samedi 21 avril 2012

Pensées d'hier pour aujourd'hui La Bruyère La Rochefoucauld et les autres



                 HUGO                      Choses vues (  extraits )

                                                                                                             Avril 1849

            Tout se heurte et se mêle dans l'étrange moment que nous traversons. Le haut et le bas de la société
demandent aident à la fois. De là des rencontres inouïes des personnes les plus diverses frappant aux mêmes
portes. L'autre matin j'ai reçu dans l'espace de deux heures M Taylor, qui est réduit à vendre ses livres et qui demande la direction du Théâtre-Français, Alphonse Esquiros qui se cache étant poursuivi comme insurgé de Juin et qui venait me demander si je pensais qu'il dût se présenter au conseil de guerre, Mlle Georges, qui est sans pain et qui sollicite une pension, M. l'amiral de Mackau qui est inquiété dans son bâton de maréchal de France, et Vidocq, qui venait me remercier d'avoir aidé à son élargissement dans l'affaire Valançay.


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                                                                                                            Avril 1849

            Un matin, au milieu de la tranquillité en apparence la plus profonde, Paris apprenait en s'éveillant que les troupes étaient restées sur pied toute la nuit dans les casernes avec ordre de se tenir prêtes à marcher  deux heures du matin.
            Un jour, vers la mi-avril Hello rencontrait Gouache, ancien rédacteur en chef de la Réforme. C'était
rue de Tournon, près du logis de Ledru-Rollin.
            " Hé bien, disait Gouache, cette fois ça va.
            - Quoi ?
            - La bataille.
            - Quand ?
            - Vous verrez.
            - Est-ce sûr ?
            - C'est décidé. Je viens d'en prévenir Ledru.
            - D'ici à deux ou trois mois ?
            - D'ici à quinze jours.
            - Et pourquoi ?
            - Nous ne voulons pas des élections. Nous aimons mieux nous battre dans la rue que dans une boîte
            - Et que ferez-vous ?
            - Ceci, je ne le dis pas. Pour le reste, quant à la résolution prise, je vous recommande l'indiscrétion. Je le dirais à Rébillot lui-même.
            - Combien êtes-vous ?
            - Soixante mille.
            - Mais enfin sera-ce des barricades, la nuit ? Sera-ce le massacre à domicile ? Sera-ce l'incendie ?
            - Tout ce que je puis vous dire " c'est que juin sera une farce."
            Voilà au milieu de quelles anxiétés nous vivions.


                                                                                                   Victor Hugo
           

                                                                                                           

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