s'acquitte si bien de son travail et s'active dans sa maison. Et, avec l'aide de Dieu, si je parviens à me dégager de la caution qui me lie à milord Sandwich et qui engage ma responsabilités pour les 1 000 livres qu'il doit à Thomas Pepys, j'ai bon espoir de me tirer d'affaire, quoi qu'il arrive.


                                                                                                                             14 janvier 1666
                                                                                                               Jour du Seigneur
                                                                                                                         voyage.gentside.com  
          Grasse matinée jusqu'au moment où je suis tiré du lit par mon tailleur, Mr Penny. Il m'apporte mon nouvel habit de velours, très élégant, mais simple, et demain il m'apportera mon manteau de camelot. Après son départ, je m'absorbe dans mes papiers pour tout mettre en ordre et pour être fidèle à mon vœu, qui est d'en terminer avec mon journal et d'autres tâches avant d'embrasser derechef une femme, ou de boire du vin. Or j'y serai forcé demain si je vais à Greenwich, puisque je suis invité par Mr Boreman à entendre chanter Mrs Knepp. Et j'ai envie d'y aller afin de nous égayer. A midi je mange le second des deux jeunes cygnes que Mr Shipley nous a envoyés comme cadeau de nouvel an, et je rejoins bientôt mon cabinet et je travaille toute la journée à mes comptes de Tanger, que je vais refaire, ainsi qu'à une lettre à mon père au sujet de Pall qu'il est temps désormais, me semble-t-il, de songer à établir, pour autant que Dieu tout-puissant me laisse quelque chose à donner avec sa personne, et dans ma lettre à mon père j'offre de lui donner 450 £ qui, ajoutées aux 50 £ données par mon oncle, en feront 500. Dans cette lettre je propose de lui donner pour époux Mr Harman, le tapissier, que j'aime fort, tout comme j'ai aimé auparavant sa précédente femme. C'est un homme civil et qui agit avec prudence. Me plaisent aussi son métier et l'endroit où il vit, Cornhill. Je travaille donc fort tard, puis souper et, au lit.
            < Cet après-midi, après le sermon, survient ma chère et aimable beauté de la Bourse, Mrs Batelier, amenée par sa sœur amie de Mrs Mercer, pour voir ma femme. Il y a longtemps que je n'avais pas salué quelqu'un avec autant de plaisir. Nous restâmes assis à causer une heure durant, et j'en éprouvai infiniment de plaisir. Puis la belle s'en fut. Il m'apparaît que c'est l'une des femmes les plus modestes et les plus jolies que j'aie jamais rencontrées. Ma femme en juge pareillement.


                                                                                                                           15 janvier 1666

            Affairé toute la matinée dans mon cabinet de travail. Je porte mon vieux costume de drap, celui que je porte d'ordinaire ayant été donné à mon tailleur pour réparations. On me le rendit à midi. Je reçus aussi la réponse à une lettre que j'avais envoyée ce matin à Mrs Pearse, lui demandant de nous accompagner ce soir, ma femme et moi, à Greenwich où nous étions invités chez Mr Boreman, à nous égayer, à danser et à chanter avec Mrs Knetpp. Après m'être habillé et avoir dîné je montai en voiture pour aller voir Mrs Pearse en sa nouvelle maison de Covent Garden, bel endroit et très belle maison. La ramenai chez moi puis, par le fleuve, chez Boreman. 
            Là ce fut la plus grande déception de ma vie. Nombreuse compagnie, un bon souper avait été préparé, tout le monde était venu s'attendant à trouver une extrême gaieté. Pourtant, c'était le vide, du fait du caprice de Mrs Knepp que l'on ne parvint point à faire venir, encore qu'elle eût choisi elle-même la date de ce soir, il n'est pas jusqu'à son mari qui ne fût dans l'impossibilité de la faire venir. Mais, et ceci m'amusa dans ma colère, lorsque je lui demandai, alors que nous attendions, quelle réponse nous rapporterait l'un de nos nombreux messages, s'il pensait qu'elle viendrait ou non, il répondit que, pour sa part, il était hors d'état de penser quoi  que ce fût.
            Bientôt nous passâmes tous à ce souper que le stupide amphitryon avait commandé. Mais entre la mauvaise humeur qui était mienne et la méchante qualité des mets apprêtés, jamais de ma vie je ne fis pire souper.
            Très tard, le souper achevé, elle finit par venir, en déshabillé, mais je ne ressentis pas la moindre gaieté. Lorsque tout fut terminé, sans que l'on eût chanté, ou si peu, je me contentai d'aller dormir avec Pearse, et nous nous gaussâmes fort tous les deux de voir à quel point les draps qu'on nous avait donnés pour nous couvrir étaient petits et fins, si bien que nous fûmes contraints de nous coucher avec nos bas et nos caleçons, et d'étendre tous nos habits et vêtements sur le lit. Puis nous nous endormîmes.


                                                          à suivre..............

                                                                                                                    16 Janvier 1666

            Levé et laissant.........