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La liberté de la presse
( extraits )
.......... La presse s'est moquée de la religion jusqu'à ce que ses railleries deviennent populaires. Elle a défendu des hauts fonctionnaires criminels pour des histoires de partis jusqu'à ce que ça aboutisse à la création du Sénat américain dont les membres sont incapables de comprendre quelle est la différence entre un crime aux yeux de la loi et la dignité de leur propre personnage...... J'attribue totalement cette situation exécrable aux journaux..... une presse qui est plus que libre...... L'opinion publique n'est retenue par rien....... Il existe des lois pour protéger la liberté de parole de la presse mais aucune qui permette de protéger les gens de la presse.........
Il me semble que notre morale décline à mesure qu'augmente le nombre de nos journaux...... Pour un journal qui fait du bien il y en a cinquante qui font du mal.........
Il y a d'excellentes vertus dans les journaux, des pouvoirs qui exercent une immense influence pour le bien, dont j'aurais pu parler et faire un éloge exhaustif, mais, messieurs, vous n'auriez plus rien à en dire.
MT
USA 1873
Le privilège de la tombe
( extraits )
Son occupant possède un privilège que n'exerce aucune personne vivante : la liberté de parole...... La liberté de parole est autorisée en théorie mais interdite en pratique........ Chaque homme porte en lui une opinion impopulaire concernant la politique ou la religion, et dans la plupart des cas il n'en a pas une mais plusieurs. Plus l'homme est intelligent plus il a une cargaison d'idées de cet acabit qu'il garde par devers lui. Il n'est pas un individu...... qui ne soit le dépositaire de convictions impopulaires chères à son coeur et choyées que la sagesse commune lui interdit d'exprimer....... Aucun d'entre nous n'aime être haï ou mis à l'écart....... Cette habitude produit tout naturellement le résultat suivant : l'opinion publique étant née et ayant grandi de la même façon, on ne peut absolument pas parler d"opinion " mais de "politique " pure et simple, car elle n'est sous-tendue par une aucune réflexion ni principe et ne mérite aucun respect.
Quand on présente aux gens un projet politique entièrement nouveau et inédit, ils sont surpris, inquiets et timorés, et pendant quelque temps ils restent muets, réservés et ne s'en mêlent pas. La majorité d'entre eux n'étudient pas la nouvelle doctrine et ne savent pas quoi en penser, ils attendent de voir de quel côté penche l'opinion publique.......
C'est l'envie de suivre le mouvement qui fait le succès des partis politiques........
La liberté de parole est le privilège et le monopole des morts.......
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MT
USA 1905
Journalisme au Tennessee
( extraits )
Un médecin m'a expliqué qu'un climat du sud améliorerait ma santé, et je suis donc descendu dans le Tennessee où j'ai trouvé un poste de rédacteur adjoint au..
Volubilis et cri de guerre du comté de Johnson - titre fictif...... Le rédacteur en chef était assis, penché en arrière sur une chaise à trois pieds, le pied sur une table en sapin. Il y avait une autre table en sapin dans la pièce et une autre chaise abîmée et toutes étaient à moitié noyée sous des piles de journaux, des bouts de papier et des feuillets de manuscrits. Il y avait un sablier en bois constellé de mégots de cigares et de " ola soldiers ", et un poêle dont la porte ne tenait plus que par le gond du haut. Le rédacteur en chef était revêtu d'une longue redingote de drap noir et d'un pantalon de lin. Ses bottes étaient courtes et parfaitement cirées. Il portait une chemise froissée, une grosse chevalière, un col droit d'un modèle obsolète et un foulard à carreaux dont les pans pendaient. Costume " 1848. Il fumait un cigare en réfléchissant à un mot et, à force de triturer les cheveux il avait pas mal ébouriffé ses mèches. Il avait l'air terriblement renfrogné et j'en ai conclu qu'il concoctait un éditorial particulièrement ardu. Il me dit de prendre les échanges, d'y jeter un oeil et d'écrire sur " l'esprit de la presse du Tennessee ".
J'ai écrit........ J'ai tendu mon manuscrit au rédacteur en chef pour qu'il l'accepte, le modifie ou le détruise. Il y a jeté un coup d'oeil et son visage s'est assombri. Il l'a parcouru de bout en bout et son expression ne laissait rien présager de bon. Il était facile de voir que quelque chose n'allait pas. Il s'est levé d'un bond et s'est écrié :
- Mille tonnerres ! vous vous figurez que je vais parler comme ça de ces individus ? Vous vous imaginez que mes souscripteurs vont accepter un tel éreintage ? Passez-moi le crayon !
Je n'avais jamais vu un crayon érafler et égratigner si rageusement, ou bien labourer les verbes et les adjectifs d'un autre homme aussi implacablement. Alors qu'il était au milieu de son entreprise quelqu'un lui tira dessus par la fenêtre et défigura la symétrie de mon oreille.
- Ah ! dit-il, c'est ce scélérat de Smith du
Moral Volcano il était attendu hier.
Et il s'empara d'un revolver de la marine qu'il portait à la ceinture et tira. Smith s'effondra touché à la cuisse. Le coup empêcha Smith d'atteindre son but, qui était en train de saisir une seconde chance, et il estropia une tierce personne. C'était moi. Juste un doigt emporté par une balle.
Sur ce le rédac chef reprit ses raturages et ses ajouts. Au moment où il venait de s'arrêter une grenade à main descendit le tuyau du poêle et l'explosion le souffla. Néanmoins, elle ne posa pas d'autres dégâts, à l'exception d'un morceau perdu qui vint me casser deux dents.
- Ce poêle est complètement fichu, s'exclama le rédacteur en chef.
Je lui répondis que j'en avais bien peur.
- Eh bien ! peu importe, pas besoin par ce temps. Je sais qui a fait ça, je l'aurai. En attendant voilà comment il aurait fallu écrire ce papier......... Colérique et droit au but. Le journalisme façon bouillie au lait me met les nerfs en pelote.
A ce moment-là une brique est passée par la fenêtre qui a volé en éclats et m'a porté un énorme coup dans le dos. Je me suis déplacé. Je commençais à penser être sur la trajectoire. Le rédacteur en chef a déclaré :
- C'était probablement le colonel. Je l'attendais depuis deux jours. Il ne va pas tarder à se pointer ici.
Il avait vu juste......
- Monsieur, ai-je l'honneur de m'adresser au poltron qui publie
lepalingeois.magix.net cette feuille miteuse ?
- En effet. Installez-vous, monsieur, Attention à la chaise, il lui manque un pied. Je crois que j'ai l'honneur de m'adresser à ce menteur putride de colonel Blatherskite
( débiteurs de sornettes ) ?
- Très bien monsieur. J'ai un petit compte à régler avec vous. Si vous avez le temps nous pouvons commencer........
Les détonations des deux pistolets résonnèrent effroyablement au même instant. Le rédacteur en chef perdit une mèche de cheveux et la balle du colonel termina son parcours dans la partie charnue de ma cuisse. L'épaule gauche du colonel fut légèrement éraflée. Ils tirèrent de nouveau. Chacun manqua l'autre....... Au troisième tir les deux messieurs furent légèrement blessés et j'ai eu une phalange brisée........
Ils parlèrent des élections et des moissons pendant qu'ils rechargeaient et je pensai mes blessures. Mais ils firent feu à nouveau avec animation, et chaque tir faisait mouche. La sixième balle blessa mortellement le colonel qui fit remarquer, avec une pointe d'humour, qu'il devait prendre congé à présent, car il avait affaire en ville. Il demanda ensuite son chemin pour aller chez l'entrepreneur de pompes funèbres et s'en alla. Le rédacteur en chef .......
- J'attends quelqu'un pour dîner et je dois me préparer........ Jones sera ici à trois heures, rouez-le de coups. Gillepsie viendra plus tôt sans doute, jetez-le par la fenêtre. Ferguson se présentera vers quatre heures, tuez-le........ Si vous avez un peu de temps vous pouvez écrire un article saignant sur la police..... Les fouets sont sous la table, les armes dans le tiroir, les munitions là, dans le coin. Les charpies et les bandages là-haut dans les cases du bureau. En cas d'accident allez voir Lancet, le chirurgien, au rez-de-chaussée. Il fait de la réclame, nous avons un accord. Et il partit...... - Ils vinrent - me laissèrent sur le carreau les habits totalement déchirés....... Le rédacteur en chef est arrivé et avec lui une cohue d'amis charmés et enthousiastes. S'ensuivit une scène d'émeute et de carnage..... Le rédacteur en chef et moi étions assis, seuls, contemplions le champ de ruines maculé de sang jonchant le sol autour de nous. Il me dit :
- Vous aimerez cet endroit quand vous vous y serez habitué.
.......... L'écriture vigoureuse est faite pour élever le public, aucun doute là-dessus, mais je n'aime pas attirer toute cette attention qu'elle appelle....... Les expériences sont originales, je vous l'accorde, et amusantes aussi, grosso modo, mais elles ne sont pas réparties judicieusement........ En l'espace de cinq minutes toutes les gouapes du coin arrivent ...... entendant faire mourir de peur ce qui reste de ma personne avec leurs tomahawks. ..... Dans le Sud on a le coeur trop impulsif, l'hospitalité du Sud est trop prodigue avec l'étranger...... Je dois vous dire adieu. Je décline ma participation à ces festivités. J'étais venu dans le Sud pour ma santé, je repars pour les mêmes raisons sur-le-champ. Le journalisme au Tennessee est trop mouvementé pour moi.
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Après que nous avons pris congé l'un de l'autre, en regrettant mutuellement cette séparation, j'ai pris mes appartements à l'hôpital.
MT
USA 1871
Comment j'ai édité un journal agricole
( extraits )
J'ai accepté de prendre provisoirement la direction d'un journal agricole, non sans crainte. Pas plus qu'un capitaine ne prend le commandement d'un navire sans appréhension. Mais j'étais dans une situation qui faisait du salaire un bon motif. Le rédacteur en chef attitré était parti en vacances. J'ai accepté les termes du contrat qu'il m'a proposé et j'ai pris sa place.
Le sentiment de retravailler était luxueux, et j'ai travaillé toute la semaine avec un plaisir inépuisable. Nous sommes allés à l'imprimerie et j'ai attendu le jour avec une certaine sollicitude pour voir si mes efforts allaient être couronnés de succès. Quand j'ai quitté le bureau, à la tombée du jour, un groupe d'hommes et de jeunes garçons au bas de l'escalier s'est écarté comme un seul homme et m'a laissé passer. J'ai alors entendu un ou deux d'entre eux s'exclamer :
- C'est lui !
Cet incident m'a tout naturellement réjoui. Le lendemain matin j'ai trouvé un autre groupe similaire au pied de l'escalier, et quelques individus seuls ou en groupes épars ici et là dans la rue et sur le passage.
- Regardez ses yeux !
J'ai feint de ne pas remarquer que j'exerçais sur eux un charmes, mais, en secret, j'en ai éprouvé de la satisfaction et je me suis proposé de raconter cette histoire à ma tante. J'ai grimpé la petite volée de marches et entendu des voix joyeuses et un éclat de rire en m'approchant de la porte que j'ai ouverte. Et j'ai aperçu deux jeunes hommes qui semblaient venir de la campagne. Leurs visages ont blêmi, se sont allongés quand ils m'ont vu, et tous deux ont sauté par la fenêtre dans un grand bruit de verre brisé. Cela m'a surpris.
Une demi-heure plus tard un vieux monsieur, avec une longue barbe et un beau visage austère est entré et s'est assis comme je l'y avais invité. Il semblait avoir quelque chose en tête. Il a retiré son chapeau et l'a posé par terre, puis il a sorti un foulard de soie rouge et un exemplaire de notre journal.
Il a posé le journal sur ses genoux et, tout en essuyant ses bésicles avec son foulard, il m'a demandé :
- Êtes-vous le nouveau rédacteur en chef ?
Je lui ai répondu que tel était bien le cas.
- Avez-vous déjà dirigé un journal agricole auparavant ?
- Non, ai-je répondu, c'est ma première tentative.
- De toute évidence ! Avez-vous une quelconque expérience en agriculture ?
- Non, je ne crois pas.
- Mon instinct me le disait, répondit le vieux monsieur en chaussant ses lunettes et en me toisant par-dessus avec rudesse, tout en repliant le journal pour lui donner une forme pratique. Je voudrais vous lire ce qui a nourri cet instinct. C'est cet éditorial. Écoutez et réfléchissez pour savoir si c'est vous qui l'avez écrit :
lagouriniere.fr
" On ne devrait jamais arracher les navets, ça leur fait mal. Il vaudrait mieux envoyer un garçon grimper à l'arbre et le secouer. "
Alors qu'en pensez-vous ? car je suppose vraiment que c'est vous qui l'avez écrit ?
- Ce que j'en pense ? Eh bien ! je trouve que c'est bien. Je trouve que c'est sensé. Je suis sûr et certain que chaque année des millions et des millions de boisseaux de navets sont abîmés dans cette ville uniquement parce qu'ils ont été arrachés alors qu'ils n'étaient pas encore mûrs, alors que si on avait envoyé un garçon secouer l'arbre...
- Secouez donc votre grand-mère ! Les navets ne poussent pas dans les arbres !
- Ah ! Vraiment ? Mais qui a dit que c'était le cas ? La formule se voulait métaphorique, totalement métaphorique. Quiconque s'y connaît saura que je voulais dire que le garçon devait secouer les vignes.
A ces mots le vieux monsieur s'est levé, a déchiré son exemplaire en mille morceaux qu'il a piétinés, a cassé plusieurs choses avec sa canne, m'a dit que j'étais plus ignorant qu'une vache et est sorti en claquant la porte derrière lui.
En un mot il s'est comporté comme si quelque chose l'avait contrarié. Mais, ne sachant pas pourquoi il s'était mis dans cet état, je ne pouvais lui être d'aucune aide.
Peu après une longue créature cadavérique, avec de longues boucles pendouillant sur les épaules et le visage hérissé d'une éteule d'une semaine passée dans les collines et les vallées a fait irruption et s'est arrêté, immobile, un doigt sur les lèvres, la tête et le corps penchés dans l'attitude de celui qui écoute. On n'entendait pas un bruit.
Il écoutait encore. Pas un bruit. Puis il a tourné la clef dans la porte et s'est avancé sur la pointe des pieds jusqu'à ce qu'il soit à quelques centimètres de moi. Il s'est arrêté et, après m'avoir dévisagé avec beaucoup d'intérêt, il a sorti de sous sa poitrine un exemplaire plié de notre journal et dit :
short-edition.com
- Là vous avez écrit ça. Lisez-le moi, vite ! Soulagez-moi, je souffre.
J'ai lu ce qui suit et au fur et à mesure que les phrases sortaient de mes lèvres je voyais le soulagement le gagner, ses muscles bandés se relâcher, l'inquiétude quitter son visage et le repos et la paix passer sur ses traits comme le clair de lune clément sur un paysage désolé :
" Le guano est un bel oiseau, mais l'élever nécessite beaucoup de soins. Il ne faut pas l'importer avant juin et après septembre. Le garder au chaud en hiver où il pourra couver ses petits.
Il est évident que nous avons une saison de retard pour les grains, le ferait donc bien de commencer à disposer les tiges de maïs et à planter ses galettes de blé noir en juillet plutôt qu'en août.
Concernant la citrouille. Cette baie est l'une des préférées des autochtones de l'intérieur de la Nouvelle-Angleterre, ils la préfèrent à la groseille à maquereau pour faire du gâteau aux fruits et, de même, lui accordent la préférence par rapport à la framboise pour nourrir les vaches, parce qu'elle est plus nutritive et extrêmement savoureuse. La citrouille est le seul comestible de la famille de l'orange qui pousse dans le Nord à l'exception de la gourde et d'une ou deux variétés de courge. Mais l'habitude de la planter dans la cour avec le massif d'arbustes passe rapidement de mode, car tout le monde s'accorde à dire que le citrouillier ne donne pas assez d'ombre.
Maintenant que les chaleurs approchent et que les jars commencent à frayer....
Cet homme qui m'avait écouté dans un état d'excitation
s'est précipité vers moi pour me serrer les mains et me dire :
- Voilà, voilà... ça suffit. Je sais que j'ai raison maintenant, parce que vous venez de le lire comme je l'ai fait, mot à mot. Mais, étranger, quand je l'ai lu pour la première fois ce matin, je me suis dit que je ne pouvais pas y croire jusque-là, bien que mes amis me gardent sous surveillance, mais à présent je crois bien que je suis fou. Alors, j'ai poussé un hurlement qu'on a pu entendre à deux miles à la ronde, et je me suis mis en route pour tuer quelqu'un... parce que, vous voyez, je savais que cela arriverait tôt ou tard, et donc je pouvais aussi bien commencer maintenant. J'ai encore relu un des paragraphes, pour en être sûr, et ensuite j'ai brûlé ma maison, et je me suis mis en route. J'ai estropié plusieurs personnes et j'ai poussé un gars à grimper dans un arbre, où je peux le retrouver si je veux. Mais je me suis dit que je pourrais passer ici puisque j'étais dans le coin et m'assurer de la chose. Et maintenant que c'est bien certain, je vous dis que c'est une chance pour le type qui est dans l'arbre. J'aurais dû le tuer en revenant. Au revoir, monsieur, au revoir, vous m'avez retiré une sacrée épine du pied.......
Je me sentais mal à l'aise à cause des blessures et des incendies dont cette personne s'était réjouie...... Mais ses pensées disparurent bien vite car le rédacteur en chef officiel fit son entrée !
( Je pensais par-devers moi " Si vous étiez parti en Egypte comme je vous l'avais conseillé, j'aurais pu avoir une chance de me faire la main...... ) "
Le rédacteur en chef avait l'air triste, perplexe et abattu.........
- Regardez-moi ça ! Quel spectacle navrant. La bouteille de colle de poisson est cassée, ainsi que six carreaux, le crachoir et deux bougeoirs. Mais ce n'est pas le pire. La réputation du journal est atteinte, et durablement, je le crains. C'est vrai qu'il n'y avait jamais eu beaucoup de demande pour le journal, qu'il ne s'est jamais autant vendu et n'a jamais atteint une telle célébrité. Mais qui veut être connu pour son aliénation mentale et prospérer grâce aux infirmités de son esprit. Mon ami, parce que je suis un honnête homme, la rue devant est pleine de gens, certains sont perchés sur les barrières et attendent de pouvoir vous apercevoir, parce qu'ils pensent que vous êtes fou....... Mais qui a pu vous mettre dans la tête que vous pouviez diriger un journal de cette nature ? Vous semblez ne pas connaître les premiers rudiments de l'agriculture........ vous parlez de la mue des vaches et vous recommandez la domestication du putois parce que c'est un animal joueur et un excellent chasseur de rats ! Votre remarque au sujet des palourdes, quand vous dîtes qu'elles se tairont si on leur joue de la musique ! Rien ne dérange les palourdes ! Les palourdes sont toujours silencieuses. Les palourdes se fichent éperdument de la musique. Ah ! dieux du ciel, mon ami ! si vous aviez fait de l'acquisition de l'ignorance le sujet d'étude de votre vie, vous n'auriez pu recevoir un plus haut diplôme que celui qui pourrait vous être décerné aujourd'hui. Je n'ai jamais rien vu de pareil, la remarque que vous faîtes au sujet du marronnier commun pour dire que c'est un article de commerce de plus en plus prisé, est tout simplement de nature à détruire ce journal.
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Je veux que vous abandonniez votre poste et partiez sur-le-champ. Je ne veux plus de vacances, je ne pourrais pas en profiter......... je perds toute patience chaque fois que je pense à votre papier sur les parcs à huîtres paru sous le titre
" Jardins paysagistes "! Je veux que vous vous en alliez......... Oh ! pourquoi ne m'avez-vous pas dit que vous n'y connaissiez rien en agriculture .
- Vous dire quoi, espèce d'épi de maïs, de chou, de fils d'artichaut vous-même ? C'est la première fois que j'entends une remarque aussi cruelle. Je peux vous dire que je travaille dans l'univers du journalisme depuis quatorze ans et c'est la première fois que j'entends dire qu'un homme doit savoir quelque chose pour publier un journal. Espèce de navet vous-même ! Qui écrit les critiques de théâtre pour les journaux de second rang ? Qui ? Une bande de cordonniers promus et d'apprentis apothicaires qui en savent autant sur le jeu d'acteur que moi sur l'agriculture, et rien d'autre. Qui rend compte des livres ? Des gens qui n'en ont jamais écrit un seul. Qui joue les gros chefs de la finance ? Les groupes qui sont susceptibles de ne rien savoir sur ce sujet. Qui critique les campagnes contre les Indiens ? Des bourgeois qui ne savent pas reconnaître un cri de guerre d'un wigwam et qui n'ont jamais dû courir avec un tomahawk........ Qui éditent les journaux agricoles, patate ? Des hommes, constat général, qui ont échoué dans la poésie, le roman à couverture jaune, à sensation, le drame......... Je me disais que je pouvais arriver à vous faire tirer à vingt mille exemplaires si j'avais disposé de deux semaines de plus, j'y serais parvenu. Et je vous ai amené la meilleure catégorie de lecteurs qu'un journal agricole ait jamais eue, par un seul fermier parmi eux, pas un seul individu qui sache faire la différence entre un pastéquier et un cep de pêche, dût-il le payer de sa vie. C'est vous qui y perdez, dans cette rupture de contrat, pas moi,
pauvre plante à tarte.
Adios.
Et je suis parti.
Mark Twain
1907