HEBE par Carrier Belleuse
( Longues Lettres les 7 et 8 octobre. Apollinaire lui fait part de sa tristesse à l'annonce de la mort de Rémy de Gourmont "... qui était mon ami et m'avait amené au Mercure. C'est un grand esprit qui disparaît. Ses jugements allaient parfois de travers quand l'intérêt lui dictait mais au reste c'était un puits de connaissances littéraires et qui sait même biologiques. Défiguré par la lèpre ( disait-on, en tout cas il avait la face violette et comme brûlée ) il était persécuté par les Choses de l'amour et en parlait beaucoup - il y avait en lui de l'esprit de Pierre Bayle du dictionnaire, cet homme chaste qui écrivit pour réclamer le droit aux écrivains d'écrire des obscénités sans être pour cela appelés corrupteurs... et lui parle surtout de son amour de ses désirs et la voit comme Hébé. Son côté pratique revient... ici les allumettes sont rares. On se sert de boîtes d'allumettes pr les envois parce qu'on n'a pas d'autres boîtes... Notre sotte diplomatie a laissé s'accomplir aux Balkans une comédie qui allonge la guerre, qui peut dire de combien... cette lettre s'achève sur un poème triste Plainte. )
Lettre à Madeleine
9 8bre 1915
Ci-inclus dix francs pour le contenu le couteau, les ciseaux, la lime.
Mon amour adoré, Madeleine ma chère extase, Madelon mes délices. Roselys de toute pureté et de
toute volupté. Tu ne me dis pas ce qu'est, ce que fait la jeune femme à qui tu donnes des leçons - J'ai reçu les trois lettres du 31 8bre du 1er et du 2. Je les aime beaucoup. Toutefois, tu redeviens excessivement pudique avec moi et je veux que tu perdes cela avec moi complètement quitte à le redevenir sur mon ordre quand je jugerai que tu m'appartiens non seulement corps et âme comme tu m'appartiens mais même dans l'impondérable subtilité de tout ton être. Jµe veux que tu sois avec moi impudique comme la femelle avec le mâle, de même que je veux que ton esprit s'élève avec le mien aux plus hautes conceptions esthétiques, métaphysiques, religieuses et morales. Je veux que nous ne fassions qu'un et si ton cerveau m'obéit, si ton corps le fait aussi il y a encore des régions obscures de ton être où tu n'es pas devenue tout à fait ma Madeleine. Ta pudicité doit grandir et devenir infiniment farouche à l'égard de tout ce qui n'est pas moi elle doit au contraire tomber complètement ardemment devant moi; Pour l'exprimer en-dehors des actes il n'y a que les mots et le verbe situe donne une réalité à l'acte, c'est pourquoi le verbe est si important. Peu de gens se sont aimés ou ceux qui l'ont fait, ont agi illégitimement et dans le vice. Il importe que deux esprits comme nous agissent dans la vertu mais d'une façon aussi complète aussi passionnée que ceux qui sont dans le vice. Lis la vie des grandes Saintes et vois comme l'amour divin qui les enflamme leur faisait perdre toute pudicité. Ce n'était pas vice, c'était vertu et combien il faut plaindre ceux qui trouvent à redire à l'admirable passion qui palpite impudiquement dans les oeuvres de Ste Thérèse d' Avila. Je te préviendrai quand il faudra de nouveau être pudique tout ton esprit étant devenu mien ainsi que le consentement ainsi que le consentement de ton corps avant que j'aie son don véritable ô mon amour - Ce n'est pas la panthère que je préfère en toi je t'aime toute ma Roselys mais c'est la panthère que je veux connaître entièrement avec tout ce qui peut éveiller en elle l'amour qui se dévoile devant ses yeux. Pendant quelques jours, j'ai senti ton effort il se relâche maintenant. Encore un effort mon esclave ! et ferme à jamais l'admirable chaîne de mes sens à l'adorable enchaînements des tiens.
Mais c'est de toi qu'il faut parler pour me montrer la profondeur de tes possibilités sensuelles. Je sais que tu es ardente. Je veux savoir combien par toute ton imagination dévoilée sans restriction de façon à ce que ton corps m'appartienne magnifiquement comme un champ fertile où je puisse moissonner. J'aime tes airs de volupté. Ils sont certainement de toi car je ne t'en ai pas parlé et me livrent une partie de ta vraie nature,ma Madeleine adorée. Il est vrai que nous nous aimerons magnifiquement. Il est vrai que tu es moi et que je te donne toutes tes pensées, n'oublies pas que tu dois me donner toutes les miennes et que je serai toi aussi complètement que tu seras moi. Remarque bien que je ne fais pas de reproche parce que je sais bien que tu m'appartiens de plus en plus mais j'ai remarqué que tu es un peu moins charnelle sans l'avoir encore été complètement et que je veux pénétrer entièrement ta puissance charnelle et qu'il y a comme un retour de pudeur à mon égard dans ces restrictions verbales dont je ne veux pas. Tu es à moi comme une femelle à son mâle et je veux toute ton impudeur tout ton désordre toute ta folie, je veux pouvoir faire de toi ce que je veux sans que jamais tu te sentes avilie les mots non plus ne doivent pas t'avilir ils nous appartiennent mais le reste du monde n'a plus droit qu'à notre mépris amusé et à notre majesté cruelle. Songe que ce n'est pas pour rien que je t'ai dit que s'il me plaît je veux pouvoir fouailler ta chair, je veux que ma domination sur toi soit entière et que la schlague même si je te la donnais ne te rende que plus voluptueuse. Tu penses bien que je n'ai pas l'intention de te brutaliser, tu le penses bien, j'ai pour toi l'amour le plus tendre et je t'admire en ta beauté en ton esprit en tout toi, je t'aime plus que moi. Aussi je te veux à moi absolument. Ma Madeleine adorée, tu me donnes bien de la joie par les sensations fortes et subtiles que tu décris si admirablement. Tu m'aimes comme je veux et souffre, amour, que je réchauffe encore par mon autorité violente l'ardeur infinie de notre amour. Oui je suis aussi ta chose, mais toi tu es ardemment, infiniment, follement pas modiquement mon esclave. Je peux déchirer ta peau si je veux, zébrer de coups tes jambes et ta croupe de Bacchante et tu m'adores comme une idole adorablement cruelle. Et si je veux je peux te baigner avec une caresse infinie dans un fleuve de baume plus doux que tous les paradis. Après tout j'aime mieux que tu aies peu lu d'auteurs modernes. C'est moi qui te ferai lire. D'ailleurs moi aussi j'ai peu lu d'auteurs modernes. Je t'adore. Tu es exquise, tu es mon amour que j'adore et je mange ton ventre sucré comme un rayon de miel. Tu m'honores infiniment en me comparant à Racine. Pour toi il n'y a pas de femme à qui tu sois comparable tu es sans rivale. C'est curieux je trouve Bordeaux malsain ( le peu que j'en ai lu ) c'est médiocre et jésuitiquement sensuel et vicieux, pouah ! Je te montrerai comment et tu comprendras bien toi qui es saine et honnête.Ton jugement sur Richepin est juste, j'ai lu La Mer aussi amplification de rhétoriqueur sur le thème marin. Cependant tu as gardé ton naturel à cause de ta famille exquise d'âme d'après ce que j'en sais, mon amour. Ce que tu m'as raconté des travaux de ton papa et de la grâce de ta maman m'a ravi. La fermeté de ton corps est une merveilleuse qualité de ta belle jeunesse. Je t'adore et te dévore toute. Oui l'hymen est une membrane, mais je ne sais pas si ça ressemble au tympan car je ne suis pas bien fort sur l'anatomie. Je ne sais pas de quel autre sang tu parles. Je ferai couler la première fois le sang de la déchirure, oh pas beaucoup et aussi l'humide radical de ta jouissance dont l'épanchement se renouvellera à chaque volupté. J'adore ton odeur exquise. La caresse secrète de la 9è porte te trouble violemment et je t'adore d'avoir honte, amour, et je comprends que ton trouble le plus précis soit celui de notre baiser parce que tu l'imagines plus facilement. Oui, c'est merveilleux que tu apprennes tout de moi. Je t'adore pour ta douceur exquise et j'adore ton baiser sur mon être intime jusqu'à ce que je te désires follement. Je comprends bien qu'il ait fallu du temps pour que tu comprennes et encore maintenant tu ne peux pas tout comprendre entièrement mais cela se précisera peu à peu. Tu as raison les pratiques solitaires sont vicieuses et il faut les éviter autant que possible. Nos filles seront élevées sainement et ne seront pas pensionnaires. Tu as bien raison de tout me dire, amour, et tu penses bien que je ne pense pas à ta petite aventure de train. Oui, j'adorerais que tu sois mon professeur d'amour que tu inventes, que nous inventons tous deux. Je te donne la caresse de ma langue qui te fait évanouir et après mes caresses, j'irai me reposer sur ton sein. J'aime comme tu me piges et tu me comprends merveilleusement ma Madeleine adorée, viens que je te donne l'étreinte profonde qui te fait vibrer comme un violon de Crémone.
Oui le hargneux auteur du Racine ignoré, s'appelait Masson Forestier, j'ai même écrit un article contre lui dans l'Intransigeant ; il est mort il y a environ deux ans. Oui il y a une merveilleuse poésie si loin de la poésie conventionnelle dans l'amour exquis qui est le nôtre. Je suis content que tu veuilles être une jolie maman, je suis passionnément heureux que tu aies le bassin large et non pas vilainement étroit comme beaucoup de Parisiennes qui ne peuvent supporter l'amour. Toi, tu répondras superbement à mes étreintes et je t'adore ma lionne, ma chère impératrice. Je t'adore. Je prends tes dents ta langue et tout toi. Dis amour parfois, l'hiver on fera un grand feu, on brûleras de l'encens et du benjoin et toutes portes closes on s'aimera à la folie, nu et nue dans la lumière dont tu parles en lisant des vers pr se reposer en buvant des liqueurs douces en mangeant des fruits. Ce sera une grande fête à notre cour et non seulement nous nous aimerons divinement, mais encore nous deviserons adorablement. Je t'adore et je prends ta bouche en te serrant adorablement contre moi et je mets un baiser sur la touffe exquise de ta toison.
Gui
( à suivre ) .........
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