jeudi 11 octobre 2012

Lettres à Madeleine 49 Apollinaire


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photo site bleu horizon                                  Lettre à Madeleine


                                                                                                     2 décembre 1915

            Mon amour, cette lettre qui partira demain 3 décembre, je te l'écris ce soit 2 à7h, en attendant le ravitaillement qui n'arrive pas. Les hommes n'ont rien eu de chaud et rien à boire aujourd'hui. - Et il faut travailler tout le temps. Ah ! la vie du fantassin est pénible, plus pénible que tout ce qu'on sait. Ça n'a rien à voir avec l'artillerie. Les artilleurs sont gais, grossiers dans leurs propos, indisciplinés. Ici les gens dans la gaieté ne dépassent pas la narquoiserie, ils sont sérieux, jamais grossiers et disciplinés. Du poste d'écoute j'ai regardé les cadavres dans les fils de fer barbelés. Amour, je t'écris et t'écrivais il y a de cela 2 heures encore, mais pr pouvoir t'envoyer la lettre j'ai dû l'interrompre.Il était question de notre aumônier de Rgt soldat de 2è classe c'est un père de la Chartreuse de Parkminster, par Partridge Green, Angleterre. J'ai causé assez longtemps avec ce Chartreux pendant un quart que je prenais.Il a une grande action de consolateur sur les hommes... Mon amour, depuis les deux heures où je ne t'ai pas écrit on a eu alerte de gaz, innocent exercice que j'aime mieux sous cette forme que la réelle. En ce moment les Boches envoient des 105 par 4, ça fait
                                                                    
" pocpocploc " très vite et avec une force telle que le coeur remue à chaque tonnerre. Il remue non de peur, d'émotion choses qui n'existent plus après 15 mois de guerre, mais il remue en fait parce que le déplacement d'air secoue tout. Comme singularité presque toute ma tranchée est prise d'enfilade par un fusil mécanique boche qui fait péter la balle toutes les minutes. Elle pète jusque devant ma cagnat, cette régularité donne à l'atmosphère une sonorité qui n'est pas un des plus singuliers mystères d'ici. T'ai-je dit que nous étions 3 officiers à ma Cie 1 lieutt  faisant fonction de capitaine et 2 sous/lieutt chefs de section, les 2 autres chefs de section de la Cie sont  l'adjudant et le sergent-major. µLes 3 officiers vivent ensemble en popote, c'est un ancien cuisinier de l'Hôtel de Paris à Monte-Carlo qui nous fait à manger. Tu dois t'imaginer que ce n'est pas mal. Ce qui manque un peu ce sont les fruits. Notre chef de popote le s/ltnt Ferrier reçoit de chez lui des poissons excellents, notre lieutnt reçoit toutes sortes de friandises très bonnes. La viande que nous avons de l'ordinaire est exquise. Jamais je n'en ai mangé de si bonne. Mais aujourd'hui et peut-être demain pas d'eau pas de pain pas de charbon. On ne mangera donc guère autre chose que du saucisson et du chocolat sans pain sans boire.
            J'essaie d'éviter la vermine mais je ne sais si j'y parviendrai, en tout cas quand je partirai en permission je m'enduirai d'onguent gris pour tuer tous les poux si j'en ai, ce qui ne saurait tarder, le colonel en a ! Et bien enduit j'irai jusqu'à Oran où je m'habillerait je ne sais comment ( j'achèterai tout à Marseille ).  
Aussitôt j'irai au bain me changer et il faudra, mon amour s'enquérir d'une étuve pour y faire passer dans la journée même mon uniforme linge etc. -                         Il n'y a pas de poux de têtes, mais rien que des poux du corps et des poux du pubis. Les officiers d'infanterie plus soldats que ceux d'artillerie qui sont des ingénieurs après tout, sont aussi plus chiquement vêtus qu'eux, mais ils sont tous rongés par la vermine. En réalité, aucun écrivain ne pourra dire la simple horreur, la mystérieuse vie de la tranchée.
            Mais assez sur cette froide et blanche et contemplative guerre de boyaux trop blancs. Je t'aime mon Madelon exquis, d'une façon enfantine et virile et l'une et l'autre vont si bien en mon coeur. Je te caresse divinement tout en faisant à tout le pays un rempart de ma poitrine. J'ai pensé aujourd'hui avec une folle ardeur à ta bouche si bien dessinée et à ta poitrine exquisément belle.
            A tes longues mains que tu m'as décrites à ta longue taille. Mon amour comme je t'aime ! Ma bouche effleure tout ton corps et je broute l'adorable gazon que tu sais. Ma bouche te donne toutes les caresses uniques que tu aimes, ô mon amour, mon Madelon.
           Ici, mon amour malgré le travail incessant le temps est plutôt long dans les tranchées. On y cause uniquement de la guerre, du Boche si proche, des morts ou blessés quotidiens. Le pays n'aura jamais une admiration assez grande pour les simples fantassins soldats admirables qui meurent glorieusement comme des mouches. Ô la solitude irréelle pour ainsi dire entre la tranchée boche et la française. Quelle singulière chose.
            Je suis exténué je prends ta bouche et te donne ma langue ma chère esclave chérie.


                                                                                                                Gui

mardi 9 octobre 2012

Une interview Mark Twain ( Nouvelle EtatsUnis )


The Mark Twain House 300x225 The Mark Twain House
         maison de mark twain                                              Une interview

            Le jeune nerveux, alerte et déluré, prit la chaise que je lui offrais, et dit qu'il était attaché à la rédaction du " Tonnerre quotidien ". Il ajouta :
            - J'espère ne pas être importun. Je suis venu vous interviewer.
            - Vous êtes venu quoi faire ?
            - Vous interviewer.
            - Ah ! très bien. Parfaitement. Hum !...Très bien...
            Je ne me sentais pas brillant, ce matin-là. Vraiment mes facultés me semblaient un peu nuageuses. J'allai cependant jusqu'à la bibliothèque. Après avoir cherché six ou sept minutes je me vis obligé de recourir au jeune homme.
            - Comment l'épelez-vous ? dis-je.
            - Épeler quoi ?
            - Interviewer.
            - Bon Dieu !que diable avez-vous besoin de l'épeler ?
            - Je n'ai pas besoin de l'épeler, mais il faut que je cherche ce qu'il signifie.
            - Eh bien, vous m'étonnez, je dois le dire. Il m'est facile de vous donner le sens de ce mot. Si...
            - Oh, parfait ! C'est tout ce qu'il faut. Je vous suis certes très obligé.
            - I-n, in, t-e-r, ter, inter... 
            - Tiens, tiens... vous épelez avec un i.
            - Évidemment.
            - C'est pour cela que j'ai tant cherché !
            - Mais, cher monsieur, par quelle lettre auriez-vous cru qu'il commençât ?
            - Ma foi, je n'en sais trop rien... Mon dictionnaire est assez complet. J'étais en train de feuilleter les planches de la fin, si je pouvais dénicher cet objet dans les figures. Mais c'est une très vieille édition.
            - Mon cher monsieur, vous ne trouverez pas une figure représentant une interview, même dans la dernière édition. Ma foi, je vous demande pardon, je n'ai pas la moindre intention blessante, mais vous ne me paraissez pas être aussi intelligent que je l'aurais cru... Je vous jure, je n'ai pas l'intention de vous froisser.
            - Oh ! cela n'a pas d'importance. Je l'ai souvent entendu dire, et par des gens qui ne voulaient pas me flatter, et qui n'avaient aucune raison de le faire. Je suis tout à fais remarquable à ce point de vue. Je vous assure. Tous en parlent avec ravissement.
            - Je le crois volontiers. Mais venons à notre affaire. vous savez que c'est l'usage maintenant, d'interviewer les gens connus.
            - Vraiment, vous me l'apprenez.Ce doit être fort intéressant. Avec quoi faites-vous cela ?
            - Ma foi, vous êtes déconcertant. Dans certains cas; c'est avec un gourdin qu'on devrait interviewer. Mais d'ordinaire ce sont des questions que pose l'interviewer, et auxquelles répond l'interviewer. C'est une mode qui fait fureur. Voulez-vous me permettre de vous poser certaines questions calculées pour mettre en lumière les points saillants de votre vie publique et privée ?
            - Oh ! avec plaisir. J'ai une très mauvaise mémoire, mais j'espère que vous passerez là-dessus. C'est-à-dire que j'ai une mémoire irrégulière, étrangement irrégulière. Des fois elle part au galop, d'autres fois, elle s'attardera toute une quinzaine à un endroit donné. C'est un grand ennui pour moi.

                                          
            - Peu importe. Vous ferez pour le mieux.
            - Entendu. Je vais m'y appliquer tout entier.
            - Merci. Etes-vous prêt ? Je commence.
            - Je suis prêt
            - Quel âge avez-vous ?
            - Dix-neuf ans, en juin
            - Comment ! Je vous en aurai donné trente-cinq ou trente-six ans. Où êtes-vous né ?
            - Dans le Missouri.
            - A quel moment avez-vous commencé à écrire ?
            - En 1836.
            - Comment cela serait-il possible, puisque vous n'avez que dix-neuf ans ?
            - Je n'en sais rien. Cela paraît bizarre en effet.
            - Très bizarre. Quel homme regardez-vous comme le plus remarquable de ceux que vous avez connus ?
            - Aaron Burr.
            - Mais vous n'avez jamais pu connaître Aaron Burr si vous n'avez que dix-neuf ans !
            - Bon ! si vous savez mieux que moi ce qui me concerne pourquoi m'interrogez-vous ?
            - Oh ! ce n'est qu'une suggestion. Rien de plus. Dans quelles circonstances avez-vous rencontré Aaron Burr ?
            - Voici. Je me trouvais par hasard un jour à ses funérailles et il me pria de faire un peu moins de bruit, et...
            - Mais bonté divine, si vous étiez à ses funérailles, c'est qu'il était mort. Et s'il était mort, que lui importait que vous fassiez ou non du bruit ?
            - Je n'en sais rien. Il a toujours été un peu maniaque de ce côté-là.
            - Allons, je n'y comprends rien. Vous dites qu'il vous parle, et qu'il était mort.             Aaron Burr sénateur 1756/ 1836
            - Je n'ai jamais dit qu'il était mort.
            - Enfin était-il mort ou vivant ?
            - Ma foi, les uns disent qu'il était mort, les autres qu'il était vivant.           
            - Mais vous, que pensez-vous ?
            - Bon ! Ce n'était pas mon affaire. Ce n'est pas moi que l'on enterrait.
            - Mais cependant... Allons, je vois que nous n'en sortirons pas. Laissez-moi vous poser d'autres questions. Quelle est la date de votre naissance ?
            - Le lundi, 31 octobre 1693.
            - Mais c'est impossible ! Cela vous ferait cent-quatre-vingts ans d'âge. Comment expliquez-vous cela ?
            - Je ne l'explique pas du tout.
            - Mais vous me disiez tout à l'heure que vous n'aviez que dix-neuf ans ! et maintenant vous en arrivez à avoir cent-quatre-vingts ans ! C'est une contradiction flagrante.
            - Vraiment ! L'avez-vous remarqué ? - ( Je lui serrai les mains ). Bien souvent en effet cela m'a paru comme une contradiction... Je n'ai jamais pu, d'ailleurs, la résoudre. Comme vous remarquez vite les choses!
            - Merci du compliment, quel qu'il soit. Aviez-vous, ou avez-vous des frères et des soeurs ?
            - Eh ! Je... Je... Je crois que oui, mais je ne me rappelle pas.
            - Voilà certes la déclaration qu'on m'ait jamais faite !
            - Pourquoi donc ? Pourquoi pensez-vous ainsi ?
            - Comment pourrais-je penser autrement ? Voyons. Regardez par là. Ce portrait sur ce mur, qui est-ce ? N'est-ce pas un de vos frères ?
            - Ah !oui, oui, oui ! Vous m'y faites penser maintenant. C'était un mien frère, William, Bill, comme nous l'appelions. Pauvre vieux Bill !
            - Quoi ! il est donc mort ?
            - Certainement. Du moins, je le suppose. On n'a jamais pu savoir. Il y a un grand mystère là-dessous.
            - C'est triste, bien triste. Il a disparu, n'est-ce pas ?
            - Oui, d'une certaine façon, généralement parlant. Nous l'avons enterré.
            - Enterré ! Vous l'avez enterré, sans savoir s'il était mort ou vivant !
            - Qui diable vous parle de cela ? Il était parfaitement mort.
            - Ma foi ! J'avoue ne plus rien comprendre. Si vous l'avez enterré, et si vous saviez qu'il était mort...
            - Non, non nous pensions seulement qu'il l'était.
            - Ah ! je vois. Il est revenu à la vie.
            - Je vous parie bien que non.
            - Eh bien ! Je n'entendis jamais raconter chose pareille. Quelqu'un est mort. On l'a enterré. Où est le mystère là-dedans ?
            - Mais là justement ! C'est ce qui est étrange. Il faut vous dire que nous étions jumeaux, le défunt et moi. Et un jour, on nous a mêlés dans le bain, alors que nous n'avions que deux semaines et un de nous a été noyé. Mais nous ne savons pas qui. Les uns croient que c'était Bill. D'autres que c'était moi.
            - C'est très curieux. Et quelle est votre opinion personnelle ?
            - Dieu le sait ! Je donnerais tout au monde pour le savoir. Ce solennel et terrible mystère a jeté une ombre sur toute ma vie. Mais je vais maintenant vous dire un secret que je n'ai jamais confié à aucune créature jusqu'à ce jour. Un de nous avait une marque, un grain de beauté, fort apparent, sur le dos de la main gauche. C'était moi. Cet enfant est celui qui a été noyé.
            - Ma foi, je ne vois pas dès lors, qu'il y ait là-dedans le moindre mystère, tout bien considéré.
            - Vous ne voyez pas. Moi, je vois. De toute façon,
je ne puis comprendre que les gens aient pu être assez stupides pour aller enterrer l'enfant qu'il ne fallait pas. Mais chut ! N'en parlez jamais devant la famille. Dieu sait que mes parents ont assez de soucis pour leur briser le coeur sans celui-là.
            - Eh bien, j'ai, ce me semble, des renseignements suffisants pour l'heure, et je vous suis très obligé pour la peine que vous avez prise. Mais j'ai été fort intéressé par le récit que vous m'avez fait des funérailles d'Aaron Burr. Voudriez-vous me raconter quelles circonstances en particulier vous fit regarder Aaron Burr comme un homme si remarquable ?
            - Oh ! un détail insignifiant. Pas une personne sur cinquante ne s'en serait aperçue. Quand le sermon fut terminé, et que le cortège fut prêt à partir pour le cimetière, et que le corps était installé bien confortablement dans le cercueil, il dit qu'il ne serait pas fâché de jeter un dernier coup d'oeil sur le paysage. Il se leva donc et s'en fut s'asseoir sur le siège, à côté du conducteur.
            Le jeune homme, là-dessus, me salua et prit congé. J'avais fort goûté sa compagnie, et fut fâché de le voir partir.


                                                                                              Mark Twain

                                                                                   ( in contes humoristiques )
                                                                                                                                                                                       

                                                                                                              

samedi 6 octobre 2012

Chanel intime Isabelle Fiemeyer photos Francis Hammond ( Document France )


Chanel intime
                                                 Chanel Intime


             Gabrielle Chanel a toujours suivi ses intuitions raconte sa petite-nièce Gabrielle Palasse-Labrunie. Née dans un foyer modeste elle seule suivra un chemin qui l'a conduite à la renommée et à la fortune. Une route parsemée de drames. Gabrielle Chanel voit mourir sa mère, crachant le sang, de tuberculose, à 32 ans. Le père abandonne ses enfants. Absence irréparable. Placés dans des fermes. Puis pensionnat, puis atelier de confection où elle retrouve sa tante Adrienne. Elles ont le même âge et resteront toujours très liées. D' Aubazine proche de Brive-la-Gaillarde, celle que son père avait surnommée Coco vit et travaille à Moulins où elle rencontre son premier protecteur Etienne Balsan, riche propriétaire. Un jour Coco Chanel emprunte une tenue d'équitation de Balsan et la découpe et la porte ainsi. Elle prouve ainsi son goût. Débute d'abord comme modiste. Mais elle rencontre Boy Capel, l'amour de sa vie dit encore sa nièce qui vécut près d'elle fréquemment. Chacun lui apporte différentes formes de culture et elle accède grâce à leurs relations à une clientèle fort utile lorsqu'elle ouvre ses boutiques de couture à Deauville, à Biarritz, à Paris. Très indépendante elle rembourse Boy Capel qui malheureusement meurt dans un accident de voiture en Angleterre. Coco Chanel poursuit son ascension se lie avec le duc de Westminster, avec Dimitri, jeune russe qui l'introduit dans le milieu du cinéma, mais elle ne s'adapte pas à Hollywood, par contre à Paris, ce sont Picasso, Cocteau, Diaghilev qui lui demandent des costumes pour leurs spectacles puis des metteurs en scène pour leurs films. Mécène elle aide les artistes, Cocteau dans ses désintoxications. Chanel a découvert les antiquités, entourée de paravents de Coromandel, elle les démonte en couvre parfois ses murs rue Cambon où sont installés boutique et ateliers du 21 au 29. Tant d'anecdotes, histoires de quelques moments de Melle Chanel plus célèbre et plus reconnue aux EtatsUnis qu'en France. Voir la photo des soldats américains à la porte du 25 rue Cambon pour acheter les célèbre n°5. Chiffre symbolique pour Coco Chanel, assez fétichiste par ailleurs, propriétaire de châteaux qu'elle offre à ses proches, de bijoux volés à sa mort. Ce bel album outre les différentes étapes de la vie Chanel, elle voit mourir ses soeurs et frères et d'autres proches, comporte un grand nombre de photos, véritables documents. Sa liaison avec un espion allemand, et son arrestation à la fin de la guerre. Gabrielle Chanel fut rapidement libérée après l'intervention de Churchill. Très beau livre sur celle qui logea au Ritz trente ans, d'abord côté Vendôme puis côté Cambon et libéra les femmes de leur corset.

jeudi 4 octobre 2012

Lettre à Madeleine 48 Apollinaire


                                                                                                                                    

     
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photo extraite site 14/18 la grande guerre
atelier du graveur dans une tranchée
                                         
                                                 Lettre à Madeleine

                                                                                                             30 novembre 1915

            Mon amour, notre deuxième jour de 1è ligne est commencé. C'est calme. Il n'y a que la mousqueterie et l'artillerie pr le moment. Notre tranchée est prise d'enfilade et les balles y sifflent tout le temps. Je la fais creuser pr parer à cet inconvénient qui peut coûter la vie à de braves gens. A certaines heures à peu près fixes on nous bombarde des obus de 105 et quelques 77 fusants, une pièce qui doit être tout près. Mais enfin pr le moment pas de ces horribles engins de tranchée qui sont plus terribles que tout et on parle si peu :
            Youyous  ainsi nommés du bruit plaintif qu'ils faisaient entendre en venant et que les Boches sont arrivés à supprimer. Si bien qu'on ne les entend plus venir et comme ils les peignent maintenant en bleu ciel on ne les voit plus non plus.
            Boîtes à merde, sortes de lits ou de grandes malles qui arrivent à une 60aine de mètres de hauteur et piquent brusquement et détruisent 200 m. de tranchée avec tout ce qui s'y trouve.
            Seaux à charbon, espèce de bombes ainsi nommées de leur forme et pleines de toutes sortes de ferraille. Engin horrible.
            Marie-Louise le plus grand de tous ces engins, bombe très haute et d'effets épouvantables.
            Nous, nous n'avons que nos petits paniers avec les grenades à main.
            La section de réserve tandis que nous veillons fabrique, les sphères, les chevaux de frise, les trébuchets pr augmenter nos défenses accessoires.                                                                 
                                                                             
            Tout ça est bien singulier et bien épouvantable. Pas plus que la vie de tranchée même. Les fantassins dorment partout, brusquement, sous la pluie, sur le sol. Ils aiment se creuser des niches de 40 centimètres de haut sur 1 m 80 de long en forme de berceau à flanc de tranchée, ils mettent leur toile de tente devant et les voilà pourvus d'un appartement où ils se trouvent bien.
            Mon amour adoré pas de lettre de toi, d'ailleurs aucune lettre de personne parce que l'on ne m'a pas encore fait suivre. J'ai oublié de te dire que je t'ai envoyé avant-hier de notre train de combat deux paquets. L'un contient deux catalogues de l'Exposition Delaunay en 1913 ou 1914, l'un est à moi, tu me le garderas. L'autre porte mon ex dono pour toi. Tu y liras un de mes poèmes que j'aime le plus, " Les Fenêtres ". C'est au demeurant, un de mes livres les plus rares que cette belle édition des " Fenêtres ". Je serai content que tu l'aies, mon amour. Le second paquet contient mes éperons dont je n'ai plus besoin et que tu me garderas, ma cagoule d'artilleur qui t'amusera, mon couvre-képi, que j'ai retrouvé et qui a fait campagne sur mon képi que tu as, une petite boîte contenant la dernière bague que j'ai faite comme artilleur ( ici, on n'a pas le temps ! ). Elle est pour ta maman, je crois qu'il faudra :lui donner 1 petit coup de pâte à polir. Les papiers de la boîte sont à garder aussi. Ce sont : ma permission de Châlons et des notes d'achats à Châlons. Je vais tâcher de savoir quel est mon tour de permission et te l'écrirai aussitôt. J'espère que ça ne tardera pas. Comme officier je voyage en première. Je crois d'après ce qu'on m'a dit mais ce n'est pas certain que le bateau n'est pas gratuit, sans doute 1/4 de place. Mon amour, nous dormirons le moins possible pr être le plus longtemps possible ensemble. Tu es mon amour chéri. Je te prends toute profondément. Je souhaite une lettre de toi aujourd'hui. S'il m'arrivait quelque chose tu serais prévenue, car j'ai donné ton nom comme personne à prévenir. J'ai donné toi et ma mère. Mais j'ai beaucoup de confiance, certitude même qu'il ne m'arrivera rien même si on monte à l'assaut de l'affreuse butte ( tu te souviens de ce qui était écrit sur le journal italien ).
            9 jours sans se laver, couché par terre, sans paille, sur un sol rempli de vermine, pas une goutte d'eau sinon celle qui sert aux appareils Vermorel pour vaporiser les masques à l'hyposulfite en cas de gaz. Nous avons mis des girouettes sur les parapets pr connaître la direction des vents et j'ai donné une douille de 75 à un de mes guetteurs pour frapper dessus comme sur un gong dès qu'il verra onduler les gaz. La tranchée de craie est très mauvaise et s'éboule souvent, il faut tout le temps consolider au moyen de sac à terre. Le quart qui se répète de 6h en 6h est très embêtant mais très nécessaire, sans quoi les hommes s'endormiraient aux créneaux par la grande fatigue. Moi qui dors peu, je n'ai qu'à m'étendre sur le sol comme font ces pauvres enfants que je commande et je m'endors aussitôt.
            C'est fantastique, ce qu'on peut supporter. Il n'y a guère de charbon, mais forcément on fournit la ration réglementaire des officiers. Alors j'ai pris mes deux sergents à coucher avec moi et les hommes qui ont froid peuvent se chauffer 4 par 4. De plus mon feu sert à réchauffer leur soupe. Ils sont très contents les pauvres gars. J'ai 2 sergents épatants, qui font campagne depuis le début.
            Jean Jean-Marie, Toulousain 33 ans, croix de guerre, proposé pr adjudant, énergique, rouspéteur, grognard mais de 1er ordre.
            Varroqueaux ( de l'Aisne, son village est envahi 20 ans ) courage du lion.
            Les caporaux sont moins bien, mais les sergents savent les mener.
            Mon amour je prends ta bouche, je t'adore. Tu... mon Madelon chéri et c'est passionnément que ma bouche prend ton parvis adoré.

                                                
                                                                                                               Gui
                             reste de l'église détruite durant la guerre 14/18


                                                                                                                                                               1er décembre 1915

            Mon amour, je n'ai eu encore aucune lettre de toi ni de personne. C'est triste, si triste. Notre secteur défend l'Arbre, le plus fameux des arbres d'aujourd'hui. Si tu suis les communiqués tu sais lequel. En somme on est juste devant où nous étions en batterie. Si tu sais où, je suis content, mais si tu ne le sais pas je ne peux préciser. Un parapet de ma tranchée est construit en partie avec des cadavres... Brr ! Mon poste de commandement est un abri-caverne avec des voûtes ogivales. Mon amour je t'adore. J'ai dormi une heure cet après-midi tandis que je n'étais pas de quart. Ah ! quelle autre vie celle des fantassins que celle des artilleurs. Ceux-ci font à peine la guerre. Une vraie idylle à côté du drame nu et profondément fatal de la guerre de première ligne. Ah ! mon amour, comme je t'aurais gagnée ! Tu sais que j'ai été nommé au titre de l'active. Je me demande pourquoi tant d'honneur. Enfin ! Mais il est clair que j'irai à l'assaut un de ces jours ! Ça ne fait pas un pli !! et je me doute bien de l'endroit dont il s'agira ! En attendant j'organise défensivement ma section. Ce n'est pas une sinécure tandis que passe uniquement la chanson des obus des balles et les rran des marmites qui éclatent, le jjj des éclats qui tombent, les plac des balles qui touchent un parapet. Je t'écris ce soir 30 à 8 h et continuerai demain cette lettre qui partira demain soir et porte la date de demain
       
                              
            Mon amour, je continue ma lettre, le 1er à 4h. Pas été ravitaillés hier. - Comme choses curieuses de tranchées il y a les pare-éclats taillés dans la tranchée et appelés éléphants selon leur forme. Il y a les girouettes pour voir la direction du vent en cas de gaz asphyxiants. Ma cagnat ou caverne porte un écriteau avec l'indication Ville Ste Anne. Si on a moins à faire je tâcherai de faire les ronds de serviette ces jours-ci après quoi, je crois que je ne ferai plus souvent d'objets, maintenant que je suis officier je n'en aurai plus guère les loisirs. T'ai-je dit qu'avant de quitter la position de mon ancienne Batterie au Trou-Bricot j'ai visité un autre cimetière beaucoup plus beau que le premier que je t'ai décrit. Croix très bien sculptées, aigles, inscriptions générales : celle-ci en ancien germanique et qui est peut-être tirée de Nibelungen et '" Liewer düd as slaw " ( plutôt mort qu'esclave ) et celle-ci : " Kein Schönrer Tod ist auf der Welt als Wer vor 'm Feind erschlagen " ( il n'est pas de plus belle mort au monde que de tomber frappé devant l'ennemi ). Et sur chaque tombe est avant le nom la formule suivante : " den Heldentod starb... " mourut de la mort des Héros ( un tel ). Ici la vie est bien plus mystérieuse, fatale que dans l'artillerie où l'on s'abrite dès que ça marmite. Ici au contraire si ça marmite tout le monde sort et tant pis s'il meurt ou s'il est blessé. Le langage des fantassins n'est pas grossier. Pauvres et braves soldats ! Leur rêve, c'est la bonne blessure ( un bras coupé ). Mais ils sont braves et naturellement car ils ont eu plusieurs fois à monter à l'assaut. Puis il y a le mystère des tranchées prises d 'enfilade soit par le fusil mécanique, soit par le canon-revolver, soit par la mitrailleuse, le mystère des sphères, des postes d'écoute, des sapes, des bruits entendus, des dénominations inattendues pr désigner les différents points de la carte secrète. Mon amour, je t'aime, je me lave sommairement avec l'eau
de Cologne que tu m'as envoyée, je fume les cigarettes qui sont bien arrivées ( 6 paquets dans une boîte de figues ). Je porte le petit tricot que tu m'as envoyé.                            
             Mon amour, je me suis lavé ce qui est tout à toi avec ton eau de Cologne. Tu es mon mignon chéri. Je t'aime d'une façon merveilleusement conquérante ma toute chérie.. Mon amour a encore augmenté et je croyais que c'était impossible. J'espère une lettre ce soir. Ici l'aumônier joue un rôle...Les lettres doivent partir je prends ta bouche.


                                                                                                 Gui

Lettre à Madeleine 47 Apollinaire


  Jacques Emile Blanche 1861-1942   portrait of a Baronne  in Louis XVI costume 1893 huile sur toile 146,1 x 95, 9  collection privée.JPG
          Italici Brass
                                                                                                     22 nov. 1915

            Mon amour, j'ai reçu aujourd'hui tes lettres du 13 et du 14. C'est un lieu-dit, il n'est pas sur les cartes mais c'est un trou fameux on en a beaucoup parlé dans les communiqués des 25, 26 et 27 septembre. On y a pris tout un état-major, c'est sur la gauche d'où on était . Mon amour, j'aime nos caresses à nos oreilles et j'adore tes pieds qui se crispent et que je caresse très longuement des doigts, de la bouche des dents de la langue de ma virilité. Oui je crois que chaque partie de ton corps a une âme. Mais non, amour, tu ne seras pas confuse de ta volupté tu en seras fière et tu donneras hardiment les coups de reins qu'il faut, n'est-ce pas mon amour. Je connais tous les renseignements pour la perm. Mais dis-moi puisque les permissionnaires doivent reprendre le même bateau, y a-t-l un laps de 6 jours entre leur arrivée et leur départ, déduction faite du jour d'arrivée qui ne compte pas. En quelle classe voyagent les permissionnaires ( sous-off ? ). Mon amour, ta photo en mauresque avec Jean, m'a bien amusé. Tu étais enfant une vraie petite moricaude adorable. Je comprends qu'on ait fêté ta fête et que vous vous soyez bien amusés. Oui, tu avais deviné tes jambes autour de mes reins, amour et je te sens tout contre moi. Ton coucher est le plus voluptueux et le plus chaste tableau qui soit, je l'adore. Tu m'en fais un récit exquis. Tu dois être bien jolie aussi en chemise et je te prends sauvagement dans ton vêtement de nuit que je retrousse. L'eau de Cologne sur ton parvis te fait le même effet qu'à moi sur ma virilité et sous les (... ? ) surtout. Ça sent très très fort. Il faut avant de te laver à l'eau froide mon amour faire quelques mouvement pr faire circuler le sang et après te frapper de ta main ouverte pr amener le sang à fleur de peau.
            Amour, parle-moi un peu de toi et de tout ton joli corps.
            Nous sommes très bombardés en ce moment mais nous sommes bien abrités dans nos abris boches, cependant les pièces ne sont pas abritées. Toute la journée les obus sifflent éclatent, les éclats roulent partout.
            Mon amour, je te prends passionnément sois un peu panthère après avoir reçu cette lettre. C'est quand tu es panthère que je peux inventer pour notre amour et je t'adore follement suprêmement.
                                                                                          
                                                     Exercice

                              Vers un village de l'arrière
                              S'en allaient quatre bombardiers
                              Ils étaient couverts de poussière
                              Depuis la tête jusqu'aux pieds           
                                                                                           Lot 294 Image
                              Ils regardaient la vaste plaine                  fautrier
                             En parlant entre eux du passé
                             Et ne se retournaient qu'à peine
                             Quand un obus avait toussé

                             Tous quatre de la classe seize
                             Parlaient d'antan non d'avenir
                             Ainsi se prolongeait l'ascèse
                             Qui les exerçait à mourir

            Je prends ta bouche éperdument et ta langue chérie.

                                                                                                     Gui
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                                                                                                   24 nov. 1915

            Mon amour adoré, j'ai été deux jours sans t'écrire. Sollicité d'être officier je n'ai pu refuser. J'aurais pu le faire, mais étant donné que je suis engagé volontaire, je ne pouvais pas sans avoir l'air de mettre une restriction à mon engagement, restriction qui n'est pas en moi. D'autre part, j'en avais assez d'être sous-off et surtout ce qui prime tout, c'est que ma victoire à moi c'est toi et qu'un amour comme le nôtre exige un très grand sacrifice. Tu es la plus belle du monde, tu es mon tout et je t'adore, mon Madelon. Cet amour s'accroît sans cesse, je ne sais comment c'est possible mais c'est comme ça. Chaque jour nous unit plus. Me voilà donc officier d'infanterie, ça s'est fait avec une rapidité incroyable. µpersonne n'y croyait. Je venais de découvrir au trou où j'étais un nouveau cimetière dont je te parlerai quand on m'a apporté du grand quartier général mon brevet de sous-lieutenant, aussitôt on m'a compté les 400 francs d'indemnité de mise en campagne et je suis parti à la recherche de mon régiment. J'ai mis deux jours à le trouver. Le colonel m'a reçu d'une façon charmante et m'a donné une permission pr Châlons où je vais aller tout à l'heure m'équiper. Je tâcherai de te télégraphier de là-bas ma nouvelle adresse. Le commandant m'a inviter à dîner hier soir homme charmant. Et j'ai passé la soirée avec le lt comdt la 6è Cie qui est mon chef direct et le sous-lieutnt mon collègue. Nous vivrons en popote à 3. Mes collègues sont charmants surtout le lieutenant, un Parisien propre neveu de notre général. La 6è Cie s'est particulièrement distinguée aux attaques de septembre où elle est entrée la 1è à Tahure et a fait beaucoup de prisonniers. La vie des officiers d'infanterie autant que j'ai pu en juger par cette 1è nuit, est extrêmement précaire. Les officiers couchent par terre. Il est vrai que nos ordonnances nous couvrent. Mais un sous-off d'Arti vit beaucoup plus confortablement à la guerre qu'un officier supérieur de fantassins. L'esprit est très différent et je goûte beaucoup cet esprit des officiers d'infanterie beaucoup plus crâne.
            Je continue ma lettre de Châlons même où je suis allé m'équiper. Je repars ce soir. Je suis arrivé en auto, je repars en chemin de fer. - Je crois que du fait de mon passage dans l'infanterie ma permission se trouve avancée. Je répondrai demain à tes lettres adorées, je t'adore.


                                                                                                     Ton Gui
            mon adresse est :
        Sous-lieutenant au 96è d'Infanterie
                        6è compagnie
                          Secteur 139.

            J'ai fait la bague pour ta maman. C'est mon dernier travail dans l'arti - l'enverrai après-demain.

                                                                                                          Gui
                                                                    

            Deux lettres des 26 et 28 nov . Dans la 1è il informe Madeleine : " ... journée de tailleur, rangeage d'achats dans ma cantine, nous allons en 1è ligne le 28... " et de la bonne réception des colis et lui parle d'amour : " Tes progrès en nous sont exquis, amour... Ma chérie, je suis fier de ta pudeur à l'égard de tout ce qui n'est pas nous... " La lettre du 28 poursuit la description amoureuse de leurs éventuels ébats : " Tu es mon amour, une cassolette unique ... D'ailleurs mon amour, réellement, c'est l'infanterie qui est l'arme méritante... Je monte demain soir en première ligne pour neuf jours. Que ton amour me protège. Je t'ai dit que c'est ma compagnie qui a enlevé seule la Butte de Tahure... "


 .
                                                                                                          29 nov 1915

            Mon amour, je n'ai pas pu t'écrire hier on avait trop à faire. A 2h revue par le chef de bataillon avec discours. Pour la 1è fois j'ai pris le commnt de ma section. Le soir à 6h 1/4 on est parti le sol était gelé, les soldats glissaient et tombaient comme des mouches, moi je ne sais pas comment je ne me suis pas cassé une jambe ou foulé un pied. Je n'avais que mes chaussures de cavalier sans clous et si je suis arrivé c'est miracle. C'était fantastique dans la nuit. On a repassé au " trou " où j'étais puis en avant en avant la pâle plaine décharnée, aux veines blanches que sont les boyaux , on a pris le boyau un après l'un de temps en temps le boyau cessait et on reprenait à découvert en pressant le pas. Les balles sifflaient, puis les boyaux en zigzags infinis qui mènent en première ligne. Puis en 1è ligne, on y est maintenant pr 9 jours. Les chefs de section comme moi, y sont. En  cas d'attaque on a comme seule consigne de mourir plutôt que de se replier. On est bombardé par le terrible 105. Je suis dans ma cagnat. J'ai fait allumer un brasero. C'est le seul que l'on puisse alimenter, peu de charbon. J'ai 6 heures de garde dans le boyau par 24 h. Ma cagnat est solide. J'y laisse se chauffer les hommes de section à tour de rôle quand ils ne sont pas guetteurs aux créneaux. Comme ce sont de nouvelles lignes elles ne sont pas organisées. Pas de fils de fer barbelés. Je vais les faire placer la nuit et agrandir les boyaux et creuser des cagnats pr les hommes qui n'en ont pas. Maintenant c'est la guerre, pour de bon, j'écris accroupi, sur mon genou ; cette vie va durer 9 jours. Du fond de ma cagnat, je vois le guetteur au créneau en face de moi. Il y a un joli poste d'écoute. Enfin, enfin, enfin toute la vie de tranchée. J'ai pris le quart cette nuit de 2 à 4, je le reprends de midi à 2h. J'ai reçu ta lettre du 20. Remercie ta maman de sa très grande gentillesse. Ton programme est excellent. C'est le mien de tout mon coeur mon amour. J'ai bu amour, avec une passion folle tout le fleuve de ta source secrète que tu me donnes et je prends ta bouche jusqu'à ce que tu demandes grâce ! J'ai reçu aussi ta lettre du 21. J'espère que ma permission arrivera bientôt... J'adore sucer le lait de mon amour, ô mon amour tu es divine. J'adore les effleurements de tes mains. J'adore tes coudes et tes bras. J'adore tes odeurs secrètes. J'adore ta science sur l'art des fruits. J'attends dans l'affreuse et désolée tranchée la lettre volupté.
            J'ai oublié de te dire mon amour qu'à Châlons, j'ai mangé avec le lieutt comt la Batterie de 155 court dont il est question dans la fameuse chanson du Pont de Minaucourt que j'ai publiée dans le Mercure. C'est le lieutt Daurver actuellement cnt la 10è Bie du 116è Rgt. Art. lourde. Alors elle était 5è Bie du 6è Rgt. Art. à pied et on l'appelait batterie D. de l'initiale du nom du Commandant. L'auteur de la chanson est en partie le cuisinier de ce lieutt d'artil. ( très gourmand et connaisseur en vin ) ce cuisinier qui est seul resté avec son lieutt du personnel de la Bie de 155 court au moment de la chanson. Ce cuistot s'appelle Loiseau on a oublié de mentionner son nom. Détails anecdotiques sur la guerre ! Je prends ta bouche.


                                                                                                               Gui




A propos de Rimbaud Lettre



Rimbaud dessine Delahaye
                                          Rimbaud à Ernest Delahaye

                                                                                              14 8bre  75 Charleville

                                         Rimbaud attend d'être conscrit dans une chambrée écrit à Delahaye pion à Soisson. Verlaine récemment converti donne l'occasion au jeune poète, il a 21 ans de surnommer son aîné Loyola, et écrit quelques vers hautement fantaisistes qui seront les derniers connus d'Arthur Rimbaud.Keller
apparu dans le texte doit peut-être être compris Quel Air



            Cher ami,
            Reçu le Postcard et la lettre de V. il y a huit jours. Pour tout simplifier, j'ai dit à la poste d'envoyer ses restantes chez moi de sorte que tu peux écrire ici, si encore rien aux restantes. Je ne commente pas les dernières grossièretés de Loyola, et je n'ai plus d'activité à me donner de ce côté là à présent, comme il paraît que la 2è " portion " du " contingent " de la  " classe 74 " va-t-être appelée le 3 novembre " suivt ou prochain : la chambrée de nuit : " Rêve "

                                         On a faim dans la chambrée -
                                                       C'est vrai...
                                         Emanations, explosions. Un génie :
                                                   " Je suis le Gruère ! -
                                                   Lefèbvre : " Keller ! "
                                         Le Génie : " Je suis le Brie ! "
                                       Les soldats coupent sur leur pain :
                                                      " C'est la vie !
                                                Le Génie . - Je suis le Roquefort !
                                                   - " Ca s'ra no' mort ! ...
                                                     - Je suis le Gruère
                                                       Et le Brie !... etc.
                                                          - Valse -
                                    On nous a joints, Lefèvre et moi...
                                                               etc...

                  
                                        (  Passées ses aventures avec Verlaine, sa vie de poète, si à 16 ans il a refusé de passer le baccalauréat, il l'envisage à 21 ans et se propose de passer un bac S. Peut-être pourrait-il devenir ingénieur. Verlaine lui dit " C'est Pipo qu'il faut ". Centrale, Polytechnique, les Mines. Suite donc de la lettre.)
                                                        
                                                          Frédérik et Arthur 

de telles préoccupations ne permettent que de s'y " absorbère ". Cependant renvoyer obligeamment , selon les occases, les " Loyolas " qui rappliqueraient.
            Un petit service : veux-tu me dire précisément et concis - en quoi conciste le " bachot " " es sciences
actuels " , partie classique, et mathém. etc - Tu me dirais le point de chaque partie que l'on doit atteindre : mathém. phys. chim. etc - et alors des titres, immédiat, ( et le moyen de se procurer ) des livres employés dans ton collège: par ex., pour ce "Bachot " à moins que ça ne change aux diverses universités, en tous cas de professeurs ou d'élèves compétents, t'informer à ce point de vue que je te donne. Je tiens surtout à des choses précises, comme il s'agirait de l'achat de ces livres prochainement - Instruc militaire et " bachot ", tu vois, me feraient deux ou trois agréables saisons ! Au diable d'ailleurs ce " gentil labeur " . Seulement sois assez bon pour m'indiquer le plus mieux possible la façon comment on s'y met.
            Ici rien de rien.
            J'aime à penser que le Petdeloup et les gluants pleins d'haricots patriotiques ou non ne te donnent pas plus de distraction qu'il ne t'en faut. Au moins ça ne chlingue pas la neige, comme ici .
            A toi " dans la mesure de mes faibles forces ".
                                           Tu écris :
                                                            A. Rimbaud
                                     31 rue St Barthélémy,
                                         Charleville ( Ardennes ) va sans dire.
           P.S. La corresp : en " passepoil" arrive à ceci, que le Némery avait confié les journaux de Loyola à un agent de police pour  me les porter.
                                        

                                                                                              A. Rimbaud
                                                                                          ( in Correspondance )

                                         

mardi 2 octobre 2012

Vin d'Havdala *** Dans la Cour *** Charme Myriam Ulinover ( Poème anthologie poésie yiddish )

                               
                                                    
                                                      Vin d'Havdala


                                           Chacun boit le vin d'Havdala,
                                           J'en bois moi-même quelques gouttes,
                                           Grand-mère me dit, tendre et grave :
                                           - Ma chère enfant sois avertie

                                           Qu'à boire le vin d'Havdala
                                            La barbe vient aux jeunes filles,
                                            C'est écrit noir sur blanc là-bas
                                            Dans l'armoire aux anciens livres.

                                           Tremblante de frayeur je palpe
                                           Mon petit menton : Dieu merci
                                           Il est tendre et lisse. Rien d'autre
                                           Que la peur ne le hérisse !                                     

                                        
                                                                                                    Myriam Unilover




                                                            Dans la Cour

                                             Matin d'été - cinq heures sonnent
                                             Déjà la cour s'est éveillée,
                                             Et l'on court joyeux et vivace
                                             Porter la graine au poulailler.

                                             Un garçon poursuit une fille,
                                             Le coq en est paralysé.
                                             Il lui prodigue des caresses
                                             Il lui donne un tendre baiser.

                                             Ne sachant quoi faire, la fille
                                             Ne s'avise plus de bouger.
                                             Le sang lui vient-il au visage,
                                             Le coq jaune reste figé.

                                             Et s'il picore dans ses yeux
                                             La jeune rougeur de la fille
                                             Porteront dès lors tous les oeufs
                                             Tache de sang sur leur coquille.


                                                                                                   Myriam Unilover

                                                                                                       
                                                             Charme                                            jeanne - modigliani


                                              Quand parfois aux yeux d'une fille
                                              Une ombre nocturne surgit,
                                              Grand-mère, de son bréviaire,
                                              Tire vite un grain de magie.

                                              " Nourris d'orgelets une poule
                                              Quand en ville règne la faim.
                                              Chère enfant, et jamais tes yeux
                                              D'orgelets ne seront atteints. "

                                              Dans ton bréviaire, ô mon aïeule,
                                              Tu as peut-être d'autres charmes
                                              Qui pourraient protéger mes yeux
                                              D'une lourde et brûlante larme ?

                                                                                                           
                                                                                                   Myriam Unilover