mardi 4 juillet 2023

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 162 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )


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                                                                                                                             1er avril 1666
                                                                                                              Jour du Seigneur
           Levé, sorti et allé en voiture à Charing Coss pour présenter mes respects à sir Philip Howard, que je trouve couché. Reçu fort civilement. Je sollicite la possibilité au frère de ma femme de rejoindre la flotte tout en conservant la solde qu'il perçoit chez les gardes du duc. Il consent après quelques difficultés et en me témoignant force égards. Ce monsieur semble parler un fort beau langage, posséder de grands talents et belle courtoisie.
            Fort satisfait  vais à Whitehall, rencontrai sir George Downing et m'entretins une heure des paiements à effectuer au titre de l'Echiquier aux termes de la récente loi. Obtins de lui toutes assurances quant à la sécurité du prêt de 2 000 £ que je consens à sir William Warren au vu d'un ordre de paiement qu'il rédigea et à tirer sur l'Echiquier aux termes de la récente loi pour une valeur de            2 602 £ et j'ai bien l'intention d'aller de l'avant.
            Ayant rencontré le Dr Allen et une autre personne, nous nous promenâmes dans le parc. C'était une très belle et chaude journée et fûmes à la chapelle de la reine, où la musique ne me semble point si déplaisante. Sur un pilier je vis une invitation à l'adresse de tous les catholiques à prier pour l'âme de telle ou telle personne rappelée à Dieu.
            J'apprends que l'on n'a point encore fait part à la reine de la mort de sa mère. Elle est en cours de traitement aussi n'ose-t-on pas le lui dire.
            A midi en voiture à la maison, rencontrai mon oncle et ma tante Wight et leur cousine Mary que j'avais invités. Ils dînèrent et nous nous égayâmes fort. Après mon oncle et moi en voiture à Whitehall. Fîmes les cent pas dans le palais et je traitai quelques affaires, puis avec lui et une autre personne à la nouvelle demeure de milord le chancelier. Examinâmes tout en détail, jusqu'au faîte. Elle me plait toujours autant et est, ce me semble une fort imposante demeure. Puis arpentons les nouveaux bâtiments, le marché couvert et la taverne sous le marché construits par milord St Albans,, examinons à maintes reprises la moindre construction, et départ et retour en voiture à la maison. Là à mes comptes jusqu'à ne plus pouvoir garder les yeux ouverts.
            Cet après-midi rendis visite à milady Carteret, j'avais appris qu'elle venait d'arriver à Londres. Elle m'en témoigna grand agrément, mais je lis dans son visage et dans son cœur l'état de tristesse que lui inspire l'état des affaires de son mari. Mais j'espère qu'elles trouveront bonne fortune et je ne manque point de la réconforter de mon mieux car c'est une grande dame.


                                                                                                                      2 avril

            Levé puis au bureau. A l'Hôtel de Ville avec Mr Gauden, afin d'examiner la trésorerie et les tailles municipales. Chemin faisant son nouveau carrosse se rompit dans la rue et fûmes contraints de prendre un vieux fiacre. A l'Echiquier pour m'informer de certaines dispositions de la nouvelle loi, afin de prêter à sir William Warren 2 000 £ au vu d'un ordre de paiement rédigé par lui aux termes de cette loi, ce que tous m'encouragèrent à faire.
            Là, me promenant avec Mr Gauden dans la Grand-Salle, causâmes, en vînmes au mariage de sa fille. Il me conta l'histoire de Creed qui prétendait à sa main et ne doutait point qu'elle l'aimait alors que de son côté elle éprouvait une violente aversion envers lui, puis de son fils. Benj. Je proposai qu'on le mariât et proposai ma sœur, idée à laquelle il souscrivit avec enthousiasme, et comme il était question de la modicité de sa dot qui n'atteindrait pas les 1 000 £ , il me dit que s'il y a accord sur tout le reste il soustraira de la somme qu'il entend me verser chaque année de quoi lui constituer une dot qui ne me coûtera rien de plus que ce que je comptais donner de mon propre chef. Je m'en réjouis fort et ne
pensant qu'à cette affaire, m'en fus avec lui à Londres, à la Bourse où* je traitai mainte affaire, puis au café avec sir William Warren. Ce dernier me fit valoir avec beaucoup de sagesse que de marier ma sœur avec Mr Gauden signifierait ma ruine en toutes mes fonctions chacun me soupçonnant dans le moindre de mes actes, de même ne serai-je en mesure ni de la servir ni de m'affranchir de l'imputation d'être de sa faction, alors que j'ai été placé là pour lui faire pièce de la plus sévère façon. J'acquis la conviction qu'il ne serait de notre intérêt ni à l'un ni à l'autre de conclure cette alliance, et en ai donc totalement abandonné l'idée, mais je retire grande satisfaction de ce que la chose ait été proposée<;
            A la taverne de la Couronne derrière la Bourse, retrouvai Cocke et Fenn. Après dîner en vînmes au but de cette rencontre, m'entretenir en privé avec Fenn. Je lui dis ce que je sais et ce que je pense de ses affaires. Il m'entend avec grande aménité et me dit qu'il veillera à ce qui se passe autour de lui. Les propos que je lui rapportais touchaient à la façon fort peu civile dont il parle et répond à ceux qui le viennent voir pour des questions d'argent et d'évoquer quelques autres détails.
            Ce matin Mrs Barbara et la petite Mrs Tooker retournèrent chez elles. Ma femme venant me chercher en voiture fûmes à Whitehall afin de rendre visite à milady Carteret qui était sortie. A la Grand-Salle où je fis délibérément pénétrer ma femme dans ses plus beaux atours pour voir et être vue. Vis la fille de Howlett, jeune mariée, que j'appelle aussi ma femme et que je n'aime pas peu.  Puis à Broad Street où rencontrai milady et sir George Carteret. Nous nous assîmes et restèrent à bavarder un bon moment. 
            Retour à la maison et à mes comptes dont je ne puis venir à bout mais je m'y consacre jusqu'à ce que la somnolence me gagne, puis au lit fort chagrin de ne pas pouvoir arriver à meilleures fins à propos de mes comptes.


                                                                                                                         3 avril

            Levé, sir William Warren me rejoignit bientôt, signa un billet à ordre et fit en sorte qu'il soit payable à l'Echiquier, à charge pour moi de compléter le blanc. Je lui remis alors 1 900£. Le fait est que le risque est gros de tant miser aux termes de cette loi, mais je m'assure un cadeau de 300 £ pour services rendus relatifs à certains navires qu'il a achetés, à des prises de guerre, sans parler de confortables intérêts ni de l'engagement pris de me rembourser à ma demande sous six semaines
            Au bureau affairé toute la matinée. A midi dîner chez moi, mon beau-frère avec Balty et sa femme. Il est devenu très sérieux et j'espère lui rendre service en l'envoyant comme officier de rôle de l'une des escadres de la flotte. Après le dîner et son départ travaille d'arrache-pied à mes comptes tout l'après-midi jusqu'à la nuit noire, et je remercie le ciel de ce que, les menant à bien, je me trouve à la tête d'une fortune de 5 000 livres, ce qui m'est grande miséricorde, encore que je sois quelque peu tracassé qu'il existe une différence de 50 £ entre les comptes personnels que je fais tous les mois de mes profits et pertes et les profits que j'établis de mes quittances et de l'argent que je détiens dans mes coffres ou en d'autres mains. Nonobstant je suis convaincu que je possède bien 5 000 £. La plus grosse somme que j'aie jamais possédée de ma vie. Aujourd'hui, comme je l'ai déjà dit, je me suis mis d'accord avec sir William Warren et j'ai obtenu de lui un cadeau de 300 £.
            Le soir passé un moment au bureau puis rentré à la maison, souper et derechef à mes comptes jusqu'à ce que je fusse prêt à aller dormir, car il n'y a point de plaisir à s'en occuper dès lors qu'ils sont en désordre. Au lit.


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            Levé et à Whitehall avec sir William Penn dans son carrosse, et lui de causer de cette façon niaise et naïve qui lui était coutumière. Mais je me surprends à le traiter de façon cavalière. Je remercie le ciel d'autant que ma situation va m'y autoriser. Après avoir traité nos affaires avec le duc d'York, retour à la Bourse avec le capitaine Cocke. Il me promet tantôt une douzaine de salières en argent et propose une affaire pour laquelle il a promis à Mrs Williams, au bénéfice de milord Brouncker, un service d'argenterie qui lui coûtera 500 £. Il me promet la même chose, ce qui fera de fait une belle affaire. 
            Retour chez moi. Comme c'était jour de lessive dînai de viande froide, puis en voiture chez Hayls où je posai jusqu'au soir, grandement satisfait de mon portrait presque achevé. Retour chez moi en voiture, c'est jour de jeûne. A mon cabinet de travail, souper et au lit, délibérant de l'envoi de ma femme à la campagne pour aviser au mariage de Pall, que je souhaite fort, de même que mon père. Deux ou trois propositions s'offrent désormais à nous.


                                                                                                                      5 avril     

            Levé et avant l'heure d'aller au bureau, à Lombard Street, chez Vyner. On me montra l'argenterie exécutée pour le capitaine Cocke afin d'en faire présent à milord Brouncker. Je choisis une douzaine de pièces d'un poids semblable qui seront commandées à mon intention. Au bureau où il y a de quoi devenir fou à la seule pensée de la fausseté et des impertinences de sir William Penn. A midi j'eusse aimé, mais ne le pus, éviter de dîner avec milord Brouncker, sa maîtresse et le capitaine Cocke à la taverne du soleil dans Fish Street. Fîmes un bon dîner mais cette femme me fatigue, et en vérité de voir avec quelle niaiserie milord Brouncker qui, en d'autres moments ne manque pas de sagesse, agit lorsque nous siégeons au bureau, au service des intérêts de Cocke sans pouvoir le moins du monde comprendre ce qui est proposé ni défendre ce qui fait l'objet d'une opposition. Tout cela a de quoi le faire passer pour un sot.
            Retour à la maison où j'apprends que ma femme ayant été avertie qu'une voiture partait demain a résolu de la prendre pour se rendre à Brampton, afin d'obtenir là-bas toutes assurances sur la personne qu'on propose à ma sœur d'épouser. Aussi se prépare-t-elle en vue de son voyage et moi je vais au bureau tout l'après-midi jusqu'à une heure tardive. Retour à la maison, occupé tard à mettre en musique " Le destin l'a voulu, et ton sort, etc. " puis, au lit.
               Cette semaine, à notre grande consternation, le nombre de victimes de la peste a augmenté de 9, bien que le nombre total de décès ait décru. Et cette augmentation se retrouve dans de nombreuses paroisses, d'où nos grandes craintes pour l'année nouvelle.


                                                                                                                                  6 avril

            Levé de bon matin en raison du départ de ma femme pour Brampton. Je ne pus l'accompagner jusqu'à la voiture, mais Will Hower s'en chargea, et je lui ai donné la permission de l'accompagner toute la journée.
            Toute la matinée travail au bureau. A midi dîner à la maison. Mrs Hunt se trouvant là lui prêtai  5 £ pour ses dépenses et la menai ensuite jusqu'au début d'Axe Yard à Westminster. C'est une femme de bien, pleine de discernement, et son mari, à ce qu'il me semble prospère de belle façon à la Régie. Puis chez Mr Hayls, je posai. Mon portrait presque achevé  est très ressemblant aux dires de Mr et Mrs Pearse qui passèrent à l'improviste et je suis fort satisfait et du portrait et de la pose. Vais un peu à la maison avec eux puis à Whitehall où je rencontre, comme convenu, sir Stephen Fox et Mr Ashburnham. Nous nous entretînmes de l'affaire de la taille de la Régie, le premier est trésorier des gardes le second trésorier de la maison du roi. Je retirai grand profit de cet entretien. Nous ne parvînmes point à de grandes conclusions en nous entretenant de la sorte. Nous nous séparâmes et je rentrai chez moi où tout me semble triste en l'absence de ma femme...... Après un rapide souper, au lit.


                                                                                                                           7 avril
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            Grasse matinée ce jour, seul au lit et songeant à diverses affaires. Au bureau jusqu'à midi. Avec milord Brouncker allé en carrosse chez Mrs Williams où dînaient Bab Allen et le Dr Charleton. Bab et moi chantâmes et nous égayâmes fort pour autant que cela fut possible en ces lieux où le reste de la compagnie n'avait point de quoi plaire à l'excès. L'emmenai en voiture chez Hayls où nous rencontrons Mrs Pearse, son fils et Mary. La première séance de pose était terminée et de fait le visage est fort ressemblant dès le premier jet, puis les emmenai à la pâtisserie, fis venir des gâteaux dans la voiture et bûmes. Les transportai ensuite jusqu'à la nouvelle maison de milord le chancelier pour la leur montrer. Elle agréa à chacun au plus haut point. Déposai chacun chez soi puis retournai au bureau où aux alentours de 10 heures Will Hewer vient me trouver pour me dire que ma femme allait bien lorsqu'il l'a laissée ce matin à Buckden, ce qui n'était pas un mince trajet. Il m'apporte une lettre d'elle. Elle est arrivée là-bas dans d'excellentes conditions, ce dont je ne manque pas de me réjouir. A près avoir écrit plusieurs lettres, à la maison, souper et, au lit.
            Le Parlement dont je craignais qu'il ne nous réclame à nous autres de la marine des comptes quant aux dépenses et à l'état de l'approvisionnement. Nous aurions été fort en peine de lui faire bonne réponse. 
            L'évêque de Münster, aux dires de chacun, est en train de faire la paix avec la Hollande.


                                                                                                                                8 avril 1666

            Levé, eus toutes les peines du monde à traverser jusqu'à Whitehall car il pleuvait et il n'y avait point de voiture disponible, aussi alla-je à pied jusqu'à l'Ancien Cygne où je trouvai un petit canot. Chez le duc d'York où nous étions tous réunis pour écouter le débat opposant sir Thomas Allin et Mr Waith, le premier se plaignant de l'attitude du second à son égard lord du récent paiement de la solde à l'équipage de son navire. C'était là chercher bien piètre et mauvaise querelle. Le Duc régla l'affaire avec beaucoup de discernement, gourmandant les deux hommes tout en encourageant Waith à ne point laisser d'empêcher les capitaines d'aller en quoi que ce fût à l'encontre des droits du roi. Et au vrai je n'ai jamais vu le Duc agir avec plus de pertinence ni plus de discernement que lorsqu'il rendit son arrêt en cette affaire !
            Ce matin à la Cour il n'est question que de la mort de Tom Chiffinch, intendant des appartements privés du roi. Il était hier soir en aussi bonne forme qu'à l'ordinaire, jouant au tric-trac à l'intérieur du palais, et guère malade ce matin à 6 heures. Nonobstant, mort avant 7 heures. On pense à un apostume à la poitrine, mais ces jours-ci il n'en faut pas plus pour effrayer les gens, la recrudescence de la peste étant générale à ce que l'on entend.
            A la chapelle du roi, mais ne pus entrer et n'entendis donc pas bien. Mais, ce qui de ma vie ne m'était point arrivé, j'eus le plaisir de voir un archevêque, celui d'York, en chaire.
            Puis ne sus trop comment rentrer chez moi ayant promis d'amener Mrs Hunt avec moi. Je finis par me procurer le carrosse de Mrs Hutchingbrooke, ce dernier restant à la Cour. Je la pris donc à Axe Yard, fûmes à la maison et dînâmes, causâmes agréablement des vieilles histoires relatives au Protecteur et à sa famille dont elle est parente. Le Protecteur vit en France, dépense aux alentours de 500£ par an. La ramenai en ville, puis à la Cour. Allai à pied jusqu'à la chapelle St James pensant pouvoir entendre prêcher un jésuite, mais arrivai trop tard.
            Le soir me fis peigner les cheveux par Mrs Mercer, puis souper, chant d'un psaume et, au lit.


                                                                                                                   9 avril
 
            Levé de bonne heure et, avec on menuisier, entrepris d'agrandir la fenêtre de la chambre de mon petit valet. Mon intention est d'en faire une pièce où l'on dînera et où l'on fera de la musique.
            Au bureau, réunion touchant des affaires extraordinaires. A midi à la Bourse pour de nouvelles affaires. Avec Creed dîné et à la commission de Tanger où je m'arrangeai pour faire régler deux ou trois choses qui me tenaient à cœur, et ce à mon avantage. Puis en voiture chez Mrs Pearse, où étaient son fils et sa fille et Mrs Knepp. Sortîmes pensant nous égayer à Chelsea. Mais, alors que nous étions presque arrivés à la maison qui se trouve près de la rive, maison isolée, le Cygne je crois, un monsieur passant par là à pied nous héla pour nous dire que l'établissement était fermé en raison de l'épidémie. Alors, grandement effrayés, nous rebroussâmes chemin, obligés envers ce monsieur, et nous nous éloignâmes, moi-même plongé dans une grande confusion, en direction de Kensington. Dépensai environ 30 shillings pour ces drôlesses, chantâmes de jolie façon restant jusqu'aux alentours de 8 heures la nuit tombant rapidement. Puis je les déposai chez Pearse et rentrai chez moi. Passai un moment avec sir William Warren, évoquai des questions de travail puis, au lit.


                                                                                                                     10 avril

          Levé de bonne heure, reçois de nombreuses visites concernant le travail. Au bureau, siégeai jusqu'à midi et rentrai dîner. Derechef au bureau tout l'après-midi où nous étions tous réunis pour la première fois que nous avions résolu de siéger et le matin et l'après-midi. Beaucoup de travail le soir, rentrai chez moi, bien qu'il fût tard n'en vis pas moins le travail du plâtrier sur ma nouvelle fenêtre. Souper et, après m'être fait peigner par la petite servante, au lit.
            Mauvaise nouvelle, la mortalité a diminué, mais il y a deux morts de plus dus à l'épidémie.


                                                                                                                     11  avril 1666
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            A Whitehall non sans avoir auparavant mis mes gens au travail, placer mes balustrades sur la terrasse du petit balcon de ma femme, chose que j'avais en tête depuis longtemps mais que je n'avais pas eu l'occasion de faire.
            Après en avoir terminé avec le duc d'York, fus chez Hayls. Il parut qu'il n'y avait plus rien à ajouter à mon portrait, hormis la musique. J'en suis fort satisfait car elle est rendue avec exactitude.
            Rentré chez moi, dîné, puis me rendis à Greshal College, où beaucoup d'embarras et de cérémonie pour choisir le conseil et les membres du bureau. J'obtins trois voix pour siéger au conseil, moi qui suis un profane et n'en attendais aucune. Puis milord Brouncker ayant été réélu président, rentré chez moi où à ma grande satisfaction je vois mes balustrades sur ma terrasse. Au bureau, travaillai quelque peu et à la maison. Je m'attaquai sérieusement à mes comptes de Tanger qui, à ce qu'il me semble, sont voués à la confusion, d'autant que j'ai la tête trop pleine d'autres préoccupations et d'autres plaisirs. A midi la femme de Bagwell vint me voir au bureau après son long séjour à Portsmouth. Après le souper, à minuit passé, au lit.


                                                                                                                           12 avril

            Levé puis au bureau toute la matinée. A midi dîné chez moi et retour au bureau. Tandis que je faisais un tour dans le jardin milady Penn vient me trouver et m'emmène chez elle où je trouve sa fille et une jolie dame de sa connaissance, une certaine Mrs Lowder avec qui, nonobstant toutes les résolutions que j'avais prises de m'adonner sérieusement à mon travail cet après-midi, je demeurai à causer et à folâtrer. Vis là deux ou trois tableaux niais et piteux faits de la main de lady Penn, tout à fait ridicules en comparaison de ce que fait ma femme. Elle devient parfaitement quelconque et paraît âgée. Puis, honteux de cette perte de temps quoique incapable de quitter ces lieux, fus au bureau. 
            Arrivée de milord Brouncker, eûmes une petite altercation car il est, je le constate, très irritable si on lui refuse ce qu'il attend, et il raisonna d'une façon très naïve en cette affaire, signer une autorisation de payer 1 000 £ prélevés sur le " groats " à sir Thomas Allin. Nous nous réconciliâmes avant de nous en aller. Je m'en fus écrire des lettres que je voulais faire partir par la poste. A la maison, souper et, au lit.


                                                                                                                   13 avril

            Levé, réveillé par le frère de ma femme pour qui j'ai obtenu du duc d'York un brevet d'officier de rôle dans l'une des divisions de la flotte dont Harman est contre-amiral, ce dont je me réjouis autant que lui. Après l'en avoir informé et m'être quelque peu entretenu avec lui, je sortis et l'emmenai avec moi en voiture chez le duc d'Albemarle. Ce dernier pas encore levé je fis un tour avec Balty dans le parc, puis fûmes à la chapelle de la reine, c'est aujourd'hui vendredi saint. Tout le monde était à genoux, en grand silence mais, semble-t-il, point de messe. Nous nous en retournâmes, présentâmes nos respects au Duc et écoutâmes quelques ordres. En voiture chez Mr Hayls. Il est fort étrange de voir que sa deuxième intervention, je veux parler de la deuxième séance de pose de Mrs Pearse la fait apparaître moins ressemblante que la première fois. Il est si méticuleux que j'ai peine à imaginer qu'il lui soit possible d'être dans l'erreur.
            Hayls et moi décidâmes d'aller tantôt à Whitehall passer une heure dans les galeries parmi les tableaux. Cela me procura une extraordinaire satisfaction, car il me montra à quoi tiennent les différences dans l'art de peindre. Tandis que je suis de plus en plus à même de discerner et d'observer ce qui ressortit au métier du peintre je vois que beaucoup de choses ne sont pas aussi belles que je le croyais, qu'il existe de grandes différences entre les oeuvres des différents artistes. Je voulus retourner voir chez lui ses propres tableaux. A la vérité même s'il me semble de prime abord qu'une différence apparaît, elle me semble mineure, et je puis voir en ses oeuvres de très bons tableaux. Nous en vînmes à parler de mon portrait, et je suis d'avis qu'il fasse disparaître le paysage, encore qu'il le trouve fort bien exécuté, nonobstant j'estime que le portrait gagnera à s'en passer, il disparaîtra donc pour devenir simple ciel, comme dans le portrait de ma femme, ce qui aura fort belle allure.
            Visite à une vieille femme de Pannier Alley, nous convenons qu'elle règlera du papier pour moi, et à très bon marché. Je constate qu'elle a pour servante une fille brune très accorte, la chose me plut fort.
            Rentré chez moi dîner et voir mon menuisier fabriquer le banc pour ma terrasse. Je fus très satisfait. Après dîné sortis pour apporter du papier à ma vieille femme, puis à la Grand-Salle et vis là Betty Howlett près de l'alambic de son père et lui parlai plus qu'il n'était dans mes intentions. Il semble qu'on la doive installer dans sa maison à elle lundi prochain, lundi de Pâques, afin qu'elle se lance dans une nouvelle existence avec son jeune mari. Je me réjouis à l'idée qu'elle habitera près de chez moi, car je l'aime diantrement.
            Retour à la maison, arrivée de Mr Houblon et de l'un de ses frères avec qui je me mis d'accord quant aux chartes-parties relatives à leurs navires allant à Tanger. Leur en avançai un tiers sur leur fret, pleinement satisfait. Puis aux partis, arrivée de Creed avec qui, jusqu'à plus d'une heure
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            du matin mîmes ses comptes au net jusqu'à ce que j'eusse mal à la tête et ne fusse plus en état de faire quoi que ce fût. Néanmoins, comme par bonheur, nous parvînmes à bout de cette tâche et à tout régler à mon gré. J'en fus fort satisfait. L'esprit en repos allai, au lit, avec lui, et de dormir comme une souche.
            Lever aux alentours de 7 heures et en terminâmes avec nos papiers. Je lui remis des tailles et quelque argent, puis départ, moi au bureau toute la matinée. A midi dînai chez moi avec Creed, puis nous nous séparâmes. Au bureau vint bientôt me quérir sir Hugh Cholmley, fûmes tous deux à mo, cabinet de travail, réglâmes mes comptes et lui donnai des tailles et de l'argent afin de régler ce qui m'était dû. Ainsi tous ces comptes étaient réglés, je serai quitte envers le roi, ce qui me permettra de dresser des comptes fort clairs et succincts en seulement quelques jours, ce qui est loin de me déplaire.
            A cette occasion nous nous entretînmes très longuement de Tanger. Il me convainc qu'à voir la façon dont milord Belasyse conduit maintenant les choses ainsi que la façon dont elles le seront par Norwood, eux qui n'ont cure que de leur propre sort, la garnison ne sera jamais bonne à grand chose. Et de se proposer même comme gouverneur, il saura en tirer quelque chose.


                                                                                                               15 avril 1666
                                                                                                  Jour de Pâques
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        Levé et par le fleuve à Westminster à la taverne du Cygne pour déposer mon manteau. Trouvai Sarah seule. Après avoir passé un moment avec elle fus à la chapelle de Whitehall. Arrivé tard ne pus entendre quoi que ce fût du sermon de l'évêque de Londres, aussi me rendis-je dans le parc et fus jusqu'à a chapelle de la reine. Entendis une grande partie de leur messe et de leur musique qui, à ce qu'il me semble, n'est point aussi déplaisante qu'on le prétend dans notre pays. Cette musique m'agrée fort, davantage, en vérité, que le motet que j'entendis ensuite à mon retour à Whitehall.
            Je restai jusqu'au moment où le roi fut communier. Je demeurai dans son oratoire parmi d'autres, et je le vis communier. Je n'avais jamais vu la manière dont cela se passait, mais je ne vois guère de différence entre le degré de cérémonial dont on use dans notre Eglise pour l'administration des sacrements et celui qui prévaut dans l'Eglise de Rome, si ce n'est, qu'à mon avis, notre chapelle n'était point aussi belle, ni l'air des choses aussi majestueux que ce n'était le cas dans la chapelle de la reine.
            Allai à pied chez Mr Pearse, dînai seul avec lui, sa femme et leurs enfants. Très bonne compagnie et plaisante conversation, car ils sont à même de me dire tout ce qui se passe à la Cour, les amours et les folies qui s'y déroulent. Qu'il ne fait point de doute que Mrs Stuart fait à présent tout ce que doit faire une maîtresse du roi, et que le roi à maints bâtards connus et reconnus en plus du duc de Monmouth. Après que nous eûmes longuement discouru je fus à pied au parc avec le jeune fils de Mr Pearse, James. C'est le garçon le plus spirituel et la compagnie la plus agréable qui soient au monde. Traversâmes derechef Whitehall, nous promenant de-ci de-là, et la plupart des gens de le prendre pour mon fils et d'aucuns de me demander s'il l'était.
            Retour chez Mr Pearse, comme il était sorti, Mrs Pearse, les enfants et moi allâmes en voiture à Kensington, au même endroit que l'autre jour et restâmes avec grand plaisir jusqu'au soir, rentrâmes fort tard, les chevaux étaient fatigués et s'arrêtaient tous les vingt pas. En chemin nous parlâmes de Mrs Clarke qui, dit-elle, est devenue joliment hautaine, maniérée et fière. Mais Mrs Pearse me narre une histoire étrange : le capitaine Rolt la vit l'autre jour accoster un monsieur dans la Grand-Salle et s'en aller avec lui. Rolt les suivit jusqu'à Moorfields, jusqu'à une petite maison située à l'écart où l'on s'adonne au plaisir. Il resta là posté trois heures à épier, mais ils ne sortirent point. Il ne put attendre plus longtemps et les abandonna. Il est sûr que c'était elle, l'ayant bien reconnue et ayant même décrit ses vêtements à Mrs Pearse, on sait que c'est ainsi qu'elle s'habille.
            Les reconduisit chez eux, à bon port, et pris le chemin du retour chez moi. Mais à Ludgate Hill les chevaux s'arrêtèrent pour de bon, aussi je descendis et, muni d'un flambeau, rentrai à pied. 
            Après avoir chanté un psaume ou deux et souper, au lit.

* joa.f

                                                            à suivre.........

                                                                                                         16 avril 1666

            Levé et mis m                                         
                          .                                        


































            






















            

     














































samedi 1 juillet 2023

Le corbeau et le Renard Jean de La Fontaine ( Poème France )

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                         Le Corbeau et le Renard

            Maître Corbeau, sur un arbre perché,
                Tenait en son bec un fromage.
             Maître Renard, par l'odeur alléché,
                  Lui tint à peu près ce langage :
           " Que vous êtes joli ! Que vous me semblez beau !
                  Sans mentir, si votre ramage
                  Se rapporte à votre plumage                                                            meisterdrucke.fr                            
              Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois.
            A ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie
                    Et pour montrer sa belle voix,
              Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie
           Le Renard s'en saisit, et dit : " Mon bon Monsieur,
                       Apprenez que tout flatteur
                Vit aux dépens de celui qui l'écoute.
            Cette leçon vaut bien un fromage sans doute. "
                        Le Corbeau honteux et confus,
           Jura, mais un peu tard qu'on ne l'y prendrait plus.


                           Jean de la Fontaine

                                                         ( 1668 )

dimanche 25 juin 2023

La terre est bleue Eluard ( Poème France )


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                                La terre est bleue

            La terre est bleue comme une orange
            Jamais une erreur les mots ne mentent pas
            Ils ne vous donnent plus à chanter
            Au tour des baisers de s'entendre
            Les fous et les amours
            Elle sa bouche d'alliance
            Tous les secrets tous les sourires                                                                   
             Et quels vêtements d'indulgence
             A la croire toute nue.
            Les guêpes fleurissent vert
            L'aube se passe autour du cou
            Un collier de fenêtres
            Des ailes couvrent les feuilles
            Tu as toutes les joies solaires
            Tout le soleil sur la terre
            Sur les chemins de ta beauté.


                        Eluard


* tulup.fr















lundi 19 juin 2023

Passion simple Annie Ernaux ( Roman France )

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                                   Passion simple
                               
            Court ouvrage parmi d'autres livres de notre Nobel de Littérature, Annie Ernaux nous offre l'exercice physique de la femme libérée de son rôle de mère, les fils passent après les visites de l'amant, marié qui ne veut pas d'enfant même avec sa femme. Qui a lu " La Place ", Ernaux biographe de son enfance, surtout de son père, s'interroge qui est-elle, connaissant son engagement politique. Qui sommes-nous ? Victime consentante de son obsession pour un homme voyageur, diplomate, la femme enseignante elle corrige des copies, beaucoup et comble ainsi les moments d'attente entre deux visites, sans oublier quelques couses au supermarché, reconnaissance d'une ancienne élève. Sans fausse pudeur l'auteur affirme son plaisir, sa désolation, légère, on pense que cela ne durera pas. Puis vint l'oubli, le dégagement, l'esprit libéré. Femmes effrayées, libres de se poursuivre. Roman si court, bien écrit, d'un moment, quelques mois quand même. Après l'angoisse de l'attente, la libération pour la femme investie complètement, dans cette histoire, elle seule. Pas de grandes scènes, une séparation et retour vers un quotidien plus conforme à quoi ? Bonne lecture.

samedi 17 juin 2023

Chanson du grand Séquoia rouge Walt Whitman ( Poème Etats-Unis )











              



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           Chanson du grand Séquoia rouge  

                                          1

            Une chanson de la Californie,
            Prophétie pensée oblique, à respirer comme souffle
d'air impalpable,
            Danse de dryades pâlissant dans le lointain, danse
d'hamadryades pâlissantes,
            Chuchotement de voix oraculaire issue du ciel et de 
la terre,
            Voix d'arbre majestueux disant la mort dans l'épaisse 
forêt de séquoias.

            Mes frères adieu,
            Adieu le ciel, adieu la terre, adieu vous, eaux avoisinantes
            Mon temps est achevé, mon terme est venu.

            Sur le rivage du Nord,
            Quelques pas en arrière du rivage aux grottes creusées
dans la barrière des rochers,
            Dans l'air imprégné du sel de la mer qui baigne la région
de Mendocino,
            La houle à voix grave et brumeuse faisant un accompagnement
de fond,
            Cependant que l'attaque grinçante des haches abattues par
des bras musclés résonne comme une musique,
            Là, dans la dense pénombre de la forêt, profondément 
entamé par la langue acérée des hackers,
            J'ai entendu la chanson de mort chantée par le puissant arbre.
            Les bûcherons n'ont rien entendu pas plus que n'ont renvoyé
écho leurs cabanes,                                                                                                 
            Les attelages aux oreilles vives, les manœuvres maniant
les chaînes ou les vérins n'ont pas entendu,
            N'ont pas entendu les esprits de la forêt sortis de leurs
cachettes millénaires pour se joindre au refrain,
            Mais moi du fond de l'âme, ah ! comme j'ai bien tout entendu !

            Entendu son murmure émanant de ses myriades de feuilles,
            Glissant du haut de sa cime culminant à deux cents pieds 
de haut,
            Sortant du coeur du tronc robuste, des branches robustes,
de dessous l'écorce épaisse d'un pied,
            Entendu ce chant scandé par les saisons et par le temps,
cette chanson du futur aussi bien que du passé.

            O toi ma vie muette,
            Et vous toutes mes innocentes et vénérables joies,
            Joies pérennes de ma vie vaillante à travers les pluies
et les soleils de tant d'étés,
            A travers les neiges blanches, les nuits, les vents sauvages ;
            O vous les grandes joies patientes et rugueuses, joies fortes
de mon âme non connues de l'homme
            ( Car je sais que j'ai une âme qui me correspond, sais que
j'ai une conscience et une identité moi aussi,
            Sais que toutes les montagnes, tous les rochers, la terre
entière ont une âme ),
            Joie de la vie qui m'est allouée à moi et mes frères,
            Notre temps, notre terme est accompli.

            Mais nous ne nous résignerons pas lugubrement mes frères
en majesté,
            Nous qui avons noblement parcouru notre durée ;
            Calmes de toute la sagesse sereine de la Nature, de 
son infinie modestie heureuse,
            Nous accueillerons ce pour quoi nous avons œuvré
héroïquement jadis,centerblog.net
            Et quitterons la scène pour d'autres.centerblog.net
            D'autres qu'annoncent depuis longtemps les prédictions,                  tenor.com
            Race plus orgueilleuse promise à son tour à un noble
parcours,
            Pour qui nous abdiquerons, notre image en eux, ô rois
de la forêt !
            En eux les mêmes ciels et nuages, les mêmes pics
Shastas et Nevadas,
            Les mêmes parois vertigineuses, la même amplitude de
chaînes, les mêmes vallées, Yosémite tout au loin,               
            Profondément absorbées, assimilées.

            Puis le chant franchit un degré,
            Devint plus orgueilleux, plus extatique encore,
            Comme si les héritiers, les divinités de l'Ouest
            Joignaient le chœur dans leur registre magistral.

            Ni couleur blanc exsangue comme par les fétiches
d'Asie
            Ni couleur rouge sang comme au vieil abattoir des
dynasties européennes
            ( Aire des complots sanglants, des trônes autour desquels
traîne le parfum vieux des guerres et des échafauds )
            Mais nées du long travail d'enfantement de l'innocente
Nature, puis paisiblement façonnées par elle,
            Nos terres vierges, nos terres du rivage de l'Ouest
            Les voici pour vous, l'empire nouveau de l'émergence
 de l'homme nouveau
            Depuis longtemps promis, nous vous les remettons,
nous vous les dédions.
            Vous profonds vouloirs occultes,
            Toi humanité spirituelle commune, but absolu, qui trouves
ton équilibre en toi-même et fais et ne subis plus les lois.
            Toi féminine divine, maîtresse et source absolue d'où
procèdent et la vie et l'amour et tout ce qui donnent et la vie et
l'amour,
            Toi indétectable essence morale de l'ample matière
ingrédiente de l'Amérique ( œuvrant siècle après siècle dans la
mort comme dans la vie ),
            Toi qui parfois à notre insu mais parfois notre su,
 modèles authentiquement le Nouveau Monde et l'ajustes au Temps et 
à l'Espace,                                                                                                                    tenor.com
            Toi secrète volonté nationale au fond de tes abîmes
cachée mais toujours en éveil,
            Vous objectifs passés ou présents poursuivis d'une même 
ténacité, parfois sans être connus de vous-mêmes,
            Jamais déviés par les erreurs passagères, les perturbations   
superficielles,
            Vous, matrices immortelles, universelles de la vie 
au fond de toutes les croyances, des arts, des statuts,            
des littératures,
            Venez vous établir durablement, construire vos demeures
chez nous, l'intégralité de ces régions des rivages de l'Ouest
            Sont à vous, nous vous les remettons, les dédions.

            Car l'homme de votre race, votre si caractéristique race,
            Acquerra force, douceur et grande taille dans sa croissance
sur ce sol, culminant en proportion de la Nature,
            Gravira les purs espaces sans frontières, ne reconnaissant 
l'obstacle d'aucun mur ou d'aucun toit,
            Eclatera de rire avec la tempête et la soleil, connaîtra la joie,
acquerra l'endurance longue,
            Prendra soin de lui-même, s'ouvrira spontanément
( sans prêter attention aux formules étrangères ), accomplira
son temps,
            Avant de choir dans l'inutilité inaperçue,
            Avant de servir dans la disparition.

            Ainsi donc sur la côte du Nord,
            Au milieu des cris des conducteurs d'attelage, du
cliquetis des chaînes, de la musique des haches bûcheronnes,
            Au milieu de la chute des troncs, des branches, fracas 
suivi d'un cri étouffé puis d'une plainte,
            Se formulèrent ces paroles émanant du grand
séquoia rouge émanant eût-on dit des bruissantes voix
extatiques du fond des âges,
            Emanant d'invisibles dryades vieilles comme les siècles,
chantant dans leur retraite,
            Au moment de quitter leurs recoins forestiers, leurs
sanctuaires montagnards,
            De la chaîne Cascade jusqu'au Wasatch ou l'Idaho 
très loin, ou l'Utah,
            Au moment de céder aux divinités du moderne demain,
            Et le chœur de leurs observations, leur vision de la
prochaine humanité, des figures de son établissement,
            Retinrent mon oreille dans les bois de Mendocino.                            

                                         2

            L'étincelant cortège d'or de la Californie,
            Son spectacle riche et coloré en drames, ses terres amples
et ensoleillées,
            Son immensément longue étendue variée, depuis le détroit
de Puget jusqu'au Colorado au sud,
            Ses terres baignées dans un climat de douceur, de vigueur
inégalées, vallées ou parois des montagnes,
            Ses champs longuement préparés par les jachères de la
Nature, les cycles non divulgués de sa chimie,
            La pesante, la lente marche des siècles sur les sols vierges
inoccupés et mûrissant, cependant que les filons miniers se
formaient par-dessous,
            Et puis c'est le Nouveau qui débarque enfin, qui assume 
et prend possession,
            Une besogneuse race affairée s'établit, s'organise dans
tous les coins,
            Arrivent de vaisseaux de tous les ports de la terre
ronde, partent d'autres vaisseaux pour toutes les destinations
de la terre ronde,
            La Chine, l'Inde, l'Australie ou les mille îles paradis 
du Pacifique,
            Cités populeuses, inventions nouvelles, vapeurs sur les
fleuves, voies ferrées, fermes ayant le sens de l'épargne,
outillage mécanique,
            Le blé, la laine, les raisins, mais on cherche l'or jaune !

                                          3

            Tellement d'autres richesses encore en vous, sols de
l'Ouest,
            ( Nous n'avons parlé que des moyens, des outils, de la
base de départ )
            Oui je vois en vous certitude pour l'avenir, la promesse
de mille ans différée jusqu'à nous,
            Promesse d'accomplissement pour notre espèce 
commune, notre race.

            Une société nouvelle enfin, aux proportions de la Nature,
            Beaucoup plus qu'en vos pics, vos robustes arbres 
ancestraux, dans l'homme de votre race !
            Beaucoup plus qu'en votre or, vos vignes, ou même
votre air vital, dans la femme de votre race, oui !   
                                                                                                                         Yosemite National Park
            Fraîchement débarqué dans un monde neuf pourtant prêt
depuis si longtemps,
            Le génie de la modernité, l'enfant du réel et de l'idéal que
je vois,
            Dégageant le sol pour l'humanité tout entière, Amérique,
l'authentique héritier du passé grandiose
            C'est le génie que je vois construisant un futur plus grandiose.


                                         Walt Whitman
                               
                                                                  (1873 )
            


            
            






















samedi 10 juin 2023

Elle a fait un bébé toute seule Emmanuelle Friedmann Sophie Ruffieux ( BD France )

 









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                                                   Elle a fait un bébé toute seule

            Après la chanson de Jean Jacques Goldman, que l'auteur note apprécier, la bande dessinée. Le sujet : passé 35 ans les mois deviennent des années pour les femmes, situation acquise pour certaines, qui désirent très fort un bébé. Emmanuelle Friedmann conte l'histoire d'une jeune scénariste, donc travail précaire mais elle assume ses divers programmes, bien entourée par sa famille et quelques amis, troupe joyeuse, les dessins de Sophie Ruffieux très simples de l'héroïne le démontrent. PMA PMI FIV ? Quelle méthode, dans quel pays, pour enfin et peut-être obtenir un test positif. Outre le coût, les voyages en Espagne, au Danemark et ailleurs pour rencontrer les bons médecins sont onéreux. Puis l'héroïne s'interroge et certains proches avec elle : un enfant sans père? Réflexions douloureuses sans doute. Les déceptions émaillent ce vrai parcours de combattante. Femme célibataire ou en couple la démarche est longue et l'angoisse permanente ou les perturbations chez un couple. Bonne BD personnages sympathiques, pas tous ! Bonne lecture qui aborde un problème très actuel. Bonne BD.







samedi 3 juin 2023

Petite sale Louise Mey ( Roman Policier France )

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Petite sale

            Au pays des producteurs de betteraves, quelque part dans le nord de la France, du côté de Soissons, Demest est maître absolu en son Domaine, et sur presque toute la vallée. Il emploie les gens, supprime les haies et des arbres pour agrandir les champs. Ne rien perdre, pas un mètre carré. Petite silhouette un peu voutée, Catherine, surnommée " la petite sale ", parce que très pauvre et discrète, elle porte les seaux, alimente les mangeoires des animaux, sert le café, épluche les légumes, elle est bonne à tout faire et rentre le soir au village, dans la maison où elle vit avec sa mère, et se lave tous les jours malgré son surnom, dans le froid. Car il neige, le vent souffle en ce lundi 10 février 1969. Et le drame survient, les ouvriers italiens terminent leur journée, la nuit tombe, l'un d'eux s'amuse à bloquer la petite domestique qui s'occupait de la petite fille de celui appelé " l'Empereur ".  Lorsqu'enfin l'homme s'écarte Catherine ne retrouve plus Sylvie. Un enlèvement. Avertis le fils, la belle-fille, le Maître et son épouse et toute la vallée vont chercher toute une longue semaine. Le grand-père reçoit une demande de rançon, ce qui déplaît beaucoup au grippe-sous, coureur de jupons, mais cela ne se raconte qu'à demi-mot. Deux inspecteurs arrivent de Paris prêter main forte à la police locale quand même équipée d'un bélinographe. Les deux hommes sont arrivés avec leur propre problème. Les journalistes installés dans le petit hôtel, les rumeurs, les indiscrétions, les rancœurs alimentent l'enquête. De son côté Demest cherche " ...... Mon premier-né ne s'est pas montré à la hauteur. Ses livres, sa poésie, ses auteurs... j'ai laissé filer....... Mais à un moment il faut rendre..... Il faut rendre, dit l'Empereur qui lui ne donne rien...... tout se paye, rien n'est offert..... On dirait qu'il tente de trouver un langage commun....... eux qui n'ont pas la terre dans le sang..... " Ecrit dans une langue aigüe, la priorité à la vengeance, sans douleur, au froid, à la nature. Histoire attachante, enquête et sentiments qui pataugent dans le café. Dix jours d'enquête, sans smartphone ni internet. Bon roman, bonne lecture de ce roman récemment paru.