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vendredi 10 juin 2016

Correspondance Proust Lucien Daudet 2 ( Lettres France )

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            Mon cher petit,
            Je vous avais dit de ne pas vous fatiguer à me répondre. Et voici une nouvelle et adorable lettre. Quant à ma reconnaissance de la 1è, je pense que votre étonnement est de pur " style ". Car je vous l'ai bien insuffisamment exprimé, je dis insuffisamment non seulement auprès de ce que je dois mais de ce que je sens. Je vous remercie pour les noms de fleurs, mais les " pensées " ( que j'adore et sur qui j'ai écrit beaucoup de choses ) ne sont guère mon affaire parce que ce sont des fleurs plates, larges et sans parfum, il me faut quelque chose qui ressemble plus à la verveine. Peut-être je m'arrêterai, faute de mieux, aux jacinthes qui ne ressemblent en rien aux verveines, mais enfin ne sont pas larges et plates. Mais il me semble que ce n'est guère une fleur de plate-bande. Mimulus est ravissant mais trop latin et ayant besoin d'explications ( à moins que cela n'ait un nom " vulgaire " ) mais ne me répondez pas pour tout cela. Naturellement si Cocteau est auprès de vous vous pouvez parfaitement lui dire que vous avez mes épreuves, mais ne me jugez pas sur elles. Non seulement l'ouvrage est impossible à prévoir par ce seul premier volume qui ne prend son sens que par les autres, mais encore les épreuves ne sont pas corrigées, elles fourmillent de fautes, et encore il manque surtout dans la seconde partie des petits faits très importants qui resserrent autour du pauvre Swann les noeuds de la jalousie. Et même quand ce sera prêt à paraître, ce sera comme des morceaux dont on ne sait qu'ils sont des leitmotives quand on les a entendus isolément au Concert dans une Ouverture sans compter tout ce qui se situera après coup ( ainsi " la Dame en rose " était Odette, etc.)
Afficher l'image d'origine          Mon cher petit, dites à Cocteau combien j'ai été et suis malade pour qu'il m'excuse d'être si en retard avec lui, mais je ne puis vous dire ce qu'une lettre me fatigue et c'est même pour cela que je vous ai écrit si longuement, parce que en ce moment je sens que je ne peux pas donner plus que mes forces si comptées et si défaillantes.
            Pour l'article tout ce que vous me dites est parfait, je voudrais seulement qu'il n'y ait pas de malentendu entre nous sur ce point. Vous me dites : " ...à moins qu'au Figaro quelqu'un de plus autorisé, etc... " Mon cher petit, littérairement ( je veux dire dans l'ordre réel de talent ) personne ne peut être plus autorisé que vous à mes yeux, et à tous les yeux, fort rares, qui savent voir. Si donc vous croyez que je peux souhaiter quelqu'un de plus autorisé, c'est que vous avez pris trop à la lettre ce que j'ai dit de mon plaisir d'amour-propre, etc. Je l'ai dit pour " ne pas me faire plus désintéressé " que je ne suis. Mais je vous assure que je le suis cependant plus que vous ne croyez. Vous pourriez demander à de nombreux Y. comment j'ai répondu à leurs gentilles offres d'articles. Il est vrai que je tiens plus à ce livre-ci. ( Je suis trop fatigué pour développer l'élucidation inutile d'un malentendu qui n'existe pas, ne me répondez pas sur tout cela ). Je ne doute pas que Calmette prendra tout cela avec joie. Le précédent du Roi du Portugal et du Prince Impérial n'est pas convaincant car le cas actuel est comme dit La Fontaine " tiré d'animaux plus petits ". Mais votre signature suffit. Seulement si vous ne répugnez pas à mon idée de me le confier ( sous pli cacheté car je ne veux pas le lire, sans cela je ne pourrais pas décemment le mettre en circulation ), j'aimerais mieux que Reynaldo ou mon éditeur Grasset essayassent du Journal ou du Temps, lus par une clientèle un peu moins exclusivement
" Madame *** " et " M/ *** " que le Figaro. Quant au Figaro, j'en serais ravi aussi et de même que l'Intransigeant. Mais là, comme je suis ami de Bailby, peut-être vaut-il mieux le laisser à son inspiration s'il désire en parler. De plus, comme j'y ai parlé de vous, cela n'aurait-il pas plus l'air d'un
" échange de bons procédés " qu'ailleurs. Mais ce serait parfait aussi... Mais surtout si à ce moment-là vous êtes fatigué ou en train de travailler, ne le faites nulle part, votre lettre restera la grande joie et suffit à elle seule bien largement !
            J'ai retrouvé le passage du poulet et en effet cela veut dire que c'est le même jour. Mais je ne sais pas si je pourrais arranger cela, car ma maladie se traduit maintenant par buter pendant des mois contre un mot que je ne peux pas changer.
            Je suis bien heureux de ce que vous me dites de l'opinion favorable de Madame votre Mère. Si Jean Cocteau est auprès de vous, dites-lui mille affections de ma part. Je vous embrasse tendrement
( sans barbe, je l'ai coupée ).
                                     Votre                                                                       loree-des-reves.com
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                                                                                          Marcel


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            Mon cher petit,
            Abusant de votre bonté, je vous envoie pour vous la soumettre la fin " possible " de ce volume, sans l'allonger que de quelques pages. La seule modification à ce que vous connaissez serait que le jour de neige, les jours où je vois du soleil sur le balcon, seraient quelques pages plus haut. Et ce n'est qu'après eux que je mettrais ( ce qui en ce moment est un peu avant :
            " Les jours où Gilberte ne venait pas, j'allais en pèlerinage devant sa maison, ou tâchais de voir passer Swann allant chez son dentiste, ou emmenais Françoise jusqu'à l'allée des acacias voir passer Mme Swann "
dit mieux je vous résume seulement pour vous montrer comment j'enchaînerais ). Alors se placerait ce morceau sur mes promenades allée des Acacias que je vous envoie et sur lequel je finirais, ( je finirais après les mots : " Les maisons, les route, les avenues sont hélas fugitives comme les années. ) Ce morceau ne venait qu'une centaine de pages plus loin et était rétrospectif, puisqu'après être allé chez les Swann, j'évoquais un temps où je ne les connaissais pas encore. Maintenant ce serait le contraire. Je vois des inconvénients à finir par ce morceau, mais j'y vois aussi de grands avantages. Je ne vous dis ni les uns ni les autres pour ne pas vous influencer. Vous venez de lire ( j'en suis encore pour prendre votre verbe " moulu " de reconnaissance ) tout le livre. Vous jugerez bien si cela termine mieux que le soleil sur le balcon.
            Je vous embrasse avec une tendre reconnaissance mon cher petit


                                                                                          Marcel Proust

            Il y a plein de fautes dans ces épreuves. J'ai aperçu " entêté " pour " étêté ", etc, mais cela ne fait rien, vous pourrez vous rendre compte.

                                                                                                             lesbulbesafleurs.com
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            Mon cher petit,
            Puisque cela vous convient aujourd'hui, je vous attends maintenant 6 heures ( si vous n'avez eu dans l'intervalle aucun changement ). Si à 7 h. 1/4 vous n'êtes pas là , je penserai que vous n'avez pas pu et commencerai ma fumigation. Dans ce cas, si vers 10 heures j'étais de nouveau bien, je vous renverrais un mot. D'autre part, demain mercredi, dès que je serai bien ( si je le suis ), je vous renverrai un mot par un taxi. Et de même jeudi.
            Pardon de cet abus de vous. Et tendrement à vous

                                                                                      Marcel